L'architecture paysagère consiste en la conception, l'aménagement, la gestion et l'entretien des domaines bâtis. Les architectes paysagistes utilisent leurs facultés de création en arts et sciences pour concevoir des lieux extérieurs et des systèmes d'espaces ouverts qui sont utiles, inventifs, agréables et appropriés sur le plan environnemental. Qu'ils travaillent pour des groupes ou des personnes, les architectes paysagistes cherchent des idées qui produisent de meilleurs environnements de vie. Ils se préoccupent des possibilités et des contraintes du terrain, de l'importance patrimoniale du paysage culturel, de la restauration et de l'expansion de communautés écologiques, de la nature et du rôle de la végétation, et de l'utilisation efficace et esthétique de matériaux.
Architecture paysagère
Les architectes paysagistes d'aujourd'hui ont habituellement affaire à du terrain qui a déjà été modifié par une intervention humaine. Alors que les espaces ruraux et les aires de nature sauvage diminuent et que les pressions concernant le développement augmentent, beaucoup de projets nécessitent leurs compétences uniques en conception et leur expertise dans la restauration de forêts, de champs, de marécages endommagés et de terrains à usage industriel contaminés et abandonnés (friches industrielles), et dans la nouvelle conception et l'intensification des espaces urbains qui sont insuffisamment utilisés. Comme de plus en plus de gens vivent dans les villes ou près des villes, les architectes paysagistes s'intéressent de plus en plus à la qualité de la vie urbaine et aux façons dont les municipalités développent et gèrent leurs espaces ouverts.
L'expression « architecture paysagère » apparaît pour la première fois sous forme écrite dans le titre d'un livre de Gilbert Laing Meason paru en Écosse en 1828. Puis, Frederick Law Olmsted et Calvert Vaux sont les premiers à utiliser le titre professionnel « architecte paysagiste » lorsqu'ils exposent leur plan Greensward pour l'aménagement de Central Park à New York en 1858. Au Canada, les premiers architectes paysagistes à s'annoncer sous ce titre sont Frederick Gage Todd de Montréal et Charles Ernest Woolverton de Grimsby (Ontario), qui fondent leur cabinet privé en 1900 et 1901 respectivement. D'autres pionniers se qualifient également de concepteurs paysagers, de jardiniers paysagistes ou d'ingénieurs paysagistes, le choix des termes découlant souvent de leur formation antérieure dans des domaines comme l'agronomie, l'architecture, le génie civil, le jardinage, l'horticulture, l'hydraulique, et l'art topographique (voir Peintres topographiques).
Les premiers paysages culturels
Les travaux d'architecture paysagère s'inscrivent dans le concept de paysage culturel, une expression qui, selon la définition de Parcs Canada, désigne « tout endroit transformé ou auquel les gens attribuent une influence ou un sens culturel donné ». Les peuples autochtones misaient sur les phénomènes écologiques et naturels afin de modifier à leur profit la topographie de l’Amérique du Nord. Étant donné que les aspects économiques, sociaux et spirituels de leurs vies étaient interconnectés, ils attribuaient des connotations spirituelles à des endroits particuliers et se transmettaient cette symbolique de génération en génération. Cependant, les scientifiques et les conservationnistes contemporains commencent à peine à saisir la richesse et la profondeur des liens qu’entretiennent traditionnellement les Premières Nations avec le paysage.
Il est plus facile de reconnaître d’emblée, par le biais de preuve matérielle ou documentaire ou les deux, les paysages culturels produits par des commerçants, des missionnaires, des militaires, des fonctionnaires et d’autres intervenants d’origine européenne qui ont défriché les forêts, fondé des villages, aménagé des jardins et des vergers, introduit en Amérique des espèces de bétail et de plantes d’Europe et construit des infrastructures importantes telles que canaux, routes, digues et barrages. L’influence des premiers arpenteurs sur l’organisation et l’aspect du paysage culturel a été particulièrement marquante.
Les Français sont les premiers Européens à concevoir des ouvrages en sol canadien. En 1604, Samuel de Champlain fait des projets pour la colonie de courte durée de l’Île Sainte-Croix (désormais l’île Dochet) en Acadie. Ces plans prévoyaient divers bâtiments et jardins autour d’une place publique. L’établissement, cependant, sera de courte durée. Des documents et des preuves archéologiques permettent de penser que les maisons canadiennes construites plus tard au cours du 17e siècle, en Acadie, dans la vallée d’Annapolis et aux environs, comportent des jardins clos. Moins de cinq ans après la fondation de Louisbourg en 1713, on y aménage des jardins avec des plates-bandes surélevées. Les plus anciens jardins qui subsistent encore au pays, ceux des Sulpiciens à Montréal, remontent aux années 1680; ils sont agencés selon l’utilisation de la géométrie qui caractérise la Renaissance française. Les plans de la haute ville de Québec, qui datent de la fin du 17e siècle et du début du 18 e siècle, signalent de nombreux jardins du genre près des habitations ainsi que des couvents et des monastères.
Bien que les concepteurs de bon nombre des plus anciens sites paysagers au Canada soient inconnus, on sait que l’un des premiers spécialistes de l’aménagement est Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, un ingénieur qui a, entre autres, établi les plans des villes de Québec en 1716 et de Montréal en 1731, de même que les plans du jardin du Gouverneur à Québec qui remontent à 1752.
Les comptes rendus d’époque révèlent la présence, dès la deuxième moitié du 18e siècle, de jardins d’agrément privés à Montréal et à Halifax. Vers 1817, Charles Ramage Prescott (1772-1859) aménage des jardins, un verger et une serre sur son domaine d’Acacia Grove à Starr’s Point (Nouvelle-Écosse). À la fin du 18e siècle, avec la construction du pavillon Prince’s Lodge, on voit apparaître dans l’Est du Canada le style paysagiste anglais pittoresque. Le bassin Bedford à Halifax, qui en est un des exemples les plus anciens, a partiellement survécu. Durant les années 1820 et 1830, ce style apparaît également dans les édifices gouvernementaux à St. John’s (Terre-Neuve), au domaine de Richard John Uniacke à Mont Uniacke en Nouvelle-Écosse (voir Uniacke Estate Museum Park), l’édifice Fanningbank (devenu par la suite la Maison du gouvernement) à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), la résidence Spencer Wood de Henry Atkinson à Sillery, au Québec, de même que le parc Sir Peregrine Maitland and Lady Maitland’s Stamford près de Niagara Falls, en Ontario (voir Sir Peregrine Maitland).
Le premier adepte connu de l’école pittoresque à œuvrer au Canada est André Parmentier, un pépiniériste et paysagiste originaire de Brooklyn (dans l’État de New York). Vers 1829, il trace les plans du complexe de King’s College et ceux du domaine Moss Park de William Allan à York (aujourd’hui Toronto). Au début de l’année 1830, six mois avant sa mort prématurée, il visite Montréal en quête de nouvelles commandes.
19e siècle : de nouvelles formes et de nouveaux praticiens
Au Canada, avec la période victorienne, plusieurs nouveaux types de paysages culturels évoluent. Ces nouvelles formes sont souvent mises en place par des concepteurs professionnels spécialisés, mais les amateurs passionnés jouent également un rôle important dans cette évolution.
Les cimetières aménagés ou « cités des morts » comme on les appelle souvent, visent à remédier aux conditions malsaines et à l’encombrement qui affectent beaucoup de cimetières d’églises, et à compléter les lieux d’enterrement non confessionnels déjà établis, imitant les cimetières ruraux très populaires aux États-Unis aménagés à l’extérieur des limites de beaucoup de villes et villages. Le prototype est le cimetière de Mount Auburn près de Boston, qui attire les visiteurs depuis son inauguration en 1831.
En 1844, après avoir étudié un traité sur le site de Mount Auburn, l’architecte John G. Howard conçoit le cimetière St. James de Toronto en dessinant des parcours incurvés semblables et en tirant parti de la topographie des lieux. Au cours des décennies suivantes, on adopte des règlements et des sociétés se forment dans le but d’aménager d’autres cimetières du genre. Mentionnons notamment les cimetières montréalais du Mont-Royal et de Notre-Dame-des-Neiges et le cimetière Cataraqui près de Kingston (Ontario), qui datent des années 1850, de même que les cimetières Beechwood et Notre Dame à Ottawa et celui de Mount Pleasant à Toronto, qui remontent aux années 1870. Bon nombre de ces cimetières paysagers, accessibles par les moyens de transport en commun, viennent remplacer les parcs publics inexistants ou inadéquats.
Pour compenser l’insuffisance des parcs municipaux, on aménage également des terrains d’agrément commerciaux (dont les concepteurs sont inconnus), ouverts au public, avec toutefois des frais d’entrée dans certains cas. Les jardins Vauxhall à Montréal, créés aux environs de 1781, en sont l’un des premiers exemples au Canada. Cependant, ces terrains d’agrément se multiplient au 19e siècle, celui de Guilbault à Montréal (1831-1869) et le parc de Caer Howell à Toronto (1835-1915), en particulier, connaissent une popularité durable. Ces endroits aménagés de portails monumentaux, et de lieux de promenade, offrent au public des aires de pique-nique, des parterres de fleurs, des kiosques et des pavillons. On y vend de la crème glacée et des friandises, les orchestres locaux y jouent de la musique, on y présente des feux d’artifice et toutes sortes d’amusements. À la fin du 19e siècle, les parcs d’amusement tels que Happyland ainsi que les parcs Elm, River et Hyland à Winnipeg attirent les foules grâce à des carrousels, des circuits de montagnes russes, des patinoires, des grands pavillons de danse, des installations sportives et un service de transport en commun.
Durant la période qui précède la Confédération, des concepteurs paysagistes professionnels, dont certains comme Parmentier font de brèves visites tandis que d’autres s’établissent définitivement au Canada, sont à l’œuvre dans l’est et dans le centre du pays. Ainsi, en Ontario, divers types de clients commandent des réalisations variées touchant un large éventail de lieux. À Toronto en 1844, John Howard, originaire d’Angleterre, dessine les plans de l’édifice Osgoode Hall appartenant à la Law Society of Upper Canada et ceux du nouveau cimetière de l’église anglicane. Pendant les années 1850, William Mundie et George Laing, deux Écossais ayant immigré à Hamilton, dans le Canada-Ouest, se font connaître partout dans la région pour leurs compétences en tant que jardiniers paysagistes. Le carnet de commandes de Mundie comprend plusieurs grandes serres, les terrains du parc universitaire, de l’école normale et de l’école modèle à Toronto de même qu’une partie du cimetière de St. Catharine et les alentours du monument Brock à Queenston. Quant à Laing, il aménage notamment les terrains du château Dundurn à Hamilton et le domaine Woodend à Ancaster. En 1853, Frederick Cornell, un arpenteur de Rochester (dans l’État de New York), franchit le lac Ontario pour créer le cimetière Cataraqui. En 1859 et 1860, Edwin Taylor, jardinier paysagiste formé en Angleterre, travaille à Toronto, où il poursuit l’œuvre de Mundie au University Park et dessine le plan des terrains très étendus de la Toronto Horticultural Society (de nos jours les Allan Gardens).
Bien que le style « jardinier », qui met l’accent sur les agencements horticoles, prédomine dans les années 1850 et 1860, le style pittoresque moins exubérant conserve des adeptes. Lord Monck en applique les principes à la résidence de Rideau Hall à Ottawa durant son mandat au poste de gouverneur général de 1864 à 1868, en demandant à son jardinier en chef, Alpine Grant, de faire aménager une nouvelle allée à l’entrée et de planter de nombreux arbres afin de varier les points de vue à l’approche de la demeure.
Peu après la création de la Confédération, les gouvernements fédéral et provinciaux financent la construction de divers édifices publics et l’aménagement des terrains environnants. En 1873, le ministère fédéral des Travaux publics confie au New Yorkais Calvert Vaux (qui vient de rompre l’année précédente son association avec F.L. Olmsted Sr.) le mandat de dessiner les jardins publics autour des édifices du Parlement du Canada à Ottawa. Vers la même époque, le ministère ontarien des Travaux publics charge H.A. Engelhardt, un ingénieur civil établi à Belleville qui a reçu une formation de jardinier paysagiste en Prusse, de concevoir et de superviser l’aménagement de la section ornementale des pourtours du nouvel établissement pour les malentendants à Belleville et de celui pour les handicapés visuels à Brantford. Les lieux conçus par Vaux sont classiques, élégants et aménagés en terrasses, alors que les créations de Engelhardt s’inscrivent dans une veine « jardinière ».
Dans beaucoup d’établissements publics, on cherche à atteindre l’autosuffisance en faisant cultiver les terrains par les pensionnaires pour les nourrir. Dès 1835, le pénitencier du gouvernement provincial ontarien à Kingston possède son propre verger. À la fin des années 1850, pendant que Olmsted et Vaux vantent l’effet thérapeutique des parcs sur les mœurs des citadins, quelques médecins préconisent le recours à ces genres de parcs pour calmer et soigner les malades mentaux. Les deux idées font du chemin. À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, les plans des hôpitaux psychiatriques canadiens prévoient souvent des terrains d’athlétisme et un paysage ornemental soigneusement conçu, en plus de jardins, vergers et champs cultivés. Parmi les établissements où l’on considère le travail et la détente comme des aspects importants du traitement, mentionnons l’asile d’aliénés de Mimico près de Toronto réalisé dans les années 1890 et au début des années 1900 par le jardinier paysagiste Samuel Matheson, et l'hôpital psychiatrique Essondale (rebaptisé Riverview) à Port Coquitlam (Colombie-Britannique), conçu après 1911 par John Davidson et par son successeur, Jack Renton.
La plantation d’arbres de rue et d’alignement – à la suite de la coupe rase d’envergure qui accompagne la colonisation – est une autre forme d’amélioration du paysage au 19e siècle. Exécutés à la fois par les propriétaires fonciers et les gouvernements (les premiers sont parfois remboursés par les derniers), les programmes de plantation d’arbres aident à créer de l’ombre et à soulager les régions humides et sujettes aux rafales.
L’origine de plusieurs parcs publics du Canada remonte aux années 1830 et 1840, mais l’un des mieux préservés est les Halifax Public Gardens. Ces jardins, entrepris au début des années 1840 pour le compte de la Nova Scotia Horticultural Society, se développent lentement jusque dans les années 1870. Grâce au concours du surintendant Richard Power, un jardinier paysagiste doué pour le style jardinier, ils acquièrent leur forme actuelle puis, en 1874, ils sont constitués en parc municipal. Durant les dix années qui suivent les débuts de la Confédération, d’autres municipalités améliorent également leurs parcs ou en créent de nouveaux. Citons par exemple le parc Victoria à Charlottetown qui occupe un terrain offert par le gouvernement fédéral en 1873, celui de Major’s Hill à Ottawa créé en 1874 qui est le premier parc municipal de cette ville, ainsi que le parc Stanley à Vancouver, inauguré en 1888.
Un des premiers parcs au pays construit sur une série de zones topographiques, celui du Mont-Royal à Montréal, est l’œuvre de l’agence fondée par Frederick Law Olmsted Sr. À Brookline au Massachusetts. Les travaux, commencés en 1873, durent plus de 20 ans. Olmsted contribue également à la préservation du paysage naturel entourant les chutes Niagara. En compagnie de trois collègues, il commence à y songer au cours d’une promenade à l’île Goat en 1869. Le projet se concrétise du côté canadien lorsque le Parlement ontarien adopte en 1885 la loi instituant le Parc des chutes Niagara. À la suite de la création du parc Queen Victoria de Niagara Falls en 1887 sous la supervision de l’ingénieur civil James Wilson et du jardinier en chef Roderick Cameron, horticulteur professionnel, la Commission des parcs du Niagara aménage les lieux en tenant compte du paysage naturel et en appliquant les principes de l’architecture paysagère. Ces caractéristiques marquent encore la zone sur laquelle elle exerce un contrôle.
On croit également que Olmsted aurait dessiné le plan des terrains de Beechcroft à Roches Point (Ontario) peu après 1869, pour un homme d’affaires américain qui a acheté ce domaine pour y faire construire sa résidence estivale. Dans les années 1880 et 1890, des concepteurs professionnels embellissent les terrains des résidences d’été dans d’autres lieux de villégiature nouvellement en vogue, comme la région des Mille-Îles.
Dans les années 1880, les concepteurs paysagistes œuvrent d’un océan à l’autre. George Fletcher, jardinier paysagiste, travaille à Halifax puis à Charlottetown, où il poursuit la tâche entreprise en 1884 à Queens Square par un horticulteur amateur, Arthur Newberry. La firme d’Olmsted prépare, en 1887, les plans du parc Montebello à St. Catharines en Ontario. Charles H. Miller du cabinet Miller and Yates de Philadelphie planifie et supervise, en 1882, l’aménagement du campus du nouveau Collège d’agriculture de l’Ontario à Guelph. John Blair, qui prendra sa retraite à Duncan (Colombie-Britannique) après une carrière fort occupée d’architecte paysagiste aux États-Unis, planifie et supervise, en 1889, d’importants travaux d’amélioration au parc de Beacon Hill à Victoria. Du tournant du siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, des lois régissant les parcs publics, comme celles de l’Ontario et du Manitoba adoptées respectivement en 1883 et 1892, encouragent les municipalités à instituer des commissions responsables des parcs et à créer des parcs. Le meilleur exemple est la Commission des parcs de Winnipeg, mise sur pied en 1893, qui dotera cette ville et sa banlieue de 29 parcs avant 1914.
Les années 1900 à 1920
Parmi les architectes paysagistes qui participent à ces projets, citons celui qui est le plus en demande, Frederick Todd. Il entreprend une carrière de 48 ans au Canada à partir de 1900, lorsque la firme Olmsted l’envoie à Montréal pour continuer les travaux au parc du Mont-Royal. Entre 1900 et le début de la Première Guerre mondiale, le cabinet de Todd dessine non seulement les plans du parc Assiniboine à Winnipeg, mais aussi ceux des parcs Wascana et Victoria à Regina, du parc Queen à Stratford (Ontario), de plusieurs parcs à Galt (Ontario) et du parc Bowring à St. John’s (Terre-Neuve).
À l’instar de nombreux architectes paysagistes de l’époque, Todd s’intéresse aussi à l’urbanisme et dessine les plans de plusieurs villes, villes jardins et quartiers. Son projet d’embellissement de 1903, commandé par la Commission d’amélioration de la ville d’Ottawa, est le premier d’une longue série de plans exhaustifs concernant la région de la capitale nationale, et pose les fondements du rapport de Jacques Grébert, entrepris en 1937, approuvé en 1951 et mis en œuvre par la suite.
Alors que, dans les réalisations de Todd, les idées de l’école City Beautiful sont tempérées par une grande sensibilité envers les paysages naturels, Thomas Mawson se révèle un défenseur plus hardi du style beaux-arts et du mouvement City Beautiful. Mawson, architecte paysagiste anglais de renom, effectue en 1912 une tournée de conférences qui l’amène dans 14 villes, de Halifax à Victoria, ce qui lui permet d’obtenir plusieurs commandes. En compagnie des membres de son cabinet, il prépare les plans du campus de l’Université Dalhousie (1912) et de celui de l’Université de la Saskatchewan à Saskatoon (1912), un projet d’université à Calgary (1912) et les plans de l’Université de Colombie-Britannique (1913). Durant cette période, ses collègues et lui conçoivent un plan d’aménagement pour Coal Harbour et des a’éliorations au parc Stanley à Vancouver, esquissent un « agencement artistique » pour le site de la municipalité de Banff, planifient les villes de Calgary et de Regina et dessinent les plans de deux complexes d’habitation. En outre, Mawson poursuit les travaux entrepris par Todd à Wascana Park, la zone de terre et d’eau entourant le Parlement de la Saskatchewan.
Pour certaines de ces réalisations, Mawson est associé à Howard Burlingham Dunington-Grubb, un ancien employé qui, avec son épouse Lorrie, immigre à Toronto en 1911 où il fonde ce qui deviendra plus tard les pépinières Sheridan. Lorrie Alfreda Dunington-Grubb est, semble-t-il, la première femme à exercer le métier d’architecte paysagiste au Canada. Elle est réputée pour ses vastes connaissances en aménagement urbain de même qu’en horticulture et en conception de jardins. Howard Burlingham Dunington-Grubb réalise, au cours d’une carrière qui s’étend jusque dans les années 1960, des ouvrages publics tels que le Oakes Garden Theatre et les jardins du Rainbow Bridge à Niagara Falls, le terre-plein central de l’avenue University à Toronto, sans compter l’aménagement des terrains entourant plusieurs résidences du Sud de l’Ontario.
Bien que Todd et Dunington-Grubb soient les créateurs canadiens les plus connus de la première moitié du 20e siècle, d’autres méritent d’être mentionnés. Ainsi, C. Ernest Woolverton de Grimsby (Ontario) et le Montréalais Rickson A. Outhet seraient apparemment les premiers architectes paysagistes d’origine canadienne. Woolverton exerce surtout en Ontario, tandis qu’à ses débuts, Outhet propose notamment, en 1906, un plan d’aménagement pour le parc Tuxedo à Winnipeg, un quartier résidentiel de banlieue dont le plan final, enregistré officiellement en 1911, est l’œuvre de l’entreprise d’Olmsted. Alfred V. Hall est un autre représentant éminent de cette profession qui, de concert avec William E. Harries et Arthur M. Kruse, mène à Toronto et à Buffalo une carrière aussi longue et poussée que celle de Dunington-Grubb. À titre de consultant en urbanisme auprès du gouvernement provincial, Hall dessine en 1922 les plans de la ville de Kapuskasing en Ontario.
Tout comme au 19e siècle, des Canadiens fortunés continuent à consulter des architectes paysagistes locaux et étrangers pour l’aménagement de grands domaines et de résidences à la campagne. James Dunsmuir recourt aux services de la firme Brett and Hall de Boston qui, entre 1908 et 1920, aménage les terrains du château Hatley (devenu par la suite le Collège militaire de Royal Roads) à Colwood, en Colombie-Britannique. Pour dessiner les jardins de Parkwood à Oshawa (Ontario), Samuel P. McLaughlin fait appel à des talents canadiens, Harries and Hall durant les années 1910, le couple Dunington-Grubb dans les années 1920, et l’architecte torontois John MacIntosh Lyle pendant les années 1930. Vers 1933, W.B. Sewell charge Todd de préparer les plans d’aménagement de son domaine à Montebello au Québec. Tout au long de la première moitié du siècle, la firme d’Olmsted s’emploie à embellir des propriétés privées en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, en plus de jouer un rôle de consultant auprès des municipalités, des entreprises et de diverses institutions.
Certains propriétaires fonciers préfèrent aménager eux-mêmes leurs terrains et leurs jardins, Jennie Butchart (voir Robert Pim Butchart) et Elsie Meighen Reford comptent parmi les plus éminents. À partir de 1907, Butchart transforme une carrière de calcaire abandonnée sur l’île de Vancouver (Colombie-Britannique) en un jardin qui jouira bientôt d’une réputation internationale, les Butchart Gardens. Entre 1927 et 1954, madame Reford cultive des plantes vivaces provenant de tous les coins du monde dans les prés et les bois entourant sa résidence d’été du Bas-Saint-Laurent près de Rimouski au Québec. La propriété, appelée les Jardins de Métis, ouvre ses portes au public en 1961 et est connue à l’échelle internationale.
Les années 1930 à 1940
Entre les deux guerres, plusieurs autres espaces verts publics durables apparaissent, malgré les séquelles de la crise des années 1930. Dans le cadre du plan City Beautiful de 1928 préparé par l’agence d’architecture paysagère torontoise Wilson, Bunnell and Borgstrom pour l’entrée nord-ouest de Hamilton (Ontario), Carl Borgstrom conçoit le Rock Garden, qui deviendra plus tard les Jardins botaniques royaux (voir Jardin botanique). Les travaux dans une carrière de gravier abandonnée, entrepris en novembre 1929, seront achevés deux ans plus tard. Henry J. Moore, horticulteur ontarien, propose en 1928 l’aménagement de l’International Peace Garden sur un site immense chevauchant la frontière près de Boissevain au Manitoba et de Dunseith dans le Dakota du Nord. Le jardin sera inauguré en 1932. L’aménagement du « Formal Garden » sur un axe longitudinal, d’après les plans originaux de Hugh V. Feehan, architecte paysagiste américain, débute en 1934 et dure plusieurs années. On ajoutera par la suite d’autres parterres, ainsi que diverses zones et divers axes transversaux, dont certains sont conçus conjointement par des architectes paysagistes des deux pays. Les jardins Cascades of Time près du bâtiment administratif du Parc national de Banff, bien que réaménagés en partie en 1965, ont été conçus au début des années 1930 par Harold C. Beckett, architecte ontarien ayant une formation autodidacte en architecture paysagère, afin d’illustrer de façon simple l’histoire géologique des Rocheuses.
En 1934, neuf praticiens de la région torontoise, soit le couple Dunington-Grubb de même que Carl S. Borgstrom, Humphrey S.M. Carver, Gordon J. Culham, Edwin M. Kay, Helen M. Kippax, Frances C. Steinhoff et J. Vilhelm Stensson, fondent l’Association des architectes paysagistes et des urbanistes du Canada (désormais la Société canadienne des architectes paysagistes) dans le but de faire valoir leurs intérêts et leurs objectifs communs. Bien qu’établi au départ en Ontario, cet organisme comptera bientôt des membres au Québec, et plus tard dans les autres provinces. Des filiales se forment par la suite un peu partout au pays.
La crise des années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale ralentissent considérablement l’essor de cette profession. Auparavant, une bonne partie des travaux était commandée par des particuliers; à présent, les commandes proviennent davantage du secteur public. Les travaux, autrefois effectués sur une petite échelle, prennent de l’ampleur. Les logements publics, les parcs et les routes exigent une expertise accrue fournie par un noyau mieux intégré de spécialistes, et impliquent une gestion à plus long terme. Les organismes publics tels que la Commission du district fédéral (aujourd’hui la Commission de la capitale nationale (CCN)) et la Société centrale d’hypothèque et de logement (maintenant la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL)) jouent un rôle important en favorisant le travail coordonné d’architectes, d’architectes paysagistes et de dessinateurs, qui créent des œuvres au concept élargi dont la réalisation est étalée sur une plus longue période. Parmi les personnages importants à l’échelle nationale, mentionnons Carver, dont l’intérêt marqué envers l’architecture paysagère, la protection de l’environnement et les questions sociales s’accompagne d’un poste au sein de la SCHL, ainsi que Edward I. Wood, qui exercera une forte influence en tant qu’architecte paysagiste principal à la CCN de 1934 jusqu’à sa retraite en 1965.
Avec la fin de la guerre, l’enseignement, de même que la formation professionnelle, acquiert une importance croissante et devient de plus en plus accessible. Un nombre assez important de jeunes Canadiens vont étudier l’architecture paysagère aux États-Unis, là où Walter Gropius, Hideo Sasaki, Garrett Eckbo et d’autres maîtres enseignent les principes du modernisme, tandis que Ian McHarg, entre autres, met au point de meilleures méthodes pour l’analyse des sites. La profession se développe, les bureaux prennent de l’expansion et les projets deviennent plus diversifiés.
Les années 1950 et 1960
Durant les années 1950 et au début des années 1960, l’architecture paysagère s’épanouit au Canada grâce à l’arrivée de jeunes concepteurs venus des États-Unis et d’Europe. L’arrivée de nouveaux talents et les projets de plus grande envergure favorisent une coordination accrue entre les équipes à l’œuvre, tant en architecture paysagère que dans les professions connexes.
L’aménagement de la voie maritime du Saint-Laurent et la construction de barrages sont des chantiers importants qui visent à améliorer la navigation et à augmenter la production hydroélectrique. Ces chantiers entraînent des travaux de terrassement considérables, le déplacement de localités et de routes ainsi que la construction d’installations touristiques. Le plus connu de ces centres touristiques, qui compte parmi les premiers au pays, est le parc du champ de bataille de Crysler Farm (voir Bataille de Crysler’s Farm), qui commémore une bataille décisive de 1813. Dans les limites du parc se trouve le Upper Canada Village, un ensemble de bâtiments historiques que l’on a déménagés, restaurés et reconstitués dans un cadre historique rappelant le Canada d’avant la Confédération. Le parc et le village ont tous deux été aménagés par des équipes comprenant des architectes paysagistes.
L'adoption de diverses lois provinciales a contribué à stimuler les réalisations multidisciplinaires sur une grande échelle qui font appel à des architectes paysagistes. La loi ontarienne sur les offices de protection de la nature adoptée en réponse aux dégâts provoqué’ par l'ouragan Hazel en 1954, permet un aménagement en fonction des seuils d'inondation plutôt que des limites administratives. Le Comité de conservation de la ville de Toronto et de ses environs coordonne depuis cette époque la rétrocession à l'État de terres appartenant à des particuliers dans les principales vallées, de manière à empêcher la construction de bâtiments privés et à réduire les pertes économiques qui pourraient être causées par des inondations. Ainsi, cet organisme a confié à des architectes paysagistes le mandat de créer plusieurs nouvelles ’zones d'activités récréatives et de préservation du milieu naturel. À Regina, la Wascana Centre Authority (mise sur pied en 1962) constitue le premier district de conservation urbain de la Saskatchewan à s'être doté d'un plan directeur à long terme pour contrôler le développement. La Meewasin Valley Authority, fondée dans les années 1970, poursuit les mêmes objectifs à Saskatoon et aux alentours. Une de ses réalisations est le Wanuskewin Heritage Park, que les architectes paysagistes ont contribué à planifier, dans le but de protéger, en offrant des services d'interprétation, un site historique national qui rend hommage au patrimoine culturel des peuples autochtones des Plaines septentrionales (voir Peuples autochtones des plaines au Canada).
Les années 1960 marquent une période d'essor pour le Canada et pour cette profession. L’esposition universelle d’Expo 67 à Montréal est sans doute la principale réalisation de cette décennie. Le plan directe’r de l'ensemble du site est préparé’ par l'agence Project Planning Associates Ltd. et les architectes paysagistes de divers cabinets fournissent une bonne partie des plans, du soutien technique et de la coordination pour cette exposition en ’plus d'aménager le terrain environnant des pavillons. La mise à contribution d'un aussi grand nombre d'agences donne à la profession de l'ampleur et un nouvel élan. La planification de la Place Ontario à Toronto constitue également un ouvrage majeur d'aménagement paysager de l'époque.
L'augmentation et l'enrichissement de la population accentuent aussi les besoins en nouveaux logements, en lieux récréatifs et en institutions d'enseignement. On construit des nouvelles villes et on ajoute des quartiers autour de plusieurs des principales agglomérations. Citons en particulier le cas du quartier Don Mills à North York (Ontario), planifié au début des années 1950 par une équipe sous la direction de Macklin Hancock, pour lequel on a appliqué les théories modernes à l'aménagement urbain, aux transports et à la préservation des espaces verts.
Des architectes paysagistes contribuent à la préservation de paysages uniques ayant une portée culturelle et à leur mise en valeur sous forme de parcs nationaux ou provinciaux. Citons entre autres le parc national du Gros-Morne à Terre-Neuve, le parc marin national Fathom Five en Ontario et le parc provincial Writing-On-Stone, en Alberta. À Gros-Morne, l'aménagement d'un parc a permis de préserver au profit de la population une zone importante de montagnes et de fjords sur le littoral ouest de l'île, tout en stimulant l'économie locale et le mode de vie des habitants. Au parc Fathom Five, les formations de calcaire de la partie supérieure de la péninsule de Bruce se combinent aux îles environnantes et à leur prolongement sous-marin, ce qui rehausse leur intérêt pour les historiens, les plongeurs et les visiteurs en généra’. Il s’agit d'un des premiers parcs où on interprète le lien entre la terre et l'eau. Le parc Writing-on-Stone vise à protéger les pétroglyphes et le territoire aride caractérisé par des coulées où ils se trouvent. Dans plusieurs de ces cas, on mise davantage sur l'analyse écologique, visuelle et sociale pour favoriser un processus décisionnel plus cohérent, grâce à une relation de travail plus étroite entre les spécialistes des sciences physique et sociale d'une part, et les architectes paysagistes d'autre part. Des réalisations comme celles-ci contribuent à faire connaître les spécialistes de cette profession au pays même et à l'étranger ainsi qu'à diversifier leur travail.
Les activités bourdonnantes des années 1960 amènent la mise sur pied, en 1964, des premiers cours universitaires d'architecture paysagère au Canada, dans les universités de Guelph et de Toronto. De nos jours, les universités de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de Guelph, de Toronto et de Montréal offrent des programmes de baccalauréat et de maîtrise dans cette discipline. Il en résulte une multiplication des architectes paysagistes qui, à leur tour, insufflent de l'énergie et orientent leur profession.
Les années 1970 et 1980
Les années 1970 donnent lieu à un réexamen de beaucoup d'espaces urbains et périurbains. On réaménage ainsi Robson Square et le complexe des palais de justice à Vancouver (architectes de la firme Arthur Erickson associée à Cornelia Hahn Oberlander, architecte pay sagiste; travaux terminés en 1979). On y intègre de nouveaux édifices importants entourés d'espaces ouverts au public où on trouve des jardins surélevés, des chutes et un bassin. Le résultat final ressemble à un paysage nordique et permet également de résoudre les problèmes d'accès et d'interconnexion. Le zoo du Toronto métropolitain (Johnson Sustronk Weinstein and Associates Ltd., planifié en 1968-1969, inauguré en 1972) remplace un petit zoo du centre ville qui datait du 19e siècle. Ce zoo rompt avec le concept périmé des cages, en laissant les animaux errer librement dans des endroits aménagés qui rappellent leur habitat naturel.
Durant les années 1970, on cherche à fournir aux citadins des espaces verts à des fins récréatives. On crée alors le parc provincial de Fish Creek (terminé en 1985) qui couvre une superficie de plus de 3000 acres dans une zone alors située dans les faubourgs de Calgary, pourtant desservie par les transports en commun. C'est le premier parc provincial qui se trouve à l'intérieur d'une ville. La principale agence de consultants sur ce projet, tant pour le rapport consultatif des citoyens (1974) que pour le plan directeur (1976), s'appelle Lombard North Group. Le parc provincial Bronte Creek, dont le cabinet Project Planning Associates Limited entreprend en’1972 l'élaboration du plan directeur et du programme d'activités, est le premier parc provincial ontarien dans un voisinage urbain. Il est conçu dans le but précis d'inciter les habitants des quartiers défavorisés de Toronto et de Hamilton à s'adonner aux sports et aux loisirs dans un cadre naturel. Ce site devait lui aussi être accessible par les transports en commun, un objectif n'ayant jamais été atteint.
À partir des années 1970, les architectes paysagistes sont appelés à s'occuper de gestion et de remise en état des territoires, vu l'intérêt croissant de la population pour ces questions. Parmi les nombreux plans de gestion s'appliquant à plusieurs zones naturelles et sauvages, mentionnons ceux du parc national du Canada Banff en Alberta et du parc provincial Algonquin en Ontario’ qui s'efforcent de tenir compte des modes d'utilisation présents et passés du territoire et de prévoir les besoins à venir, de même que les pressions qui s'y exerceront. Ces plans favorisent la mise au point de méthodes d'évaluation et de gestion des terrains et précisent l'impact des activités humaines sur les milieux naturels fragiles. De plus en plus, l'architecture paysagère se fonde sur l'étude scientifique des écosystèmes, les techniques de simulation informatiques et la connaissance des mécanismes biologiques afin de restaurer les milieux naturels dégradés.
La préservation des lieux historiques commence à s'imposer durant les années 1970 lorsque Parcs Canada devient un chef de file national dans le domaine. Les travaux de remise en état des terrains et des jardins de la forteresse de Louisbourg en Nouvelle-Écosse, entrepris en 1961 et poursuivis jusque dans les années 1970, reposent sur des recherches historiques et archéologiques poussées. La restauration du lieu historique national du Canada du ferme Motherwell dans le sud-ouest de la Saskatchewan, entre 1968 et 1983, implique des recherches fouillées et des décisions réfléchies de la part d'une équipe multidisciplinaire d'architectes paysagistes. Plus récemment, d'autres ordres de gouvernement, souvent en association avec des organismes de services locaux, réalisent des projets patrimoniaux fondés sur la recherche et l'archéologie. Citons entre autres la réhabilitation des terrains de Spadina à Toronto et celle de la zone de la doline et du jardin de la cuisine au château de Dundurn à Hamilton (Ontario).
Durant les années 1980, la reconstruction urbaine et l'aménagement de sites récréatifs majeurs acquièrent une grande importance. On crée ainsi des sites de compétitions nationales et internationales qui attirent de nombreux participants. Le réaménagement de quartiers et la densification de la population résidante visent à résoudre les problèmes relatifs à la qualité de vie et au développement durable. De nombreuses études portent alors sur la création d'espaces verts en milieu urbain. L'étude des routes commémoratives pour le compte de la Commission de la capitale nationale propose un trajet destiné aux activités d'envergure nationale à Ottawa-Hull et des mesures en vue d'embellir le panorama le long des routes. Cependant, on y expose surtout des lignes directrices pour préserver les points de vue et les panoramas actuels aux alentours du Parlement et des suggestions visant à protéger la végétation dans un contexte urbain stressant.
On procède aussi à la remise en valeur du bord de mer dans plusieurs villes du pays, notamment l'île Granville à Vancouver et le quartier riverain à Halifax. Parallèlement, dans beaucoup de localités, on aménage ce qu'on appelle des « corridors verts » à partir de ravins, d'emprises désaffectées et d'autres tracés linéaires afin de relier les espaces verts fragmentés et de composer un réseau de parcs étendu. Il en résulte des espaces naturels où les gens peuvent déambuler plus librement parmi le paysage urbain. Mentionnons à ce chapitre la Ceinture verte de la capitale nationale à Ottawa, le parc provincial de Fish Creek à Calgary, la vallée de Meewasin à Saskatoon et, plus récemment, le Waterfront Trail en Ontario.
On réaménage également des parcs plus petits et des zones réservées à l'intérieur des grands parcs, en appliquant les concepts contemporains, en améliorant les moyens de connexion urbaine et en utilisant des nouveaux matériaux. C'est le cas entre autres du parc Ambleside Landing à Vancouver Ouest, conçu par l'agence Durante and Partners, qui se distingue par une œuvre d'art environnementale, « Granite Assemblage » de Don Vaughan (travaux terminés en 1990), de la promenade Victoria à Edmonton (Carlyle Landscape Architecture and Urban Design, travaux réalisés de 1988 à 1990) et du parc Bay-Adelaide à Toronto (Baird, Sampson, architectes, Milus Bollenberghe, Topps, Watchorn, architectes paysagistes, 1990). Citons aussi le village de Yorkville Park à Toronto (Oleson, Worland, architectes, Schwartz/Smith/Meyer Inc. et Chip Sullivan, architectes paysagistes, projet réalisé en 1991-1993), le Musée des beaux-arts du Canada (Cornelia Hahn Oberlander, architecte paysagiste, 1984-1989), la Place Berri à Montréal (Peter Jacobs, architecte et architecte paysagiste et Philippe Poullaouec-Gonidec, architecte paysagiste, 1989), de même que les jardins du Centre Canadien d’Architecture à Montréal (Melvin Charney, artiste et architecte, Gerrard and Mackars, architectes paysagistes consultants, aménagés en 1988-1990).
Au cours des dernières années, on expérimente de nouvelles conceptions à une plus grande échelle qui s'appliquent à des zones récréatives rurales et à des réalisations commerciales, dont plusieurs stations de sports d'hiver. Les villages de Whistler (Colombie-Britannique) et de Canmore (Alberta) en sont des exemples. Dans ces deux endroits, on trouve des lieux d'hébergement et de divertissement et on favorise une intensification des activités récréatives, tout en respectant les particularités visuelles et physiques des lieux. Plusieurs réalisations qui datent des années 1980 accordent une importance particulière à la protection des qualités inhérentes au milieu contre la surexploitation. Au C’ntre d'interprétation du site le Précipie à bisons Head-Smashed-In à Fort Macleod (Alberta), les visiteurs peuvent découvrir la culture des Premières nations et les principales caractéristiques de leur mode de vie ancestral, sans pour autant que ces activités ne dérangent l'aspect actuel des lieux.
Espaces urbains et endroits abandonnés
Depuis le début des années 1990, on assiste à une renaissance sur le plan de l'architecture paysagère contemporaine internationale, qui se concentre particulièrement sur des espaces publics oubliés et insuffisamment utilisés jusque-là, tels que les espaces urbains inoccupés, les zones désaffectées postindustrielles et les corridors de chemins de fer abandonnés. Cet intérêt, fondé sur la compréhension du fait que ces espaces sont vitaux au domaine public, se poursuit au début du nouveau millénaire. « Groundswell », une exposition importante mise sur pied en 2005 au Museum of Modern Art à New York, fournit des exemples à l'échelle internationale de paysages récemment réaménagés.
On compte parmi les nouveaux espaces urbains ou les espaces urbains perfectionnés, le Richmond City Hall en Colombie-Britannique, terminé en 2000 par Phillips Farevaag Smallenberg de Vancouver, et le Dundas Square à Toronto, dont les travaux, effectués par les Brown and Storey Architects de Toronto, prennent fin en 2003. Le premier, conçu pour donner à cette banlieue de Vancouver une identité urbaine, fait appel à une forme d'île et à une chute d'eau pour symboliser la situation géographique de Richmond dans le fleuve Fraser; des bermes, représentant des digues, permettent de faire écran aux aires de service et aux stationnements; et des masses d'azalées décoratives exotiques célèbrent la grande population d'Asiatiques dans la ville. Le second espace urbain remplace un quartier d'édifices délabrés au cœur du centre-ville de Toronto par une place publique à surface dure située sur un garage à étages. Dirigé par la ville au moyen d'un conseil de gestion, l'espace comprend des kiosques de billets et reçoit de nombreux événements communautaires et commerciaux, notamment des spectacles, des représentations de films, des expositions et des marchés.
Les paysages abandonnés reçoivent aussi une attention qu'ils méritaient depuis longtemps. Le Grand Concourse Walkway Network, créé en 2000 par la Grand Concourse Authority, est un réseau composé de trente allées, sentiers, voies navigables, parcs et attractions pittoresques qui traverse l'espace urbain de St John's à Terre-Neuve. Ce corridor vert, jadis le domaine des voies ferrées, regroupe l'espace ouvert de la ville et la structure urbaine et crée des liens vers le Sentier transcanadien. Le projet minier Geraldton, situé à l'entrée d'une ville du nord de l'Ontario sur la Transcanadienne, est la seconde vie donnée par Martha Schwartz à une mine d'or fermée. En déplaçant des tonnes de résidus miniers et en les faisant reverdir grâce à des herbes indigènes, les architectes paysagistes ont créé de nouvelles topographies saisissantes sur le plan visuel, un réseau de pistes d'excursion et une entrée grandement améliorée vers la ville.
La sauvegarde, la restauration et la réhabilitation du paysage
Le Protocole de Kyoto, ouvert aux fins de signature en 1997, place au premier rang les problèmes liés au changement climatique et insiste sur la compréhension des questions environnementales à une échelle mondiale. Dans le domaine de l'architecture paysagère, il ravive les préoccupations historiques de la profession, renforce l'importance de la résolution de problèmes et des approches multidisciplinaires et fait participer les spécialistes canadiens à un éventail de projets stimulants.
Autour des Grands Lacs, la Commission mixte internationale, en se concentrant sur la qualité de l'eau, élabore des plan d'assainissement pour 43 sites. Depuis, de nombreuses firmes spécialisées dans l'architecture paysagère au Canada apportent leur expertise dans la reconstruction de marécages côtiers, ainsi que dans la conservation et la reconstruction d'habitats fauniques.
Près d'Edouard de Kent au Nouveau-Brunswick, la surutilisation de la dune de Bouctouche, un banc de sable fragile qui s'étend sur douze kilomètres parallèlement à la côte, menace sa stabilité. Le positionnement délicat d'une vaste promenade de bois favorise l'accès des visiteurs à ce paysage et à cette plage uniques tout en protégeant la dune et les zones de végétation. À Calgary, les peupliers plantés le long de la rivière Bow après la Première Guerre mondiale dépérissent depuis quelques années. À titre de phases initiales dans le cadre du programme de la ville intitulé Memorial Drive: Landscape of Memory Public Visioning Program, la division responsable de la planification et de l'architecture paysagère de Stantec Consulting Ltd (Alberta) anime une série d'ateliers publics au cours desquels les citoyens expriment leurs valeurs et leurs visions concernant ce site naturel important; ces ateliers sont suivis d'une journée portes ouvertes destinée au public au début de 2005. Le processus se poursuit.
À une plus petite échelle, à la Burnaby Mountain North East Secondary School à Burnaby en Colombie-Britannique, la firme Durante Kreuk Ltd intègre l'éducation et l'écologie en rendant visibles les systèmes environnementaux. Dictés par les préoccupations relatives à un ruisseau de pêche historique et à la préservation d'une forêt existante, les concepteurs ont réduit de façon créative l'incidence de l'exploitation en construisant des retraits environnementaux qui contiennent des rigoles de biofiltration à base de tourbe et des étangs de biofiltration. Les marécages filtrent l'eau de ruissellement du site, créent un nouvel habitat, renforcent la sensibilisation de la population et renvoient une eau de grande qualité à Stoney Creek.
La mondialisation
La mondialisation a des répercussions majeures sur la profession. On assiste à une pollinisation croisée d'idées; les architectes paysagistes canadiens travaillent dans le cadre de concours de design internationaux et enseignent dans le monde entier. De plus, le nombre d'architectes paysagistes canadiens qui mènent des projets internationaux augmente de façon spectaculaire.
Dans les années 1990 sur la côte est de la Barbade, Urban Strategies Inc. de Toronto dirige une équipe composée de consultants de la Grande-Bretagne, des Caraïbes et du Canada dans la planification du nouveau parc national de la Barbade. L'équipe entreprend une étude complète sur le plan de la biophysique, du paysage, de l'utilisation du sol, de la culture et de l'économie de la région. Elle détermine les limites appropriées et les utilisations des sols pour le parc et élabore un plan d'aménagement, des directives opérationnelles et de gestion et un plan de recouvrement des coûts. Urban Strategies est également le principal consultant dans le cadre d'un consortium de développement multinational pour la régénération de Silvertown Quays - le dernier grand emplacement situé dans le district Royal Docks de Londres.
Williams, Asselin, Ackaoui et associés de Montréal conçoivent en 2000 et en 2001 respectivement, deux nouveaux parcs à Shanghai en Chine : les parcs Xu Jia Hui et Yan An Zhong Lu. Les deux parcs regroupent des opérations de rénovation urbaine importantes, ajoutent un espace vert indispensable et embellissent et accroissent l'équilibre écologique de la grande ville.
La théorie, la recherche et l'enseignement
En plus d'une énergie créatrice renouvelée, la profession connaît un intérêt accru envers la théorie relative à l'architecture paysagère. Les membres des programmes en architecture paysagère des facultés canadiennes participent au travail théorique; l'urbanisme du paysage est un sujet brûlant.
La recherche devient un volet important de la profession, à la fois dans les universités et les bureaux privés. Mentionnons parmi les domaines d'études, les méthodologies de conception, les préférences et les structures sociales, les systèmes urbains et l'art urbain, la conception des services communautaires, les préférences visuelles, l'histoire du paysagisme, l'écologie appliquée et la restauration du paysage, les applications sur ordinateur, les environnements destinés aux enfants et l'évaluation après construction. De telles recherches conduisent à une compréhension approfondie de la façon de concevoir des paysages contemporains pour une durabilité, une utilité et un charme accrus.
Les membres de la faculté d'architecture paysagère de l'Université de Toronto mettent sur pied le Centre for Landscape Research (CLR) en 1987 pour accroître la visibilité du programme et de leurs travaux de recherche. Certains des travaux de recherche menés par le CLR, notamment plusieurs projets pour la Commission de la capitale nationale et la ville d'Ottawa, sont effectués en collaboration avec des bureaux privés.
La faculté d'architecture paysagère de l'Université de la Colombie-Britannique, par le biais de son Design Centre for Sustainability, travaille avec de petites communautés, banlieues et villes dans le but d'établir davantage de plans directeurs d'agglomération officiels et durables, de règlements sur le lotissement des biens-fonds et de réseaux d'espaces libres. Des groupes semblables œuvrant dans les universités partout au pays explorent les questions liées aux systèmes de paysagement, à l'écologie urbaine et à l'éducation.
Conclusion
Les peuples autochtones sont les premiers à modifier la terre pour leurs propres besoins. La modification augmente de façon nette avec l'arrivée des colons provenant des pays européens. Bien que quelques concepteurs-paysagistes travaillent au Canada au cours du 19e siècle et a’ début du 20e siècle’, ce n'est pas avant 1934 qu'on fonde une association professionnelle - l'Association des architectes paysagistes du Canada d'aujourd'hui.
De nos jours, alors que la société devient de plus en plus urbaine et qu'elle demande de plus en plus de ressources limitées, les architectes paysagistes s'efforcent de trouver des solutions novatrices et éclairées aux problèmes environnementaux et culturels. Les étudiants et les professeurs des programmes canadiens en architecture paysagère, au même titre que les membres praticiens de la profession, continuent à chercher de nouvelles façons de créer une architecture paysagère appropriée aux situations contemporaines.