Le Traité no 5, appelé aussi le traité de Winnipeg, a été signé en 1875‑1876 par le gouvernement fédéral, les peuples ojibwés et les Moskégons du lac Winnipeg. Il vise le centre et le nord du Manitoba actuel, et des parties de la Saskatchewan et de l’Ontario. Les dispositions du Traité no 5 ont eu des impacts juridiques et socioéconomiques continus sur les communautés autochtones (voir Traités numérotés; Traités autochtones).
Contexte historique
Au milieu des années 1870, les peuples autochtones de la région du lac Winnipeg souhaitent signer un traité avec le gouvernement du Canada. Au courant des concessions accordées aux nations autochtones grâce aux traités nos 1 à 4 (voir Traités numérotés), ils exigent du gouvernement des dispositions comparables, telles qu’une assistance économique, un approvisionnement en outils et une protection contre l’empiétement des étrangers (p. ex., les arpenteurs et les colons) sur leurs territoires. Les habitants de Norway House (située à environ 30 km au nord du lac Winnipeg) sont aussi victimes de famine, puisque les terres de la région ne conviennent pas à l’agriculture. Cette communauté cherche à déménager de la côte nord du lac dans une région au sud qui offre plus de terres agricoles utilisables.
Bien que le gouvernement soit ouvert au développement futur de la région du lac Winnipeg, il n’est initialement pas chaud à l’idée de négocier un nouveau traité parce que les traités nos 1 à 4 lui ont déjà assuré la propriété de la ceinture agricole dans l’Ouest. Le ministre de l’Intérieur, David Laird, suggère plutôt que les bandes de la rivière Berens vivant le long de la côte est du lac adhérent au Traité no 1.
Le lieutenant‑gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord‑Ouest, Alexander Morris, argumente contre la proposition du ministre, affirmant que si le gouvernement obtient des peuples autochtones les terres autour du lac Winnipeg, il sera possible de coloniser la région, d’en extraire les ressources et d’y construire une précieuse voie de déplacement et de transport vers l’Ouest. M. Morris suggère que le gouvernement négocie un nouveau traité visant la cession des droits fonciers autochtones de cette région (voir Territoire autochtone).
Finalement, le gouvernement accepte de négocier avec les bandes de la rivière Berens et avec d’autres communautés autour du lac Winnipeg. Cependant, il n’est pas encore prêt à négocier avec les bandes autochtones au nord du lac, malgré que celles‑ci aient exprimé le désir de conclure un traité avec la Couronne. Puisque les terres nordiques ont un potentiel agricole et colonial limité, elles ne représentent pas une priorité pour le gouvernement. Cependant, ce dernier fait une exception pour la bande de Norway House : la réinstallation de cette bande est approuvée par le gouvernement, et la Couronne inclut ses membres dans les négociations du nouveau traité.
Dispositions du traité
En 1875, le gouvernement nomme Alexander Morris et James McKay, membre du Conseil exécutif du Manitoba, pour négocier un traité avec les bandes vivant autour du lac Winnipeg. Puisque les terres autour de ce lac sont considérées moins utiles que celles des prairies, les commissaires n’offrent pas les mêmes dispositions que pour les signataires des traités nos 3 et 4. Par exemple, les peuples assujettis au Traité no 5 recevront un paiement unique de 5 $ lors de la signature du traité, au lieu des 12 $ accordés aux peuples signataires des traités nos 3 et 4. De plus, les peuples assujettis au Traité no 5 recevront seulement 160 acres de terre par famille, ce qui représente le quart de ce qui a été accordé aux peuples signataires des traités nos 3 et 4 (quoiqu’il s’agisse de la même superficie que celle offerte aux peuples signataires des traités nos 1 et 2). Les autres dispositions et conditions du Traité no 5 sont semblables à celles négociées auparavant dans les traités numérotés. De ce fait, il y a très peu de possibilités de négociation de la part des peuples autochtones.
Selon les dispositions du traité, les peuples autochtones cèdent leurs droits fonciers en échange de terres de réserve où ils pourront pratiquer la chasse, le piégeage et la pêche. Le gouvernement retient le droit d’utiliser ces terres pour le développement ou pour des travaux publics, pourvu qu’il indemnise les Autochtones signataires. Il promet aussi de maintenir des écoles dans les réserves, d’y contrôler le commerce des boissons alcoolisées et de distribuer les paiements annuels suivants : 5 $ par personne, 15 $ par conseiller (dirigeant de bande) et 25 $ par chef. D’autres cadeaux, y compris des drapeaux, des outils, des vêtements et des médailles, ainsi que de l’argent pour acheter des munitions et de la ligne de pêche, sont aussi offerts.
Premier voyage de négociation du traité (1875)
Les commissaires Alexander Morris et James McKay rencontrent les bandes de la rivière Berens le 20 septembre à l’école de la mission wesleyenne, près du poste de traite sur la rivière. Là, les deux hommes obtiennent l’acceptation des dispositions du traité sans grand débat, à l’exception de certaines questions au sujet de l’élection des chefs et de la sélection des emplacements des réserves, lesquelles sont rapidement réglées. Les commissaires verront souvent ces deux questions refaire surface au cours des discussions du traité cette année‑là et de l’année suivante.
Le lendemain, les deux commissaires se déplacent vers le nord jusqu’à Norway House en empruntant le fleuve Nelson. Le 24 septembre, ils rencontrent deux groupes de Cris : l’un de chrétiens convertis et l’autre de non‑chrétiens, soit la bande des Bois. Après avoir traduit les dispositions du traité et après en avoir discuté, le traité est signé. MM. Morris et McKay informent la population qu’une réserve sera établie pour ceux qui veulent toujours déménager dans le sud pour pratiquer l’agriculture à Fisher River. Tandis que plusieurs membres chrétiens de la bande de Norway House choisissent de déménager à Fisher River, la bande des Bois décide de rester chez eux à Cross Lake, où l’on décide d’établir une réserve.
Alexander Morris et James McKay vont ensuite à Grand Rapids, sur la rivière Saskatchewan. Ils rencontrent les peuples autochtones de la région le 27 septembre et leur expliquent les dispositions du traité et le processus de sélection des réserves. Puisque cette région est le site proposé pour aménager un réseau de transport, les commissaires informent les peuples autochtones que s’ils cèdent leurs terres et déménagent au sud de la rivière, ils y recevront une réserve. Avant de signer leur adhésion au traité, la bande exige la somme de 500 $ pour compenser les coûts du déménagement et de la reconstruction. Les commissaires acceptent cette exigence et promettent de distribuer ces fonds l’année suivante.
Le lendemain, au cours de leur voyage vers le sud, le long du lac Winnipeg, MM. Morris et McKay rencontrent Thickfoot, le porte‑parole du peuple de Jack Head Point, ainsi que les porte‑parole des peuples de Grosse Île, de l’île Black, de Wapang et d’autres îles de la région. Ils disent aux commissaires qu’ils ont entendu parler du voyage de négociation du traité le long du lac Winnipeg et qu’ils veulent être inclus dans les discussions. Ils demandent aussi une parcelle de terre le long de la côte principale où ils pourront pêcher et pratiquer l’agriculture. Les commissaires leur suggèrent Fisher River, qu’ils acceptent. Alors, ils sont inclus dans le traité et doivent se réunir avec les commissaires à la pointe de la Tête‑de‑Chien l’été suivant pour choisir une réserve.
Avant de retourner à Winnipeg, les commissaires modifient les frontières ouest du traité pour inclure les Moskégons au campement du Pas sur la rivière Saskatchewan. La cession des droits fonciers dans cette région est considérée comme importante pour les développements futurs. Les commissaires suggèrent donc que des négociations visant ce but se tiennent l’été suivant.
Dans ses dossiers, Alexander Morris note que les visites des commissaires se sont bien déroulées et qu’ils ont cartographié un nouveau territoire avec une superficie approximative de 258 998,81 km2 (100 000 mi2) depuis le « nord du territoire visé par les traités nos 2 et 3, s’étendant vers l’ouest jusqu’à Cumberland House (sur la rivière Saskatchewan) et comprenant le pays à l’est et à l’ouest du lac Winnipeg, ainsi que du fleuve Nelson, jusqu’à Split Lake, au nord ».
Malgré leurs progrès, le travail des commissaires n’est pas terminé. Plusieurs bandes doivent encore signer le traité et choisir des réserves. En 1876, Alexander Morris nomme le politicien Thomas Howard et l’arpenteur des terres fédérales John Lestock Reid pour effectuer ces tâches.
Deuxième voyage de négociation du traité (1876)
Pendant l’été 1876, Thomas Howard et John Lestock Reid se rendent auprès des bandes du lac Winnipeg qui n’ont pas encore signé le traité. Le 24 juillet, ils rencontrent les bandes de la rivière à la Veine‑du‑Sang, de Grosse Île, de Sandy Bar et de Saint Pierre, ainsi que la bande Jack‑Fish Head de Thickfoot à la pointe Tête‑de‑Chien.
Les discussions sur le traité commencent mal lorsque les différentes bandes exigent de pouvoir négocier séparément. Les commissaires refusent, disant que les bandes doivent choisir un seul chef et quelques conseillers pour les représenter. Après en avoir discuté, les commissaires ajoutent que les représentants doivent être sélectionnés par vote au scrutin et représenter le choix de la majorité. Des désaccords surviennent et la tension monte entre les bandes au sujet de ces nouvelles façons non traditionnelles de choisir les dirigeants, que les commissaires leur imposent depuis plus d’un an. En 1875, lorsque Thickfoot assume le rôle de chef après ses discussions avec Alexander Morris cette même année, son propre peuple évoque des menaces de violence pour s’opposer son autodésignation. Dans un cas semblable, un homme appelé Ka‑tuk‑e‑pin‑ais n’a pas l’approbation de sa communauté, mais signe néanmoins le traité en leur nom. Bien que le traité soit signé par les représentants de ces bandes, le 26 juillet, des différends au sujet des chefs indiquent que certains des peuples autochtones ne sont pas bien représentés dans les discussions sur le traité.
Le 4 août, Thomas Howard et John Lestock Reid se rendent à la rivière Berens, où ils rencontrent les peuples qui n’ont pas signé le traité l’année précédente. Une fois les dispositions du traité expliquées, ce dernier est signé. Ensuite, les deux commissaires se séparent pour voyager autour du lac et se rendre dans des communautés autochtones différentes.
Thomas Howard part vers l’embouchure de la rivière Saskatchewan, où il doit payer le frais de déménagement de 500 $ et livrer les outils et les appareils agricoles, tels que promis, en vertu des dispositions du traité. À sa surprise, le chef de la bande de Grand Rapids présente de nouvelles d’exigences, car il pense que les négociations de traité se poursuivent encore. À l’aide de son interprète, le révérend Henry Cochrane, Thomas Howard explique que le traité a déjà été finalisé l’année précédente. Bien que le chef et son peuple conviennent finalement aux dispositions, ils maintiennent qu’on les a induits en erreur.
Thomas Howard remonte ensuite la rivière pour conclure un traité avec la bande au Pas, sur la rive sud de la rivière Saskatchewan. Après l’élection des représentants de bande, le traité est signé. Certains peuples autochtones du lac Moose et de Cumberland House sont également présents lors de la signature et sont inclus dans le traité.
Entre‑temps, John Lestock Reid voyage depuis la rivière Berens jusqu’à Norway House pour organiser le déménagement de la bande à la rivière Fisher. Pendant qu’il y est, il rencontre un chef et quatre conseillers d’Oxford House, une communauté crie dans le nord du Manitoba (aujourd’hui la Nation crie Bunibonibee), qui veulent aussi être inclus dans le traité. Ils demandent d’avoir une réserve sur le lac Winnipeg, où ils pourront pratiquer l’agriculture. Le commissaire Reid les informe que, bien qu’il n’ait pas le pouvoir de les inclure dans le traité, il communiquera leur demande au gouvernement.
À la fin des négociations du traité en 1876, les commissaires obtiennent la signature de la plupart des bandes habitant à l’intérieur des frontières d’origine du Traité no 5, ainsi que des peuples de Pas.
Adhérents nordiques (1907‑1910)
Délibérément exclus de la première phase des négociations du traité, les peuples autochtones du nord du Manitoba actuel trouvent que, vers le tournant du siècle, le gouvernement fédéral est disposé à les inclure dans un traité. En 1905, le gouvernement veut obtenir la cessation aux droits fonciers des peuples habitant la nouvelle province de Saskatchewan. L’expansion du réseau ferroviaire et la découverte du pétrole dans la vallée du fleuve Mackenzie en 1920 font de la négociation d’un traité avec les groupes autochtones du Nord une priorité.
Initialement, le gouvernement décide que les bandes de Cris habitant à Nelson House et à Split Lake adhéreront au Traité no 10. Après plus mûre réflexion, il constate que le Traité no 10 prévoit des paiements plus grands et des réserves plus grandes que les traités numérotés précédents. On décide donc que l’adhésion de ces bandes au Traité no 5 serait plus bénéfique pour le gouvernement. En 1907, on envoie le révérend John Semmens, un inspecteur des agences indiennes, pour rencontrer les peuples de Nelson House et de Split Lake pour discuter de leur adhésion. Ces bandes signent le traité, espérant qu’il leur assurera, ainsi qu’à leurs communautés, un meilleur avenir.
En 1908, John Semmens poursuit son chemin jusqu’aux communautés, surtout cries, à Norway House, à Cross Lake et à Fisher River, où il ajoute le nom d’environ 350 personnes autochtones au traité.
En 1909, le révérend Semmens se rend auprès des Premières Nations, surtout des Cris, à Oxford House, God’s Lake et Island Lake. Les représentants de ces communautés autochtones signent le traité.
Enfin, en 1910, le révérend Semmens ajoute les Oji‑Cris de Deer Lake East et les peuples autochtones de Fort Churchill et de York Factory au Traité no 5. Le voyage de négociation du traité qu’il entreprend en 1910 représente l’ultime étape formelle des adhésions au Traité no 5.
Adhésion par certificat des Métis (1908‑1910)
De 1908 à 1910, le révérend John Semmens accepte des applications pour le certificat des Métis dans le nord du Manitoba (voir Traités autochtones). Le certificat des Métis est délivré par le gouvernement fédéral à des individus métis qui « éteignent » (cèdent) leurs droits ancestraux en échange de terres ou de paiements uniques en espèces. Pendant les négociations d’adhésion au Traité no 5 (et au Traité no 10), certaines personnes métisses, en faisant une demande de certificat, cèdent leurs droits aux territoires situés au nord des frontières du traité de 1875 au Manitoba.
Aujourd’hui, bon nombre de Métis soutiennent que le certificat des Métis a eu des effets négatifs à long terme sur leur communauté. Contrairement aux traités, les demandes de certificats n’étaient pas négociées. De même, elles n’ont pas prévu de paiements annuels ni d’assises territoriales ni de dons de nourriture ou d’outils ni d’assistance économique à long terme. Beaucoup de personnes métisses ont aussi perdu les avantages du statut d’Indien à cause du système de certificats des Métis (voir Indien).
Difficultés d’administration
Des malentendus au sujet des dispositions des traités, surtout concernant la sélection et l’emplacement des réserves, compliquent l’administration du traité à ses débuts. Quand commence l’attribution des réserves en 1877, les signataires autochtones du Traité no 5 reconnaissent que les frontières de celles‑ci ne reflètent pas précisément les divisions entre les territoires des bandes. Certains groupes, comme la bande de Moose Lake, demandent des réserves plus petites pour mieux représenter leur communauté et leur division d’autorité locales. D’autres bandes demandent des terres complémentaires à leur réserve, ou l’ajout à leurs réserves de parcelles de terre complètement nouvelles. Par exemple, en 1901, la bande de Norway House demande plus de terre propice à l’agriculture. Au tournant du siècle, bon nombre des bandes du Traité no 5 ont scellé des révisions ou des améliorations des limites de leur réserve.
Les signataires autochtones du Traité no 5 citent d’autres problèmes avec l’administration de celui‑ci, y compris : le défaut du gouvernement à fournir des graines, du bétail et des outils agricoles; les erreurs sur les listes des membres de bande; et les problèmes avec les écoles des réserves.
Interprétations
Au début des années 1900, William McLean, un agent du ministère des Affaires indiennes, émet des doutes à savoir si les peuples autochtones comprennent vraiment les dispositions du traité, car les bandes de Split Lake et de Nelson House lui posent des questions concernant les droits de chasse et de pêche, ce qui suggère qu’ils ne comprennent pas le concept des réserves. Les aînés soutiennent que les signataires croyaient qu’ils partageaient leurs territoires, au lieu de les céder.
Certains historiens soulignent que les commissaires aux traités, impatients d’ouvrir les territoires autochtones à la colonisation et aux projets de développement, n’ont pas communiqué clairement les dispositions du traité aux signataires. Leur désir de finaliser rapidement le traité a empêché les peuples autochtones d’en négocier les dispositions, qui sont en grande partie déjà établies par les commissaires avant leur voyage. Enfin, des différences culturelles et linguistiques, ainsi que des systèmes de direction étranges, ont été imposées aux communautés autochtones pendant les discussions, ce qui n’a fait qu’augmenter la confusion et les malentendus au sujet des dispositions du traité.
Traité no 5 aujourd’hui
Il n’existe pas d’organisme unique pour représenter toutes les nations assujetties au Traité no 5. Cependant, la Nation Nishnawbe Aski (NAN) représente une partie de cette communauté, y compris 49 Premières Nations assujetties au Traité no 9 et au Traité no 5. La NAN vise à protéger les droits ancestraux des signataires des traités, à tenter d’établir une autonomie gouvernementale, à promouvoir la culture et les entreprises autochtones, et à améliorer la qualité de vie et l’éducation sur le territoire nishnawbe‑aski.