Théâtre d'expression anglaise
Le terme théâtre fait généralement référence à un genre littéraire composé de textes destinés à être présentés sur scène. Cependant, la littérature dramatique comprend de nombreuses œuvres qui n'ont jamais été montées et qui, malgré leur forme, ne sont pas destinées à la scène. De nombreuses pièces n'ont pas été (ou n'auraient pas pu être) écrites ou conservées sous forme de textes traditionnels. Cela est surtout vrai en ce qui concerne le théâtre de la seconde moitié du XXe siècle.
On pourrait donc s'attendre à ce que l'histoire du théâtre canadien comporte différentes formes déterminées par les conditions et la nature de nos théâtres ainsi que par les conventions littéraires. L'expérience coloniale, la montée du nationalisme et diverses forces sociales et politiques ont influencé les arts et la littérature et façonné l'évolution du théâtre d'expression anglaise au Canada.
Les premières pièces de théâtre canadiennes de langue anglaise sont peu nombreuses et s'inspirent largement de modèles étrangers. Tel est le cas de The New Gentle Shepherd (1798), du lieutenant Adam Allan, une version de la pièce d'Allan Ramsay The Gentle Shepherd (1725), drame pastoral écrit en dialecte écossais et « réduit à l'anglais » par Allan. Les tragédies épiques anglaises du XVIIe siècle, comme The Conquest of Granada (1670, 1671), de John Dryden, ont de toute évidence inspiré le drame en vers de George Cocking « The Conquest of Canada » (1766), dans lequel le général WOLFE mène à la victoire des soldats britanniques pourtant moins nombreux que l'ennemi.
Ponteach (1766), de Robert ROGERS, un drame en vers plaisant par moments et dans lequel l'auteur décrit la défaite du noble sauvage PONTIAC devant les méchants envahisseurs européens, n'est Canadien que parce que Rogers, né aux États-Unis, a séjourné pendant un court moment au Canada. La pièce anonyme Acadius, présentée à Halifax en 1774 et conservée sous la forme d'un extrait en deux actes dans le Nova Scotia Gazette et le Weekly Chronicle (1774), raconte les aventures adultères d'un commerçant de Boston et les tentatives de ses domestiques noirs pour échapper à l'exploitation qu'ils subissent.
XIXe siècle
Au XIXe siècle, les pièces en prose sont plus nombreuses que les drames en vers, même si la croyance populaire veut le contraire. Il est vrai que des auteurs aspirant à la notoriété écrivent des pièces et des « saynètes dramatiques » en vers qu'ils ne destinent pas à la scène et dont un grand nombre sont publiées dans le Literary Garland. Rédigée en vers classiques, la pièce anonyme The Queen's Oak (1850), qui traite de la rencontre d'Elizabeth Woodville et d'Édouard IV, en est un exemple typique. Eliza Lanesford Cushing est la plus remarquable parmi les collaborateurs du Garland. Elle écrit 10 pièces, dont The Fatal Ring (1840), qui met en scène une comtesse vertueuse séduite par un charmant roi coureur de jupons.
La qualité inégale de ses vers non rimés et de son ton moral ressort du drame biblique Esther (Lady's Book, vol. 16-17, 1838), de Cushing. L'une des premières pièces publiées sous forme de monographie, Saul (1857), de Charles HEAVYSEGE, s'est attirée le respect de John A. MacDONALD et de Henry Wadsworth Longfellow, entre autres. Cependant, à l'instar de Count Filippo (1859), de Heavysege, cette pièce volumineuse et sentencieuse est tombée dans un oubli bien mérité. Santiago (1866), de Thomas Bush, l'une des pièces en vers les plus ambitieuses de l'époque, s'alourdit d'allusions obscures, de passages en vers non rimés incompréhensibles et d'excès mélodramatiques.
Les dramaturges de la fin du XIXe siècle abordent davantage des sujets locaux, mais la qualité de leur expression s'améliore à peine. Dans Tecumseh (1886), Charles MAIR fait davantage état de son ardent patriotisme que de son talent littéraire. Sarah Anne CURZON, dont le talent pour la poésie est plus limité que celui de Mair, témoigne du même penchant pour le patriotisme dans Laura Secord (1887). Dans De Roberval (1888), John Hunter-Duvar cherche à exploiter trop de thèmes à travers les aventures du sieur de ROBERVAL au cours de la colonisation du Canada.
Il n'est pas rare de voir des éléments étrangers et locaux se mêler au théâtre poétique, comme le prouvent les nombreuses œuvres de William Wilfred CAMPBELL. Daulac (1908) traite de la courageuse résistance de DOLLARD DES ORMEAUX à Long-Sault, alors que Mordred (1895) a pour sujet principal le fils naturel du roi Arthur. Trait caractéristique de ce genre, les cinq pièces de Campbell s'alourdissent de vers shakespeariens solennels et d'une philosophie écrasante, ce qui les rend impropres à la scène.
Au début du XIXe siècle, la publication de satires politiques et sociales dans les journaux donne naissance à un théâtre d'actualité. C'est le cas de la célèbre pièce The Charrivarri (The Scribbler , vol. 3-4, 1823), de Samuel Hull Wilcocke (pseudonyme : Lewis Luke MacCulloh), de The Triumph of Intrigue (auteur inconnu,New Brunswick Courier , 1833) et de Provincial Drama Called the Family Compact (British Colonist , 1839) attribuée à Hugh Scobie (pseudonyme : Chrononhotonthologos).
À la fin du XIXe siècle, on continue de publier des saynètes tout aussi cinglantes, dont The Unspecific Scandal (Canadian Illustrated News , 1874), de William Henry Fuller, qui traite du SCANDALE DU PACIFIQUE, et The Sweet Girl Graduate (Grip-Sack , 1882), de Curzon, dans laquelle l'auteur révèle la discrimination sexuelle à l'égard des femmes qui sévit à l'Université de Toronto. Des satires abordant des thèmes d'actualité paraissent vers les années 1850.
The Female Consistory of Brockville (1856) permet à son auteur anonyme, « Caroli Candidus », de dénoncer l'hypocrisie qui règne dans le presbytère de Brockville. « Sam Scribble » écrit Dolorsolatio (1865), une parodie dans laquelle il présente la Confédération comme le remède aux douleurs de grand-papa Canada, et King of the Beavers (1865), dans laquelle des FENIANS complotent d'attaquer Beaverland. The Fair Grit (1876), de Nicholas Flood DAVIN, dépeint une excellente satire des partis politiques.
Certains personnages publics jouent un rôle important dans l'évolution du théâtre au Canada. À Ottawa, entre 1872 et 1878, lady Dufferin organise des représentations à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général. Elle encourage, entre autres dramaturges, Frederick A. DIXON, auteur de l'opérette comique The Maire of St. Brieux (1875). La mascarade de Dixon Canada's Welcome (1879), qui relate l'établissement des pionniers dans cette étendue déserte qu'est le Canada, est présentée au marquis de Lorne et à la princesse Louise, au Grand Opera House d'Ottawa, en 1879.
Les comédies musicales sont aussi très nombreuses au XIXe siècle. Leo, the Royal Cadet (1889), de George Frederick Cameron (musique d'Oscar Telgmann), raconte l'amour qu'éprouve Nellie pour Leo, élève officier devenu héros en combattant les Zoulous. Nina (1880), de Thomas Herbert Chesnut, est une « opérette navale » comique influencée par Gilbert et Sullivan. Les parodies et comédies burlesques musicales s'imposent. L'exemple le plus célèbre est sans conteste M.S. Parliament (1880), de William Henry Fuller, qui s'inspire de M.S. Pinaforeour pour faire la satire de la politique et des politiciens canadiens. Jean Newton McIlwraith fait preuve d'une plus grande originalité avec Ptarmigan (1895, musique de J.E.P. Aldous), comédie qui aborde l'identité canadienne par le biais de l'association pour l'annexion.
Plusieurs autres genres dramatiques apparaissent aussi tout au long du XIXe siècle. Le récit en prose de Catharine Nina Merritt, When George the Third Was King (1897), glorifie les LOYALISTES installés au Canada. Parmi les mélodrames, citons More Sinned Against than Sinning (1882), de John Louis Carleton, une pièce appartenant au genre absurde qui sera pendant de nombreuses années une attraction annuelle à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. À l'instar de Chick (1893), une pièce de second ordre de Harry Lindley, ou de Minnie Trail (1871), une histoire mal racontée de W.P. Wood, ces mélodrames ont les faiblesses propres à ce genre sans en avoir les forces.
XXe siècle
Au XXe siècle, on continue d'écrire des drames poétiques, notamment The Witch of Endor (1916), du révérend Robert Norwood, des mélodrames et des comédies légères, comme les pièces de W.A. Tremayne, entre autres. The Man Who Went (1918), un drame d'espionnage qui se déroule pendant la guerre, est un exemple typique des pièces remplies de clichés et destinées à une scène commerciale américaine. Au début du XXe siècle, les pièces pour enfants et les scénarios à caractère éducatif ou religieux et ceux prônant la tempérance sont très en vogue. Il en est de même des sketches humoristiques, parmi lesquels des adaptations de pièces de Dickens et les comédies burlesques de Stephen LEACOCK, vestiges d'un théâtre révolu.
Après la Première Guerre mondiale, les dramaturges canadiens écrivent dans le cadre du mouvement amateur qui se répand dans tout le pays. Dans Canadian Plays From Hart House Theatre (2 vol., 1926-1927), le rédacteur Vincent MASSEY cite comme exemples des différents genres que présente ce« petit théâtre »Balm, Brothers in Arms et The Weather Breeder , trois courtes comédies humoristiques de Merrill DENISON (premier grand dramaturge du siècle). Sa pièce Marsh Hay , drame réaliste en quatre actes publié dans The Unheroic North (1923), aborde d'importants thèmes canadiens.
À l'époque, les pièces en un acte prédominent. La pièce en vers The Woodcarver's Wife (University Magazine , 1920), de la poétesse Marjorie Pickthall, est présentée au Hart House de l'Université de Toronto. Par contre, la pièce The Cradle (1928), d'Amy Campbell, qui fait écho au style poétique de Synge, n'a jamais été montée. One Act Plays by Canadian Authors (1926) réunit 19 pièces, dont seules Come True et Low Life sont dignes de mention, et ce, parce qu'elles sont de Mazo DE LA ROCHE. Ces œuvres sont antérieures à Whiteoaks (1936), drame classique adapté de son roman Les Whiteoaks de Jalna , qui tiendra l'affiche pendant plus de deux ans à Londres, en Angleterre, avant la guerre.
Vers le milieu des années 1930, la Samuel French (Canada) Ltd. lance la Canadian Playwrights Series, dans laquelle elle propose des pièces en un acte dont Summer Solstice (1935), de Martha Allan (influencée par Heartbreak House , de G.B. Shaw), Jim Barber's Spite Fence (1936), pièce amusante de Lillian Thomas, et The Lampshade , qui relate l'histoire d'un assassinat, de W.S. Milne.
Dans ses 4 Plays of the Pacific Coast (1935), A.M.D. Fairbairn met en scène les Indiens de la côte Ouest et le choc des cultures blanche et autochtone. La légende québécoise d'une femme qui aurait dansé avec le diable est traduite en distiques rimés par E.W. Devlin, dans Rose Latulippe (1935). Enfin, la misère engendrée par la CRISE DES ANNÉES 30 inspire les drames Twenty Five Cents (Toronto, 1936), d'Eric Harris, et Open Doors (1930), de Lois Reynolds Kerr.
Par ailleurs, la Crise suscite la création de nombreuses pièces dites de « travailleurs ». Dorothy LIVESAY est la plus connue parmi les auteurs de ce genre avec Joe Derry (Masses, 1933), une pièce qui laisse beaucoup de place à la pantomime. C'est toutefois àEight Men Speak (1934), d'Oscar Ryan, E. Cecil-Smith, H. Francis et Mildred Goldberg, que revient la première place. Eight Men Speak est à la fois importante d'un point de vue historique et comme pièce ayant su utiliser efficacement l'agitation-propagande et d'autres techniques du même type. Les « pièces de travailleurs » mises à part, l'expérience la plus audacieuse est sans doute l'« expressionnisme symphonique » de Herman VOADEN. Ses œuvres, qui alliaient musique et danse, étaient, à ce qu'on dit, irrésistibles, mais elles pourraient paraître démodées, aujourd'hui, et leur texte trop imagé manque de naturel.
Si une pièce en un acte doit se démarquer, ce sera Still Stands the House (Carolina Playbook , 1938), de Gwen RINGWOOD. Cette pièce dresse un portrait touchant et réaliste de la misère et de la répression spirituelles qu'ont connues les Prairies en des temps difficiles. La pièce radiophonique de Len PETERSON, Burlap Bags (produite en 1946 et publiée en 1972), mérite également une mention pour le portrait du monde aliéné et absurde de l'après-guerre qu'elle trace. Cette œuvre pourrait s'inscrire à mi-parcours entre l'expressionnisme des années 1930 et le théâtre existentialiste des années 1950 et des années 1960.
Dramaturge le plus important de la fin des années 1940 et du début des années 1950, Robertson DAVIES utilise un ton ironique et satirique pour décrire les petits bourgeois canadiens. Ses premières pièces sont montées par des amateurs, mais le Crest Theatre (un théâtre professionnel de Toronto) mettra en scène A Jig for the Gypsy (1954) et Hunting Stuart (produite en 1955 et publiée en 1972). Au cours des années 1950, apparaît au Canada un théâtre professionnel moderne, rehaussé par la création du FESTIVAL DE STRATFORD.
À partir des années 1930, la radio contribue au mouvement professionnel en engageant des dramaturges. Lister SINCLAIR, auteur de The Blood is Strong (A Play on Words, 1948), se distingue, vers la fin des années 1940, comme un dramaturge radiophonique prolifique. Dans The Devil's Instrument (1949, publiée en 1973), W.O. MITCHELL met en scène un jeune huttérite des Prairies en révolte contre sa religion. Dans The Black Bonspiel of Wullie MacCrimmon (1951, publiée en 1965), il oppose avec humour Wullie à Satan, un avide joueur de curling.
Earle BIRNEY accuse avec imagination et ironie la ville de Vancouver dans Trial of a City (1952). Teach me How to Cry (1955), une étude sentimentale de Patricia JOUDRY sur les préjugés des petites villes, est présentée à la radio et à la télévision (1953), avant d'être produite par une troupe professionnelle à New York (1955). Elle reçoit, en 1956, le prix pour la meilleure pièce de théâtre au Festival national d'art dramatique (aujourd'hui Théâtre Canada). Elle sera présentée au West End de Londres par une troupe entièrement canadienne sous le titre Noon Has no Shadow , avant d'être portée à l'écran.
À l'instar de Dylan Thomas dans Under Milk Wood , John REEVES s'attaque au puritanisme canadien dans A Beach of Strangers (1961). John COULTER, dont les pièces des années 1930 jouissent d'une grande popularité auprès des troupes d'amateurs, écrit aussi pour la radio, où il présente un héros canadien émouvant dans Riel (produite en 1950 et publiée en 1962). La dernière œuvre dramatique de Coulter, François Bigot (1978), est également une pièce à caractère historique.
Vers la fin des années 1960, le théâtre connaît une effervescence sans précédent. Les productions sont à la fois de plus en plus nombreuses et d'une qualité toujours meilleure. Cette tendance se poursuit au cours des années 1970. En 1967, la pièce originale et métaphorique Colours in the Dark , de James REANEY, qui traite d'une enfance vécue dans la répression du sud de l'Ontario, est montée au Festival de Stratford. La même année, le Manitoba Theatre Centre présente Lulu Street (1972), d'Ann Henry, une pièce sensible qui aborde d'un œil critique la grève générale de Winnipeg.
Dans Fortune and Men's Eyes (1967), John Herbert décrit en détail l'oppression intellectuelle et sexuelle en prison. La pièce est montée pour la première fois en 1967, à New York, même si elle a été présentée en atelier au Festival de Stratford, en 1965.
Toujours en 1967, George RYGA aborde sur un ton provocateur et émouvant les relations entre autochtones et Blancs dans The Ecstasy of Rita Joe (1970). La pièce est présentée au VANCOUVER PLAYHOUSE, puis au CENTRE NATIONAL DES ARTS d'Ottawa, en 1969. Grass and Wild Strawberries (1971), une pièce multimédia « hippie », remporte un grand succès à Vancouver. Bien que très discutée, elle est loin d'avoir fait autant de bruit que sa pièce Captives of the Faceless Drummer (1971). Dans Crabdance (1971), la dramaturge de Colombie-Britannique Beverley SIMONS utilise l'absurde pour décrire les difficultés vécues par Sadie Goldman, une femme d'âge moyen, dans un monde moderne stressant.
Au début des années 1970, de petits théâtres professionnels apparaissent au Canada et tentent de promouvoir les nouvelles pièces canadiennes. Un certain nombre de ces pièces entrent dans le genre classique. Dans Leaving Home (1972) et sa suite Of the Fields, Lately (1973), David FRENCH utilise les conventions du réalisme pour mettre en scène les tensions psychologiques que subit une famille terre-neuvienne contrainte de déménager à Toronto. Sa pièce Jitters (produite en 1979 et publiée en 1980) est une comédie de mœurs satirique plus complexe portant sur le théâtre canadien.
Avec Creeps (1972), qui traitent de la vie des handicapés physiques ou mentaux, David Freeman se joint à French pour se lancer dans une forme de réalisme articulé. Ses pièces portent sur le réalisme du début des années 1970. Parmi les pièces réalistes, citons One Crack Out (1975), de French, drame dont l'action se déroule dans une salle de billard, Wedding in White (1973), de William Fruet, et The Photographic Moment (1974), de Mary Humphry Baldridge.
La pièce inuite Esker Mike and his Wife Agiluk (TDR, 1969), de Herschel Hardin, de facture moins réaliste, ne passe pas inaperçue. Il en est de même pour la satire documentaire de Carol BOLT, Buffalo Jump (1972), qui traite de la MARCHE SUR OTTAWA, et pour son portrait de l'anarchiste et féministe Emma Goldman, Red Emma (1974).
À Terre-Neuve, Michael COOK écrit Colour the Flesh the Colour of Dust (1972), The Gayden Chronicles (1977) et On the Rim of the Curve (1977). Cette dernière traite de la disparition des Indiens BÉOTHUKS. Ces drames brechtiens utilisent des moments de l'histoire du Canada pour aborder les injustices sociales et politiques du monde moderne et se classent parmi les meilleures pièces historiques avec Counsellor Extraordinary (1971), de Stewart Boston, The Last of the Tsars (1973), de Michael Bawtree, Sainte-Marie Among the Hurons (1977), de James Nichol, et After Abraham (1978), de Ron Chudley. Les pièces plus courtes de Cook, Quiller (1975) et Tiln (1973), ainsi que ses pièces en deux actes, The Head, Guts and Sound Bone Dance (1974) et Jacob's Wake (1975) adoptent une attitude philosophique à l'égard de la vie moderne à Terre-Neuve et l'expriment dans un langage très imagé.
Dans l'ouest du Canada, Sharon POLLOCK écrit Walsh (1972), la première des cinq pièces qui feront sa réputation. Elle y raconte l'angoisse et les regrets d'un officier de la Police à cheval du Nord-Ouest qui a aidé à commettre une injustice envers Sitting Bull. Dans The Komagata Maru Incident (1978), elle utilise l'atmosphère d'un cirque pour parler du traitement que le Canada a réservé à un groupe d'immigrantsSIKHS arrivés par bateau en 1914. One Tiger to a Hill (1981) dépeint les nombreuses tensions engendrées par une prise d'otages dans une prison. Enfin, Blood Relations (1981) traite avec habileté la légende de Lizzie Borden. Generations (1981) est la seule pièce totalement réaliste de Pollock. Dans ses autres œuvres, elle laisse libre cours à son imagination pour recréer la réalité, obligeant le public à se concentrer sur les questions inhérentes aux événements réels décrits.
Au début des années 1970, l'expression CRÉATION COLLECTIVE décrit la manière dont de nombreux théâtres élaborent leurs pièces. Ce sont souvent des pièces documentaires improvisées autour d'un thème. Parmi les meilleures du genre, citons The Farm Show (1976), du Theatre Passe Muraille de Toronto, Far as the Eye Can See, créée par le Theatre Passe Muraille avec Rudy WIEBE, et Paper Wheat (1977), du 25th STREET THEATRE de Saskatoon. Ces pièces tirent leur force d'une mise en scène imaginative plutôt que d'une analyse approfondie d'un thème et laissent peu de place aux formes classiques d'analyse dramatique. C'est pourquoi ce genre théâtral complexe et raffiné est souvent déprécié ou délaissé par la critique.
La création collective fait souvent appel aux services d'un dramaturge. Tel est le cas pour Far as the Eye Can See et la célèbre pièce 1837: The Farmers' Revolt (1975), rédigées par Rick SALUTIN et le THEATRE PASSE MURAILLE. Dans Les Canadiens (1977), tout aussi célèbre et rédigée « avec l'aide de Ken Dryden », Salutin tire profit des changements rapides de temps, de lieu et d'action ainsi que de l'ambiguïté des personnages et de la structure sous forme de sketches propres aux œuvres collectives, tout en offrant une analyse plus approfondie du sujet, en l'occurrence, la vie sociale et politique au Québec. Rex DEVERELL écrit No I Hard (1978) à partir d'une création collective, mais il écrit seul Boiler Room Suite (1978), pièce où deux vieux ivrognes se plaisent en compagnie l'un de l'autre, et de Black Powder (1982), pièce documentaire qui traite des émeutes de 1931 à Estevan.
Même le dramaturge le plus acclamé du Canada anglais, James REANEY, exerce son génie au cours d'improvisations collectives. Au fil des ans, après l'amateurisme de ses premières pièces de style classique, il élabore un théâtre mythique, fondé sur des intrigues fragmentaires et une imagerie thématique saisissante qui se répercute dans la richesse du dialogue, la mise en scène, les personnages ou les objets. Sa trilogie Donnelly (Sticks and Stones, 1974; St. Nicholas Hotel, 1976; Handcuffs, 1977) passe pour l'œuvre théâtrale la plus intense jamais écrite au Canada anglais.
Les œuvres expérimentales de nombreux dramaturges défient les frontières du théâtre traditionnel canadien-anglais. La traduction de pièces québécoises, notamment les pièces évocatrices de Michel TREMBLAY, contribue à élargir le répertoire classique. Dans les années 1960, Wilfred WATSON présente au public des pièces multimédias souvent surréalistes, satiriques et poétiques. Let's Murder Clytemnestra According to the Principles of Marshall McLuhan (1969) est montée dans un décor rappelant un laboratoire sur un plateau dont l'avant-scène est pourvue de nombreux téléviseurs qui retransmettent l'action (pour le moins étrange) qui se déroule sur la scène.
Gramsci X3 (1983) traite du supplice et du meurtre d'Antonio Gramsci, théoricien et activiste politique italien. Dans une partie de la pièce, Watson utilise ses partitions numérotées, qui permettent aux acteurs de recourir à diverses techniques solos et de chorale pour les dialogues.
Le succès des nombreuses mises en scène de la pièce de Michael ONDAATJEThe Collected Works of Billy the Kid (v.f. Les œuvres complètes de Billy the Kid), une adaptation de son brillant récit poétique (1970), fait apparaître une forme théâtrale basée sur la juxtaposition de courtes scènes en prose et en vers. Une imagerie fertile, à la manière des pièces de la trilogie Donnelly de Reaney, transforme le récit de Billy le Kid en mythe, puis ironiquement, met en doute la nature de ce mythe.
Au début des années 1970, Lawrence Russell emploie des techniques surréalistes dans de courts passages de Penetration (1972) et de The Mystery of Pig Killer's Daughter (1975). Michael Hollingsworth jongle avec des événements bizarres dans Clear Light (1973) et Strawberry Fields (1973). La pièce Mathematics (1973), 190 secondes de silence au cours desquelles on lance un à un sur la scène six groupes d'objets soigneusement choisis, témoigne des expériences éphémères mais audacieuses de Hrant Alianak. Sa pièce Western (1973) met en scène un bandit armé et deux ravissantes femmes engagées dans un dialogue humoristique, constitué de noms de vedettes et de titres westerns, en attendant d'être délivrées par la cavalerie des 500 Indiens qui les ont attaqués.
Ken Gass, l'auteur de la pièce caricaturale et antifasciste Hurrah for Johnny Canuck! (1975), soulève la controverse avec Winter Offensive (1978), dans laquelle la femme d'Adolf Eichmann organise une orgie assez particulière pour des représentants nazis.
La pièce de Bryan Wade Blitzkrieg (1974), portant sur Hitler et Eva Braun, et plusieurs de ses premières pièces plus courtes (comme Lifeguard , 1973 et Alias, 1974), dénotent une imagination peu commune. Un chien qui parle et des maillets de croquet qui explosent donnent à Hope (1972), de Larry Fineberg, un caractère étrange. Zastrozzi (1977), Theatre of the Film Noir (1981) et Science and Madness (1982), de George Walker , regorgent d'une théâtralité amusante, le plus souvent au service d'une satire des formes dramatiques traditionnelles.
Tamara (1989), de John Krizanc, un texte innovateur, a remporté le prix Dora Mavor Moore (1981). Appartenant au genre « théâtre de participation », cette pièce permet au spectateur de suivre un personnage qu'il a choisi dans une grande et vieille maison où l'on présente la pièce. Personne ne voit l'ensemble de cette intrigue politique et amoureuse des années 1920 qui se déroule simultanément dans les nombreuses pièces de l'édifice, mais les habitués du théâtre prennent plaisir à la reconstituer en bavardant après le spectacle. Nombreux sont cependant ceux qui semblent passer à côté de l'étude sérieuse de l'incompatibilité entre l'art et la politique que fait la pièce.
Le théâtre accorde une attention particulière aux femmes depuis les années 1970. Les pièces de Sharon Pollock et de Carol BOLT analysent des thématiques féministes, et Margaret HOLLINGSWORTH s'inscrit au premier plan des dramaturges canadiennes. Son importante pièce Ever Loving (1981) retrace la vie de trois épouses de guerre venues vivre au Canada avec leurs maris. Ever Loving tout comme The Apple in the Eye (1977), Mother Country (1978), Operators et Bushed (1973) témoignent de son talent pour créer des personnages humains et vivants et pour créer des scènes alliant humour et tension. Erika RITTER fait preuve d'un esprit mordant et d'une pénétrante interprétation de la vie dans Automatic Pilot (1980).
Les années 1970 ont vu apparaître plusieurs écrivains talentueux dont Timothy FINDLEY, avec sa pièce retentissante Can You See Me Yet? (1977), et Sheldon Rosen, d'origine américaine, avec Ned and Jack (1979). David FENNARIO écrit la pièce la plus « canadienne » qui soit, Balconville (1980), un tableau comique bilingue de l'oppression subie par des habitants français et anglais d'un quartier pauvre de Montréal.
Dans Something Red (1978), The Jones Boy (1978) et The Workingman (1976), Tom WALMSLEY aborde le sexe et la violence avec force et réalismes, mais parfois avec excès. Dans Waiting for the Parade (1980), John MURRELL utilise un ton nostalgique pour décrire cinq femmes pendant la Deuxième Guerre mondiale à Calgary. Sa pièce précédente, Memoir (1978), manque malheureusement d'action dramatique.
La plupart des pièces cherchent à allier succès commercial et richesse du contenu, mais il y a prolifération de comédies de situation telles que Nurse Jane Goes to Hawaii (1981), d'Allan Stratton, et The Incredible Murder of Cardinal Tosca (1978), d'Alden NOWLAN et Walter Learning. Il faut cependant rendre justice à la pièce subtile et profonde de Stratton, Rexy (1981) et à la captivante pièce historique de Nowlan et Learning, The Dollar Woman (1981).
Les contraintes financières favorisent les spectacles solos, qui ne se comptent plus. Le célèbre mariage de Pierre Trudeau et l'idée originale de Linda GRIFFITHS, qui joue trois rôles dans Maggie and Pierre (produite en 1979), rendent cette pièce extrêmement populaire malgré la faiblesse du scénario. Notons que Griffiths a écrit Maggie and Pierre en collaboration avec Paul Thompson. Tout aussi populaire, la pièce de John GRAY, Billy Bishop Goes to War (1981) allie la comédie en solo et le théâtre musical, devenu une tendance.
Gray a écrit deux comédies musicales à distribution limitée : 18 Wheels (non publiée) et Rock and Roll (1982). Enfin, Ken MITCHELL exploite aussi cette forme dans son « Othello grand public »Cruel Tears (1976).
Voir aussiTHÉÂTRE DE LANGUE ANGLAISE.
Au tournant du XXIe siècle
Théâtre canadien contemporain d'expression anglaise
Le nombre de pièces canadiennes et de dramaturges a sensiblement augmenté au cours des dernières décennies du XXe siècle. De nombreux facteurs expliquent cette situation : les principaux théâtres régionaux ont donné une plus grande reconnaissance et plus de soutien au rayonnement de nouvelles pièces canadiennes, des associations de dramaturges ont été mises sur pied aux quatre coins du pays et l'exploration des identités nationales multiples et croisées par l'entremise du théâtre gagne en popularité. Ci-dessous se trouve une brève présentation des principaux dramaturges canadiens contemporains d'expression anglaise.
Le théâtre en province
Répertorier le théâtre d'expression anglaise par régions risque inévitablement de ne pas tenir compte de nombreuses distinctions importantes de chacune - et surtout d'enjeux de nature multiculturelle et interculturelle. Toutefois, si l'on garde à l'esprit ces considérations, la catégorisation régionale cerne de façon efficace un éventail de facteurs culturels, économiques et géographiques qui influencent incontestablement la création et la production théâtrale dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada. Aussi, bien que les régions identifiées ci-dessous aient des frontières perméables et de « multiples personnalités », elles représentent aussi d'importantes catégories d'identification à l'intérieur et à l'extérieur de ces frontières, et ce, tant sur le plan historique qu'au « tournant du siècle ».
Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique, et plus particulièrement Vancouver, s'enorgueillit d'une communauté théâtrale active avec des organisations professionnelles prospères comme le VANCOUVER PLAYHOUSE, le ARTS CLUB THEATRE , à Vancouver, et le BELFRY THEATRE, à Victoria. La création et la production de nouvelles œuvres canadiennes sont au cœur des mandats de plusieurs organisations de moindre envergure mais influentes, dont Touchstone Theatre and Rumble Productions. Des sociétés de théâtre jeunesse comme GREEN THUMB enrichissent régulièrement cette catégorie par l'ajout de nouvelles œuvres. Des initiatives comme le Playwrights Theatre Centre (autrefois le New Play Centre) et la Theatre BC's annual National Playwriting Competition offrent des ressources et sont des sources d'inspiration pour les nouveaux dramaturges de la province et du pays.
Les pièces de Sally Clark présentent un vaste éventail de contextes et de situations qui mettent l'accent sur la lutte de l'individu (habituellement la femme) contre l'inexplicable et écrasante bureaucratie sociale. Ses personnages ont une capacité d'adaptation étonnante, une qualité régulièrement exprimée dans l'humour satirique.
En 2002, Kevin Kerr a reçu le PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL dans la catégorie théâtre anglophone pour la pièce Unity (1918) (2001). Cette pièce est un riche pastiche de lyrisme, de symbolisme ouvert et de commentaire social. Elle apparie efficacement les conflits armés mondiaux à la propagation à l'échelle internationale de la grippe espagnole qui a tué des millions de personnes dans le monde à l'automne 1918.
Michael Lewis MacLennan est bien en vue parmi les jeunes écrivains de la Colombie-Britannique. Son œuvre se caractérise par des structures complexes trompeuses et un langage poétique. Ses pièces mettent l'accent sur les facteurs personnels et sociaux qui imposent la séparation et l'isolement tout en offrant la possibilité d'établir des liens qui semblent accidentels (sans l'être tout à fait).
Joan MACLEOD utilise l'humour avec ses personnages et les spectateurs afin d'introduire les enjeux de l'égalité, de la discrimination et de l'intégrité personnelle. MacLeod utilise un langage direct et accessible pour créer des personnages familiers qu'elle place ensuite dans des situations inattendues qui les obligent à réfléchir sur eux-mêmes.
Morris PANYCH est reconnu pour ses comédies noires. Toutefois, c'est sans doute sa capacité à créer des situations et des métaphores désarmantes et engageantes qui fascine le plus les spectateurs et encourage les gens à prendre partie dans des questions politiques ou existentielles.
Les provinces des Prairies
Les provinces des Prairies canadiennes comptent des communautés théâtrales vitales, et ce, particulièrement dans les grands centres urbains. Les scènes de l'Ouest canadien sont particulièrement achalandées pendant la saison estivale, où un festival de théâtre marginal de grande envergure présente une multitude de pièces canadiennes (voir FESTIVALS DE THÉÂTRE MARGINAL).
Les premières pièces bien ficelées de Maureen Hunter portent sur les difficultés de la vie de famille. Son écriture plus mature est de plus en plus allusive, lyrique, anachronique et teintée de concepts mystiques.
La pièce Selkirk Avenue (1990), de Bruce McManus, gagnant d'un prix du Gouverneur général, présente une version colorée et animée de l'histoire de Winnipeg vue par un narrateur adoptant le style Our Town. Elle raconte les expériences difficiles des différentes minorités successives d'immigrants qui ont justement bâti leurs maisons le long de la route qui porte le même nom que le titre de la pièce.
Ken MITCHELL apporte une importante contribution au théâtre de l'Ouest canadien. Peu de dramaturges sont associés aussi étroitement à la vie des Prairies, particulièrement celle de la Saskatchewan, sa province natale. Mitchell utilise la clarté structurelle et morale de la tragédie. Comme l'a noté l'auteur, la chute inévitable de ses personnages n'est pas ambiguë : ils succombent à la tentation d'un seul de leurs défauts déterminants. Universalisés par un romantisme séducteur, les protagonistes de Mitchell représentent en bout de ligne selon l'auteur lui-même « des attitudes bagarreuses et de défi envers le monde ».
John Murrell écrit des pièces qui combinent résonance émotionnelle et conscience sociale. Son œuvre la plus connue, Waiting for the Parade (1977), explore l'inégalité entre les sexes, l'oppression morale, le racisme et la mortalité. Même si les personnages sont parfois prévisibles et font preuve d'une capacité d'adaptation qui plaît aux spectateurs, la pièce évite de tomber dans les stéréotypes et présente une étude inspirante de la nature humaine. Murrell est reconnu comme le traducteur et l'adaptateur de l'œuvre d'Anton Tchekhov, d'Œdipe roi, de Sophocle, de Cyrano de Bergerac, de Rostand, et de pièces contemporaines de la dramaturge québécoise Carole Fréchette.
Sharon POLLOCK, une figure importante de la scène théâtrale canadienne pendant plus de 30 ans, a créé une œuvre importante. Son activisme social inébranlable et direct et ses efforts pour situer les questions personnelles de sexe et de classe dans un cadre politique plus large, principalement socialiste, écarte la possibilité d'un sentiment postmoderne de détachement et d'ironie. Cependant, les questions d'oppression et de domination systémiques explorées et mises à jour dans son œuvre demeurent pertinentes et spécialisées. Même les premières pièces de Pollock démontrent un enthousiasme certain pour l'expérimentation avec des questions relatives au temps, à l'espace et aux personnages. La capacité de Pollock à lier les aspects personnels et politiques dans ses pièces est au cœur de sa réputation durable qui fait d'elle une des plus importantes dramaturges canadiennes.
Ontario
Il ne sera pas surprenant de constater que la plus grande proportion des dramaturges canadiens se trouve en Ontario, plus particulièrement à Toronto, là où les possibilités de production et de collaboration sont les plus importantes du pays. La scène théâtrale professionnelle de Toronto est fière d'avoir des compagnies repères comme le THÉÂTRE PASSE MURAILLE, le TARRAGON THEATRE, le FACTORY THEATRE et Canstage (CANADIAN STAGE COMPANY) ainsi que des compagnies constituées plus récemment qui ont souvent des mandats culturels spécifiques comme la Native Earth Performing Arts, Buddies in Bad Times, fu-Gen Asian Canadian Theatre et le Obsidian Theatre. Il existe également bon nombre d'espaces théâtraux alternatifs - comme le Theatre Centre and ArtWord - qui présentent un vaste éventail de productions indépendantes. Ensemble, ces endroits offrent, pendant toute l'année, une source continue de nouvelles pièces principalement canadiennes et ont permis l'épanouissement de nombreux dramaturges canadiens de premier rang. À l'extérieur de Toronto, des organisations comme le Blyth Festival, The Great Canadian Theatre Company, à Ottawa, et le NATIONAL ARTS CENTRE, aussi à Ottawa, ont fait du rayonnement du théâtre canadien un élément inhérent à leurs activités.
Linda GRIFFITHS est une actrice et une dramaturge reconnue. Ses premières œuvres sont issues de travaux en collaboration. L'œuvre de Griffith n'adopte pas un mandat spécifiquement féministe. Son enracinement dans la tradition du Théâtre Passe Muraille, fortement influencé par son directeur, Paul Thompson, a favorisé une approche plus éclectique des questions d'ordre politique et culturel. Griffith se fait connaître à ses débuts grâce à la pièce Maggie and Pierre (1980), une performance solo satirique et mordante créée en collaboration avec Thompson et dans laquelle elle joue à la fois le rôle de l'ex-premier ministre du Canada Pierre Elliott Trudeau et de sa jeune épouse controversée, Margaret.
La pièce The Drawer Boy (1999), de Michael Healey, est une pièce bien ficelée et agréable. En son centre se trouvent l'acte paradoxal de la narration et son potentiel de créer de la déception, d'induire en erreur, de guérir et de transformer. Dans la pièce Plan B (2002), Healey présente sur un ton humoristique des prévisions sur l'avenir du pays qui portent toutefois à la réflexion.
Ann Marie MACDONALD, également actrice, est une dramaturge pour qui la catégorisation régionale est particulièrement inadéquate. Même si la majorité de ses œuvres théâtrales ont été mises en scène et présentées pour la première fois en Ontario, son fort lien avec ses racines à l'île du Cap-Breton est grandement reconnu dans son œuvre. C'est cependant avec la pièce Goodnight Desdemona (Good Morning Juliet) (1988) que son talent est reconnue sur la scène nationale. À la fois chahuteuse sur les plans intellectuel et physique, la pièce confirme le talent de MacDonald. Ses pièces suivantes continuent à démontrer sa polyvalence, son imagination et sa dextérité verbale.
Les premières pièces de Daniel MacIvor approfondissent les possibilités du spectacle solo et présentent des événements théâtraux très animés, humoristiques et intellectuellement stimulants. La pièce House (1992) est montée selon un modèle commun à la plupart des pièces de MacIvor : un narrateur s'adresse directement aux spectateurs pendant la plus grande partie de la pièce. Invités à prendre part au spectacle tout en étant déstabilisés par ce rôle participatif non traditionnel, les spectateurs sont suspendus dans ce moment théâtral. L'essentiel de la signification de l'œuvre de ce dramaturge est issu de cette dynamique, bien qu'il ait également produit des pièces structurées d'une manière traditionnelle qui ont connu un succès populaire et critique considérable.
John Mighton, docteur en mathématique, écrit des pièces qui reflètent son intelligence scientifique rigoureuse et son imagination créatrice fertile. Sa pièce la plus populaire, Possible Worlds (1990), est hautement innovatrice et propose une intrigue et des personnages non linéaires, cycliques et contradictoires; elle demeure partiellement résolue. Sa puissante conclusion laisse toutefois planer un certain malaise.
La pièce Zadie's Shoes (2001), d'Adam Pettle, est une des rares pièces canadiennes créée pour un local de taille moyenne (The Factory Theatre) qui a pu être adaptée avec succès afin d'être présentée devant l'immense salle commerciale du Wintergarden Theatre, indiquant ainsi clairement l'équilibre entre une écriture intelligente et accessible et des personnages et une histoire chargés d'émotion. Le contenu de l'œuvre de Pettle, qui porte à réflexion, est véhiculé par des dialogues toujours enjoués. La force des pièces se trouve dans les échanges rapides et assurés (et souvent très amusants) entre les personnages principaux qui vivent un éventail de sentiments différents allant du rire à la culpabilité, en passant par le regret et les larmes.
Jason SHERMAN est un des dramaturges canadiens dont les pièces sont les plus souvent mises en scène. Son œuvre est largement reconnue par la critique. Son intérêt marqué pour les dialogues tranchants, naturalistes et parfois imagés exprime une sensibilité politique embarrassée et des préoccupations à l'égard de la nature complexe du judaïsme dans la société nord-américaine contemporaine. Ses pièces explorent les histoires puissantes et essentielles racontées par les individus des différentes cultures afin de donner un sens et un certain ordre à leur existence.
Judith THOMPSON confronte les spectateurs à une virulente critique sociale. Ses thèmes abordent les aspects les plus sombres de la société contemporaine qui, comme le démontrent ses pièces, ne peuvent que devenir plus dangereux et plus incontrôlables s'ils sont niés. Sa première pièce, The Crackwalker (1980), est une représentation graphique et stoïque de la toxicomanie, de la violence et de l'infanticide. La pièce polarise les spectateurs et a consacré Thompson en tant que dramaturge provocatrice. Ses pièces ont presque toujours une note viscérale, inquisitrice et impitoyable, car elles mettent au grand jour l'inégalité institutionnalisée dans la société occidentale contemporaine et l'ampleur de la complicité du public en général dans cette oppression.
Guillermo VERDECCHIA collabore régulièrement avec Daniel Brooks. C'est la pièce qu'ils ont écrite, dirigée et jouée ensemble, The Noam Chomsky Lectures (1990), qui consacre la réputation éclectique, désabusée et intelligente de Verdecchia. Verdecchia a reçu le prix du Gouverneur général pour la pièce Fronteras Americanas (1993). Spectacle solo intégrant deux personnalités opposées, cette pièce autobiographique ouvertement métathéâtrale et souvent amusante se penche sur l'expérience hilarante d'un Canadien d'origine argentine qui découvre qu'il ne se sent chez lui dans aucun de ces deux pays.
George F. WALKER est un dramaturge original et imprévisible. Sa capacité à combiner l'innovation au succès commercial (et ce, à la fois sur la scène internationale et sur la scène canadienne) fait de lui un écrivain marginal et toujours intrigant. Walker explore un vaste éventail d'approches stylistiques incluant un roman de cape et d'épée surréaliste qui regroupe les caractéristiques d'une tragédie de revanche et d'un mélodrame, une œuvre absurde inspirée des films de série B imitant la science-fiction qui dépeint la déchéance de la société occidentale et une adaptation « canadienne » irrévérencieuse de Fathers and Sons, de Turgenev, intitulée Nothing Sacred (1988).
La première pièce de David Young, intitulée Fire (avec Paul Ledoux, 1985), démontre une innovation et une portée considérables. Intégrant des chansons originales et des chorégraphies extravagantes, elle explore les questions de la moralité, de la sexualité et de l'identité qu'elle présente sous la forme d'un divertissement théâtral populaire très accessible. Ses pièces subséquentes explorent des opinions sociales et politiques contraires à l'aide d'une approche intellectuelle, d'un humour sardonique et d'une intensité claustrophobique particulière.
Canada atlantique
Le Canada atlantique est loin de constituer une communauté homogène. Même si ses dramaturges reflètent des perspectives provinciales distinctes, ils partagent les mêmes racines historiques, un isolement relatif du reste du pays, une insularité culturelle et des difficultés économiques. Les compagnies théâtrales des quatre provinces de l'Atlantique mettent l'accent sur l'importance du contenu canadien dans leur programmation.
Bien qu'il soit né en Ontario, Norm Foster est étroitement associé au Nouveau-Brunswick, sa province d'adoption pendant de nombreuses années. Réputé pour être un des dramaturges connaissant le plus de succès et dont les pièces figurent parmi les plus souvent jouées au pays, Foster démontre une facilité pour les dialogues brillants et pleins d'esprit, une interprétation clairement définie et une structure humoristique rassurante. Depuis ses premières pièces, Sinners (1983) et The Melville Boys (1984), Foster est remarquablement prolifique et bon nombre de ses pièces sont présentées chaque année dans le cadre d'événements professionnels, communautaires et estivaux.
L'œuvre de Charlie Rhindress pourrait faire croire que le Nouveau-Brunswick est un terreau fertile pour les comédies populaires. Notons particulièrement la pièce The Maritime Way of Life (1999), une satire noire des styles de vie et des personnalités de la côte Est. Malgré un sarcasme dépravé, un travestisme considérable et un humour absurde, The Maritime Way of Life est très populaire auprès des spectateurs des provinces de l'Atlantique.
Née à Vancouver, Wendy Lill est sans doute la dramaturge la plus reconnue de la Nouvelle-Écosse. Très tôt dans sa carrière, ses fortes convictions sociales et politiques sont flagrantes et demeurent présentes dans ses pièces les plus récentes. The Glace Bay Miners' Museum (1995), Sisters (1989) et Memories of You (1988) sont des « pièces de mémoire », une forme que Lill considère comme particulièrement efficace pour analyser la relation entre l'intention et l'expérience, la réalité et l'interprétation.
L'œuvre de Bryden MacDonald est souvent non traditionnelle bien que ses pièces présentent une pertinence et une sensibilité inspirées de la côte Est (particulièrement de l'île du Cap-Breton). Ses pièces plus récentes démontrent une expérimentation formelle de plus en plus importante tout en poursuivant les attaques caractéristiques du dramaturge contre la moralité de la classe moyenne contemporaine.
Michael Melski situe la plupart de ses pièces dans le décor de son petit village natal de l'île du Cap-Breton. Elles présentent une perspective sombre, désespérée et violente d'une région souvent représentée comme un paradis rural. L'utilisation du dialecte local et l'opinion inébranlable de Melski sur les motivations et l'instinct de la classe sociale sur laquelle il écrit apportent une énergie authentique à son œuvre.
Kent Stetson, originaire de l'Île-du-Prince-Édouard, a vu son œuvre être mise en scène à la grandeur du pays. Puisant dans les éléments de la tragédie, de la comédie et de la farce, ses pièces, dont Just Plain Murder (1992), plaisent aux spectateurs et constituent des farces stylisées. Les pièces subséquentes de Stetson reflètent une approche plus poétique et historique. La pièce solo Horse High, Bull Strong, Pig Tight (2001) est inspirée de l'histoire d'une petite communauté de l'Île-du-Prince-Édouard. Le récit épique Harps of God (2000), qui lui a valu un prix, propose une tragédie aux proportions classiques qui se déroule dans l'industrie historique des chasseurs de phoques de Terre-Neuve-et-Labrador.
En 1965, Michael Cook quitte l'Angleterre pour Terre-Neuve-et-Labrador. Ironiquement, il devient un de ses dramaturges les plus reconnus à l'étranger. Ses pièces les plus mémorables dépeignent les tensions internes et communales de la société de Terre-Neuve-et-Labrador (particulièrement celles générées par le vote pour joindre la Confédération) et font souvent ressortir le contraste entre le charme de l'endroit et les réalités plus difficiles de la vie dans un petit village isolé. Cook, décédé en 1994, est reconnu pour ses interprétations poétiques et détaillées du discours et des comportements de Terre-Neuve-et-Labrador.
David FRENCH propose au monde des images vivantes et mémorables de Terre-Neuve-et-Labrador. Il est également perçu comme un collaborateur pivot du théâtre canadien moderne. Sa pièce Leaving Home (1972) est d'abord reconnue par Urjo KAREDA, puis par la critique théâtrale du Toronto Star, comme étant à l'avant-garde d'un nouveau théâtre national distinct et distingué. Cette pièce intense et réaliste dépeint le conflit qui sévit au sein d'une famille de Terre-Neuve-et-Labrador dans les années 1950, les Mercer, alors qu'ils s'efforcent de s'adapter à la vie dans une province du centre du Canada. Plusieurs générations de Mercer apparaissent dans de nombreuses pièces françaises subséquentes, la plupart étant caractérisées par un humour franc qui se transforme finalement en nostalgie.
Plusieurs dramaturges originaires de Terre-Neuve-et-Labrador sortent de l'anonymat en même temps que Cook et French. La pièce As Loved our Father (1974), de Tom Cahill, présente l'indignation de son auteur et de bon nombre de Terre-Neuviens à l'égard de l'entrée dans la confédération canadienne de leur « nation », en 1949. Sa pièce The Only Living Father (1992), qui raconte l'histoire personnelle de Joey Smallwood (le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador au moment de l'union) poursuit ce thème. La pièce mordante de Ray Guy intitulée Young Triffie Been Made Away With (1985) adopte la forme d'un thriller mélodramatique. Sous la surface, on remarque cependant une critique sévère de la moralité traditionnelle de Terre-Neuve-et-Labrador et la condescendance étrangère non éclairée.
La province de Terre-Neuve-et-Labrador abrite également de nouvelles générations de dramaturges. Robert Chafe (de concert avec la directrice et collaboratrice Jillian Keiley) offre une perspective innovatrice d'une histoire d'hommes dans la pièce Under Wraps (1997). Cette pièce présente un grand chœur dont les membres passent tout le temps de la pièce sous une couverture de la dimension de la scène, se déplaçant et créant tous les éléments du décor avec leurs corps. Bernie Stapleton, pour sa part, combine l'indignation féministe à la sensibilité teintée d'un humour franc dans Woman in a Cage (1993), une étude de la subjugation féminine.
Québec
Malgré l'émigration continue d'Anglo-Québécois depuis la première élection du Parti québécois (indépendantiste), en 1976, et les deux référendums ultérieurs sur l'indépendance du Québec (1980, 1995), le théâtre d'expression anglaise y est demeuré étonnamment vigoureux. La Quebec Drama Federation, née des cendres du DOMINION DRAMA FESTIVAL (1973-1978) avec le mandat de promouvoir le théâtre d'expression anglaise au Québec, comptait, en 2007, 57 compagnies de théâtre professionnel (établies, intermédiaires et nouvelles), 12 institutions de formation, 10 théâtres communautaires et 186 particuliers.
Plusieurs compagnies d'expression anglaise créées dans le sillage des célébrations du centenaire du Canada et d'EXPO 67 à Montréal, dont le théâtre du Saidye Bronfman Centre (1967), le CENTAUR THEATRE (1969), qui demeure la principale scène du Québec anglophone, le Youtheatre (1968) et le BLACK THEATRE WORKSHOP (1970) continuent d'avoir un impact important sur le théâtre du Québec.
La plus importante pièce post-1976 d'expression anglaise au Québec est Balconville, la pièce bilingue de David FENNARIO, dont la première a lieu au Centaur, en 1979, et qui demeurent la pièce la plus populaire du répertoire théâtral canadien. En plus d'innover avec son dialogue en français et en anglais, la pièce sape l'image stéréotypée et caricaturale des Anglais du Québec, uniformément riches, Britanniques et de classe supérieure, et se concentre sur les luttes communes de la classe ouvrière irlandaise et française de Montréal. Le Balconville de Fennario a poussé de nombreux autres dramaturges et compagnies de théâtre à produire des pièces bilingues et multilingues et à poser son regard sur les multiples groupes, cultures et ethnies que compte le Québec anglophone. Fennario continue d'écrire des pièces anglo-québécoises politiquement pertinentes et qui prêtent à controverse comme Condoville (2006), la suite de Balconville écrite 25 ans plus tard.
En 1981, le dramaturge et directeur artistique Rahul Varma (voir aussi Théâtre asiatique canadien d'expression anglaise) fonde à Montréal le Teesri Duniya Theatre avec la mission de présenter du théâtre à portée politique et sociale qui promeut la sensibilisation aux autres cultures, reflète le caractère multiculturel du Canada et donne une voix aux minorités visibles. La compagnie a été frénétiquement applaudie pour ses productions des pièces de Varma, Job Stealer (1986), Counter Offence (1996) et Bhopal (2001). Les compagnies contemporaines fondées après 1976 comprennent Geordie Productions (1982), une compagnie professionnelle de Montréal qui se spécialise dans le théâtre pour enfants et fait beaucoup de tournées, et Imago (1986), une compagnie de théâtre parallèle qui se consacre à l'avancement du théâtre comme moyen d'expression artistique. Comme la plupart des grandes villes canadiennes, Montréal fait partie du circuit des festivals de théâtre marginal, tradition théâtrale estivale inspirée du Fringe Festival d'Édinbourg et qui a commencé au Canada, en 1982, à Edmonton.
En 1988, Marianne Ackerman et Claire Shapiro fondent Theatre 1774 dont la mission est de donner un forum aux artistes anglophones et francophones pour travailler ensemble à la production de pièces bilingues et multilingues. La production inaugurale de Theatre 1774, The Echo Project, est dirigée par Robert LEPAGE et la compagnie présente, par la suite, des pièces écrites par Ackerman, dont L'affaire Tartuffe, or The Garrison Officers Rehearse Molière (1991), Woman by a Window (1992), Celeste (1995) et Blue Valentine (1996). En 1998, sous la direction de Guy Sprung, la compagnie devient Infinitheatre, nom sous lequel elle continue de produire aujourd'hui.
Outre David Fennario, Marianne Ackerman et Rahul Varma, les dramaturges anglais les plus prolifiques du Québec sont Aviva Ravel, Colleen Curran et Vittorio ROSSI. Dispossessed, la pièce en vers d'Aviva Ravel présentée en première au Saidye Bronfman Centre, dans les années 1970, remporte le Women Write for the Theatre Award et est par la suite publiée dans l'anthologie Major Plays of the Canadian Theatre 1934-1984. Colleen Curran devient très connue pour ses comédies présentées au BLYTH FESTIVAL à Blyth, en Ontario, avant de revenir poursuivre sa carrière de dramaturge et romancière à Montréal, sa ville natale. À Vittorio Rossi, on attribue d'avoir fait pour les Italiens de Ville-Émard, à Montréal, ce que David Fennario a fait pour les Irlandais de Verdun et de Pointe-Saint-Charles. La popularité des premières pièces de Rossi - The Chain (1989), Scarpone (1990) et The Last Adam (1995) - a contribué à ouvrir les portes du Centaur à d'autres pièces italo-anglo-québécoises telles que Mambo Italiano, la comédie à grand succès du dramaturge marginal Steve GALLUCCIO et la trilogie de Rossi sur l'immigration de sa famille en Amérique du Nord.
Territoire du Yukon
Whitehorse, la capitale du Yukon, compte un certain nombre de dramaturges, comédiens et metteurs en scène. En créant le Yukon Arts Centre, en 1994, la petite ville donne aux artistes du spectacle un lieu convenable où se produire. Jusqu'alors, The Guild Hall, un théâtre de marionnettes communautaire aménagé dans deux anciennes baraques de l'armée, était l'unique endroit où jouer à Whitehorse. Une poignée de petites compagnies de théâtre professionnels comme Sour Brides Theatre, Ramshackle Productions et Gwaandak Theatre Adventures améliore le prospère théâtre communautaire local en proposant des créations originales du Yukon. Le Nakai Theatre, la plus vieille institution du territoire, célèbre son 25e anniversaire en 2004. Bien qu'isolés, plusieurs dramaturges du Yukon reçoivent des critiques de « l'extérieur », comme les gens du pays appellent le reste du Canada.
Sixty Below, la première pièce de Patti Flather, écrite en collaboration avec Leonard Linklater, est en candidature pour sept Dora Mavor Moore Award pour sa production de 1997 à Toronto avec NATIVE EARTH PERFORMING ARTS et est aussi présentée en tournée dans le Nord par les compagnies Nakai Theatre et Gwaandak Theatre. En 2005, sa pièce Where the River Meets the Sea gagne le Theatre BC Canadian National Playwriting Competition et est présentée en première par Gwaandak et Nakai, au Yukon Arts Centre, en 2007. Les personnages principaux de Flather sont souvent des femmes fortes, mais vulnérables qui tentent de trouver un équilibre entre le besoin d'amour et la recherche de leur identité.
The Plum Tree, la toute première pièce de Mitch Miyagawa présentée en première au Yukon Arts Centre, en 2002, et qui remporte un grand succès, est publiée par Playwrights Canada Press et montée, par la suite, par cinq compagnies. La production d'ALBERTA THEATRE PROJECTS à Calgary est finaliste de deux BETTY MITCHELL Awards. L'œuvre de Miyagawa explore la juxtaposition de la diversité culturelle et de l'influence de la famille sur l'individu.
Celia McBride est la seule dramaturge à recevoir une commande du STRATFORD FESTIVAL OF CANADA pour la saison inaugurale du Studio Theatre de 260 sièges et la célébration du 50e anniversaire du festival. Les pièces de McBride sont montées partout au Canada ainsi qu'aux États-Unis et en Europe. Elle est boursière de Fox Fellowship et diplômée en dramaturgie de l'École nationale de théâtre du Canada à Montréal. Son style va du comique délirant au noir le plus noir, mais il y a toujours un voyage spirituel au cœur de l'histoire.
Théâtre autochtone
Ce n'est qu'au cours des deux dernières décennies du XXe siècle qu'un fonds important de pièces et de productions autochtones a commencé à se constituer au Canada. La tradition orale des peuples autochtones canadiens, combinée au désavantage systémique des conditions sociales et à une pénurie de possibilités de production, a défavorisé le rayonnement d'une représentation autochtone à base de textes. La fondation de la troupe Native Earth Performing Arts, en 1982, marque l'émergence d'un théâtre autochtone de plus en plus prestigieux et comptant maintenant des dramaturges parmi les plus célèbres et les plus joués du pays.
The Rez Sisters (1986) et Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing (1989), de Tomson HIGHWAY, représentent des percées intéressantes tant pour Highway que pour le théâtre autochtone au Canada. Se déroulant dans la réserve (ou « Rez » ) indienne de Wasaychigan Hill dans l'île Manitoulin, en Ontario, ces pièces mettent en scène des hommes et de femmes autochtones dont les vies s'entrecroisent dans leur lutte contre la pauvreté, l'ennui et l'absence de possibilités qui caractérisent la vie d'une réserve. Combinant un humour à l'Aristophane, des personnages attachants et compatissants et une nouvelle conception de la spiritualité autochtone dans le contexte canadien contemporain d'identités hybrides (particulièrement dans son utilisation importante et complexe du personnage du « Filou » ), ces pièces font de Highway un dramaturge d'avant-plan.
Daniel David MOSES puise aussi dans les formes traditionnelles européennes, mais accorde plus de place aux techniques et motifs traditionnels autochtones de l'art de conter. Le souci du poète pour la forme et la langue émane de tout le théâtre de Moses. Ses pièces expriment régulièrement le scandale de la situation désespérée des autochtones du Canada, tempéré par un sens malicieux de mélancolie. Moses atteint l'équilibre en adoptant une perspective historique et en donnant aux événements qu'il dépeint une dimension mystique ou mythique.
Drew Hayden TAYLOR est l'un des dramaturges autochtones canadiens les plus prolifiques. Contrairement aux œuvres de Highway ou Moses, les pièces de Taylor sont plus facilement organisées, utilisant les catégories du théâtre pour l'enfance, du drame et de la comédie satirique. Dans ses pièces, il recourt à des situations fantastiques et à un humour caustique pour explorer les multiples défis et options auxquels sont confrontés les jeunes autochtones et ses pièces s'adressent à un large éventail de groupes d'âge.
Parmi le nombre croissant de dramaturges autochtones canadiens, citons Marie Clements, Monique Mojica, Yvette Nolan et Ian Ross.. Age of Iron (1993), de Marie Clements, est un hybride extrêmement ambitieux qui combine des mythologies grecques et des structures dramatiques classiques à leurs équivalents autochtones nord-américains. L'œuvre passionnée et souvent indignée de Clements incorpore musique, chant, dance et spectacle minutieux à un texte dense et poétique. Monique Mojica, comédienne, chanteuse, danseuse et dramaturge, a créé plusieurs pièces mémorables, souvent en collaboration. Princess Pocahontas and the blue spots (1990), pièce pour deux comédiens jouant 17 personnages, revisite et revoit la perception populaire de son personnage titre dans un montage très physique de l'histoire, de la mythologie, de la spiritualité, de musique pop et de féminisme. Annie Mae's Movement (1998), d'Yvette Nolan, porte sur la vie et le meurtre d'Anna Mae Aquash, défenseur des droits autochtones des Micmacs. Offrant peu de l'humour qui caractérise la dramaturgie autochtone du Canada, le théâtre de Nolan combine fait historique et conjecture éclairée pour décrire les forces sociales complexes et contradictoires, tant à l'extérieur qu'au sein de la communauté autochtone, qui ont collaboré au crime « non résolu ». Comme les pièces de Highway, Moses et Taylor, fare Wel (1996), d'Ian Ross, utilise l'esprit sardonique et parfois l'humour grivois pour traiter des épreuves de la vie dans les réserves. The Gap (2001) revisite la myriade d'obstacles à l'attachement romantique entre des personnes de races différentes. Les deux pièces doivent leur succès à la création de personnages observés de près, à un sens d'enjouement perpétuel et à une solide politisation.
Théâtre afro-canadien
Diverses créations de pièces et initiatives de production ont sensibilisé le public au théâtre afro-canadien au tournant du siècle. Entre autres voies nouvelles ouvertes aux écrivains afro-canadiens, citons la création, en 2000, du AfriCanadian Playwrights Festival; la publication, la même année, de Testifyin' (la première anthologie de pièces de dramaturges de descendance africaine au Canada suivie, en 2003, du Volume II); la fondation, en 2002, de l'Obsidian Theatre (une compagnie qui se consacre à l'exploration, au peaufinage et à la production du théâtre noir à l'échelle locale et internationale); et la présence régulière de nombreux écrivains afro-canadiens parmi les finalistes et gagnants d'importants prix de dramaturgie régionaux et nationaux.
George Elliott Clarke est surtout reconnu en tant que poète et il emploie une approche lyrique dans la langue, les personnages et la structure de ses œuvres pour la scène. Whylah Falls: The Play (1997) est une adaptation de son recueil de poésie du même nom qui garde la fragmentation onirique et la licence historique sans gêne du document de première main. Son libretto pour l'opéra contemporain Beatrice Chancy (1998), une exploration de l'esclavage dans la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, en 1801, s'inspire du sentimentalisme intensifié de l'opéra pour présenter un récit portant sur l'assimilation forcée, le viol, le meurtre et sur un système juridique brutal.
L'œuvre d'Andrew Moodie est un succès commercial applaudi par la critique et sa pièce Riot (1995) témoigne clairement de son désir de mettre en scène la culture afro-canadienne tout en y incorporant un attrait populaire substantiel. La pièce, dont l'action se déroule à Toronto, où les six personnages partagent une résidence, rappelle, en toile de fond, les émeutes de Los Angeles qui ont éclaté à la suite de l'acquittement des policiers qui avaient commis des gestes de violence sur la personne de Rodney King. Riot relève du théâtre politisé et Moodie y emploie des stratégies comiques familières pour explorer une dynamique sociale canadienne qui est nettement moins radicale que son équivalent américain.
Djanet Sears est, à l'heure actuelle, la plus active et la plus reconnue des dramaturges afro-canadiens. Harlem Duet (1997) est un « prélude » transposé d'Othello , qui se déroule à Harlem et qui explore les relations sexuelles et raciales en tant qu'indicateurs de détermination et de conditionnement sociaux. The Adventures of a Black Girl in Search of God (2002) est l'œuvre la plus ambitieuse de Sears sur le plan structurel. Avec sa combinaison d'un réalisme traditionnel et d'un encadrement par un chœur narrateur, la pièce incarne l'intention déclarée de Sears de créer une forme théâtrale « hybride ».
George Boyd, Lorena Gale et George Seremba sont d'autres dramaturges afro-canadiens célèbres. Dans Consecrated Ground (1999), George Boyd met en scène les luttes des résidants d'Africville, à Halifax, en 1965, au moment où cette communauté reconnue est confrontée au plan de démolition et de reconstruction des autorités municipales. Lorena Gale a écrit peu de pièces, mais l'impact de son œuvre est important. Particulièrement importante, la pièce Angélique (1999) est un drame « transhistorique » qui porte un regard stoïque sur l'histoire peu connue de l'esclavage au Canada au XVIIIe siècle. Quand l'action de la pièce passe subitement des années 1700 au cœur des années 1990, les parallèles au sein de la société contemporaine canadienne sont inévitables. Come Good Rain (1992), la pièce solo de George Seremba, est un intense récit autobiographique de survivance personnelle. Mettant en vedette 32 personnages, la pièce englobe la mythologie et l'histoire africaine en tant que contexte et commentaire.
Théâtre canadien d'origine asiatique
Les dramaturges canadiens d'origine asiatique ne sont pas aussi nombreux ni aussi connus que les dramaturges autochtones et les dramaturges afro-canadiens. Cependant, grâce à des efforts concertés de compagnies de création et de production théâtrales comme les Cahoots Theatre Projects, la fu-Gen Asian Canadian Theatre Company, de Toronto, et le Théâtre Teesri Duniya, de Montréal, plusieurs pièces reconnues sont mises en scène par des professionnels et présentées devant des spectateurs enthousiastes.
Marty Chan est un dramaturge canadien d'origine chinoise dont l'œuvre est remplie de différentes conventions théâtrales et incorpore des modèles empruntés à d'autres médias comme les stéréotypes raciaux des films de série B. Sa pièce Mom, Dad, I'm Living With a White Girl (1995) présente des narrations parallèles. La première retrace les tensions familiales d'un jeune Chinois et de ses parents qui sont exacerbées par les préjugés raciaux et les interprétations raciales erronées. La seconde utilise le spectacle pour commenter la situation difficile et très complexe de la première par la mise en place d'un thriller sombre et galvaudé.
Les pièces de M.J. Kang sont en quelque sorte autobiographiques. Elles explorent les tensions en conflit de la mémoire culturelle et du désir d'assimilation des immigrants coréens au Canada. Les pièces Noran Bang: The Yellow Room (1993) et Dreams of Blonde and Blue (2002) présentent le conflit entre les générations et les sexes au sein d'une famille d'immigrants dans laquelle des perceptions parfois fortement divergentes sur le passé et l'avenir s'entrechoquent.
La pièce Mother Tongue (1992), de Betty Quan, explore les enjeux auxquels sont confrontés les immigrants chinois dans leur quête d'adaptation à la vie sur la côte Ouest du Canada. La focalisation de la pièce sur la langue, comme l'indique le titre, est compliquée par le fait qu'un des trois enfants de la famille est sourd et ne communique qu'en langage gestuel américain. Combiné à l'anglais des deux autres enfants et au cantonais des parents, le dialogue de la pièce est rempli de possibilités d'interprétations erronées (intentionnelles ou non), de frustrations, d'affrontements et, en bout de ligne, de la possibilité d'une réelle compréhension.
Né en Inde, mais habitant maintenant Montréal, Rahul Varma est un des dramaturges canadiens les plus politiques. Ses pièces s'attaquent à des situations et à des événements importants et spécifiques et explorent les multiples facteurs, à la fois personnels et organisationnels, qui conduisent à des situations d'oppression et d'injustice. La vision de Varma est claire, déterminée et motivée par l'indignation.
Théâtre homosexuel d'expression anglaise
Les dernières décennies du XXe siècle ont vu un nombre de plus en plus important d'occasions de mises en scène de pièces de dramaturges et de gens de théâtre de la communauté homosexuelle canadienne, ainsi qu'une plus grande attention de la population et des critiques à cet égard. Se définissant lui-même comme le premier théâtre homosexuel au pays, le BUDDIES IN BAD TIMES THEATRE de Toronto a encouragé bon nombre de nouveaux dramaturges. D'autres compagnies, dont le NIGHTWOOD THEATRE (également situé à Toronto), qui n'intègrent toutefois pas directement la production de pièces homosexuelles dans leur mandat, ont appuyé la création et la production d'œuvres ouvertement homosexuelles.
L'arrivée de Brad FRASER sur la scène théâtrale nationale avec sa pièce Unidentified Human Remains and The True Nature of Love (1989) a été spectaculaire. Ce travail graphique sombre crée une mosaïque d'événements et d'images qui combine des interactions réalistes entre les personnages à une structure dramatique et une scénographie expressionnistes et fragmentées. Bon nombre de ses pièces subséquentes ont continué à accroître l'effet de choc sans toutefois sacrifier la rigueur intellectuelle. Inspiré du paranormal, de l'horreur et des déviances sociales (perçues), ce dramaturge originaire d'Edmonton continue à accroître sa réputation d'auteur marginal, dérangeant mais enivrant.
Il est difficile d'accorder trop d'importance à la contribution de Sky GILBERT à l'amélioration de l'image du développement du théâtre homosexuel au Canada. Ses pièces désorganisent complètement les conventions établies relatives à l'esthétique et à la pertinence des thèmes. Les premières pièces de Gilbert ont choqué les spectateurs et déstabilisé les conceptions populaires de l'homosexualité. Ses autres pièces s'inspirent de personnalités connues pour explorer les tensions entre la fascination de la société et les préjugés à l'égard de l'homosexualité. L'intégralité de l'œuvre de Gilbert demeure surprenante et subversive.
La pièce Swollen Tongues (1998), de Kathleen Oliver, fait partie des rares pièces qui ont connu un succès général et qui appartiennent au répertoire du théâtre lesbien. Swollen Tongues diffère de l'œuvre de Gilbert et de Fraser en ce sens que les questions relatives au sexe et à la sexualité sont abordées intégralement, sans intention politique explicite. Ayant un côté très poétique, la pièce évolue autour des conventions mêmes qui en fournissent le cadre et elle présente un commentaire bien avisé sur des questions concernant l'homosexualité dans une investigation accessible par le public en général sur les particularités de l'amour romantique.
Conclusion
Le tournant du XXIe siècle a été le témoin d'un nombre sans précédent de nouvelles créations et de productions théâtrales au Canada. Des pièces originales qui expriment un vaste éventail de perspectives sont créées dans toutes les régions et une plus grande diversité de représentation, en termes de race, de classe, de sexe et d'orientation sexuelle, apparaît sur les scènes canadiennes. La recherche d'une « identité » canadienne unique a laissé sa place à une reconnaissance du caractère de plus en plus multiculturel et interculturel du pays, ce qui est présenté par l'entremise de formes et de thèmes complexes et hybrides. Le Canada a parcouru un long chemin depuis l'angoisse du début du XXe siècle à l'égard de l'oppression britannique et américaine. Les diverses voix du théâtre canadien, distinctes de par leur force et leur multiplicité, sont de bon augure pour le siècle à venir.
Suggestions de lectures :
R. Usmiani, Second Stage: The Alternative Theatre Movement in Canada (1983); A. Wagner, ed, The Brock Bibliography of Published Canadian Plays in English 1766-1978 (1980); R. Wallace and C. Zimmerman, eds, The Work (1982).