Unions
Unions. Associations fraternelles formées afin de protéger les musiciens exécutants professionnels par l'établissement et le maintien de normes quant aux conditions et heures de travail, salaires et autres bénéfices d'ordre financier. Le besoin de telles unions se fit sentir pour la première fois au Canada au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, alors que la demande de spectacles de théâtre et de concerts augmentait rapidement dans les cités et villes en pleine expansion. Des instrumentistes étaient nécessaires pour accompagner l'opéra et le théâtre musical et pour donner des concerts, mais la négociation de leur cachet se faisait souvent à leur désavantage.
L'une des plus anciennes organisations de musiciens au Canada fut la Toronto Orchestral Assn. Fondée en 1887, elle tint ses réunions dans des locaux au-dessus du magasin de musique de Thomas Claxton, rue Yonge. En décembre 1888, à l'occasion d'une saison lyrique d'été à Toronto Island, elle négocia sa première convention, laquelle garantissait à ses membres un salaire hebdomadaire de 12 $ pour neuf représentations. Elle changea ensuite son nom pour celui de Toronto Musical Protective Assn, avec Claxton comme prés. En 1897, elle décida d'admettre les musiciens d'harmonie au même titre que les musiciens d'orchestre. En 1901, elle adopta le nouveau nom de Toronto Musicians' Assn. Parmi les autres premières tentatives de syndicalisation canadiennes, il y eut l'Assn des corps de musique de la province de Québec (1887) et l'Assn protectrice des musiciens de Montréal avec Edmond Hardy élu prés. en 1898. Cette dernière prit plus tard le nom de Guilde des musiciens de Montréal.
En 1897, la toute nouvelle (1896) American Federation of Musicians (AF of M, plus tard American Federation of Musicians of the United States and Canada) invita la Toronto Musical Protective Assn à devenir membre affilié, et, en 1901, l'association de Toronto et son homologue de Vancouver se joignirent à la fédération américaine. S'affilièrent ensuite les associations d'Ottawa-Hull en 1902, de Hamilton, London et Saint Catharines en 1903, de Montréal (bien qu'on ait relevé la trace d'une affiliation antérieure) et de Berlin (Kitchener) en 1905, de Brantford (Ont.) et Edmonton en 1907, Saskatoon en 1910, Windsor en 1911, Québec en 1917, et Halifax en 1938.
Les musiciens noirs, dont on avait interdit l'adhésion à la section de Montréal (406), créèrent leur propre association en 1928, le Canadian Coloured Clef Club (le mot « coloured » fut suprimé par la suite). Celui-ci n'acceptait que des musiciens noirs, voués au jazz pour la plupart. Une autre association, connue sous le nom de National Musicians' Union of Canada (1934) puis de Canadian Federation of Musicians (1935), fut créée par des musiciens déçus de l'AF of M concernant une dispute avec la CCR qui avait pris naissance à Montréal pour se répandre ensuite dans tout le Canada. Cette association établit finalement des sections dans sept villes et sa branche montréalaise (section 10) atteignit une adhésion record de 144 membres en 1935. Les musiciens noirs, toujours exclus des deux autres associations, obtinrent une charte officielle de l'All-Canadian Congress of Labour (plus tard Canadian Congress of Labour) pour le Clef Club, qui devint la section 11 de la Canadian Federation, le 26 juillet 1935. En 1939, la section 406 de l'AF of M absorba la section montréalaise (section 10), et en 1940, les musiciens noirs obtinrent leur droit d'adhésion. Le Clef Club cessa d'exister au début des années 1940.
En 1990, l'AF of M comptait près de 24 000 membres canadiens répartis en 36 associations affiliées (sections) dont la majorité (22) étaient en Ontario, la plus importante étant celle de Toronto (section 149) avec environ 6500 membres. Vancouver, Halifax, Calgary et Winnipeg comptaient environ 1000 membres chacune et Edmonton autour de 600. En 1988, les trois sections du Québec - la Guilde des musiciens de Montréal (section 406), la région de Québec (section 119) et la région du Saguenay (section 816) - fusionnèrent pour former la Guilde des musiciens du Québec (section 406) pour un total de 4000 membres en 1991. Hull demeura la seule région du Québec avec une représentation différente, étant rattachée à la section de la région administrative Ottawa-Hull qui couvre la région de la capitale nationale.
Les sections canadiennes ont pris l'habitude d'envoyer des délégués aux congrès de l'AF of M et de faire élire l'un d'entre eux (à partir de 1987) par les délégués canadiens au poste de vice-prés pour le Canada, créé en 1967. Avant cette année-là (1909-66), les représentants canadiens siégeaient à titre de membres du comité exécutif de l'International Executive Board. Walter Murdoch (prés. de la section 149, Toronto, 1932-57) occupa ce poste de 1938 à 1965. J. Alan Wood (prés., section 149, 1960-80) succéda à Murdoch. En 1980, l'AF of M fonda un siège social national à Toronto où Wood occupa le plus haut poste de responsabilité (vice-prés. du Canada), qui devint un poste à temps plein. Au moment de sa retraite en 1991, Wood fut nommé vice-prés. émérite et Ray Petch, anciennement de la section 547 de Calgary, lui succéda.
Au Canada, les sections ont tenu des conférences nationales chaque année - une de plusieurs jours précédant le congrès biennal américain, l'autre en alternance dans différentes villes canadiennes - pour discuter des questions affectant l'industrie canadienne de la musique. L'exécutif national de l'AF of M prit la responsabilité de négocier les conventions collectives avec d'autres associations professionnelles reliées à des domaines connexes (radio, télévision, cinéma, rengaines publicitaires, enregistrement et vidéo) où la musique entre en jeu. Il n'existe pas d'organisme à l'échelle provinciale ni de représentants, chaque section étant autonome, établissant sa propre échelle des salaires et exerçant son autorité dans un territoire désigné. La plupart des sections élisent des responsables, dont un président, un vice-président, un secrétaire-trésorier et un comité exécutif, qui ont tous oeuvré d'abord comme administrateurs de la section. Certaines sections publient leur propre bulletin mensuel, par exemple Crescendo de la section 149, Entracte de la section 406 et British Columbia Musician de la section 145. De plus, International Musician, la revue mensuelle officielle de l'AF of M, est envoyée à tous les membres. L'adhésion à l'AF of M n'est pas obligatoire au Canada pour les musiciens non exécutants. Cependant, la plupart des professionnels adhèrent à cette association, incluant les compositeurs et les professeurs affiliés à des organismes comme le Centre de musique canadienne, la SOCAN et les associations provinciales des éducateurs.
En 1990, les musiciens désireux de faire partie d'une section de l'AF of M devaient d'abord en faire la demande auprès de cette section et payer un certain montant pour l'inscription. Une fois acceptés, ils devaient encore payer une cotisation annuelle et se soumettre aux règlements de la section. Les transferts dans une autre section étaient sujets aux exigences de la nouvelle section concernant les périodes d'attente ou les restrictions d'exercice. Au Canada, une entente entre les sections permet aux membres de se déplacer et de travailler (aux salaires en vigueur) au sein des diverses sections. La même entente a établi un plan de retraite interchangeable auquel contribuent tous les membres, quelle que soit leur section. Les sections ont négocié des conventions avec des orchestres symphoniques, des salles de concert, théâtres, salles de congrès, stations radiophoniques et autres entreprises qui embauchent des musiciens sur le territoire où s'exerce leur autorité. Dans la plupart des cas, elles ont obtenu des contrats exclusifs pour l'engagement de musiciens de l'union. Toutefois, l'union ne s'est jamais présentée elle-même comme une agence de main-d'oeuvre pour ses membres. Au contraire, son rôle a été d'assurer leur protection contre l'exploitation et de maintenir la bonne entente avec leurs employeurs.
En plus de défendre les droits de ses membres, l'AF of M a établi un code de déontologie qui s'applique à tous ses membres. En vertu de ces règles, les membres doivent s'abstenir de toute activité pouvant nuire à l'union ou à l'un de ses membres. Par exemple, un membre de l'union est passible d'une amende s'il se présente en retard à un concert ou à une répétition et, s'il se trouve dans l'impossibilité de remplir un contrat, il doit payer lui-même un remplaçant agréé. Des amendes peuvent aussi être imposées pour des infractions au code de déontologie et pour des attitudes incorrectes envers un confrère. Un membre est passible d'amende s'il accepte un cachet inférieur à ceux en vigueur ou s'il se produit, sans autorisation préalable, avec des membres non syndiqués.
Depuis de nombreuses années, l'AF of M a pris des mesures afin d'empêcher tout développement qu'elle juge préjudiciable au gagne-pain de ses membres. Durant les années 1940, une entente conclue avec l'industrie du disque aboutit au Music Performance Trust Fund, une tentative pour compenser les droits d'exécution non versés aux musiciens qui enregistrent et la diminution des possibilités d'emploi résultant de l'usage commercial et domestique accru de la musique enregistrée. En 1948, grâce aux contributions financières de l'industrie du disque à ce fonds en fidéicommis, des emplois occasionnels incluant des concerts gratuits dans les parcs, hôpitaux, foyers pour personnes âgées et ailleurs furent créés. Ces concerts destinés à encourager la « musique en direct » se poursuivirent sous les auspices conjoints du fonds en fidéicommis et d'une agence municipale ou d'une entreprise privée ou les deux. À la discrétion de son mandataire, le fonds a également rémunéré les services de membres de l'union formant le noyau d'un orchestre civique ou communautaire pour des concerts donnés par cet orchestre, à condition que l'entrée soit gratuite. Des musiciens non membres appartenant à ces orchestres ont aussi reçu, à l'occasion, des cachets au tarif de l'union et payés par le fonds, mais seulement sous réserve qu'ils soient remis en tout ou en partie à l'orchestre afin de contribuer à son maintien.
L'Organisation des musiciens d'orchestres symphoniques du Canada (OMOSC) / Organization of Canadian Symphony Musicians (OCSM) fut fondée en 1974 et sa réunion inaugurale eut lieu à Toronto en août 1975. Dans le cadre de l'AF of M, l'OMOSC est un groupe de pression qui cherche à améliorer les conditions de travail et le bien-être des musiciens d'orchestres symphoniques. En 1991, 19 orchestres en faisaient partie, ce qui représente une adhésion de près de 1000 musiciens canadiens. L'OMOSC s'occupe de questions relatives aux conditions de travail des musiciens comme le fonds de grève, l'assurance des instruments et le coût de leur transport imposés par les compagnies aériennes, les déductions d'impôt, les renseignements sur les taxes, la soumission de dossiers aux organismes gouvernementaux et aux commissions, les contrats de négociation (ententes individuelles et générales) avec les orchestres symphoniques, les règlements de l'immigration, les procédures d'audition, la retraite obligatoire pour les musiciens d'orchestres symphoniques, les bourses d'étude et la disparité, dans tout le pays, des « cachets par service », lesquels régissent les salaires des musiciens d'orchestres symphoniques. L'OMOSC tient toujours un congrès annuel fréquenté par les délégués de ses orchestres membres, l'AF of M, et des responsables compétents sur les questions en suspens. L'OMOSC commença à publier un bulletin de nouvelles trimestriel en 1976 (Newsletter). Elle maintient des liens étroits avec son homologue américain.
Les chanteurs qui, auparavant, ne pouvaient pas adhérer à l'AF of M, sont devenus admissibles en 1985 et doivent aussi être membres de la Canadian Actors' Equity Assn (CAEA), de l'Union des artistes (UDA) ou de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA).
Au début, la Canadian Actors' Equity Assn (CAEA) faisait partie de l'Actors' Equity des É.-U. En 1955, des succursales canadiennes d'Actors' Equity furent formées afin de protéger les artistes engagés au Festival de Stratford qui venait d'être fondé, puis pour tous les artistes anglophones de la scène. Le 1er avril 1976, les succursales canadiennes obtinrent leur autonomie. La CAEA fut alors formée pour protéger les artistes canadiens engagés dans des productions de spectacles en direct à la scène, dont l'opéra, les comédies musicales, le théâtre et le ballet, tout en maintenant des ententes réciproques avec l'American Guild of Musical Artists (AGMA) et l'American Actors' Equity (AAE).
À l'instar de musiciens déjà syndiqués, l'UDA fut fondée à Montréal le 7 novembre 1937, pour représenter les chanteurs; René Bertrand fut le premier prés. de l'organisme qui portait alors le nom de Fédération des artistes de la radio. Peu après, elle admit les comédiens, les annonceurs et les techniciens du son. En décembre elle comptait déjà 64 membres. En 1938, elle obtint sa charte de l'American Federation of Radio Artists (AFRA, plus tard American Federation of Television and Radio Artists, AFTRA), mais la section montréalaise se détacha de l'organisme père en 1942 pour devenir l'Union des artistes lyriques et dramatiques. L'union devint officiellement partie du Conseil canadien des auteurs et des artistes (CCAA) en 1952 (le nom UDA fut alors adopté), et s'affilia à la Fédération internationale des acteurs (FIA) en 1953. En 1956, le CCAA se vit accorder une charte nationale par le Congrès des métiers et du travail du Canada (plus tard Congrès du travail du Canada). De 1958 à 1960, un arrêt de travail des membres francophones du CCAA (auj. FAAC, Fédération des auteurs et des artistes du Canada) contre les réalisateurs de la SRC ne reçut pas l'appui du reste de l'union. En conséquence, les succursales francophones refusèrent de verser leurs cotisations au CCAA. En 1960, une scission définitive intervint au sein du CCAA, l'UDA rétablissant son indépendance, prenant sous son autorité toutes les productions francophones, et le CCAA continuant de représenter les membres anglophones. En 1980, l'UDA était solidement établie comme représentante des artistes de spectacle québécois, et en 1987, elle marqua son 50e anniversaire par un gala télévisé.
Fondée sur les traditions des artistes et des écrivains de la radio canadienne, incluant le CCAA, l'Assn of Radio Artists fut créée en 1943. Le 5 janvier 1963, elle devint l'ACTRA (Assn of Canadian Television and Radio Artists, puis Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists à partir de 1984) pour servir l'industrie de la radio et de la télévision du Canada anglais. Dans les années 1950, l'UDA et l'ACTRA s'unirent, union qui persista jusqu'au début des années 1960.
En 1991, l'UDA, avec 4000 membres actifs et 4000 membres adhérents, exerçait toujours son autorité sur toutes les productions francophones (et quelques autres non anglophones), de spectacle en direct ou enregistrés. L'ACTRA (avec 10 000 membres incluant les écrivains et les journalistes de la radio et de la télévision qui y adhérèrent en 1982) protégeait les droits et les cachets des membres anglophones, et parfois non anglophones, pour les enregistrements. Les spectacles à la scène relevaient de la compétence d'Equity. Dépendamment souvent des circonstances des contrats individuels, les services étaient offerts en l'une ou l'autre des langues officielles. Les trois organismes continuaient de favoriser des arrangements réciproques harmonieux, pourvu que les exigences quant à l'adhésion et aux permis soient satisfaites. Lorsque des instrumentistes étaient concernés, une réciprocité similaire existait entre les trois organisations d'une part et l'AF of M de l'autre. Toutes les quatre ont adopté des positions nationalistes, mettant l'accent sur la protection des artistes canadiens. Elles continuaient d'assurer la protection des musiciens contre toute exploitation et oeuvraient en vue de faire de la profession de musicien un métier à la fois viable et respecté.