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Théâtre multiculturel

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'arrivée de nombreux immigrants en provenance d'Europe entraîne un essor des activités théâtrales multiculturelles.
Kwakiutl, danse de l
Spectacle de danse, présenté dans un village Kwakiutl du sud de la baie Quatsino. Les spectacles recherchés occupent une place importante dans la vie des autochtones de la côte nord-ouest (aquarelle de Gordon J. Miller)
highway, tomson
ce dramaturge est reconnu grâce à sa pièce \u00ab the rez sisters \u00bb (photo de thomas king).

Plusieurs traits communs, en particulier le désir de préserver la culture et la langue de la mère patrie et de créer des liens d'appartenance communautaires, motivent la formation de troupes de théâtre au sein de groupes d'immigrants récemment arrivés. Certains des premiers théâtres ethniques, apparus dans les années 1930, s'adressent exclusivement aux membres de leur communauté. Des théâtres en langues ukrainienne, hongroise, finnoise, lettonne et yiddish prospèrent sur la scène publique

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'arrivée de nombreux immigrants en provenance d'Europe entraîne un essor des activités théâtrales multiculturelles. Plusieurs parmi les nouveaux immigrants étant des comédiens professionnels, leur apport d'énergie et de talents donne du professionnalisme à ces troupes.

Ce mouvement culmine au cours des années 1970 et au début des années 1980. La qualité de plus en plus recherchée du théâtre canadien-anglais et l'instauration d'une politique officielle en matière de multiculturalisme créent un contexte favorable à l'épanouissement du théâtre ethnique. En 1972, le premier ministre Trudeau nomme un ministre d'État au multiculturalisme et met sur pied la direction générale du multiculturalisme au Secrétariat d'État. Les troupes de théâtre qui devaient auparavant compter essentiellement sur le soutien financier de la communauté peuvent désormais bénéficier d'une aide gouvernementale. Des organismes tels que l'Ontario Multicultural Theatre Association (1970-1990) et l'Association nationale du théâtre multiculturel (1975-1987) sont très actifs; ils organisent des festivals annuels et assurent la liaison entre leurs membres et les autres organismes œuvrant dans le domaine du théâtre.

Toutefois, au milieu des années 1980, le « multiculturalisme » dans les arts canadiens commence à se fragiliser. Avant 1965, les lois en matière d'immigration favorisent la venue d'immigrants européens plutôt que de gens de couleur (Asiatiques, Noirs, Latino-Américains, etc.). Au début des années 1980, ces minorités visibles comptent des troupes de théâtre et des comédiens de bon niveau. Parallèlement, les compagnies d'origine européenne déclinent au fur et à mesure que les membres les plus jeunes de leur communauté sont engagés par les grandes compagnies professionnelles anglophones ou francophones.

Cependant, les comédiens et les troupes appartenant aux minorités visibles demeurent sous-représentés tant dans les organismes comme l'Ontario Multicultural Theatre Association que dans les milieux du théâtre professionnel anglophone et francophone. À force de faire la navette entre les conseils des arts et le ministère du Multiculturalisme, les représentants du théâtre des minorités visibles et culturelles se sentent de plus en plus frustrés par leur incapacité à s'inscrire dans le courant principal du théâtre canadien et par la difficulté d'obtenir un financement fiable.

À la fin des années 1980, les conseils des arts et les associations de théâtre partout au Canada commencent à revoir leurs règlements, ce qui les amène au début des années 1990 à éliminer de leurs critères les pratiques discriminatoires et les préjugés culturels. En 1988, la Canadian Actors' Equity Association organise le premier colloque national sur les rôles non traditionnels à Toronto et prend la défense des comédiens professionnels de couleur. L'année suivante, l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA) organise une conférence du même genre, qui donne lieu au lancement d'un répertoire des membres de l'ACTRA faisant partie des minorités visibles et linguistiques, Into the Mainstream, qui paraît en 1990-1991, en 1992-1993 et en 1994-1995.

Un nombre croissant de contribuables n'obtenant pas leur juste part des subventions aux arts, des artistes de diverses origines culturelles, réclament des changements. Les projections de l'époque montrent que, en 2001, plus de 17 p. 100 de la population canadienne et plus de 45 p. 100 de la population de la région de Toronto appartiendraient aux minorités visibles. Les conseils des arts et les organismes subventionnaires commandent donc de nombreuses études portant sur la disponibilité des fonds publics pour les membres des minorités culturelles et raciales. En 1990, le Conseil des arts de l'Ontario publie son rapport; le Toronto Arts Council et le Conseil des arts du Canada font de même en 1992.

Le Toronto Arts Council, qui s'occupe de la municipalité où les cultures sont les plus diversifiées au Canada, est le plus efficace en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations issues des trois rapports : 1) augmenter la représentation des artistes de couleur dans tous les jurys et comités; 2) redéfinir le « professionnalisme » de façon à tenir compte du talent, de la formation et des obstacles systémiques qui entravent la poursuite d'une carrière rentable; 3) lutter contre les préjugés qui favorisent la production d'œuvres dans la tradition théâtrale européenne; 4) appliquer une politique d'embauche dynamique qui permet d'attirer un plus grand nombre d'administrateurs appartenant aux minorités visibles au sein des organismes de financement des arts.

Le Conseil des Arts du Canada reconnaît lui aussi que les communautés culturellement diversifiées, les jeunes et la collectivité autochtone doivent faire partie de son cadre stratégique de financement. En 2002-2003, le Conseil verse environ 10,9 millions de dollars en financement direct et indirect aux artistes et organisations artistiques culturellement diversifiés, soit une hausse de 50 p. 100 par rapport à l'année précédente. En 1999-2000, le conseil lance deux programmes spéciaux visant à soutenir les communautés culturellement diversifiées : le programme d'Accroissement de la capacité à l'appui des pratiques artistiques de diverses cultures et l'Aide aux conservateurs de diverses cultures pour des résidences en arts visuels.

En 1990, l'organisme torontois Cahoots Theatre Projects organise le congrès Write About Now, qui réunit des auteurs dramatiques de couleur, entre autres, les conférenciers Tomson Highway, Rick Shiomi et Maria Campbell. La question des subventions ne concerne pas uniquement les comédiens déjà en activité. Il s'agit aussi de développer de nouveaux talents, acteurs et dramaturges, et de forger une esthétique théâtrale conforme au pluralisme de la mosaïque canadienne.

À certains égards, cette évolution débute avec le théâtre pour jeunes et dans le milieu du théâtre populaire. À partir du début des années 1980, des compagnies telles que le théâtre Green Thumb à Vancouver, Quest Theatre en Alberta, Théâtre jeunesse à Montréal ainsi que Theatre Direct, Straight Stitching Productions et We Are One Productions à Toronto produisent des œuvres à l'intention des jeunes. Les troupes populaires, qui regroupent des comédiens des Premières nations, des comédiens appartenant à des groupes ethniques d'immigration récente et des gens de couleur, abordent depuis longtemps les thèmes de l'exclusion et de la discrimination dans leurs productions.

Pendant les années 1980, la compagnie Ground Zero établit des liens solides avec les milieux théâtraux latino-américains et philippins. Le Headlines Theatre à Vancouver, en collaboration avec les chefs héréditaires Gitksan et Wet'suwet'en, met en scène la pièce NO'XYA' (Nos pas), qui traite des revendications territoriales indiennes et qui fait une tournée au Canada et en Nouvelle-Zélande (1987-1990). Le TYA et les troupes de théâtre populaires, très en avance sur les compagnies établies fonctionnant sur la base d'abonnements, prennent acte de l'évolution démographique et culturelle qu'a connue le Canada après 1965 et réagissent en conséquence.

Au début des années 1990, le terme « multiculturalisme » cède la place à des expressions comme « diversité culturelle », « relations interculturelles ». Le problème complexe et chargé émotivement de « l'appropriation culturelle », d'abord soulevé dans le domaine de la littérature, est aussi soulevé au théâtre en 1993, quand les pièces Miss Saigon et Showboat, montées à Toronto, suscitent des tollés.

Les petites troupes et les troupes qui s'adonnent au théâtre expérimental intègrent de nouvelles pratiques « non européennes », inaugurant une période d'expérimentation. Plusieurs compagnies telles que Native Earth Performing Arts, We Are One, Black Theatre Workshop, Theatre Wum, Modern Times Stage Company, the Firehall Theatre et Cahoots Theatre Projects remettent en question l'idée d'un théâtre canadien culturellement homogène.

Multiculturalisme

Dès 1906, les activités théâtrales en langue ukrainienne font leur apparition au Canada dans le bassin minier de Sudbury et au Manitoba, où se concentre la communauté ukrainienne durant les premières phases de la colonisation de ces régions. Le théâtre ukrainien continue de se développer durant les années 1930 et 1940, décline quelque peu après la guerre pour connaître une résurgence après les années 1970. La troupe ukrainienne Zahrava, fondée en 1956, reste active jusqu'au milieu des années 1980.

La Canadian Ukrainian Opera Association (CUOA), créée en 1974, produit des opéras d'envergure, notamment Natalka Poltavka au théâtre MacMillan de Toronto, en 1984, qui met en vedette des artistes de calibre international aux côtés de troupes comme le Canadian Ukrainian Opera Chorus et du Vesianka Dance Ensemble. La CUOA donne aussi des concerts de gala au Massey Hall, au Roy Thomson Hall, à la Hamilton Place et au Carnegie Hall à New York.

Le théâtre ukrainien pour enfants joue un rôle important à Winnipeg et à Edmonton, où l'Ukrainian Story Theatre for Children intègre des éléments de son folklore à des pièces bilingues. Toutes ces troupes, qui attirent un vaste auditoire et bénéficient d'un fort appui populaire, existent jusqu'au début des années 1980, mais disparaissent ensuite. Des efforts sont faits pour créer de nouvelles compagnies, surtout en Alberta, où la troupe de théâtre pour enfants Dzherelo commence à se produire en 1993.

Les expériences des Ukrainiens de la deuxième génération trouvent leur expression dans les œuvres de l'auteur Ted Galay. La pièce After Baba's Funeral, qui décrit une réunion de famille ukrainienne, parle des divergences culturelles et des conflits de générations dans la cellule familiale. Cette pièce, montée à Toronto et à Winnipeg, remporte le prix de la Canadian Authors Association en 1981. Just a Kommedia, montée par les productions Chysta, jette un regard satirique sur les tribulations d'un jeune Ukrainien élevé au Canada. Après la première à Toronto, en 1984, la pièce fait une tournée au Canada et est présentée à Expo 86 à Vancouver.

À l'instar du théâtre canado-ukrainien, le théâtre canado-italien se développe et passe du statut d'activité ethnique à celui d'art de la scène professionnel s'inscrivant dans les grands courants de l'heure. Bien que les troupes communautaires Piccolo Teatro (1949-1976), fondée par Bruno Mesaglio, et La Compagnia dei Giovani (1969-1982), fondée par Alberto di Giovanni, n'existent plus, d'autres compagnies ont pris la relève. Citons, entre autres, Le Maschere, créé en 1974 à Montréal, et la Pirandello Theatre Company, fondée en 1992 à Toronto. Des artistes comme le comédien et metteur en scène Tony Nardi et les dramaturges Maristella Roca, Vittorio Rossi et Toni Ellwand œuvrent principalement dans le milieu du théâtre professionnel et écrivent des pièces qui reflètent leur sensibilité à la fois italienne et canadienne.

De même, le théâtre judéo-canadien évolue pour passer du stade de moyen d'expression vital à celui de théâtre professionnel. Le Yiddish Theatre de Montréal, fondé en 1956, se trouve au centre Saidye Bronfman depuis le début des années 1970. À cette époque, d'autres théâtres juifs montent des productions en anglais qui décrivent les problèmes, le vécu et les sentiments des Juifs, notamment le Jewish Heritage Theatre à Vancouver et le Leah Posluns Theatre à Toronto. En 1987, on fonde le Winnipeg Jewish Theatre, une troupe dont la vocation est de présenter des pièces qui traitent de questions juives et multiculturelles et qui est aujourd'hui la seule troupe professionnelle canadienne offrant des saisons complètes de pièces aux thèmes juifs.

Pendant les années 1990, le théâtre juif contemporain trouve sa consécration sur les grandes scènes de théâtre. Parmi les succès notables, mentionnons les pièces provocantes de Jason Sherman, The League of Nathans (1992), Three in the Back, Two in the Head (1994), Reading Hebron (1995), The Retreat (1996) et l'œuvre collective The Theory of Relatives, qui met en vedette les comédiens Daniel Brooks, Leah Cherniak, Richard Greenblatt et Diane Flacks, montée en 1993.

En Ontario, le théâtre ethnique hongrois est très actif durant les années 1930; le cercle catholique et des organismes gauchistes hongrois montent de grandes productions à Toronto. Sandor Kertesz, comédien professionnel et metteur en scène, immigre de Budapest et fonde le Hungarian Art Theatre à Toronto, en 1958. À son apogée, le Hungarian Art Theatre produit cinq spectacles par an et puise dans un répertoire varié : opérettes d'Emmerich Kalman, de Franz Lehár et de Johann Strauss et, à l'occasion, une pièce dramatique européenne ou une comédie populaire américaine traduite en hongrois. À sa disparition, le Hungarian Art Theatre est remplacé par le New Hungarian Theatre.

Le soutien communautaire accordé au théâtre finlandais depuis la Crise des années 1930 permet la survie d'une des compagnies de théâtre culturel les plus solides au pays. Fondé en 1932, le Finnish Social Club monte quatre productions par an dans sa salle de Scarborough, jusque dans les années 1980. Puis, malgré la diminution de l'aide communautaire, la troupe monte au moins une pièce par an. Son répertoire se compose d'un éventail intéressant et très diversifié de pièces canadiennes, britanniques, américaines et finlandaises, entre autres Bousille et les Justes de Gratien Gélinas ainsi que des œuvres de l'auteur dramatique finlandais Mika Waltari.

Tout comme les Finlandais, les groupes culturels tchèque, letton et lithuanien, à une époque, font vivre des compagnies de théâtre dynamiques disparues depuis. Le D.V. Theatre, qui existe pendant plus d'une trentaine d'années, recrute ses membres dans les classes d'art dramatique des écoles secondaires lettones et effectue des tournées au Canada et aux États-Unis avec un programme mixte pouvant compter quatre productions par an jusque dans les années 1980. La troupe d'art dramatique lithuanienne Aukuras de Hamilton, fondée en 1950, reste en activité jusqu'à la fin des années 1980.

La troupe torontoise lithuanienne Aitvaras, elle aussi extrêmement active, fait des tournées dans le Midwest américain et remporte des prix au Lithuanian Theatre Festival de Chicago. Le New Czech Theatre, qui présente des œuvres tchèques classiques et des traductions de pièces en anglais, présente des pièces connues de 1970 jusqu'au début des années 1990.

Par la suite, de nouvelles troupes de théâtre issues de communautés d'immigration plus récente se multiplient, éclipsant les troupes d'origine européenne plus anciennes. Il existe de jeunes compagnies actives au sein de communautés turque, vietnamienne, philippine, coréenne, latino-américaine, sud asiatique, antillaise et africaine, particulièrement dans les villes de Toronto, de Montréal et de Vancouver. Le Turkish Youth Drama Group, établi à North York, produit des œuvres originales turco-canadiennes.

Les Philippins de la région du Grand Toronto disposent de trois compagnies de théâtre : le Kabataan Filipino Youth Theatre, Culture Philippines et le mouvement à caractère politique Carlos Bulosan Cultural Workshop. Parmi les groupes d'immigrants venus de l'Asie du Sud, plusieurs nouvelles troupes apparaissent, dont l'Ismailia Theatrical Society à Toronto et le Teesri Duniya à Montréal. Le festival annuel interdisciplinaire Desh Pardesh, à Toronto, comprend un volet théâtral dans le cadre duquel sont présentées des œuvres originales (pièces, sketches et monologues) écrites par des auteurs d'Asie du Sud.

Au cours des années 1990, il est remarquable de voir l'aisance avec laquelle de nombreux comédiens de diverses cultures poursuivent leur carrière. Par exemple, la communauté iranienne de Toronto a deux compagnies de théâtre : le Namaysh-Khaneh Iranian Theatre, plus classique, et le Honar Playhouse, qui monte des pièces originales en persan. La Modern Times Stage Company (MTSC), fondée par l'acteur professionnel et metteur en scène iranien Soheil Parsa, choisit de créer ses propres œuvres destinées à un public parallèle plus vaste.

Sous la direction artistique commune de Parsa et de Peter Farbridge, la MTSC allie courants occidentaux et traditions persanes, explore et développe un style concret et physique. Cette troupe se fait remarquer par des productions allant d'adaptations innovatrices des pièces Homme pour homme de Bertolt Brecht et Le Balcon de Genet, à des traductions et adaptations impressionnantes des œuvres de l'auteur dramatique iranien Bahram Beyza'i.

La MTSC développe son propre style visuel ainsi qu'une esthétique non verbale particulière et obtient des éloges pour la pièce de Beyza'i La Mort du roi, interdite en Iran sous le régime islamique. Bénéficiant d'une distribution multiculturelle remarquable, cette œuvre remporte un prix Dora (voir Dora Awards) accordé à la meilleure nouvelle pièce dans la catégorie des petits théâtres et est mise en nomination pour cinq autres prix en 1994. Depuis 1990, la MTSC continue de monter des pièces multiculturelles qui proposent des expériences théâtrales originales au public. Aarash, initialement coproduite avec le Theatre Passe Muraille en 1998, est plus tard adaptée par Parsa et présentée en tournée à Cuba et en Iran et, en 2010, de nouveau à Toronto, puis en Bosnie-Herzégovine et en Colombie. Coproduite avec le Cahoots Theatre et le Theatre Passe Muraille, The Sheep and the Whale (2007) est une autre production remarquable.

À Montréal, la troupe communautaire Teesri Duniya, fondée en 1981 dans le but de présenter des pièces en hindi d'auteurs indiens renommés, monte aussi des œuvres originales, notamment Land Where Trees Talk et No Man's Land, toutes deux écrites par le directeur artistique Rahul Varma. No Man's Land raconte les souffrances d'une famille indienne qui s'enfuit lors de la sanglante séparation de l'Inde et du Pakistan pour venir s'établir au Québec. Cette œuvre d'anticipation, qui décrit la détresse d'une famille dans un Québec indépendant, soulève une forte controverse, mais finit par être montée en 1992. L'année suivante, Sally Han en fait une adaptation radiophonique diffusée sur les ondes de la radio anglophone de la SRC sous le titre Trading Injuries. Teesri Duniya, qui voit le jour comme un groupe essentiellement de l'Asie méridionale, est aujourd'hui une organisation dont les membres et les artistes ont diverses origines ethniques et raciales et qui reflète désormais les valeurs multiethniques, multiraciales et multilingues constituant le Québec et le Canada.

Le MT Space, fondé en 2004 à Kitchener (Ontario) par l'artiste de la scène Majdi Bou-Matar, explore les relations interpersonnelles, leur histoire et leurs formes d'expression. La compagnie produit Seasons of Immigration, qu'elle présente en 2005 en tournée au Canada, et Pinteresque: Exit Strategy (2007) qui est montée au Theatre Passe Muraille dans le cadre du SummerWorks Festival.

Théâtre noir au Canada

Il existe des troupes de théâtre noires depuis le début du 19**sup**e siècle à Vancouver, à Halifax et dans des petites villes ontariennes telles que North Buxton et Amherstburg. Toutefois, la première percée importante se produit à Montréal en 1942, quand la Negro Theatre Guild monte The Green Pastures, de Mark Connolly, mise en scène par Don A. Haldane avec une scénographie d'Herbert Whittaker. La pièce est d'abord présentée au Victoria Hall, puis au Her Majesty's Theatre. En 1949, la compagnie monte The Emperor Jones d'Eugene O'Neill qui vaut à Percy Rodriguez le prix du meilleur acteur au Festival national d'art dramatique. Pendant les années 1960, la compagnie produit des pièces qui reflètent les intérêts des immigrants d'Afrique et des Caraïbes. Après l'émergence du Black Theatre Workshop en 1968, le Negro Theatre Guild ne réussit pas à se maintenir à flot.

Vers 1970, on assiste à la naissance de plusieurs compagnies de théâtre noires. En 1964, le Drama Committee of the Trinidad et la Tobago Association entreprennent de monter des pièces et d'assurer la formation de comédiens. Sous l'impulsion de Victor Phillips, ce comité se développe et devient bientôt le Black Theatre Workshop (BTW) qui, en 1968, monte sa première production, How Now Black Man?, de l'auteur montréalais Loris Elliot.

Le BTW a une longue histoire de production. Il alterne entre des œuvres contemporaines d'écrivains noirs canadiens et des pièces choisies dans le répertoire international. Parmi ses productions, mentionnons The Black Experience de Clarence Bayne (1975), Prodigals in a Promised Land d'Hector Bunyon (1982), Marvin Dream of a Lifetime de Dwight Bacquie (1988) et une version remaniée de la pièce pour enfants The Nutmeg Princess de Richardo Keens-Douglas (1994), montée auparavant par la troupe Theatre in the Rough, d'Amah Harris. Le BTW présente ensuite les pièces Riot d'Andrew Moodie (1998-1999) et New Canadian Kid de Dennis Foon (1998-1999). En 1999, le BTW reçoit une subvention Millenium Fund de 100 000 $ du Conseil des Arts du Canada qui lui permet de revitaliser le Youth Performer's Initiative, un programme de formation intensive pour jeunes noirs. Parmi les pièces produites par cette compagnie, citons The Crossroad/Le Carrefour (2000) de Kossi Efoui, Afrika Solo de Djanet Sears (2002, présentée en tournée scolaire en 2006), Wade in the Water de George Elroy Boyd (2004), Blacks Don't Bowl de Vadney Haynes (2005-2006) et The Lady Smith d'Andrew Moodie (2006)

Parmi les productions du BTW faisant partie du répertoire international durant les années 1970, mentionnons les pièces Dream on Monkey Mountain de Derek Walcott, The River Niger de Joseph A. Walker et My Sweet Charlie de David Westheimer, suivies de la pièce très applaudie de Ntozake Shange For Colored Girls Who Have Considered Suicide When the Rainbow is Not Enuf (1985), The Colored Museum (1987) de George C. Wolfe et Playboy of the West Indies coproduite en collaboration avec la Centaur Theatre (1993) et My Children, My Africa d'Athol Fugard (1998-1999).

Durant sa longue histoire, le Black Theatre Workshop accueille des comédiens connus comme Errol Slue, Jeff Henry, Walter Borden, Winston Sutton, Lorena Gale, Marvin Ishmael et Dwight Bacquie, et contribue à l'épanouissement de centaines de comédiens noirs œuvrant partout au pays.

Il convient aussi de mentionner la troupe torontoise Theatre Fountainhead, fondée en 1974 par Jeff Henry, et le Black Theatre Canada, fondé en 1973 par Vera Cudjoe. Henry décide de créer et de produire les œuvres d'auteurs dramatiques noirs, et sa compagnie présente des pièces de Wole Soyinka et d'Errol Sitahal ainsi qu'Africa in the Caribbean, une pièce de Henry, et The Cold Snap de l'écrivaine native des Prairies Linda Ghan qui raconte les expériences d'un immigrant venu des Antilles (1983). Citons aussi la comédie musicale The Obeah Man, écrite et jouée par Richardo Keens-Douglas, un rôle qui lui vaut une nomination pour le prix Dora (1985), et enfin la pièce The Blood Knot d'Athol Fugard, montée en 1986. Toutefois, des difficultés financières obligent la compagnie à fermer ses portes en 1990.

En créant le Black Theatre à Toronto, Cudjoe désire faire connaître au grand public la culture noire. Dans ce but, la troupe présente des pièces dans les écoles, où elle organise avec succès des ateliers. Parmi ses productions, mentionnons les pièces School's Out de l'auteur dramatique Trevor Rhone, Dem Two in Canada (1979) de Peter Robinson, Toronto More About Me (1979) du dramaturge torontois Daniel Caudiron et la comédie musicale One More Stop on the Freedom Train de Leon Bibb, qui traite du train clandestin qui conduisait les esclaves vers la liberté en Ontario. Produit à Toronto en 1984 puis repris en 1985, ce spectacle est présenté partout au Canada ainsi qu'à l'Expo 86 de Vancouver au pavillon du Canada, dans le cadre du Arts Against Apartheid Festival. Toutefois, des difficultés financières obligent le Black Theatre Canada à cesser ses activités en 1988. Quant au Theatre Fountainhead, il ferme en 1990.

Deux autres compagnies de théâtre noires, le Caribbean Theatre Workshop, fondé à l'Université de Winnipeg, et la compagnie de la Nouvelle-Écosse Kwacha (mot zambien signifiant « aube d'un nouveau jour »), fondée par Walter Borden en 1984, produisent des œuvres intéressantes durant les années 1980. Toutefois, elles disparaissent au cours des années 1990 malgré les critiques élogieuses et un public nombreux. Les conseils des arts considèrent que les activités de ces compagnies, désireuses d'assurer la formation et le perfectionnement des comédiens, se situent « en dehors de la sphère du théâtre professionnel », et les organismes d'aide aux groupes multiculturels rejettent leurs demandes en prétextant un « trop grand professionnalisme ».

Malgré ces déboires, le théâtre noir a devant lui un avenir prometteur. En 1987, Djanet Sears présente seule sur scène son spectacle Afrika Solo, qui lui vaudra par la suite une nomination pour le prix Dora. Elle reçoit de nombreux autres prix canadiens, entre autres pour Harlem Duet (1997), une pièce remontée au Neptune Theatre en 2000 et au Festival de Stratford en 2006.

En 1988, la troupe We Are One Theatre Productions inaugure ses activités avec la pièce de Marvin Ishmael Sweet Pan, une comédie musicale qui comporte des tambours métalliques (steel drum) et des costumes de carnaval. Cette troupe a pour mandat de présenter des œuvres où sont décrites les expériences des Canadiens originaires des Caraïbes. Elle fusionne dans ses spectacles la tradition des conteurs, les tambours métalliques et le calypso. We Are One Theatre Productions jouit d'une solide réputation grâce à ses nouvelles œuvres destinées à un jeune public.

Cette troupe marque les débuts d'un théâtre distinct canado-antillais et l'apparition d'un nouveau milieu artistique composé, entre autres, de l'acteur et conteur Richardo Keens-Douglas ainsi que de l'actrice et metteure en scène Amah Harris et de sa troupe Theatre in the Rough.

Une autre compagnie digne de mention, Theatre Wum, atteint la renommée au début des années 1990. Dans le but d'explorer les « constantes africaines », le directeur artistique fondateur, Colin Taylor, produit six pièces entre 1991 et 1994 : The Meeting de Jeff Stetson, œuvre décrivant une rencontre imaginaire entre Malcolm X et Martin Luther King (1991); Radiance of the King, au mois de septembre de la même année; The Imperceptible Mutabilities in the Third Kingdom de Suzan Lori-Park (1992); Titus Andronicus et The Urban Donnelleys (avec la compagnie Theatre Passe Muraille), en 1993. La démarche expérimentale rigoureuse de Taylor et son choix d'œuvres théâtrales provocatrices lui valent le prix John Hirsch de la mise en scène en 1993. L'année suivante, il est nommé directeur artistique associé de Theatre Passe Muraille. Il s'occupe aussi de mise en scène pour des troupes connues comme le Tarragon Theatre, la Great Canadian Theatre Company et Alberta Theatre Projects.

Dans ses efforts pour créer des pièces d'auteures prometteuses, la troupe féministe Nightwood Theatre apporte une contribution importante au théâtre noir canadien. Ses productions comprennent la pièce dynamique Wonder Quartet, écrite par Diana Braithwaite et mise en scène par Djanet Sears (1992) ainsi que la pièce solo Dry Lands, qui raconte dans une veine féministe le mythe de la création, écrite et jouée par Pauline Peters et mise en scène par Diane Roberts (1993). La troupe Young People's Theatre présente en 1993 la pièce In Search of Dragon's Mountain, qui traite de l'amitié interraciale en Afrique du Sud à l'époque de l'Apartheid et qui remportera un prix Dora accordé à une production théâtrale remarquable destinée au jeune public. Après plusieurs années d'efforts, l'auteur et comédien George Seremba gagne, en 1994, un prix Dora pour une nouvelle œuvre avec Come, Good Rain. Cette pièce poignante décrit la vie en Ouganda sous le régime sanguinaire d'Amin Dada. Elle est présentée à Ottawa, à Montréal, à Los Angeles et à Londres.

La compagnie torontoise b current, fondée en 1990, se donne comme mission de créer des œuvres traitant de la vie culturelle, sociale et politique de la diaspora noire au Canada et à l'étranger. Depuis les années 1990, elle propose des pièces complètes ou à élaborer en atelier, le programme de formation rAiz'n the sun s'adressant aux jeunes artistes noirs émergents et rock.paper.sistahz, un festival annuel présentant des œuvres théâtrales interprétées par des artistes féminines noires et par des artistes de couleurs.

L'AfriCan Theatre Ensemble de Toronto est fondé en 1998 par son directeur artistique Modupe Olaogun. Il crée un pont culturel entre l'Afrique et le Canada et aide à renforcer les liens entre l'Afrique et ses diasporas. Parmi les spectacles présentés par l'ensemble, citons la première canadienne The Gods Are Not to Blame (1998) et Our Husband Has Gone Mad Again (2000) d'Ola Rotimi, And the Girls in Their Sunday Dresses de Zake Mda (2001), Death and the King's Horseman de Wole Soyinka (2004), The Full Nelson de Donald Carr (2005) et Marriage of Anansewa d'Efua Sutherland (2008/2009).

L'Obsidian Theatre Company, fondée en 2000 à Toronto, a pour mission l'exploration, la mise en valeur et la production de chanteurs noirs sur la scène canadienne. Parmi ses pièces, citons The Adventures of a Black Girl in Search of God de Djanet Sears (2001-2002), The Piano Lesson d'August Wilson (2002-2003), Consecrated Ground de George Elroy Boyd (2003-2004), The Polished Hoe d'Austin Clarke (2006-2007), Black Medea de Wesley Enoch (2008-2009) et Yellowman (2009) de Dael Orlandersmith.

En Nouvelle-Écosse, le Voices Black Theatre Ensemble, fondé en 1990, œuvre dans la création et la présentation de pièces dramatiques et de pièces qui explorent et célèbrent l'histoire des Noirs dans cette province. Composée d'un noyau de dix artistes, en outre des acteurs, des musiciens, des danseurs, des artistes de rap, des conteurs, des chanteurs, des auteurs et des techniciens de la scène. La compagnie monte plusieurs pièces originales, dont Kumbaya: The Black History Month Show, The Detention, Africville, Nova Scotia Suite et Choices in the Skin.

Théâtre autochtone canadien

Les thèmes en rapport avec les premières nations font leur apparition dans le théâtre canadien à la fin des années 1960 avec des œuvres telles que The Ecstasy of Rita Joe de George Ryga (1967), Esker Mike and His Wife de Herschel Hardin (1969) et Almighty Voice de Len Peterson (1970).

Toutefois, ce n'est qu'au milieu des années 1970 que le théâtre autochtone réussit une percée notable avec l'apparition d'auteurs, de comédiens et de troupes autochtones. En 1974, l'Association for Native Development in the Performing and Visual Arts (ANDPVA) fonde la Native Theatre School (NTS), qui dispense des cours intensifs permettant aux jeunes talents d'apprendre leur art avec les meilleurs professeurs de diction, de gestuelle et de déclamation et qui prône l'étude des traditions culturelles et des formes de spectacles propres aux Autochtones. La quasi-totalité des comédiens autochtones du Canada étudient à la NTS.

En 1980, on organise à Toronto le premier festival de théâtre autochtone, qui réunit des comédiens autochtones venus du monde entier. En 1982, la troupe Native Earth Performing Arts est fondée à Toronto. Sous la direction artistique de Tomson Highway, cette compagnie affiche très rapidement un bilan impressionnant. De 1982 à 1985, elle présente des créations collectives expérimentales et obtient son premier grand succès populaire en 1986 avec The Rez Sisters, qui remporte les prix Dora et Chalmers décernés à la meilleure nouvelle pièce. Cette pièce, écrite par Tomson Highway, mise en scène par Larry Lewis et chorégraphié par de René Highway, raconte l'histoire d'un groupe de fanatiques du bingo qui se rend à Toronto dans l'espoir de remporter le gros lot. Œuvre à la fois humoristique et émouvante, The Rez Sisters fait une tournée nationale et est invitée au Fringe Festival d'Édimbourg en 1988.

En 1989, Tomson Highway, René Highway et Larry Lewis associent une fois de plus leurs talents pour présenter Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, une pièce qui décrit la réaction de quelques hommes quand leurs femmes ou leurs amies vont jouer une partie de hockey. Cette réalisation vaut à Highway un deuxième prix Chalmers et remporte quatre prix Dora, pour la meilleure production, la meilleure nouvelle pièce, le meilleur comédien (Graham Greene) et le meilleur rôle de soutien féminin (Doris Linklater).

En 1989 aussi, la troupe Native Earth fonde son festival annuel sous le nom de Weesageechak Begins to Dance, dont le mandat consiste à créer de nouvelles pièces. Au fil des années, on y développe des pièces évocatrices, dont Moonlodge de Margo Kane, Princess Pocahontas and The Blue Spots de Monique Mojica, Bootlegger Blues de David Moses et Diva Ojibway de Tina Mason, qui deviennent par la suite des productions complètes.

Parmi tous ces auteurs, l'un des plus prolifiques, Daniel David Moses, écrit, entre autres, Coyote City (Native Earth, 1988), The Dreaming Beauty (Inner Stage, 1990), Big Buck City (Cahoots, 1991), Almighty Voice and His Wife (GCTC, 1991) et The Moon and Dead Indians (Cahoots, 1993). Dreaming Beauty, une allégorie du renouveau culturel autochtone, mêle le mythe iroquoien et le conte de La Belle au bois dormant et obtient, en 1990, le premier prix à la Canadian National Playwriting Competition.

En 2003, la Native Earth Performing Arts nomme Yvette Nolan directrice artistique de la compagnie. En 2004-2005, la plus importante pièce produite par la Native Earth depuis plusieurs années, The Unnatural and Accidental Women de Marie Clements, est interprétée par treize acteurs. Cette production figure parmi les dix meilleures productions théâtrales de 2004 selon le NOW Magazine de Toronto. La pièce Dreary and Izzy (2005-2006) de Tara Beagan est un portrait humoristique et touchant du parcours de deux sœurs atteintes du syndrome d'alcoolisation fœtale. En 2003, on assiste également au lancement de la tournée de Honouring Theatre, qui présente trois pièces autochtones en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada - à Peterborough, Toronto, Regina et Vancouver.

La troupe De-Ba-Jeh-Mu-Jig, de l'île Manitoulin dans le Nord de l'Ontario, fondée en 1984, est la première et aujourd'hui la seule compagnie théâtrale œuvrant dans une réserve des Premières Nations. Elle a pour mission de dynamiser la culture, la langue et le patrimoine du peuple Anishinaabeg par l'enseignement et le partage d'expressions créatives originales entre les autochtones et les allochtones. La pièce Toronto at Dreamer's Rock de Drew Hayden Taylor, produite par la troupe De-Ba-Jeh-Mu-Jig, vaut à Taylor le prix Chalmers, en 1992. Cette histoire de trois garçons qui se rencontrent devant trois rochers sacrés du rêve, un désignant le passé, un le présent et l'autre le futur, soulève les questions de l'identité contemporaine des autochtones dans un texte humoristique et émouvant qui s'adresse à un jeune public. Depuis, cette pièce est souvent montée un peu partout au Canada par des troupes comme Theatre Direct et Magnus. En 2009, De-Ba-Jeh-Mu-Jig se développe avec l'ouverture du Debajehmujig Creation Centre. D'une superficie de 4572 m2 (15 000 pi2), ce centre multidisciplinaire est un lieu de création, de production et de formation.

Bootlegger Blues, de Taylor, est d'abord produite par la troupe De-Ba-Jeh-Mu-Jig en 1990. Deux ans plus tard, elle reçoit le prix littéraire décerné à la meilleure œuvre dramatique par la Canadian Authors' Association. En 1994, Taylor est nommé directeur artistique de la compagnie Native Earth. Il inaugure la saison 1994-1995 en présentant Someday, une pièce spirituelle racontant l'histoire d'une famille autochtone rurale qui retrouve par hasard une fille prodigue disparue depuis longtemps. À l'instar de Highway, Taylor se distingue par son talent à décrire avec humour et justesse la vie des Autochtones dans les réserves.

Depuis plusieurs années, la troupe Nakai Theatre Ensemble au Yukon incarne l'expression théâtrale inuite et met l'accent sur les expériences des habitants du Grand-Nord. De même, la compagnie Young People se penche sur des thèmes inuits en produisant un magnifique drame épique intitulé Whale (1993), qui s'inspire des légendes inuites et traite des problèmes environnementaux dans le Grand-Nord. Depuis plusieurs années, la troupe Nakai Theatre produit des pièces qui abordent les sujets de l'itinérance, de la pauvreté, de la discrimination et de l'appropriation culturelle, telles que 60 Below de Leonard Linklater et Patti Flather, Yellow on Thursday de Sarah Graefe et Late Nite with Grey Owl de Joseph Tisiga.

Au début des années 1990, plusieurs compagnies de théâtre établies s'intéressent aux projets du théâtre autochtone. Des pièces autochtones sont présentées en tournée et sont mises en scène dans plusieurs grands théâtres. En 1994, la Canadian Stage Company confie à Tomson Highway le poste de dramaturge attitré. Ian Ross, un auteur Métis, reçoit le prix John Hirsch remis à l'auteur manitobain le plus prometteur en 1996 et le prix du Gouverneur général en théâtre en 1997 pour fareWel, une pièce créée par le Prairie Theatre Exchange de Winnipeg en 1996 et montée à nouveau au Fringe Festival d'Édimbourg en 2001.

Un autre signe laisse penser que cette communauté mûrit : la Native Theatre School se détache de l'ANDPVA et devient autonome. Elle est rebaptisée Centre for Indigenous Theatre (CIT). Sous la direction artistique de Floyd Favel et Monique Mojica, le CIT cherche à implanter ses activités dans les écoles et joue un rôle crucial dans l'épanouissement de la culture scénique des Premières Nations qui, à la fin du 20e siècle, est solidement établie sur la scène théâtrale canadienne.

À Saskatoon, la Saskatchewan Native Theatre Company, fondée en 1999 par Gordon Tootoosis, Tantoo Cardinal, Donna Heimbecker, Kennetch Charlette et Dave Pratt, offre des programmes qui encouragent les jeunes à s'impliquer dans le milieu artistique ainsi que des programmes de formation professionnelle et de coproduction en collaboration avec le Persephone Theatre de Saskatoon.

À Vancouver, urban ink productions, une compagnie fondée en 2001 par l'artiste Métis Marie Clements, présente plusieurs pièces de Clements, dont Burning Vision (2002) et Copper Thunderbird (2007). Ensuite sous la direction de Diane Roberts, la compagnie se concentre sur la création, le développement et la production de pièces autochtones et d'œuvres culturelles théâtrales, littéraires et cinématographiques.

À Edmonton, l'Alberta Aboriginal Arts est fondée en 2009 afin de développer les traditions autochtones dans les milieux artistiques.

Théâtre canadien asiatique

Au Canada, le théâtre de culture asiatique remonte à 1933, quand la Chinese United Dramatic Society commence à monter des opéras élaborés en cantonais à Toronto. À son apogée, cette compagnie produit deux spectacles par an qui se distinguent par un foisonnement de costumes luxuriants et font appel à des acteurs professionnels des États-Unis et de Hong Kong pour compléter la distribution locale. La communauté d'origine coréenne ne commence à immigrer au Canada qu'après 1965 et fait ses premières expériences théâtrales au début des années 1980 avec la création de la troupe Kook-dan All (Theatre All), qui monte chaque année des pièces coréennes d'envergure destinées au public torontois.

Pour ce qui est des Néo-Canadiens originaires des Philippines, le Carlos Bulosan Cultural Workshop (CBCW), fondé en 1982, met l'accent sur les problèmes concrets qu'implique l'adaptation à la vie au Canada. Le CBCW, qui représente au départ l'organe culturel de la coalition nord-américaine contre la dictature de Marcos, est influencé par le théâtre populaire traditionnel des Philippines. La première production de cette troupe, baptisée en l'honneur d'un auteur et militant politique américano-philippin, est Carding (1984, 1986), qui met en scène la vie d'un immigrant philippin en Amérique. Le CBCW, qui joue à la fois en tagal et en anglais, s'efforce de combler le fossé entre les membres de ce groupe ethnique de la première et de la deuxième générations.

Sous l'impulsion de ses principaux membres, la productrice Martha Ocampo, l'auteure et metteure en scène Fely Villasin et l'auteur dramatique Voltaire de Leon, le CBCW monte de nombreux spectacles et ateliers, notamment If My Mother Could See Me Now/Inay Kung Alam Mo Lang, qui décrit les malheurs des personnes travaillant comme domestiques (1989, 1990), Home Sweet Home, qui évoque la violence à l'intérieur de la communauté philippine (1993), et Noong Kapanahunan Ko ... Not in my Time, qui aborde le thème des conflits et de l'incompréhension entre les générations (1994). Le CBCW se lie avec les troupes populaires Ground Zero et The Company of Sirens et est une des rares troupes de théâtre communautaires à avoir réellement atteint un niveau professionnel.

En dehors du milieu philippin, le théâtre reflétant la culture des Canadiens d'origine asiatique se développe de peine et de misère. Le Canasian Artists Group monte Yellow Fever de l'auteur canado-asiatique Rick Shiomi (1983) et F.O.B. de David Henry Hwang (1984), récipiendaire du Prix Obie. Après une éclipse, cette compagnie refait surface en produisant une des premières œuvres de Hwang, The Dance and the Railroad, en 1993. À Vancouver, le Firehall Theatre, centre de rayonnement culturel des Canadiens originaires d'Asie, présente plusieurs pièces de Rick Shiomi telles que Play Ball, Rosie's Cafe et Yellow Fever ainsi que Powder Blue Chevy de Wen Jee, devant un public réceptif. À Winnipeg, le Prairie Theatre Exchange produit en 1985 la pièce Enemy Graces de Sharon Stearns, qui traite avec délicatesse de l'internement des Japonais durant la guerre.

Les pièces de l'auteur dramatique canado-asiatique le plus connu des années 1980, Rick Shiomi, sont produites aux États-Unis, avant de faire leur marque au Canada. Rares sont les pièces originales d'auteurs canado-asiatiques; mentionnons toutefois Bachelor Man de Winston Kam montée par le Theatre Passe Muraille (1987) et Powder Blue Chevy de Wen Jee, montée par le Firehall Theatre (1990). La troupe Cahoots Theatre Projects présente The Phoenix Cabaret, deux satires politiques mordantes de l'auteur chinois contemporain Xie Min (1986). Enfin, les productions Sansei North produisent Song of the Nisei Fisherman, du dramaturge américain Phillip Kan Gotanda (1987).

Durant les années 1990, M. Butterfly de Hwang, récipiendaire d'un Tony Award, est présentée un peu partout au Canada de 1991 à 1993. Le Young People's Theatre se lance dans le théâtre asiatique avec Naomi's Road de Joy Kogawa. Cette pièce, adaptée pour la scène par Paula Wing, obtient beaucoup de succès et est mise en nomination pour quatre prix Dora. Le lancement de Miss Saigon en 1993 favorise l'emploi d'un plus grand nombre de comédiens asiatiques. Toutefois, la pièce soulève des débats enflammés dans les milieux asiatiques. Les protestataires, sous la direction du mouvement populaire Asian ReVisions, accusent Miss Saigon de colporter de vieux stéréotypes raciaux.

L'émergence de nouvelles œuvres et de nouveaux auteurs canado-asiatiques demeure relativement lente. Le Nightwood Theatre contribue à la création des pièces de Beverly Yhap, de Betty Quan et de Jean Yoon grâce à son festival Groundswell. La troupe torontoise Workman Theatre Projects monte la pièce de Terry Watada Tale of a Mask, qui décrit l'isolement, le désespoir et le suicide d'un immigrant japonais (1993). La compagnie multiculturelle Cahoots Theatre Projects inaugure sa saison annuelle de nouvelles pièces Lift Off '93! en montant plusieurs œuvres de dramaturges asiatiques dans le cadre de son programme, dont Noran Bang: The Yellow Room de M.J. Kang, présentée lors du festival 3D de Cahoots en automne 1993, qui traite des problèmes propres aux Canadiens d'origine coréenne.

Au cours de sa saison Lift Off '94, la troupe Cahoots crée deux pièces asiatiques : Mom, Dad, I'm Living with a White Girl du dramaturge résidant à Edmonton Marty Chan, et Mother Tongue de Betty Quan. La première de ces pièces est produite en 1995 sous la direction de Sally Han. Quant à Mother Tongue, une œuvre dramatique mettant en scène les divisions d'une famille provoquées par l'emploi de différentes langues (le chinois, l'anglais et le langage des signes), elle est finalement produite au Firehall Theatre de Vancouver en 1995. Parmi les autres œuvres de Quan, mentionnons Nancy Chew Enters the Dragon, adaptée pour la radio et diffusée sur le réseau de langue anglaise de la Société Radio-Canada, et The Dragon's Pearl, produite par le YPT au printemps 1995.

Bien que les pièces Noran Bang, Mother Tongue et Mom, Dad soient de styles différents et abordent des sujets variés, elles s'adressent aux jeunes Canadiens d'origine asiatique coupés de leurs parents en raison de la langue et de leurs valeurs personnelles. Les professionnels au sommet de leur art dans le domaine du théâtre asiatique sont la metteure en scène Sally Han, le scénographe Ange Shang, le chorégraphe Xing Bang Fu et le compositeur Donald Quan. Durant les années 1990, le théâtre canado-asiatique trouve enfin sa voie et ses voix. En 2002, la fu-GEN Asian-Canadian Theatre Company est fondée à Toronto. Parmi ses plus grands succès, citons Banana Boys de Leon Aureus (2005), Singkil de Catherine Hernandez (2007) et Lady in the Red Dressde David Yee (2009).