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Peuples autochtones des forêts de l'Est au Canada

Les forêts de l’Est constituent l’une des six zones culturelles habitées par des peuples autochtones au Canada. La région s’étend de la côte nord-est des États-Unis d’aujourd’hui et des Maritimes, jusqu’à l’ouest de la région des Grands Lacs. Les forêts de l’Est sont habitées, entre autres, par les Haudenosaunee, les Micmacs, les Ojibwés et les Wendats (Hurons).

Zones culturelles autochtones au Canada : les forêts de l’Est (ou le Nord-est)

Peuples autochtones des forêts de l’Est

Les peuples autochtones des forêts de l’Est appartiennent à deux familles linguistiques non apparentées, la famille iroquoienne et la famille algonquienne. Notons que bien que les peuples  Haudenosaunee (Iroquoiens) appartiennent au groupe linguistique iroquoien, ils n’en représentent pas l’intégralité. Il en va de même pour les Algonquins et le groupe linguistique algonquien.

Les peuples de langue iroquoienne de cette région comprennent les Ériés (au sud du lac Érié), les Neutres (région des rivières Grand et Niagara), les Wenros (est de la rivière Niagara), les Haudenosaunee ou Six Nations (y compris les Sénécas, les Cayugas, les Onondagas, les Oneidas, les Mohawks et les Tuscaroras), les Wendats-Hurons (vallée du Saint-Laurent au 16e siècle, Wendake ou la Huronie au 17e siècle, région qui s’étendait de la baie Georgienne au lac Ontario), les Pétuns (au sud et au sud-ouest de la baie Georgienne) et les Iroquoiens du Saint-Laurent (de Montréal à Québec, selon la carte d’aujourd’hui).

Les peuples algonquins des forêts de l’Est, pour leur part, comprennent les Ojibwés (région est du lac Supérieur au nord-est de la baie Georgienne), les Outaouais (île Manitoulin et péninsule de Bruce), les Nipissing (lac Nipissing), les Algonquins (rivière des Outaouais et ses affluents), les Abénaquis (Vermont, New Hampshire, Maine, Nouveau-Brunswick et sud-est du Québec actuels), les Welastekwewiyik (ou « Wolastoqiyik », anciennement connus sous le nom de Malécites) (rivière Saint-Jean dans l’ouest du Nouveau-Brunswick, nord-est du Maine jusqu’au Québec) et les Micmacs (péninsule gaspésienne et ce qui est aujourd’hui le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse).

Géographie

Les forêts de l’Est constituent une vaste région qui s’étend de la côte nord-est des États-Unis et des provinces maritimes d’aujourd’hui jusqu’à l’ouest des Grands Lacs. Elles s’étendent au sud-ouest, jusqu’à l’Illinois actuel, et à l’est, jusqu’à la côte de la Caroline du Nord. Les forêts de feuillus du sud de l’Ontario (voir Régions forestières), des basses terres du Saint-Laurent et des provinces de la côte de l’Atlantique se transforment au nord en forêts mêlées de conifères et de feuillus, caractéristiques du Bouclier canadien en allant vers l’ouest, et du plateau des Appalaches, vers l’est. Sauf dans les provinces de l’Atlantique, la ligne de partage des eaux de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent met des moyens de transport fluviaux à la disposition de tous les habitants des forêts de l’Est. Ceux qui vivent au sud des hautes terres jouissent d’un sol et d’un climat qui se prêtent à la culture du maïs, des fèves et des courges (qu’on appelle les « trois sœurs »). L’alimentation de bon nombre de peuples des forêts de l’Est provient en grande partie de leurs vastes champs.

Territoire traditionnel

Les peuples de langue iroquoienne des forêts de l’Est occupaient généralement la majeure partie de ce qui est aujourd’hui le sud de l’Ontario, le nord des États de l’Ohio, la Pennsylvanie et l’état de New York, et la vallée du Saint-Laurent à l’est, jusqu’à la ville actuelle de Québec. Le territoire habité par les groupes de langue algonquienne s’étendait quant à lui du lac Supérieur, au nord du lac Huron, jusque dans la vallée de l’Outaouais, puis vers l’est à travers ce qui est aujourd’hui la Nouvelle-Angleterre et les provinces de l’Atlantique.

Mode de vie traditionnel

Alimentation

Castor, trappage
Avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, le trappage fait partie intégrante de la vie des autochtones, permettant de se nourrir, de s'habiller et de s'abriter (oeuvre de Gordon J. Miller).
Chasse à l'orignal
Les chasseurs algonquins se resserrent pour abattre l'orignal après l 'avoir poursuivi jusqu'à ce que les chiens le forcent à s 'effondrer (oeuvre de Lewis Parker).

Les peuples de langues iroquoiennes se nourrissent principalement de maïs, de fèves et de courges cultivés, auxquels ils ajoutent les produits de la chasse, de la pêche et de la cueillette. La viande du cerf de Virginie est probablement l’une des plus importantes, sauf dans le nord, où l’on consomme surtout de l’orignal. Certaines peuplades des régions côtières chassent le phoque et pêchent des poissons d’eau douce, des anguilles, des mollusques et des crustacés. Dans certaines régions et suivant les saisons, les oiseaux aquatiques et terrestres constituent une ressource importante. Les animaux à fourrure, particulièrement le castor, jouent un rôle prépondérant dans la vie économique fondée sur le troc. Les peuples de cette zone cueillent et mangent diverses variétés de baies, de noix, de tubercules et de plantes. Certaines peuplades récoltent la sève de bouleau et d’érable. Les hommes s’emploient à défricher des aires de forêt, tandis que les femmes ensemencent la terre et en récoltent les fruits.

L’horticulture de subsistance est surtout marginale chez la plupart des peuples algonquins, sauf en ce qui concerne la culture du riz sauvage dans certaines communautés. Les Outaouais, les Algonquins, les Micmacs et les Abénaquis s’en tiennent à quelques cultures seulement. D’autre part, l’agriculture occupe une grande place dans l’économie des Welastekwewiyik (surtout la culture du maïs). Les Ojibwés s’alimentent principalement de riz sauvage, qu’ils récoltent à la fin de l’été. Ce sont probablement eux qui ont propagé cette culture à l’extérieur de son territoire d’origine. Les Nipissing cultivent le maïs, bien que de manière peu intensive; ils échangent toutefois également leur poisson et leurs fourrures contre le maïs des Wendats. On se nourrit surtout des produits de la chasse et de la pêche du côté des peuples algonquins. Ceux-ci chassent le chevreuil, l’ours, l’orignal et le caribou et même le phoque, le marsouin et la baleine dans certaines régions. On se sert d’arcs, de flèches, de lances, de pièges, de collets et d’assommoirs pour chasser et, pour pêcher, d’hameçons, de fascines, de foènes et de filets. La viande est bouillie ou rôtie pour la consommation immédiate ou fumée et séchée pour la conservation. Dans la région des Grands Lacs, les peuples algonquins recueillent également la sève d’érable ou de bouleau au début du printemps.

La longue présence des cadres politiques et sociaux des colonisateurs entraîne un grand nombre de transformations culturelles au sein de tous les groupes des forêts de l’Est. La chasse, la cueillette et la pêche deviennent des activités de subsistance marginales, sauf chez certains peuples pour qui la pêche, quoique non dépourvue de difficultés, demeure une source importante de revenus. La pratique de l’agriculture décline à mesure que les populations des réserves s’accroissent, que les terres sont morcelées et que de nouvelles possibilités d’emploi se présentent.

Habitations

Vue extérieure d'une maison longue reconstru
Sainte-Marie-des Hurons, près de Midland, en Ontario. Construite v. 1640, reconstruite dans les années 1960.
Wigwams
Wigwam utilisé par les chasseurs des forêts de l'Est. Il est couvert d 'écorce de bouleau, de peaux ou d'une couche de végétaux (oeuvre de Gordon Miller).

L’entreposage des récoltes chez les peuples iroquoiens permet d’établir des campements sédentaires (permanents) et fortifiés de différentes dimensions, allant de petits hameaux comptant quelques familles à des agglomérations plus importantes comptant jusqu’à 2 000 résidents. La densité de peuplement est élevée chez les Wendats. Bien que les évaluations diffèrent, les Iroquoiens du nord doivent compter de 70 000 à 90 000 personnes à l’arrivée des Européens. Un village typique comprend un grand nombre de maisons longues en écorce d’orme ou de cèdre.

La routine des activités saisonnières ne dispose pas à un mode de vie strictement sédentaire chez les Algonquins, bien que l’abondance de certains aliments, surtout le poisson, et le mince recours à l’horticulture permettent une plus grande sédentarité que chez les peuples de la région subarctique, plus au nord. Les habitations sont plus petites et plus temporaires que celles des Iroquoiens, allant des tipis en écorce de bouleau et de forme conique aux wigwams à coupole ou aux constructions rectangulaires qui abritent plusieurs familles. La dimension du village varie selon les saisons, les plus fortes concentrations de population étant observées en été.

Transport

Ces raquettes à neige étroites (à gauche) et de type patte d'ours (à droite) permettaient aux chasseurs iroquois des forêts de l'Est de se déplacer dans différentes conditions de neige. La babiche est couramment utilisée pour tresser les raquettes.
Canot d'écorce
Pour construire un canot, on déshabille le bouleau de son écorce. Celle-ci est alors placée à l'intérieur d 'un cadre en pieux, cousue et attachée. Les côtes sont fixées en position et les coutures rendues étanches par de la résine d'épicéa (oeuvre de Lewis Parker).

Contrairement aux Iroquoiens, qui se déplacent surtout sur la terre ferme ou en canots d’écorce d’orme ou de bouleau, les Algonquins fabriquent des canots d’écorce de bouleau étroits et élancés, tandis que les Micmacs, eux, utilisent de la peau de caribou. En hiver, ils utilisent des raquettes, des traîneaux et des toboggans. Le commerce et les visites semblent être des pratiques courantes entre peuplades algonquiennes voisines. Les Algonquins font aussi du troc avec les peuples iroquoiens, important notamment du maïs et des filets de pêche des Wendats.

Vêtements

Manteau de chef Mi'kmaq
Mi'kmaq : grand manteau militaire (dos) (avec la permission du Glenbow Museum/Museum of Victoria, Melbourne, Australie).

Les vêtements portés par les Autochtones des forêts de l’Est sont faits de peaux d’animaux et de fourrures. Les hommes chassent les animaux pour leur fourrure (et leur viande), tandis que les femmes, elles, sont chargées du tannage des peaux et de la confection de vêtements. Les femmes décorent également les vêtements de perles, de piquants de porc-épic et d’autres éléments naturels. Les vêtements traditionnels des peuples des forêts de l’Est comprennent des robes, des pagnes, des jambières et des jupes. On porte des mocassins, des chaussures de type « pantoufle » fabriquées à partir de peaux d’animaux.

Organisation sociale

Discussions du Conseil iroquois
Conseil composé de familles réunies pour discuter de sujets importants touchant le village, tels que la guerre (oeuvre de Lewis Parker).
Maison longue iroquoise
Les activités de fête à l'intérieur d'une maison longue iroquoise comprenaient des danses, des jeux de hasard et des contes (avec la permission de Lazare and Parker).

Avant le contact avec les Européens, l’unité politique la plus importante chez les Algonquins des forêts de l’Est semble être le village de bande, une communauté formée de différentes bandes. Chaque bande ou village compte au moins un chef, dont le statut est habituellement transmis par la lignée paternelle. Les groupes patrilinéaires caractérisés par un totem à l’effigie d’un animal sont surtout associés aux peuples algonquins des forêts de l’Est. Les territoires des villages de bande ne sont pas rigoureusement délimités, et tous les membres ont accès aux ressources de base.

Dans la société iroquoienne, les maisons longues abritent plusieurs familles apparentées. Au moment de prendre résidence, le couple observe une tradition matrilocale (c’est-à-dire qu’après son mariage, l’homme vit dans la maison longue de son épouse). De même, la filiation, le patrimoine et l’héritage suivent un ordre matrilinéaire. Un ou plusieurs ménages forment une matrilinéarité. Plusieurs lignées constituent un clan exogame (où les membres sont tenus de se marier avec quelqu’un qui n’appartient pas à leur groupe social) représenté par un emblème totémique particulier. Les membres d’un clan, chez les Haudenosaunee, se considèrent comme frères et sœurs, indépendamment de leur village ou de leur communauté d’appartenance. Les nations sont formées de 3 à 10 clans dont les membres sont dispersés dans plusieurs villages. Chez certains groupes, les clans sont divisés en deux catégories, qu’on appelle « moitiés ».

La plupart des peuples iroquoiens ont des chefs civils et des chefs guerriers. La Confédération des Haudenosaunee a un conseil comprenant 50 postes permanents et héréditaires qui se maintiennent, quoique de façon modifiée, jusqu’à nos jours. Lors des cérémonies funéraires, on honore le souvenir des chefs de la Confédération disparus et on confère à leurs successeurs des noms honoraires reliés à leurs fonctions. Les Wendats ont un système politique similaire.

Culture et art

Décoration de piquants porc-épic mi'kmaq
Mi'kmaq : dessus de chaise décoré de piquants de porc-épic (avec la permission du Glenbow Museum/Service canadien d 'ethnologie, Musée canadien des civilisations).
« Windigo »
Norval Morrisseau, vers 1963, tempéra sur papier d'emballage (avec la permission du Glenbow Museum/64.37.9).

Les broderies élaborées et l’utilisation de piquants de porc-épic sont des éléments typiques de l’art des peuples des forêts de l’Est. Les femmes utilisent des plumes, des piquants de porc-épic, des coquillages, des colorants et d’autres matières semblables pour orner les vêtements, les mocassins et les effets personnels de leur famille. Les peuples iroquoiens décorent souvent leurs maisons longues de symboles associés à leur clan.

Les perlages, plus que de simples décorations, transmettent parfois un message politique. Les peuples des forêts de l’Est créent le wampum, un ouvrage tubulaire de perles violettes et blanches fait de coquillages, que l’on utilise à des fins ornementales, cérémonielles, diplomatiques et commerciales. Dans certains des premiers traités, les ceintures de wampum incorporent les grands principes des accords conclus. L’acceptation d’une ceinture de wampum en conseil formel constitue un engagement à adhérer aux principes incorporés à son motif. Plus tard, le wampum servira à perpétuer le souvenir du traité.

Dans certaines cultures des forêts de l’Est, on recourt parfois aussi à l’art corporel. Le tatouage du visage et du corps constitue une pratique courante chez les hommes comme chez les femmes. Ces tatouages à signification symbolique peuvent dénoter le patrimoine ou encore l’identité clanique de la personne.

Une forme d’art propre aux Haudenosaunee est le « faux-visage », un masque en bois orné de deux yeux métalliques (et parfois de crin de cheval), sculpté par les hommes et utilisé lors des cérémonies de guérison (voir Société des faux-visages).

Le regain de vie de certains aspects de la culture traditionnelle, notamment les langues, les arts, l’artisanat, les danses et les cérémonies rituelles, de même qu’une prise de conscience politique accrue renforcent l’identité et le respect de soi après plus de trois siècles d’érosion culturelle par la colonisation.

En art contemporain, l’école d’art Woodland s’appuie largement sur les peintures colorées et pictographiques d’artistes comme Norval Morrisseau, Daphne Odjig, Jackson Beardy et Alex Janvier. Ces œuvres, dans lesquelles on peut apercevoir des êtres surnaturels, des animaux ou des personnes, sont l’expression même de l’identité et de la culture autochtones (voir Art autochtone au Canada et Art autochtone contemporain).

Langue

Les langues iroquoiennes appartiennent à deux branches, l’une au sud, formée des Cherokees, et l’autre au nord, formée des Ériés, des Neutres, des Wenros, des Haudenosaunee, des Wendats, des Pétuns et des Iroquoiens du Saint-Laurent. Les langues utilisées par les Iroquoiens du Saint-Laurent, les Wendats, les Pétuns et les Neutres sont toutes disparues. On déploie actuellement certains efforts pour revitaliser la langue wendat. Les six langues iroquoiennes maintenant parlées au Canada (le mohawk, l’oneida, l’onondaga, le cayuga, le sénéca et le tuscarora) sont celles de peuples venus de l’État de New York après la Révolution américaine. Bien qu’encore parlées, ces langues sont menacées (voir Langues autochtones au Canada).

Dans les forêts de l’Est, on trouve deux branches de la famille algonquienne, les Algonquiens du centre (Ojibwés, Outaouais, Nipissing et Algonquins) et les Algonquiens de l’Est (Abénaquis, Micmacs et Malécites). Les langues parlées dans chacune des branches demeurent très intelligibles pour les deux groupes, les Algonquiens du centre constituant des chaînes linguistiques.

Religion et spiritualité

Masque de la Société des faux-visages
Masque en bois de la Société des faux-visages, datant du milieu du XIXe si\u00e8cle. Réserve Six-Nations, en Ontario; Iroquois (avec la permission du Musée Royal de l'Ontario).

Les Haudenosaunee ont un certain nombre de sociétés de guérisseurs, qui mettent justement l’accent sur la guérison, dont la plus connue est la Société des faux-visages. À l’occasion des cérémonies, les membres portent des masques de bois minutieusement sculptés. Les Haudenosaunee pratiquent également la religion de la maison longue, un mélange d’anciennes traditions autochtones et d’innovations introduites par le prophète sénéca Handsome Lake.

Les peuples algonquins pratiquent la Midewiwin (Société de la grande médecine). Autrefois très répandue, la Midewiwin perd de l’influence après l’arrivée des Européens aux 18e et 19e siècles. Aujourd’hui, les plus grandes sociétés Midewiwin se trouvent dans certaines régions de l’Ontario, du Manitoba, du Wisconsin, du Michigan et du Minnesota.

En général, les peuples autochtones des forêts de l’Est disposent de spécialistes de la religion, nommés « chamans ». Chez les peuples algonquins, le chaman a recours à des cérémonies magiques pour éloigner les mauvais esprits comme le Windigo et repérer le gibier. Les chamans des communautés iroquoiennes remplissent un rôle similaire, veillant au bien-être spirituel et physique des personnes. Les peuples des forêts de l’Est et leurs chamans suivent des pratiques de guérison et des rituels saisonniers souvent associés aux récoltes, et tiennent des célébrations périodiques. Chez les Wendats, par exemple, la fête des Morts est un rituel très complexe qui se déroule habituellement au moment où les villages doivent se déplacer. On rassemble les ossements des parents décédés avant de les déposer dans des fosses communes avec des objets personnels. Chez les peuples algonquins, la célébration de la fête des Morts est quelque peu différente de celle des Wendats. Au cours du 17e siècle, ces célébrations attirent un grand nombre de personnes appartenant souvent à plusieurs nations.

La quête de la vision, nécessaire à l’acquisition d’un gardien surnaturel attitré, est pratiquée par toutes les cultures des forêts de l’Est. De façon générale, les jeunes hommes s’aventurent seuls en forêt, sans nourriture et sans eau, pour y attendre la manifestation d’un guide spirituel qui leur transmettra de vastes connaissances. Dans certaines nations, notamment chez les Outaouais et les Menominees, les jeunes filles participent elles aussi au rituel. Une fois sa quête terminée, l’adolescent réintègre son village, transformé en adulte empreint d’une nouvelle sagesse. Certains peuples autochtones des forêts de l’Est réalisent toujours aujourd’hui des quêtes de vision (voir Autochtones : religion et spiritualité.

Contacts avec les Européens et colonisation

Relations entre Européens et Autochtones avant 1763

Bien que les Vikings réalisent des expéditions sporadiques en Arctique et sur la côte est entre le 10e et le 14e siècle, les premières influences européennes importantes sont celles des pêcheurs des Grands Bancs de Terre-Neuve, qui commencent à faire la traite des fourrures au début du 16e siècle, juste avant que Jacques Cartier établisse ses premiers contacts avec les Micmacs et les Iroquoiens du Saint-Laurent, en 1534-1535. À la fin du 16e siècle, la plupart des peuples des forêts de l’Est sont engagés, directement ou indirectement, dans la traite des fourrures. Au cours de cette période, les Iroquoiens du Saint-Laurent abandonnent leurs terres ancestrales et la Confédération haudenosaunee devient prédominante.

Dès le début du 17e siècle, des colonies européennes sont établies dans l’île de Sable (temporairement), à Tadoussac, sur la rivière Sainte-Croix dans le Maine actuel (brièvement), et à Port-Royal, dans la vallée de l’Annapolis. En 1609, Henry Hudson explore la côte de ce qui deviendra la Nouvelle-Angleterre et la rivière qui porte son nom, tandis que Samuel de Champlain participe à une expédition guerrière des Algonquins, des Innus et des Wendats contre les Mohawks près du lac Champlain, événement qui marque le début de la participation européenne aux hostilités intertribales, qui dureront un siècle.

En 1626, quand les Hollandais établissent New Amsterdam (New York), les animaux à fourrure sont déjà en bonne partie exterminés sur la côte de l’Atlantique en raison du commerce. Durant la première moitié du 17e siècle, les épidémies de maladies européennes et les guerres déciment les populations autochtones. Parallèlement, leur mode de vie, fondé sur la chasse et la cueillette, est bouleversé par leurs nouvelles relations commerciales avec les Européens. Les Autochtones développent des relations de dépendance quand des articles européens variés remplacent les leurs, et de nouvelles formes de territorialité et d’hégémonie sont instaurées.

En Nouvelle-Angleterre, la guerre de Pequot (1636-1637) et la guerre du roi Philip (1675-1676) déciment la population autochtone, l’empêchant ainsi de s’opposer à la colonisation européenne. Après environ 1675, des Abénaquis déménagent à Saint-François, près du Saint-Laurent. Dans la région des Grands Lacs, les Haudenosaunee intensifient leurs attaques contre d’autres peuples de langue iroquoienne et certains groupes algonquins durant les années 1640 et 1650, forçant plusieurs à fuir leur patrie (voir Guerres iroquoises). Les groupes de Wendats et de Pétuns – et, selon certaines sources, de Neutres et d’Ériés – qui restent s’enfuient vers l’ouest et deviennent connus sous le nom de « Wyandot ». Un groupe s’établit à Lorette (ou Loretteville), près de Québec, et forment les Hurons-Wendats. Les Haudenosaunee, clairsemés par les guerres et les épidémies, augmentent leur nombre en adoptant des prisonniers et des réfugiés de guerre.

À la fin du 17e siècle, la puissance des Haudenosaunee est en mutation. Les Ojibwés et les Algonquins se déplacent vers ce qui est actuellement le sud de l’Ontario. Leurs descendants y occupent toujours aujourd’hui des réserves. En 1722, les Haudenosaunee acceptent les Tuscaroras, un peuple de langue iroquoienne du nord, qui se joignent à leur Confédération après avoir fui la Caroline du Nord actuelle. Après cet ajout, la Confédération est désormais appelée les « Six-Nations ».

Durant la première moitié du 18e siècle, la plupart des peuples de langue algonquienne des forêts de l’Est sont les alliés des Français, et échangent des fourrures contre des biens européens. À l’exception d’un groupe de Mohawks établi près de Montréal, la majorité des Haudenosaunee s’allient aux Britanniques.

Relations entre les Autochtones et les Britanniques, 1763 à 1867

Après la guerre de Sept Ans (1756-1763) (voir Guerre de Sept Ans) et la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques, une coalition plus ou moins organisée d’Outaouais et d’Ojibwés se montre mécontente des politiques du nouveau régime, notamment en raison de l’appropriation unilatérale des terres, de l’utilisation de la force pour contrer toute opposition et de la fin des échanges de cadeaux symboliques. En 1763, Obwandiyag, chef des Outaouais connu en français sous le nom de « Pontiac », mène un groupe formé d’Outaouais, d’Ojibwés, de Potawatomis et de quelques Wendats pour assiéger le Fort Détroit. Ses alliés s’emparent du Fort Michilimackinac. La guerre fait rage dans toute la région, mais la coalition ne tarde pas à s’effriter. Pontiac accepte un accord de paix en 1766. Le conflit, appelé « guerre de Pontiac », montre la lutte incessante des Autochtones pour leur autonomie. Il influence aussi la Proclamation royale de 1763, qui reconnaît les droits territoriaux des Autochtones et jette les bases des futures négociations de traités. Cependant, la Proclamation ne s’applique pas aux colonies des Maritimes. Les administrateurs coloniaux de cette région se croient donc autorisés à s’approprier des terres et à établir des réserves sans négocier de traité.

La majorité des peuples de langue algonquienne s’allient aux Britanniques lors de la Révolution américaine (1775-1783), mais le combat divise les Haudenosaunee de l’État de New York, dont un grand nombre s’établissent dans les territoires cédés par les Britanniques dans ce qui est aujourd’hui le sud de l’Ontario (voir Proclamation Haldimand). Des membres de chacune des six nations de la Confédération des Haudenosaunee s’installent le long de la rivière Grand, et quelques groupes de Mohawks, à la baie de Quinte. Les cessions de territoires, une dépendance économique croissante vis-à-vis des pionniers européens et un état de démoralisation généralisé provoquent un mouvement de réaction en 1799, dirigé par le prophète sénéca Handsome Lake. La nouvelle religion de la maison longue (également connue sous le nom de religion de Handsome Lake) s’étend à d’autres communautés haudenosaunee au Canada et aux États-Unis. Handsome Lake et Pontiac sont souvent considérés comme les initiateurs de l’autodétermination des Autochtones au sein du mouvement « panamérindien ».

Après la guerre de 1812, quelques groupes d’Ojibwés, d’Outaouais et de Potawatomis quittent les États-Unis à destination de la région de la baie Georgienne. Une partie des Oneidas s’établit près de la rivière Thames. Durant la première moitié du 19e siècle, le gouvernement colonial crée des réserves à l’intention des peuples de langue algonquienne autour de la baie Georgienne. Les traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur de 1850 permettent au gouvernement de s’approprier de vastes superficies de terre au nord des lacs Supérieur et Huron. Dans les provinces de l’Atlantique, le gouvernement colonial, qui n’est pas assujetti à la Proclamation royale, crée une soixantaine de communautés micmaques.

Peuples autochtones et gouvernement canadien

À mesure que les colonies européennes s’agrandissent et se multiplient dans les forêts de l’Est, le mode de vie des peuples de langue iroquoienne et algonquienne, centré autour de la chasse et la cueillette, est menacé. L’horticulture, souvent introduite par les missionnaires, complète une alimentation qui finit par inclure autant de la nourriture commercialisée que du poisson et du gibier locaux. Certains Autochtones travaillent dans le secteur des ressources, en particulier dans l’industrie forestière, l’exploitation minière et le commerce des fourrures, ou même comme ouvriers à temps partiel.

Alors que les colons accroissent leur dominance dans le secteur des ressources, les Autochtones des forêts de l’Est sont de plus en plus marginalisés, et sont souvent confinés dans des réserves mal desservies, qui sont souvent en région éloignée. La création des pensionnats exacerbe la perte de la culture, car ceux-ci éloignent les enfants de leur maison et de leur langue. Dans ces écoles, les élèves sont victimes d’abus et de négligence, ce qui engendre encore plus d’ostracisme culturel au sein de leur collectivité d’origine. Privés du savoir-faire traditionnel et souffrant de la perte de leur culture, les collectivités vivant dans les réserves deviennent de plus en plus dépendantes du soutien financier gouvernemental. Le manque de perspectives d’emploi et la formation inadéquate entraînent la pauvreté dans la plupart des réserves qui ne sont pas situées à proximité des grandes agglomérations urbaines.

La Loi sur les Indiens, adoptée en 1876, combine l’Acte pour l’émancipation graduelle et l’Acte pour encourager la civilisation graduelle. Elle assujettit les conseils de bande au contrôle du gouvernement fédéral. En vertu de la loi, le gouvernement peut remplacer les conseils traditionnels par des conseils élus, qui cadrent davantage avec les objectifs d’assimilation. Nombre de réserves s’opposent à ces changements. En 1924, le gouvernement impose un conseil élu à la réserve des Six-Nations, mais la majorité des résidents s’y opposent encore aujourd’hui. Le modèle traditionnel demeure en place, au détriment du modèle approuvé par le gouvernement. Au début du 20e siècle, bon nombre d’Autochtones des forêts de l’Est ont adopté le christianisme, parfois uniquement pour la forme, fruit du vaste travail missionnaire dans le domaine de l’éducation. Plusieurs Haudenosaunee continuent toutefois à pratiquer la religion de la longue maison de Handsome Lake.

Après la crise des années 30, plusieurs Autochtones émigrent vers les grandes villes du Canada et des États-Unis pour y travailler. Le traité Jay de 1794 permet aux Autochtones du Canada de voyager librement aux États-Unis pour y travailler, y étudier et y vivre. Depuis environ 1960, de nouveaux programmes de travail, financés par le gouvernement à l’intérieur des réserves, et les initiatives communautaires visant à promouvoir l’art et l’artisanat aident à diminuer cette dépendance économique dans certaines collectivités.

Vie contemporaine

Les peuples autochtones des forêts de l’Est s’impliquent dans des campagnes canadiennes et internationales visant à protéger les droits des Autochtones (voir Idle No More) et appuient certaines causes communautaires, dont la négociation de traités modernes et l’autonomie gouvernementale. En octobre 2016, notamment, les Algonquins de l’Ontario signent une entente de principe sur la revendication territoriale (soit un pas vers la conclusion d’un contrat définitif) avec les gouvernements canadien et ontarien, couvrant 36 000 km² de terres dans l’est de l’Ontario. Même s’il faudra probablement encore plusieurs années pour préciser les derniers détails de ce qui constituera le premier traité moderne de l’Ontario, celui-ci demeure un accord historique, dont la négociation aura nécessité 26 ans.

En savoir plus

Guide pédagogique perspectives autochtones

Collection des peuples autochtones