L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est un organisme fédéral d’application de la loi. Elle relève du ministre de la Sécurité publique du Canada. Le Canada l’a créée après les attentats du 11 septembre 2001 dans le but d’instaurer un système intégré de sécurité aux frontières.
L’ASFC est responsable des passages à la frontière, du contrôle de l’immigration et des douanes au Canada. Elle veille à l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (voir aussi Politique d’immigration au Canada) et réglemente la circulation des biens et des personnes. Sa mission est d’assurer la sécurité nationale, de faciliter les échanges commerciaux et de faire respecter les règles en matière d’immigration.

Contexte
Avant la création de l’ASFC, plusieurs organismes se partageaient le travail à la frontière canadienne. L’Agence des douanes et du revenu du Canada percevait les douanes et les taxes. Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration faisait quant à lui appliquer la loi sur l’immigration. Enfin, l’Agence canadienne d’inspection des aliments veillait à la salubrité des aliments aux points d’entrée. C’est une structure fragmentée qui entraînait des inefficacités et nuisait aux communications.
Pour remédier à la situation, le gouvernement a regroupé bon nombre de ces responsabilités au sein de l’ASFC. Il souhaitait ainsi améliorer l’évaluation des risques, la circulation de l’information et la sécurité aux frontières.
L’ASFC a mis en place plusieurs initiatives visant à simplifier les procédures aux frontières tout en renforçant la sécurité. Les kiosques de contrôle frontalier automatisé permettent de gérer soi-même son entrée au pays. Le programme NEXUS facilite l’accès des personnes préautorisées à faible risque. De plus, les technologies avancées d’évaluation des risques améliorent la détection des colis potentiellement dangereux. Si elles permettent de rationaliser les processus, ces technologies soulèvent en revanche aussi des inquiétudes quant à la protection de la vie privée, aux préjugés qui la sous-tendent et à l’intensification des activités de surveillance qui en découlent.
L’ASFC gère environ 1 200 points d’entrée au Canada et 35 à l’étranger. Elle supervise 117 postes frontaliers terrestres, 13 aéroports internationaux ainsi que d’importantes infrastructures maritimes et ferroviaires. De nombreux sites fonctionnent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 afin de concilier sécurité et commerce.
Mandat et pouvoirs de l’ASFC
L’ASFC a pour mandat de protéger le Canada tout en facilitant les échanges et les déplacements. Elle s’emploie à empêcher l’entrée et la sortie de marchandises illégales (armes, drogues) et de personnes en situation irrégulière (trafiquants) tout en facilitant le passage aux frontières.
Conformément à sa mission, l’ASFC fait appliquer la réglementation entourant les douanes. Elle perçoit les droits et taxes à l’importation et veille au respect des accords commerciaux internationaux.
L’ASFC veille aussi à l’application des lois sur l’immigration. Ses agents effectuent des contrôles aux frontières et peuvent également détenir les immigrants non autorisés et, au besoin, procéder à des déportations.
Difficultés et controverses
Vie privée et fouilles d’appareils aux points d’entrée canadiens
Dans son désir de renforcer la sécurité et de simplifier les déplacements et les échanges commerciaux tout en réduisant les délais, l’ASFC a adopté des technologies qui ne sont cependant pas sans inconvénient. Des agents ont en effet fouillé des téléphones, des tablettes et des ordinateurs portables de voyageurs sans mandat, ce qu’ont déploré les défenseurs de la vie privée. En 2017-2018, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a reçu des plaintes à ce sujet.
En mars 2022, le gouvernement du Canada a adopté une nouvelle loi pour mieux protéger la vie privée des voyageurs dont on fouille les appareils électroniques à la frontière. En août 2024, la Cour d’appel de l’Ontario a statué que les agents de l’ASFC ne pouvaient pas faire de telles fouilles sans mandat, jugeant ces dernières inconstitutionnelles. Elle a aussi interdit aux agents d’accéder aux données et images stockées à distance dans des nuages.
Absence de contrôle indépendant
Jusqu’au 31 octobre 2024, l’ASFC n’était pas soumise à un contrôle indépendant et avait donc la liberté de faire à peu près ce qu’elle voulait. Il y a notamment eu la situation des personnes détenues dans les centres de surveillance de l’immigration qui se sont plaintes de mauvais traitements, plaintes qui n’ont reçu aucune réponse la plupart du temps. Aucun organisme n’avait pour tâche de se pencher sur les situations de ce genre lorsqu’elles survenaient.
Le gouvernement du Canada a ainsi créé la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public (CETPP). La CETPP est censée encadrer les activités de la GRC et l’ASFC. La transparence ainsi accrue n’a pas réussi à éliminer complètement les inquiétudes vis-à-vis de la protection des droits de la personne. Les critiques ont donc réclamé des mécanismes encore plus fermes pour lutter contre les comportements répréhensibles des forces de l’ordre.
Profilage racial et pratiques discriminatoires
La discrimination au sein de l’ASFC demeure aussi un problème de premier ordre. En 2022, environ un quart des employés de première ligne ont déclaré avoir été témoins de comportements discriminatoires, souvent liés à la race, à l’ethnie ou à l’origine nationale (voir aussi Racisme).
L’ASFC a ainsi mis en œuvre sa politique de tolérance zéro pour toute forme de racisme et de discrimination en amont à titre préventif ainsi qu’en aval. Elle a intégré le cadre d’analyse comparative entre les sexes Plus (ACS+) du gouvernement, qui prend en compte les dimensions intersectionnelles (comme le genre, la race et l’origine ethnique) des effets des politiques sur différents groupes. L’ACS+ vise à mieux lutter contre les discriminations et à promouvoir l’équité au sein de l’organisme (voir aussi Équité des genres).
Réformes et pressions croissantes
L’ASFC fait face à des pressions de plus en plus fortes pour assurer la sécurité aux frontières et faire appliquer les lois sur l’immigration. L’organisme doit en effet concilier sécurité nationale et obligations humanitaires. Par ailleurs, les conflits, l’instabilité économique et les changements climatiques entraînent l’intensification des migrations.
Les pratiques de l’ASFC pour l’application de la loi sont scrutées de près depuis longtemps, et plusieurs réformes ont ainsi vu le jour. En 2021, Sécurité publique Canada a annoncé des mesures visant à réduire le recours aux prisons provinciales pour la détention des immigrants et privilégier à la place des solutions de détention en milieu communautaire. Présentées comme étant le moyen de remettre la dignité humaine à l’avant-scène, les solutions ont tout de même essuyé un feu de critiques, certains soulignant l’augmentation des risques de violence et la possibilité d’accroître les activités de surveillance qui restreignent les libertés individuelles.
L’ASFC a de plus accru son recours aux technologies d’évaluation des risques, notamment l’intelligence artificielle et la biométrie, dans les décisions relatives à l’immigration. On a encore une fois déploré la situation, notamment les risques de profilage racial, de violations de la vie privée et de partialité algorithmique.
L’ASFC collabore avec les États-Unis en matière de sécurité transfrontalière et a signé des accords d’échange de renseignements avec notre voisin du sud. C’est par contre une situation préoccupante pour ce qui est de la protection des demandeurs d’asile et de l’application des lois. En effet, après les attentats du 11 septembre 2001, le Canada a signé l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis que fait appliquer l’ASFC aux points d’entrée désignés. L’Entente exige que les demandeurs d’asile déposent leur demande dans le premier pays « sûr » où ils arrivent, ce qui empêche les demandeurs en provenance des États-Unis de solliciter une protection aux postes frontaliers canadiens, sauf exception. Pour les défenseurs des droits des réfugiés, l’Entente fait craindre que le Canada ne privilégie la sécurité au détriment des droits des demandeurs d’asile. Ils affirment qu’elle limite l’accès aux voies légales d’asile, contribuant ainsi à l’immigration irrégulière (voir aussi Politique canadienne sur les réfugiés).
Par ailleurs, l’ASFC est en lutte constante contre les vols de voitures et la contrebande d’armes à feu. Les groupes criminels organisés exploitent souvent les postes frontaliers pour faire passer des véhicules et des armes à feu volés. En 2021, l’ASFC a saisi plus de 1 100 armes à feu aux frontières canadiennes (voir aussi Contrôle des armes à feu au Canada). Ce sont des enjeux qui prennent beaucoup de place au sein de l’ASFC, qui ne doit pas pour autant perdre de vue l’équilibre entre sécurité et respect des droits de la personne.