La tortue des bois (Glyptemys insculpta) est une tortue d’eau douce ornée de taille moyenne originaire de l’est de l’Amérique du Nord. Elle est la plus terrestre des tortues du Canada. Bien qu’elle dépende des rivières pour hiberner, elle passe une grande partie du printemps, de l’été et de l’automne dans les habitats terrestres environnants. Ce mode de vie semi-terrestre la rend particulièrement vulnérable aux menaces telles que la mortalité sur les routes, l’exploitation forestière et la capture illégale. Elle est une espèce en péril dans l’ensemble de son aire de répartition au Canada.
Description
La longueur de la coquille supérieure (carapace) de la tortue des bois peut atteindre 25 cm, les mâles étant généralement plus gros que les femelles. La carapace a un aspect sculpté attribuable aux anneaux de croissance concentriques surélevés sur chaque scutelle (excroissance sur chaque écaille de la carapace) qui leur donnent une forme pyramidale. Elle est également fortement dentelée le long de la bordure postérieure et présente une carène, une arête surélevée, en son centre. La carapace est brun clair, brun grisâtre ou brune avec des lignes jaunes et noires rayonnant à partir du centre de chaque scutelle. La coquille inférieure (plastron) est jaune, avec une grande tache foncée sur le coin extérieur de chaque scutelle. La tête est noire, la face supérieure des membres est généralement brune et le cou, le dessous des pattes et la queue sont jaunes, orange ou rouges.
Répartition et habitat
Au Canada, la tortue des bois est présente dans le centre-sud de l’Ontario, le centre-sud du Québec et dans une grande partie du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Sa répartition est fragmentée, en particulier en Ontario et au Québec, où de petites populations isolées sont séparées les unes des autres par de grandes distances. La tortue des bois est également présente dans tout le nord-est des États-Unis, du Maine à la Pennsylvanie, en Virginie-Occidentale et en Virginie, ainsi que sur la rive ouest des Grands Lacs dans le nord du Michigan, le Wisconsin, l’est du Minnesota et le nord de l’Illinois.
La tortue des bois vit dans des rivières et des ruisseaux peu profonds et méandriques (c.‑à‑d. sinueux) qui ont généralement une eau claire, un courant modéré et un fond de sable, de gravier ou de galets. Lorsque la température augmente au printemps, la tortue des bois se déplace vers les habitats terrestres avoisinants (p. ex., les forêts, les fourrés et les clairières) ou vers les terres humides, où elle passe une grande partie de l’été. Elle préfère les habitats forestiers à canopée ouverte qui offrent une gamme de températures et une variété de sources de nourriture. La femelle niche dans des habitats ensoleillés où les températures chaudes favorisent le développement des œufs, comme les bancs de sable ou de gravier le long de rivières, les plages de sable, les berges de cours d’eau ou les bords de routes. La tortue des bois hiberne dans les parties profondes des lits de rivière. Un individu peut avoir de grands domaines vitaux qui s’étendent sur plusieurs kilomètres le long d’une rivière. Pendant les mois d’été, la tortue des bois peut s’éloigner jusqu’à 900 m de la rivière, bien qu’on la trouve généralement à quelques centaines de mètres de celle-ci.
Le saviez-vous?
Les tortues des bois sont très intelligentes et certains individus emploient une stratégie de recherche de nourriture impressionnante. Ces tortues frappent le sol de leurs pattes (et parfois de leur plastron) pour créer des vibrations qui font remonter à la surface les vers de terre qui figurent parmi leurs principales proies, afin de les manger. La raison pour laquelle ces vibrations attirent les vers demeure un mystère. Il est possible que cette activité imite les vibrations causées par les gouttes de pluie qui frappent le sol, attirant ainsi les vers à la surface pour éviter les galeries inondées. Il est également possible que ces vibrations imitent celles provoquées par les mouvements des prédateurs souterrains tels que les taupes, ce qui inciterait les vers à fuir vers la surface.
Reproduction et développement
L’accouplement a généralement lieu au printemps ou à l’automne, bien qu’il puisse se produire pendant l’été. Les femelles pondent de 1 à 20 œufs entre la fin mai et le début juillet. Au Canada, les femelles pondent généralement une seule couvée d’œufs chaque année, même si certaines femelles ne nichent pas chaque année. Les œufs éclosent entre la mi-août et le début d’octobre et la longueur moyenne de la coquille des nouveau-nés est de 3,3 à 3,65 cm. Contrairement à la plupart des autres espèces de tortues au Canada, le sexe des nouveau-nés est déterminé par des facteurs génétiques plutôt que par la température d’incubation des œufs.
Au Canada, la tortue des bois n’atteint la maturité sexuelle qu’entre 11 et 22 ans. Les œufs, les nouveau-nés et les juvéniles de la tortue d’eau douce ont de faibles taux de survie. Au cours de toute sa vie, une tortue des bois femelle ne peut produire que quelques œufs qui survivent jusqu’à l’âge adulte. Cependant, une fois que les individus atteignent l’âge adulte, leur taux de survie est élevé et peuvent vivre plus de 80 ans. La petite taille des couvées, la maturité tardive et le faible taux de survie de l’œuf à l’adulte ralentissant le développement des populations de tortues des bois, la stabilité des populations passe par la longévité des adultes.
Alimentation et prédation
La tortue des bois est omnivore et se nourrit de plusieurs plantes et petits animaux. La matière végétale (p. ex., les feuilles, les graines et les baies), les champignons, les vers de terre, les limaces, les larves d’amphibiens, les insectes et les charognes (animaux morts) constituent généralement l’essentiel de son régime alimentaire. Contrairement à de nombreuses tortues d’eau douce, la tortue des bois se nourrit beaucoup sur terre, mais également dans l’eau. Les principaux prédateurs de la tortue des bois et de son nid sont des mammifères (p. ex., le raton laveur, le renard, la mouffette et le coyote) et les corbeaux. Le taux de prédation des nids peut être très élevé (atteignant parfois 100 % certaines années) dans les zones où ces mammifères prédateurs sont nombreux. Les nouveau-nés sont également la proie de nombreux autres animaux, dont la tortue serpentine, de gros poissons et plusieurs oiseaux.
Menaces
Étant donné que la tortue des bois a une longue durée de vie et une croissance démographique très lente, la perte du plus petit nombre d’adultes soit-il chaque année, peut entraîner un déclin de la population. Par conséquent, la mort des tortues sur les routes constitue la menace la plus grave pour les tortues des bois au Canada, et on croit qu’elle est à l’origine du déclin des populations dans de nombreuses parties de l’aire de répartition de l’espèce. L’équipement agricole tue également les tortues des bois, en particulier dans les zones d’agriculture intensive. La perte continue d’habitat, comme la conversion de zones naturelles en terres agricoles, est une autre menace importante pour cette espèce. Certaines espèces de tortues du Canada, dont la tortue des bois, sont également menacées par le braconnage et le trafic illégal d’espèces sauvages. Comme les braconniers peuvent rapidement retirer un grand nombre d’adultes de la population, la capture illégale est une menace sérieuse qui peut entraîner des déclins importants et souvent irréversibles. Parmi les autres menaces figurent l’augmentation de l’abondance des prédateurs de nids (le raton laveur, p. ex.) dans de nombreuses zones habitées, les activités qui modifient le débit des cours d’eau (les barrages, p. ex.), l’exploitation forestière et le changement climatique.
Statut et conservation
À l’échelle mondiale, la tortue des bois est considérée comme une espèce en voie de disparition par l’Union internationale pour la conservation de la nature. La Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada la classe également dans la catégorie des espèces menacées. Cette loi, ainsi que les lois provinciales, assure une protection importante aux espèces menacées et en voie de disparition et à leur habitat, y compris la tortue des bois. Cependant, ces lois ne permettent pas de faire face à certaines menaces telles que la mort des tortues des bois sur le vaste réseau routier du Canada. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faire face à ces menaces et enrayer le déclin des populations. Par exemple, il est possible de réduire la mortalité des tortues sur les routes en installant des écopassages, des tunnels qui permettent aux tortues de passer sous la route en toute sécurité, combinés à des clôtures qui les empêchent d’accéder à la route. Les gens peuvent également contribuer à réduire la mortalité des tortues sur les routes en déplaçant hors de la route celles qui s’y trouvent chaque fois qu’il est possible de le faire en toute sécurité.