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À Toronto : la vieille prison Don

Cet article provient de notre série « Toronto Feature ». Les articles provenant des séries précédentes ne sont pas mis à jour.

Ce contenu fait partie d'une série créée en collaboration avec les services au musée de la Ville de Toronto et Heritage Toronto. Nous remercions le ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport de l'Ontario et le ministère du Patrimoine canadien pour leur financement.

« La vieille prison Don, maudite depuis le début »

Chronos contemple d’un air grave les visiteurs qui passent sous la clé de voûte suspendue au-dessus de la porte en chêne cloutée qui donne accès à la vieille prison Don. Ce détail architectural avait pour but de faire frémir de peur ceux qui passaient cette frontière. Ce visage pourrait tout aussi bien symboliser la triste apparence de l’édifice lui-même, car s’il y a bien un édifice qui a été maudit dès sa création, c’est bien le Don.

La prison Don a été conçue par William Thomas, architecte créateur de quelques-uns des plus beaux édifices de Toronto de l’époque, notamment le St Lawrence Hall. William Thomas meurt avant la fin de la construction de l’édifice en 1865, et on peut se demander si le stress associé à ce projet n’a pas contribué à l’user jusqu’à la mort. Le projet prendra au total sept années, des premiers dessins jusqu’à la fin des travaux. Le budget initial sera largement dépassé et la construction est ralentie par les politiciens et les entrepreneurs. Les fondations mal installées devront être refaites et l’édifice est largement endommagé par un incendie juste avant d’être terminé (l’assurance n’a pas couvert les frais de reconstruction).

Aménagées suivant la théorie progressiste en vogue au XIXe siècle axée sur la réforme pénale, les cellules étroites sont essentiellement conçues pour dormir. Durant la plus grande partie de la journée, les prisonniers étaient censés travailler dans des ateliers, en salle de classe ou dans les fermes industrielles qui entourent la prison. Mais la réalité fut tout autre. Les philosophies adoptées évoluant, les prisonniers se retrouvent la majeure partie du temps dans leur cellule et la vieille prison Don devient un véritable enfer infesté de vermines, un donjon et un « obscur cloaque insalubre pour les humains ». Le surpeuplement chronique entraîne la propagation de maladies telles que la tuberculose. Pire, c’est ici qu’ont eu lieu 34 exécutions par pendaison (la dernière sera celle de Ronald Turpin et d’Arthur Lucas, du gang Boyd, en 1962) et plusieurs suicides. On raconte aussi que les lieux sont hantés par une jeune prisonnière qui s’est pendue dans ces lieux dans les années 1890.

La nouvelle prison Don, adjacente, ouvre ses portes en 1958. La vieille prison est définitivement fermée en 1977 et les prisonniers sont alors transférés dans le nouvel établissement. Des photographies de l’époque montrent des dignitaires armés de masses qui assènent des coups symboliques à ce symbole de cruauté tant méprisé.

Aujourd’hui, l’édifice reste un repère intriguant dans le paysage urbain, connu pour sa stupéfiante architecture délibérément austère ainsi que pour son lourd passé.

Voir aussi : Architecture carcérale.

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