L’Histoire canadienne comporte son lot de tragédies nautiques, survenues tant le long de ses côtes que dans ses lacs d’eau douce. La pire de ces catastrophes survint le 29 mai 1914; le naufrage de l’Empress of Ireland au large de Rimouski, au Québec, fait 1 014 victimes. Le présent article effectue un survol de certaines des plus grandes tragédies maritimes ayant eu lieu en eaux canadiennes.
Premières tragédies maritimes
Le premier naufrage fut peut-être celui du navigateur Jean Cabot, disparu en 1498 lors de son second voyage, ou de Gaspar Corte-Real, dont on a perdu la trace en 1501 alors qu’il était en route vers Terre-Neuve; peut-être encore celui d’un baleinier basque anonyme. Toutefois, la première tragédie maritime recensée demeure le naufrage du Delight, l'un des vaisseaux de sir Humphrey Gilbert, près de l'île de Sable; le 29 août 1583, au moins 85 hommes y trouvent la mort.
Le 23 août 1711, une flotte britannique commandée par le contre-amiral sir Hovenden Walker, en route pour attaquer Québec, échoue sur les récifs de l'Île-aux-Œufs. En tout, 19 vaisseaux de guerre et 41 autres navires transportent plus de 11 000 hommes, desquels 950 périssent. De mauvaises cartes géographiques et un littoral accidenté et peu peuplé, en plus d’un manque flagrant d’aides maritimes (absence de signalisation en cas de brouillard, de phares et de postes de sauvetage), causent la perte d'un nombre considérable de navires, dont l’équipement de sauvetage est souvent nettement insuffisant.
Tragédies du XIXe siècle
Le 26 juin 1857 au large de Québec, le Montréal, un vapeur à aubes de 715 tonnes, est consumé par un incendie qui cause la mort de 253 personnes. L’équipage aurait réagi avec une lenteur effarante à l’annonce de l’incendie, un feu s’étant déjà déclaré trois fois sur le navire.
Le 20 mars 1873, l'Atlantic, propriété de la White Star Line, quitte Liverpool en direction de New York, avec à son bord 811 passagers, 4 officiers et 141 membres d'équipage. La réserve de charbon diminue plus rapidement que prévu et le capitaine décide, le 31 mars, de mettre le cap sur Halifax. Dans la nuit du 1er avril, à 3 h 15, le navire percute le récif de Meagher (Prospect, Nouvelle-Écosse). Sous la violence de l'impact, il donne brusquement de la bande, et les passagers sont pris au piège dans leurs cabines. Beaucoup de ceux qui parviennent jusqu’aux ponts sont précipités par-dessus bord. Malgré les héroïques tentatives de sauvetage de l'équipage et des habitants de Prospect, environ 550 des passagers trouvent la mort. On compte parmi eux tous les femmes et les enfants à bord, à l’exception d’un garçon.
Le 24 mai 1881, le Victoria, un bateau à aubes de 27 tonnes surchargé, chavire dans la rivière Thames près de London, en Ontario. Lorsque les passagers se rendent compte du drame, plusieurs d’entre eux sautent du pont, qui à son tour bascule en les prenant au piège. La situation est sans issue et, malgré les eaux peu profondes, l’accident fait au moins 182 victimes.
Tempête de 1913 sur les Grands Lacs
La tempête de 1913 sur les Grands Lacs, que l’on appelle aussi White Hurricane (« l’ouragan blanc ») ou Freshwater Fury (la « furie d’eau douce ») est la plus dévastatrice de l’histoire des Grands Lacs. Du 7 au 10 novembre, un blizzard laiteux, auquel s’ajoutent des vents atteignant les 140 km/h et des vagues pouvant aller jusqu’à 12 mètres de hauteur, fait des ravages sur les lacs Supérieur, Erie, Michigan et Huron, ce dernier étant le plus sévèrement touché. Jusqu’à 270 marins se noient; parmi ceux-ci, les équipages entiers de huit navires engloutis en une seule journée sur le Lac Huron.
L’Empress of Ireland (1914)
Le 29 mai 1914, au cours de la première nuit d’un voyage en partance de Québec, l’Empress of Ireland, propriété de la Canadian Pacific Steamship Company, navigue dans un brouillard dispersé près de Pointe-au-Père (Rimouski), Québec. Le Storstad, un charbonnier norvégien chargé, heurte le côté du navire, créant une large fissure dans la coque. L’eau s’engouffre rapidement dans l’Empress et les passagers sont pris au piège. Il ne s’écoule pas plus de 14 minutes entre le moment de l’impact et celui où l’Empress finit de sombrer. Des 1 057 passagers et 420 membres d’équipage, 1 014 personnes meurent.
Autres drames du XXe siècle
Le 23 octobre 1918, naviguant en pleine tempête de neige entre Skagway, en Alaska, et Vancouver, le Princess Sophia, de la Canadian Pacific Steamship, s’échoue sur le récif Vanderbilt dans le canal Lynn. Des navires plus petits réussissent à s'approcher, mais une mer houleuse les empêche de porter secours aux passagers. Au bout de deux jours, le choc répété des vagues perce la coque du navire; il sombre le 25 octobre, entraînant avec lui ses 343 passagers.
Un navire de forage portant le nom de John B. King et son équipage ont le malheur d’être frappés par la foudre le 26 juin 1930. Le choc crée une énorme explosion, mettant le feu à de la dynamite enfouie dans le fond du fleuve et reliée au navire par des câbles. Trente hommes sont tués, sur le coup ou par noyade. Dix des membres d’équipage sont recueillis par un bateau américain.
Tragédies liées à la pêche et à la chasse aux phoques
La pêche et la chasse au phoque sur la côte Atlantique ont elles aussi coûté de nombreuses vies. On estime que la chasse aux phoques de Terre-Neuve aurait causé la perte de quelque 400 navires et d’environ 1 000 hommes parmi les banquises, entre 1810 et 1870.
Le 31 mars 1914, le bateau phoquier Southern Cross est aperçu pour la dernière fois au large de Terre-Neuve. Le navire, alourdi par sa cargaison de peaux de phoques, sombre sur le chemin du retour dans le golfe du Saint-Laurent. Des 173 membres d’équipage, personne n’en réchappe; il s’agit du nombre de victimes le plus élevé dans l’histoire de la pêche au phoque de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le 20 juin 1959, la flotte de pêche d'Escuminac (Nouveau-Brunswick) essuie une formidable tempête qui cause le naufrage de 22 bateaux et entraîne la mort de 35 hommes.
Tragédies liées au forage pétrolier
Le naufrage tragique de la plate-forme de forage Ocean Ranger, à 265 km à l'est de Terre-Neuve, le 15 février 1982, est la première catastrophe de ce genre au Canada. Elle fait 84 victimes.