Définition et origine
Connu sous le nom de « smudging » en anglais, le terme « purification » est communément utilisé pour faire référence aux cérémonies des peuples autochtones au cours desquelles des herbes et des remèdes sacrés sont brûlés lors d’un rituel, pour une purge ou à des fins médicales. Les peuples autochtones utilisent des termes et expressions qui leur sont propres pour désigner la purification. On parle, par exemple, de atisamânihk en langue crie (ce qui signifie « processus de purification ») et de nookwez en langue ojibwée (« purification médicinale »).
Pratique
Bien que les différentes nations autochtones aient leur propre version culturellement spécifique des traditions de purification, on retrouve plusieurs enseignements communs d’une nation à l’autre. Par exemple, dans toutes les cérémonies, on utilise un récipient quelconque pour transporter les herbes médicinales. Il peut s’agir d’un contenant spécial, d’un coquillage, d’un bâton de purification ou encore d’une boule. Brûlées en petites quantités, les herbes contenues dans le récipient produisent une fumée qui aurait des vertus curatives et pourrait transmettre les prières du peuple au créateur. La fumée est répandue sur le visage et le corps de la personne purifiée, soit au moyen d’une plume (idéalement, une plume d’aigle) ou avec un geste de la main. La personne doit orienter la fumée vers son corps avec les mains, en l’inhalant à chaque contact.
Lorsqu’une pièce ou qu’un endroit est purifié, on doit faire circuler la fumée un peu partout, tandis que la personne qui dirige la cérémonie prie pour dissiper l’énergie négative et permettre à l’énergie positive de rester. Les cendres créées par les herbes médicinales brûlées, plutôt que d’être jetées dans un contenant à déchets ordinaires, sont enterrées à l’extérieur, symbolisant l’élimination de toute énergie négative de nos vies.
Les cérémonies de purification sont souvent dirigées par un aîné ou un chef spirituel, comme un chaman. Toute personne peut toutefois réaliser sa propre cérémonie si elle en ressent le besoin, surtout dans les moments de prière.
LE SAVIEZ-VOUS?
Les enseignements des quatre directions de la roue médicinale occupent une place prépondérante dans les cérémonies de purification. Dans certaines cultures, quatre éléments sont représentés dans différentes parties de la cérémonie : le feu lors du brûlage des herbes sacrées, la terre dans les herbes elles-mêmes, l’air, symbolisé par la plume utilisée pour répandre la fumée ou par la fumée elle-même, et l’eau dans le récipient utilisé pour transporter les herbes. De plus, les offrandes médicinales, soit le foin d’odeur, le cèdre, la sauge et le tabac, appartiennent aux quatre directions.
Objectif
La purification joue un rôle différent d’une culture autochtone à l’autre. En tant que rituel, elle occupe une place importante dans les croyances spirituelles et théologiques, au même titre que les sueries et les pipes sacrées dans certaines cultures. (Voir aussi Autochtones : religion et spiritualité.) La purification met les personnes en lien avec le créateur et procure aux collectivités un moyen d’acquérir une protection spirituelle et une bénédiction, ainsi que d’améliorer leur santé spirituelle. La fumée engendrée par le brûlage des herbes sacrées est censée purifier le corps et l’âme, et aider à clarifier l’esprit. C’est ainsi que la purification parviendrait également à purger les lieux empreints d’« énergie négative ». La purification est donc, encore aujourd’hui, utilisée dans les moments de crise, de problèmes de santé et de décès.
La purification par la fumée est également pratiquée pour rétablir la santé physique. Lorsqu’elle se concentre sur certaines parties du corps (la tête, les pieds et les organes sensoriels, par exemple), la purification procure au corps tout entier une sensation de renouveau. Selon certains enseignements des Ojibwés, une purification réalisée au niveau du dos permettrait d’alléger le poids qui pèse sur la personne. La purification des oreilles, des yeux et de la bouche permettrait quant à elle d’améliorer l’ouïe, la vue et les aptitudes linguistiques, tout en approfondissant la compréhension qu’a la personne de ce qui l’entoure et de sa place dans le monde. Le respect de soi et des autres, y compris la terre, occupe une place centrale dans divers enseignements spirituels autochtones. Il forme la base même de la notion de purification.
En plus de la santé individuelle que le rituel peut procurer, les communautés autochtones qui vivent dans les réserves comme à l’extérieur peuvent trouver la paix grâce à la purification. Après les horreurs vécues dans les pensionnats indiens, la perte de territoires et de l’économie traditionnelle, de nombreuses épidémies et les différents facteurs socioéconomiques à l’origine de traumatismes intergénérationnels, la purification donne aux Autochtones un moyen de guérison fondé sur des systèmes de croyances revitalisés bien à eux.
Effets de la colonisation
La colonisation a pour effet de réprimer, d’éroder et, dans certains cas, d’éliminer complètement les traditions spirituelles des peuples autochtones au Canada. Bien que la Loi sur les Indiens, une loi fédérale, n’interdise pas de manière explicite la purification par la fumée (comme elle le fait pour les potlatchs et la danse du soleil jusqu’en 1951), elle déclare illégales un grand nombre d’activités autochtones de nature religieuse et culturelle qui font dans plusieurs cas appel à la purification. En outre, les politiques d’assimilation comme les pensionnats interdisent toute pratique des cultures autochtones. Toutefois, la purification par la fumée est toujours bien vivante dans les cultures autochtones d’aujourd’hui, surtout en raison de la ténacité de ceux qui l’ont défendue.
Interdiction de la purification
Malgré tout, de nombreux peuples autochtones rencontrent encore aujourd’hui des obstacles à la pratique de la purification dans les lieux publics. En 2016, par exemple, on interdit à une femme de réaliser une purification à l’intérieur d’un édifice provincial de Thunder Bay, en Ontario, où se tient alors une enquête sur la mort de sa fille, Lena Anderson. Après que les avocats de la plaignante aient avisé le ministre des relations avec les Autochtones et le coroner en chef de la province, un porte-parole d’Infrastructure Ontario présente ses excuses relativement à cet incident.
Il arrive dans certains cas que l’interdiction des cérémonies de purification touche également le domaine privé. En 2017, Nellie Rider, de Regina, en Saskatchewan, se voit interdire par son propriétaire la pratique de la purification, prétendument en raison de la fumée que celle-ci produit. Nellie Rider ne dépose aucune plainte officielle, faisant en revanche valoir qu’une telle interdiction porte atteinte à ses « droits en tant qu’être humain ». Dans un cas analogue en juin de la même année, Crystal Smith, de Colombie-Britannique, se voit signifier un avis d’expulsion par son propriétaire en raison de la fumée produite lors de ses rituels de purification. Crystal Smith dépose alors une plainte en matière de droits de la personne.
Lorsqu’on la considère comme une cérémonie religieuse, la purification est également cause de controverse dans les institutions laïques. En 2016, Candice Servatius allègue que ses deux enfants ont été forcés de prendre part à une cérémonie de purification à leur école élémentaire. (La School Act de la Colombie-Britannique interdit l’enseignement de la religion.) L’affaire est portée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui n’a toujours pas rendu de jugement à son égard. D’autres écoles au pays (dont la Seven Oaks School Division de Winnipeg et la Public Schools Division de Saskatoon) continuent d’offrir des services de purification à leurs élèves. Pour de nombreux peuples autochtones, la purification n’a pas pour objet de propager la religion, mais bien de purifier la personne et de célébrer le lien qui existe entre les humains et la terre.
Réconciliation
Dans une optique de rectification des pratiques d’assimilation du passé, certains paliers de gouvernement établissent des politiques en appui aux traditions autochtones. Par exemple, le Code ontarien des droits de la personne prévoit que les organismes qui relèvent de la compétence de la province ont l’obligation d’autoriser les pratiques spirituelles autochtones, dont la purification. (Voir aussi Droits de la personne.)
En 2016, le gouvernement du Canada exprime son appui inconditionnel à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle stipule que « les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs [...] coutumes, spiritualité, traditions, procédures [et] pratiques particulières... en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme ». (Voir aussi Nations Unies et Droits des Autochtones au Canada.)
Les appels à l’action issus de la Commission vérité et réconciliation préconisent la sensibilisation culturelle aux pratiques de guérison autochtones, dont la purification.
Appropriation culturelle
Au cours des derniers siècles, les peuples non autochtones reconnaissent et pratiquent de plus en plus la purification. Cela mène dans certains cas à la vente d’accessoires de purification inauthentiques, ainsi qu’à leur utilisation dans le cadre de cérémonies à la fois fausses et dénuées de toute sensibilité. La sensibilité culturelle semble dès lors dicter un protocole d’invitation pour les non-Autochtones. Étant donné le caractère profondément spirituel de la purification, les non-Autochtones qui souhaitent prendre part à de telles cérémonies auraient tout intérêt, avant de le faire, à tisser des liens de respect avec des personnes d’ascendance autochtone qui possèdent la sagesse et les connaissances requises.