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Vol de sirop d’érable du siècle

En 2011 et 2012, sur une période de plusieurs mois, un réseau de voleurs s’est emparé de 2 700 tonnes de sirop d’érable dans une réserve stratégique conservée au Québec (voir Industrie du sirop d’érable). L’événement a été surnommé par le public « vol de sirop d’érable du siècle ». Au moment du vol, la valeur du sirop dérobé s’élevait à près de 18 millions de dollars. C’est peut-être l’un des plus importants vols de l’histoire canadienne.
Érables entaillés avec des seaux

Production de sirop d’érable au Québec

Les peuples autochtones des forêts de l’est du Canada, notamment les Abénakis, les Haudenosaunee et les Micmacs, recueillaient la sève de l’érable bien avant l’arrivée des Européens. Les colons français ont appris des peuples autochtones comment entailler les érables et faire bouillir la sève pour produire du sirop d’érable. Depuis cette époque, le Québec produit du sirop d’érable et des produits dérivés, à tel point que le sirop d’érable et les rassemblements dans les « cabanes à sucre » sont devenus des pierres angulaires de la culture et de la cuisine québécoises (voir Industrie du sirop d’érable).

Le saviez-vous ?
Le Québec est un important producteur de sirop d’érable et de produits de l’érable. En 2020, le Québec comptait pour 96,4 % des exportations canadiennes de produits de l’érable. Le Canada est l’un des principaux producteurs et exportateurs de produits de l’érable, avec 75 % du marché mondial.


Malgré cette longue tradition et la demande mondiale de sucre et de sirop d’érable, la récolte et la production de ces produits saisonniers constituent le plus souvent une activité secondaire pour les cultivateurs canadiens. (Voir aussi Agriculture et produits alimentaires.) La raison est que le prix du sirop dépend de la qualité, de la quantité et du moment de la récolte. La grande variabilité de ces facteurs fait de la production de sirop d’érable une activité peu viable économiquement. Afin de gérer l’approvisionnement de sirop d’érable dans la province, un organisme régulateur sanctionné par le gouvernement, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (aujourd’hui Producteurs et productrices acéricoles du Québec) a été créée en 1966.

Réserve stratégique de sirop d’érable

L’organisation Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) établit des quotas annuels pour les producteurs de sirop d’érable et supervise la production et la vente de produits de l’érable du Québec (voir Industrie du sirop d’érable). Dans le but de gérer l’approvisionnement de sirop d’érable, la PPAQ a créé une réserve stratégique en 2000. En 2011, à cause d’un surplus de sirop d’érable, la PPAQ a agrandi sa réserve stratégique en y ajoutant un entrepôt situé à Saint-Louis-de-Blandford, au Québec. En 2012, la réserve stratégique de Saint-Louis-de-Blandford abritait des barils de sirop d’érable pour une valeur approximative de 30 millions de dollars.

Boîtes de sirop d’érable

Vol de 2011 et 2012

En juillet 2012, un inspecteur de la PPAQ procède à l’inspection annuelle du sirop d’érable entreposé dans la réserve stratégique de Saint-Louis-de-Blandford. Alors qu’il grimpe sur une pile de barils, un des contenants vient près de tomber. Un baril plein pèse à peu près 270 kg et est très difficile à déplacer. L’inspecteur ouvre donc quelques barils et constate qu’ils sont vides. On découvre ensuite que d’autres barils, qui semblent pleins, contiennent en réalité de l’eau. On remarque aussi que certains barils sont sales (malgré l’extrême propreté de la réserve de Saint-Louis-de-Blandford) ou rouillés (une caractéristique inhabituelle, car le sirop d’érable n’est pas oxydant). L’entrepôt n’étant pas équipé de caméras de sécurité, il n’existe aucune preuve vidéo du vol.

Des agents de la Sûreté du Québec (SQ), le corps policier de la province, amorcent l’enquête après que la PPAQ a contacté les autorités. La SQ conclut que les voleurs ont dû bénéficier de complicités à l’intérieur de l’entreprise. L’enquête se concentre sur les personnes ayant accès à des entrepôts dans le parc industriel où se trouve la réserve stratégique. Il est établi qu’entre octobre 2011 et août 2012, un groupe de voleurs ont pris des barils de sirop d’érable et ont transféré leur contenu dans leurs propres barils. Les barils vides ont ensuite été remplis d’eau puis replacés dans la réserve stratégique.

Richard Vallières est accusé d’être le chef du réseau des voleurs de sirop d’érable. Dans le monde des producteurs acéricoles, l’homme a la réputation d’avoir souvent cherché à contourner les contrôles serrés et le système de gestion de l’approvisionnement de la PPAQ. Il aurait été mis au courant de l’existence de la réserve stratégique par Avik Caron, dont l’épouse était copropriétaire de l’entrepôt où le sirop est conservé. Dans son témoignage, Avik Caron dit avoir été présenté à Richard Vallières peu après que l’entrepôt a commencé à être rempli de barils de sirop.

Interrogé par la police en 2014, Richard Vallières reconnaît avoir participé au marché noir pendant une dizaine d’années avant le vol, et avoir été déjà poursuivi par la PPAQ en relation avec cette activité. Les complices de Richard Vallières allèguent que leur action n’est pas un vol parce que les pratiques de gestion de l’approvisionnement de la PPAQ sont injustes à l’égard des producteurs.

Les voleurs écoulent le sirop d’érable volé à partir d’une entreprise légitime située au Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick possède une industrie acéricole plus petite, qui n’est pas soumise aux contrôles des prix et de la production existant au Québec. À partir du Nouveau-Brunswick, le sirop d’érable volé est expédié et vendu en Ontario et aux États-Unis.

Bilan

Sur une période de dix mois, les voleurs ont réussi à voler 2 700 tonnes de sirop d’érable. Les autorités en ont récupéré 450 tonnes. Une partie du sirop d’érable récupéré a été détruit parce qu’il était devenu impropre à la consommation humaine.

L’enquête policière a été exhaustive : plus de 300 personnes ont été interrogées et 40 mandats de perquisition ont été émis. Quatre hommes, incluant Richard Vallières, ont été condamnés pour leur participation au vol. Richard Vallières a été condamné à 7 ans et 10 mois de prison.

Suites

Les événements entourant le vol de sirop d’érable du siècle ont fait l’objet d’un épisode de la série documentaire « Dirty Money » sur Netflix. L’émission a été diffusée le 26 janvier 2018.