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Ours esprits

Les ours esprits sont des ours noirs à fourrure blanche (Ursus americanus kermodei) qui vivent dans les forêts pluviales tempérées côtières dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Leur remarquable couleur est causée par un rare trait génétique récessif. Le nom « ours esprit » ne désigne pas une espèce ou une sous-espèce, mais plutôt la coloration unique de la sous-espèce côtière d’ours noirs kermodei en Colombie-Britannique. Appelés « moksgm’ol », ou « ours blanc », par les Premières Nations tsimshians de la côte, les ours esprits occupent depuis longtemps une place prépondérante dans la culture locale ainsi que, plus récemment, dans l’écotourisme autochtone.

Ours esprit

Description

Les ours esprits sont des ours noirs peu communs qui se démarquent par leur fourrure de couleur blanche (ou crème), causée par un trait génétique rare chez les ours noirs côtiers. Leur pelage est complètement blanc, de la racine jusqu’à la pointe de leurs poils. Cependant, ils ne sont pas albinos, ce qui fait que leurs yeux foncés et leur nez sont semblables à ceux de leurs congénères à la fourrure noire. Cette coloration unique est le résultat d’une variation peu commune du gène MC1R (récepteur de la mélanocortine de type 1), qui contribue à produire la mélanine, ou le pigment responsable de la couleur de la peau, des cheveux et des yeux. C’est le même gène qui est responsable des cheveux roux chez les humains et des fourrures blondes chez les labradors retrievers.

Il est important de souligner que les ours esprits ne sont pas une espèce ou une sous-espèce distincte, mais plutôt une variation dans la couleur de la fourrure de la sous-espèce U. americanus kermodei. Cela signifie qu’ils peuvent se reproduire avec des ours noirs à la fourrure noire. Des études génétiques ont révélé que la coloration blanche des ours esprits est récessive chez les individus à fourrure noire. Ainsi, chaque parent doit être porteur d’une copie du gène muté pour que leur union produise un ourson blanc. Par conséquent, un ours esprit et un ours à la fourrure noire peuvent donner naissance à des oursons esprits, pour autant que le parent de couleur noire porte une copie du gène muté.

LE SAVIEZ-VOUS?
Un allèle est une variation particulière d’un gène ou la partie d’une cellule qui détermine les caractéristiques physiques. Chaque mammifère est porteur de deux allèles, un qui vient de sa mère et l’autre de son père. Certains allèles sont dominants et d’autres sont récessifs. Par exemple, un bébé ours noir peut recevoir un allèle pour une fourrure noire de sa mère et un allèle pour une fourrure blanche de son père. Puisque l’allèle pour une fourrure noire est dominant et que le blanc est récessif, l’ourson aura une fourrure noire. Pour qu’un trait récessif tel que, dans le cas présent, une fourrure blanche, se manifeste, l’ourson doit recevoir une copie de l’allèle récessif de chacun de ses parents.

Une fois adultes, les ours esprits pèsent entre 80 et 200 kg, les femelles étant généralement plus légères que les mâles. Ils mesurent entre 60 et 90 cm au garrot et entre 120 et 190 cm de long. Dans la nature, les ours esprits ont une espérance de vie d’environ 25 ans.

En dépit du fait que les Premières Nations cohabitent avec les ours esprits depuis des milliers d’années, il faut attendre 1905 pour que ceux-ci soient remarqués par la communauté scientifique. Cette année-là, le zoologiste américain William Hornaday les classifie comme une sous-espèce (d’abord erronément identifiés comme une espèce à part) qu’il nomme en l’honneur de son collègue Frank Kermode, le conservateur du Provincial Museum de Victoria, en Colombie-Britannique. Bien que techniquement le terme « ours Kermode » désigne tous les ours de cette sous-espèce, peu importe la couleur de leur fourrure, en dehors des textes et discours scientifiques « ours Kermode » fait généralement référence aux ours esprits à la fourrure blanche.

Évolution

De nombreuses références aux ours esprits dans les anciennes traditions orales de Premières Nations de la côte semblent indiquer que l’espèce habite son territoire actuel depuis des temps immémoriaux. Des analyses génétiques suggèrent que les ours esprits sont apparentés aux sous-espèces côtières d’ours noirs qui habitaient probablement les régions sans glace du plateau continental pendant la période glaciaire du Pléistocène. D’autres recherches concluent que la blancheur de la fourrure a sans doute été préservée par une combinaison de plusieurs facteurs, notamment l’isolation génétique, la petite taille des populations, des avantages sélectifs (p. ex., leur habileté relative à attraper les saumons), et peut-être des accouplements non aléatoires (les ours esprits préférant s’accoupler avec d’autres ours esprits).

Distribution et habitat

A spirit bear wades through a stream in British Columbia's Great Bear Rainforest.

La sous-espèce kermodei de l’Ursus americanus, qui est la seule sous-espèce à manifester régulièrement la coloration de l’ours esprit, habite le nord-ouest de la Colombie-Britannique, du bassin de la Nass au chenal Burke. La plus importante population d’ours esprits se trouve dans la forêt pluviale de Great Bear sur les îles Gribbell et Princess Royal, où environ 43 et 17 % des ours ont la fourrure blanche, respectivement. Sur le continent, les environs de Terrace sont aussi notables pour leur population d’ours esprits.

Ces environnements forestiers proches de la côte sont aussi ceux que préfèrent les ours noirs « communs ». Chaque automne, les ours esprits creusent une tanière qu’ils occuperont pendant leur sommeil hivernal, de novembre à mars. Dans des systèmes côtiers semblables, on a remarqué que les ours noirs préfèrent creuser leurs tanières sous les racines de vénérables cèdres de l’ouest rouges ou jaunes, entre 250 et 700 m au-dessus du niveau de la mer.

Population

Le nombre exact d’ours esprits habitant leur aire de distribution est inconnue. Quant aux populations d’ours esprits dans les îles de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique, les estimations varient de 100 à 200 individus, et pouvant aller jusqu’à 220 ou 310.

Alimentation

Comme tous les autres ours noirs, les ours esprits sont omnivores, c’est-à-dire qu’ils mangent des plantes et d’autres animaux. Leur régime alimentaire varie donc grandement, selon l’endroit où se trouvent les ours ainsi que la nourriture disponible pendant chaque partie de l’année. Selon ce qui est disponible, leur alimentation peut inclure des baies, des herbes, des plantes, des insectes, de la charogne, des organismes intertidaux (c.-à-d. des pouces-pieds, des palourdes, des moules, des oursins, etc.), de jeunes orignaux, des faons, et du saumon en frai. Au printemps, ils se nourrissent surtout de végétation émergente comme du chou puant et des joncs qu’ils retrouvent en basses terres, notamment dans les estuaires et les terres humides. Pendant l’été, ils mangent diverses espèces de baies à mesure qu’elles émergent, y compris des bleuets, des myrtilles ainsi que les fruits de la ronce remarquable, appelés salmonberries en anglais, ce qui signifie « baies de saumon ». Pendant l’automne, le saumon du Pacifique (Oncorhynchus) en frai constitue une partie importante de l’alimentation des ours côtiers, offrant une nourriture riche en énergie, cruciale avant le sommeil hivernal. Les ours noirs côtiers mâles mangent davantage de saumon que les ours femelles.

Certaines recherches démontrent que les ours esprits ont davantage de succès dans la pêche au saumon pendant la journée que leurs congénères à fourrure noire. Il a été suggéré que cet avantage s’explique par le moins grand contraste entre leur fourrure blanche et un ciel nuageux que celui produit par un pelage noir, du moins du point de vue du poisson. En effet, des informations préliminaires indiquent que les ours esprits consomment davantage d’aliments marins que leurs congénères à fourrure noire sur l’île Gribbell.

Reproduction et maturation

Les ours noirs, peu importe la couleur de leur pelage, s’accouplent de la mi-mai à la mi-juillet. Les femelles deviennent sexuellement matures entre trois et quatre ans. Bien que la fécondation se fasse au début de l’été, l’embryon ne s’implante pas dans l’utérus avant la fin de l’automne. La femelle donne naissance à un, deux, ou trois oursons lors de leur période de sommeil hivernal en janvier ou en février. Les petits naissent nus et pèsent environ 400 g. Les mères et leurs oursons émergent de leurs tanières en mars ou avril. Les petits sont sevrés autour de l’âge de huit mois, mais peuvent rester avec leur mère jusqu’à l’âge d’un an et demi.

Écologie

Comme la plupart des ours côtiers, les ours esprits jouent un rôle important dans les écosystèmes côtiers. En effet, quand ils ramènent du saumon des rivières vers la forêt pour le manger, d’autres animaux (c.-à-d. les aigles, les visons, etc.) se nourrissent des restants, qui peuvent aussi servir d’engrais pour les arbres et les plantes de la forêt. Cet acte de fertilisation par le saumon peut influencer les types de plantes, d’insectes et même d’oiseaux qui peuplent les forêts influencées par cette relation entre l’ours et le saumon.

Sur les îles accueillant les plus grandes populations d’ours esprits, les grizzlis (Ursus arctos) sont généralement absents. Cependant, de plus en plus de grizzlis s’installent sur plusieurs îles abritant d’importantes populations d’ours esprits. L’impact de ces nouveaux arrivants sur les ours esprits n’a pas encore été étudié. Cependant, étant donné que les grizzlis sont de meilleurs pêcheurs de saumon et peuvent tuer des ours noirs, il se peut que les ours esprits soient affectés négativement par l’arrivée des grizzlis sur leurs îles.

Relation avec les humains

Les ours esprits sont profondément respectés par les Premières Nations tsimshians, qui partagent leurs territoires traditionnels avec les ours esprits. Appelés moksgm’ol dans les langues tsimshians, les ours esprits sont l’objet de plusieurs contes et légendes. Une de ces histoires raconte que le Corbeau a créé les ours esprits en mémoire de la dernière période glaciaire pendant laquelle son habitat était couvert par la neige et la glace. De nos jours, les ours esprits sont devenus une espèce phare pour l’écotourisme organisé par les Autochtones.

Depuis le milieu du 20e siècle, il est interdit de chasser les ours esprits en Colombie-Britannique. Avant cette époque, cependant, les fourrures des ours esprits étaient hautement convoitées par les chasseurs de trophées et les collectionneurs de musée, encourageant les commerçants de fourrures à piéger et à abattre un grand nombre de ces animaux.

En 2006, l’ours esprit devient le mammifère provincial de la Colombie-Britannique.

Périls

Les ours esprits prospèrent dans des écosystèmes côtiers sains. Par conséquent, tout ce qui peut menacer les vieilles forêts et les populations de saumon, notamment la coupe du bois et la pisciculture commerciale, menace également les ours esprits. De même, la contamination des proies intertidales par les marées noires est aussi une menace pour les ours esprits.

Taxonomie des ours esprits

Règne

Animalia

Embranchement

Chordata

Classe

Mammalia

Ordre

Carnivora

Famille

Ursidae

Genre

Ursus

Espèce

Ursus americanus

Sous-espèce

Ursus americanus kermodei