Définition
Dans les années 1800, les anthropologues utilisent le terme « quête de vision » (vision quest, en anglais) pour désigner une pratique culturelle et spirituelle de diverses nations autochtones en Amérique du Nord. Ces traditions, aussi appelées « visions de rêve » ou « jeûnes de rêve » parmi les nations autochtones, varient d’une culture à l’autre. En général, toutefois, les participants sont de jeunes hommes cherchant à être reconnus par leur communauté à titre d’adultes (et, potentiellement, de leaders) en complétant la quête.
Les participants se préparent aux quêtes de vision en se purifiant, soit en passant du temps dans une suerie, en jeûnant ou en pratiquant d’autres coutumes spécifiques à leur communauté. Dans certaines cultures cries, les apprentis des mitew (chamans) commencent leur formation spirituelle à l’âge de cinq ans, travaillant sous la tutelle d’un autre aîné — souvent leur grand-père — alors qu’ils se préparent progressivement à dormir seuls en contrée sauvage.
Lorsque les participants sont prêts, ils quittent leur communauté pour un endroit isolé, comme en pleine nature ou près des lieux de sépulture des anciens, où ils peuvent être seuls et ne faire qu’un avec leurs pensées. Pendant ce séjour, il n’est pas rare que les participants renoncent à la nourriture, et parfois au sommeil, afin de préparer leur esprit.
Les individus font souvent des rêves ou ont des visions ou hallucinations qui résultent possiblement du manque de sommeil et de nourriture. Pour les participants, cependant, ces visions sont sacrées et spécifiques à la personne qui les reçoit, un don du Créateur et des ancêtres. (Voir aussi Autochtones : religion et spiritualité.)
Bref historique
Les quêtes de vision jouent un rôle dans les pratiques spirituelles et culturelles des peuples autochtones en Amérique du Nord avant l’ère de la colonisation. (Voir aussi Impérialisme.)
Aux 19e et 20e siècles, les quêtes de vision et d’autres pratiques culturelles des peuples autochtones au Canada, comme les potlatchs, sont découragées ou restreintes par des politiques fédérales telles que la Loi sur les Indiens et les pensionnats indiens. Dans l’intention d’intégrer les populations autochtones à la société canadienne majoritaire, les programmes gouvernementaux et la législation de l’époque rendent difficile (et dans certains cas illégale) la possibilité pour les peuples autochtones de pratiquer leur culture.
Afin de renouer avec leur histoire et de réclamer leurs traditions sacrées, certains peuples autochtones contemporains, notamment les Siksikas (Pieds-Noirs), les Cris, les Anishinaabe (y compris les Ojibwés) et les Inuit, continuent de participer à des quêtes de vision.
Objectif
Les quêtes de vision reflètent le rôle de la spiritualité et de la pensée contemplative dans les cultures autochtones. Elles créent un lien important entre le participant, le Créateur et la nature. À l’instar d’un rite de passage, la quête de vision aide à développer des compétences de survie, à acquérir de la maturité et à communier avec la nature et les ancêtres. Plus important encore, les visions dont les participants font l’expérience au cours de leur quête sont censées leur en apprendre beaucoup sur leur vie.
Parmi certaines cultures anishinaabe, le « jeûne du rêve » est un élément crucial du destin d’un individu. En effet, le participant reçoit au cours de sa quête des visiteurs (pawáganak) qui, selon les croyances, tisseront une relation avec lui et lui serviront de guide pour le reste de sa vie. De même, chez les Inuit, les guérisseurs communautaires et les chamans (angakkuit) ont historiquement entrepris des quêtes de vision pour progresser sur le chemin vers l’illumination spirituelle. Chez les Omushkego (les Cris des marécages), les chamans (connus sous le nom de mitew) obtiennent certains pouvoirs au cours de leurs visions de rêve, comme la capacité de changer de forme et de voyager hors de leur corps.
Différences entre les cultures
Dans de nombreux cas, des codes éthiques et moraux entourent les connaissances acquises à partir d’une expérience de visions de rêve, en particulier en ce qui a trait au moment et à la façon dont ces visions doivent être partagées avec les autres. Les anthropologues ont noté, chez ceux qui prennent part à ces quêtes, une réticence à répéter les informations auxquelles ils ont accédé.
Une raison qui explique cette réticence est que la sagesse acquise au cours de ces expériences appartient au domaine sacré, et doit donc être traitée avec respect et sous le sceau du secret, sauf si elle est partagée au cours d’un événement cérémoniel ou avec une autre personne de confiance. Il est également possible qu’on craigne que les dons spirituels reçus lors d’une quête de vision soient mal utilisés s’ils sont partagés, ou que la puissance de ces dons soit amoindrie s’ils sont rendus publics.
Cela étant dit, dans certaines cultures autochtones, parler publiquement des visions n’est pas toujours tabou. Chez certains Siksikas, les cauchemars sont considérés comme des rêves-obstacles et sont plus susceptibles d’être partagés et discutés avec d’autres afin d’en neutraliser le pouvoir.
Appropriation culturelle
Les pratiques spirituelles New Age (ou nouvel-âge) reprennent les quêtes de vision et en proposent l’expérience aux non-Autochtones comme une forme de tourisme spirituel. Ces voyages, lorsque chapeautés par des personnes non autochtones et pratiqués en dehors des traditions, sont vus par certains peuples autochtones comme une fausse représentation et une imitation de leurs pratiques traditionnelles, qui contribuent à minimiser leur culture et à la caricaturer à des fins commerciales.