Travail, politique du
La politique du travail comprend les politiques ayant trait aux rapports entre employeurs et employés et celles portant sur l'emploi, la formation et la répartition des travailleurs sur le MARCHÉ DU TRAVAIL. Les RELATIONS INDUSTRIELLES au Canada sont gouvernées par la common law de collusion en vue de restreindre le commerce jusqu'en 1872, lorsque le premier ministre John A. MACDONALD réagit à l'emprisonnement de typographes torontois en grève lors d'un conflit avec George BROWN en faisant adopter la Loi des unions ouvrières légalisant les syndicats.
Bien que se déclarant neutre en matière de relations de travail, le gouvernement est souvent intervenu sans fondement juridique en faveur des employeurs. La première intervention législative directe dans les relations patronat-salariat est la Loi des enquêtes en matière de différends industriels de 1907 interdisant les GRÈVES ET LOCK-OUT dans les services publics et les mines jusqu'à ce qu'une enquête soit menée sur le conflit. La loi a été préparée par Mackenzie KING , qui devient en 1909 le premier ministre fédéral du Travail à temps plein. L'autorité législative sur les relations de travail est transférée aux provinces dans l'entre-deux-guerres jusqu'à ce que l'urgence de la guerre et le mécontentement grandissant de la main-d'oeuvre mènent à l'adoption du décret en conseil de temps de guerre PC 1003 (1944), autorisant l'organisation et la signature de NÉGOCIATIONS COLLECTIVES.
Après la guerre, l'autorité législative sur la plupart des relations de travail retourne aux provinces et les désaccords et les conflits dans les relations industrielles sont normalement transmises aux tribunaux provinciaux ou fédéraux ou encore à des commissions d'arbitrage. Quoique les gouvernements des deux ordres aient en général adopté les principes des mesures de guerre, il y a eu plus récemment des divergences grandissantes entre les provinces dans le respect de ces principes.
La politique du marché de l'emploi vise à entretenir, à fournir et à développer un large bassin de main-d'oeuvre; à mettre en oeuvre des stratégies pour accroître la mobilité de la main-d'oeuvre, y compris la réinstallation et le recyclage; à assurer la création d'emplois et l'amélioration des emplois; à assumer la prise en charge des chômeurs et la mise en oeuvre de politiques sociales appropriées. Elle a fréquemment été le reflet d'une politique économique traditionnellement fondée sur l'exploitation des ressources de l'arrière-pays, c'est-à-dire une politique d'immigration encourageant la colonisation et le développement agricole des Prairies. Ce n'est que dans les années 60 qu'apparaît une politique globale de la main-d'oeuvre (à l'exception du temps de guerre). La plupart des provinces ont leur propre politique, qui ne s'harmonise pas nécessairement avec les politiques du gouvernement fédéral.
La plus ancienne politique du travail au Canada est la tentative remontant à l'époque de Jean TALON, à la fin du XVIIe siècle, voulant affermir la mainmise française dans la vallée du Saint-Laurent par sa colonisation. Malgré l'opposition des monopoles du commerce de la fourrure, des efforts sont faits pour augmenter la population en stimulant l'immigration par l'envoi de jeunes femmes de France, par l'établissement de soldats démobilisés et par un appui à l'accroissement naturel de la population prenant la forme de primes de l'État pour les mariages précoces et les familles nombreuses.
Les Autochtones représentent une grande part de la main-d'oeuvre dans la TRAITE DES FOURRURES comme fournisseurs et convoyeurs et les commerçants canadiens-français, COUREURS DE BOIS et VOYAGEURS, repèrent de nouvelles ressources et ramènent les fourrures au port. La Compagnie de la baie d'Hudson met sur pied une autre politique de facto. Les Autochtones jouent le rôle de fournisseurs et apportent les fourrures à la baie, jusqu'à ce que des travailleurs orcadiens se chargent du transport vers l'intérieur. Des communautés métisses deviennent fournisseurs de PEMMICAN, guides, convoyeurs et manoeuvres; les Anglais sont marchands, commerçants et administrateurs.
La stimulation de l'immigration et de la colonisation se poursuit après la Conquête (1760), atteignant son apogée à la fin du XIXe siècle et dans la première décennie du XXe siècle. Un nombre impressionnant de travailleurs immigrants arrivent pour la construction du chemin de fer transcontinental. Une commission royale d'enquête révéla (rapport de 1908) que deux sous-traitants du Canadien Pacifique (CP) avaient à eux seuls importé 6000 manoeuvres orientaux. Le gouvernement fédéral et le CP ont aussi collaboré à une ambitieuse campagne de recrutement visant à peupler les Prairies, menée d'abord en Angleterre, en Scandinavie et en Europe de l'Ouest puis, nécessité oblige, en Europe de l'Est et du Sud. Beaucoup de ces immigrants constituent une réserve de main-d'oeuvre pour les mines, les autoroutes et les usines autant que pour le défrichage des Prairies. La politique d'importation de travailleurs fut dénoncée par la main-d'oeuvre, qui réussit à persuader le gouvernement d'intervenir en votant par exemple la Loi sur le travail des aubains (1897).
L'immigration est sévèrement freinée par la loi de 1923 pendant la dépression de l'après-guerre, mais elle est encouragée pour certains types de travailleurs qualifiés après la Deuxième Guerre mondiale et largement libéralisée dans les années 60. Depuis, elle sert beaucoup moins comme outil de la politique du travail, quoique périodiquement, habituellement à la demande de certaines provinces, on encourage l'immigration de travailleurs spécialisés pour pallier le manque de main-d'oeuvre dans certains domaines (p. ex., les couturières des Philippines pour l'industrie de la confection au Manitoba).
L'aide du gouvernement au développement de la main-d'oeuvre ne se limite pas à la seule immigration. Peu de temps après la Conquête, on encourage les sociétés et les foires agricoles dans le but de développer les compétences dans ce domaine. Instituée en Ontario, l'instruction publique se répand à travers presque tout le Canada dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'un de ses buts déclarés étant de préparer les jeunes hommes au marché de l'emploi. Il y a avant la Deuxième Guerre mondiale des incursions irrégulières et limitées de tous les ordres de gouvernement en politique du travail, habituellement en réaction à un chômage élevé. Plusieurs gouvernements municipaux dans de plus grands centres mettent sur pied des bureaux de placement ou prennent des mesures de secours public comme les gouvernements provinciaux.
Le « travail de secours » était devenu en 1914 une réponse commune au nombre grandissant de chômeurs à qui l'on donnait gîte et couvert en échange de petits travaux ou de tâches manuelles comme la coupe de bois de chauffage ou l'entretien des égouts. Le gouvernement fédéral a recours à la déportation et aux camps de travail pendant la CRISE DE 1929. En 1930, 4000 personnes sont expulsées à la demande des gouvernements provinciaux et municipaux, environ 45 p. 100 d'entre elles étant à la charge de l'aide publique et plusieurs centaines de ces dernières étant malades. On restaure le secours social et on institue en 1932 des camps de travail administrés par le ministère de la Défense nationale.
En Alberta seulement, près de 17 000 hommes sont détenus dans 10 camps situés en régions éloignées. Le gouvernement conservateur du premier ministre R. B. BENNETT tente sans succès d'instituer un programme d'assurance-chômage en 1935, mais il faut attendre une modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1940 pour que le gouvernement fédéral mette sur pied des services de placement.
La création de la Commission d'assurance-chômage (CAC) et du Service national de placement (SNP) qui lui est associé, dérivée du programme d'enregistrement du temps de guerre (1940), donne le coup d'envoi de la première politique concertée visant le marché de l'emploi. Le SNP doit apparier chômeurs et postes vacants en utilisant les bureaux d'emploi comme centres d'échange d'information. On commence presque immédiatement par attribuer la main-d'oeuvre au travail prioritaire de guerre et par administrer le régime de service sélectif, mais les conditions économiques généralement florissantes de l'après-guerre font rapidement revenir au travail de placement.
À la fin des années 50, le chômage croissant et le spectre du chômage structurel (un chômage causé par des crises cycliques régulières, par les changements technologiques, les conglomérats corporatifs et les mouvements des marchés mondiaux) font adopter la Loi sur l'assistance à la formation technique et professionnelle (1960), un programme dont les coûts sont partagés avec les provinces et qui prévoit la mise sur pied de la formation professionnelle et d'établissements de formation. L'importance primordiale du volet placement de la politique du marché de l'emploi diminue d'autant.
Le gouvernement crée en 1966 le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, responsable de toute la politique de la main-d'oeuvre à l'exception de l'ASSURANCE-CHÔMAGE. La Loi sur la formation professionnelle des adultes (1967) dans le cadre du Programme de formation de la main-d'oeuvre du Canada (PFMC) met l'accent sur la formation; elle reçoit des fonds du fédéral, mais elle ne reçoit plus de dons en capital pour les installations et elle s'adresse uniquement aux adultes.
La persistance du chômage et de la pauvreté dans les années 70, particulièrement chez les jeunes défavorisés, les femmes, les Autochtones, les handicapés et les habitants des régions souffrant d'un taux de chômage élevé, amène un regain d'intérêt pour la gestion du chômage et la prévention de crises possibles. Les stratégies de formation, de counselling et de réinstallation se révèlent inefficaces et les gouvernements ont encore recours à la création d'emplois. Des programmes de travaux d'hiver avaient été subventionnés dans les années 50 pour combattre le chômage saisonnier.
La direction de la création d'emplois du ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration met sur pied dans les années 70 Perspectives Jeunesse (PJ), un programme d'été pour les étudiants, le Programme d'initiatives locales (PIL), qui vise le chômage hivernal, et le Programme d'aide au développement local, pour venir en aide aux chômeurs de longue date. Stratégie d'emploi communautaire, un projet en collaboration avec les provinces, s'y ajoute en 1975. Les gouvernements fédéral et provinciaux tentent de plus de stimuler l'activité du secteur privé par une série d'avantages, dont des abattements fiscaux, des garanties d'emprunt, des subventions directes et des apports de capitaux.
Le gouvernement réunit aussi en 1976 sa direction du marché de l'emploi et de l'immigration et la CAC. Le nouveau ministère, Emploi et Immigration, supervise la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, responsable de mettre en oeuvre les projets et le programme d'assurance. Des fonds deviennent de plus disponibles pour la création d'emplois et le travail à temps partagé grâce à des changements à la Loi sur l'assurance-chômage.
L'élection du gouvernement conservateur de Mulroney en 1984 entraîne une réorganisation des programmes d'emploi en 1985, sous le chapeau de Planification de l'emploi Canada. Les principaux programmes qui composent cette stratégie sont Développement de l'emploi, Expérience de travail et Formation pour les chômeurs de longue durée, financés par des subventions à l'emploi ; Intégration professionnelle, une combinaison de stages en milieu de travail et de formation pour faciliter l'entrée des jeunes et des femmes sur le marché de l'emploi; Pénuries de main-d'oeuvre et Acquisition de compétences, subventions aux salaires, stages en milieu de travail, recyclage et formation théorique pour prévenir les pénuries et carences de main-d'oeuvre et recycler les travailleurs dont l'emploi est menacé par les changements technologiques ou ceux du marché; Développement des collectivités, subventions au développement de l'emploi pour les communautés connaissant des problèmes de chômage chronique ou potentiel; et Aide financière aux innovations, pour faciliter les adaptations au marché de l'emploi. Le gouvernement commence en même temps à exercer des coupures aux indemnités et à la couverture de l'assurance-chômage (AC) ainsi que dans les programmes sociaux étayant le marché de l'emploi.
Le retour au pouvoir des libéraux en 1993 amène des coupures supplémentaires à l'AC et au filet de sécurité sociale ainsi qu'un autre changement important dans la politique de l'emploi. Marché de l'emploi, relations industrielles, AC et sécurité du revenu sont réunis au sein d'un nouveau ministère, le ministère du Développement des ressources humaines Canada (MDRHC). La couverture de l'AC, l'admissibilité et les indemnités sont réduites si fortement qu'en 1996 seuls 45 p. 100 des chômeurs reçoivent des indemnités, réduites de 67 p. 100 par les modifications des libéraux. On donne au programme d'assurance le nom d'Assurance-emploi en 1997. Le MDRHC poursuit de façon délibérée la réduction de la prestation de services de placement directs au profit de l'« autonomie du client » par la mise en place de points de service électroniques fournissant en ligne des renseignements sur le marché de l'emploi. De plus, beaucoup de programmes d'adaptation au marché de l'emploi sont confiés à des collaborateurs sectoriels (privés), provinciaux, non gouvernementaux et autochtones en vertu du programme Initiatives stratégiques et de nombreuses responsabilités du ministère reliées à la création d'emploi et à la formation passent au programme d'assurance-emploi. Le résultat de ces changements est une réduction importante de la participation et des dépenses du gouvernement dans les politiques et les programmes d'intervention directe sur le marché du travail.
Le MEI possédait 470 centres d'emploi du Canada (CEC) à travers le pays et 400 autres centres universitaires et unités mobiles de prestation de services dans les localités éloignées en 1991. Depuis la création du MDRHC en 1993, on a placé une confiance accrue dans les points de service électroniques pour assurer les services d'information dans le cadre de ce qui est maintenant appelé le Réseau de prestation de services. Au tournant du siècle, le MDRHC entend gérer plus de 300 centres de ressources humaines (auparavant des CEC) en plus de 400 centres électroniques d'information sur l'emploi. On s'attend à ce qu'environ 90 p. 100 de ce réseau soit en place au printemps de 1997. Les employeurs ont signalé aux centres 17 279 emplois occasionnels et 66 827 emplois à temps plein à pourvoir en 1994-1995. De ce nombre, 16 798 emplois occasionnels et 42 083 postes réguliers ont été pourvus par les employés du MDRHC. Les centres électroniques ont toutefois enregistré 497 778 demandes et pourvu 425 584 postes. La même année, 218 311 emplois pour étudiants furent offerts, dont 192 871 furent comblés par les services de placement; 323 777 clients reçurent un counselling d'emploi et 541 302, de l'aide sous forme de formation ou de création d'emplois.
Les dépenses pour les programmes d'adaptation au marché de l'emploi ont toutefois chuté dans l'ensemble. Entre 1992 et 1995, les dépenses au titre de l'assurance-chômage sont tombées de 30 p. 100, principalement en raison d'une baisse de 44 p. 100 des prestations ordinaires versées. Ces indemnités comptaient toujours cependant pour 72 p. 100 du total des dépenses de l'assurance-chômage en 1995. Les dépenses au titre du développement de l'emploi - Travail à temps partagé, Création d'emplois, Formation (y compris le soutien du revenu et les frais de scolarité) et Assistance au travail indépendant (y compris les indemnités de réinstallation et de réemploi) - ont augmenté de 7 p. 100 pendant la même période, pour atteindre 1,96 milliards de dollars, ce qui ne représente pourtant que 14 p. 100 des dépenses de l'assurance-chômage. Les dépenses pour les programmes du ministère - Instruction (prêts aux étudiants et alphabétisation), Emploi (prestation des services, indemnités à l'emploi, subventions salariales et Initiatives Jeunesse) et Associations stratégiques - étaient légèrement plus basses à 1,85 milliards de dollars en 1994-1995, mais, puisqu'une part très importante (38 p. 100) allait à la région de l'Atlantique, principalement pour financer la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique (LSPA) visant à contrer l'effondrement de cette industrie, le montant global devrait diminuer du tiers au cours des deux prochaines années.