Will Kymlicka est philosophe politique (né en 1962 à London, en Ontario). Will Kymlicka est l’auteur de 8 livres et de plus de 200 articles, qui ont été traduits en 32 langues, et son œuvre révolutionnaire sur le lien entre la démocratie et la diversité, et plus récemment sur l’éthique animale, lui assure une place parmi les penseurs les plus influents du Canada.
Éducation et début de carrière
Professeur de philosophie et titulaire d’une chaire canadienne de recherche en philosophie politique à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario, Will Kymlicka reçoit un baccalauréat de l’Université Queen’s en sciences politiques et en philosophie en 1984, et un doctorat en philosophie de l’Université d’Oxford en 1987, supervisé par le philosophe marxiste G. A. Cohen, né à Montréal. Les analyses politiques de Will Kymlicka se situent majoritairement dans la lignée des théories libérales, et comprennent sa théorie de la relation idéale entre l’individu et l’État. Dans sa première publication majeure, Liberalism, Community and Culture (1989), Will Kymlicka propose une version du libéralisme qui répond à l’idée selon laquelle la théorie politique libérale est trop individualiste pour s’intéresser aux droits collectifs, de manière générale, et aux droits des groupes minoritaires, en particulier. Il argue que l’identité individuelle est liée de près à un contexte culturel et social qui la rattache à l’identité communautaire. Will Kymlicka défend les droits collectifs des minorités, comme les Canadiens français et les Autochtones, en stipulant qu’un fort sentiment d’appartenance culturelle est d’une grande importance pour le bien-être individuel. De surcroît, il soutient que les droits des minorités à la protection et à l’autonomie sont justifiés parce qu’elles sont désavantagées, puisque sans identité culturelle stable. Cette idée de Will Kymlicka selon laquelle le concept de droits collectifs devrait faire partie intégrante de la pensée libérale est fortement influencée par sa lecture des penseurs américains John Rawls et Ronald Dworkin.
Citoyenneté multiculturelle
Les premiers écrits de Will Kymlicka jettent les bases pour son œuvre principale, La citoyenneté multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités. Il y élabore un modèle libéral pour comprendre les droits collectifs, menant à des recommandations de politiques concrètes à l’attention du gouvernement fédéral. Il se concentre sur des groupes ethnoculturels comme des minorités nationales, qu’il distingue des groupes immigrants, qui, eux, se sont « volontairement installés au pays » et desquels on attend qu’ils « soient actifs au sein des institutions publiques de la culture dominante ». L’objectif de La citoyenneté multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités est de prouver que des droits différenciés selon le groupe (des droits qui ne s’appliquent qu’à des groupes précis) sont une extension légitime des valeurs libérales de base, et qu’ils sont même nécessaires dans certains cas. Selon Will Kymlicka, la véritable égalité nécessite le traitement différent de groupes différents. Il définit donc trois sortes de droits différenciés selon les groupes, pour les minorités nationales : 1 — les droits à un gouvernement autonome, qui garantit l’indépendance politique et la juridiction territoriale; 2— les droits polyethniques, tels que des politiques anti-oppression qui pourraient impliquer la modification du curriculum scolaire et des exemptions légales; 3 — des droits de représentation spéciaux employés pour équilibrer l’exclusion historique, dont sont victimes les membres de groupes culturellement désavantagés. Chacune de ces catégories vise à protéger l’autonomie des individus issus de groupes minoritaires tout en maintenant leur capacité à prendre part à une société plus large.
On trouve au cœur de la défense des droits différenciés selon les groupes de Will Kymlicka une distinction entre « restrictions internes » et « protections externes ». Les premières visent à protéger les minorités des impacts déstabilisants des dissensions à l’interne (par exemple le choix de certains membres de ne pas respecter les pratiques traditionnelles ou les coutumes). Les protections externes visent à protéger les groupes minoritaires de l’impact de décisions externes, particulièrement des « décisions économiques et politiques de la société globale ». Ces protections consistent entre autres à faire valoir des conventions historiques en ce qui concerne les territoires spéciaux et les droits de chasse, les termes de la fédération, et les accords concernant les frontières et l’usage des langues. Will Kymlicka souligne que l’état libéral devrait soutenir les protections externes pour les cultures minoritaires, à condition que celles-ci n’aient pas pour résultat de l’oppression ou de l’exploitation. Les restrictions internes, toutefois, ne peuvent être justifiées d’un point de vue libéral parce qu’elles restreignent l’autonomie individuelle. Bien que des critiques aient trouvé des points faibles à certains des arguments de Will Kymlicka (par exemple la distinction tranchée entre les minorités nationales et les groupes d’immigrants, et l’idée selon laquelle les droits des minorités sont dévalués au Canada), La citoyenneyé multiculturelle, une théorie libérale du droit des minorités est vue comme une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse au lien entre citoyenneté et justice sociale. Le livre a reçu le Macpherson Prize, décerné par l’Association canadienne de science politique, et le Ralph Bunche Award, de l’Association américaine de science politique, pour avoir été précurseur du débat contemporain portant sur les droits différenciés selon les groupes.
Travaux récents
Dans son livre le plus récent, Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights (écrit en collaboration avec Sue Donaldson), Will Kymlicka développe un cadre de valeurs morales qui lie « le traitement des animaux aux principes fondamentaux de la justice libérale démocratique et aux droits de l’être humain ». Cette approche se base sur la théorie de la citoyenneté, qui sépare les animaux en trois catégories : les animaux domestiques, qui ont été domptés et élevés par l’homme pour leur capacité à travailler, à nourrir ou à tenir compagnie; les animaux sauvages; les animaux limitrophes, comme les souris, les pigeons et les insectes, qui se sont « adaptés à la vie parmi les humains, sans que ces derniers ne s’en occupent directement ». Will Kymlicka et Sue Donaldson envisagent un rapport individu-État différent pour chacune de ces catégories. Selon eux, les animaux domestiqués devraient se voir accordés une cocitoyenneté, équivalente à celle des êtres humains, et au sein de laquelle leur intérêt et leurs préférences seraient pris en compte. Ceci pourrait impliquer « le droit à première vue de partager… les espaces publics ». De la même manière, on devrait accorder aux animaux sauvages la souveraineté, et leur garantir un espace sécuritaire qui protège leur autonomie et leur capacité à s’épanouir. Les animaux limitrophes devraient être traités comme des habitants ayant le droit de vivre d’égaux à égaux parmi les humains, plutôt que d’être vus comme de la vermine qui mérite l’extermination de masse. A priori sujet à controverse, Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights occupe une position intermédiaire entre la réforme du régime de protection des animaux et un certain « abolitionnisme », qui prône l’égalité parfaite entre êtres humains et animaux. Selon ses auteurs, les deux approches sont trop simplistes, et ne tiennent pas compte des diverses manières dont les êtres humains affectent les populations animales, et vice versa.
Distinctions
Will Kymlicka est récipiendaire de nombreux prix, parmi lesquels le prix Killam en 2004, le Trudeau fellowship en 2005 et le Premier’s Discovery Award dans la catégorie des sciences sociales en 2009. Il a été élu membre de la Société royale du Canada en 2003 et a été président de la American Society for Political and Legal Philosophy de 2004 à 2006.