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Chasse à la baleine

La pêche à la baleine commence dans la région arctique du détroit de Davis au XVIIe siècle. Les baleiniers hollandais, allemands, anglais et écossais concentrent la pêche sur la côte Est (Groenland) jusqu'à ce que des expéditions menées par John Ross (1818) et W.

Attaque d'une baleine
Un harponneur s'apprêtant à attaquer une baleine géante, qui mourra probablement par la suite, au bout de son sang
(avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-32708)

Environ 33 espèces de baleines vivent dans les eaux canadiennes, dont 13 ont fait l'objet de pêche commerciale sur grande échelle. On exploite d'abord les plus faciles à chasser : les baleines boréales, noires et grises. Leur nombre diminuant, les pêcheurs se tournent vers le rorqual à bosse et le cachalot. Plus tard, les progrès techniques permettent de chasser les très rapides rorquals bleus, communs et boréals. Les autochtones, les à l'extrême nord et les Nootkas dans l'île de Vancouver sont les premiers à pêcher la baleine au Canada pour leur subsistance. Dès le XVI siècle, des pêcheurs partis de France et d'Espagne naviguent dans les eaux du golfe du Saint-Laurent où de grands troupeaux de baleines se rassemblent tous les étés pour se nourrir. Au XVIII siècle, des navires britanniques et américains naviguent le long du littoral de l'Atlantique. Au XIX siècle, les Canadiens font leur entrée dans le domaine et établissent une station de dépeçage à Terre-Neuve. Les pêcheurs partent de Gaspé pour faire la chasse à la baleine au même titre que les autres pêches en haute mer. À la fin du siècle, les baleiniers norvégiens établissent eux aussi des stations à Terre-Neuve, dans le Labrador et dans le golfe du Saint-Laurent. Au début des années 1830, des baleiniers américains faisant route vers le Nord, en direction de la mer de Béring, chassent les baleines qui migrent le long de la côte du Pacifique. Une industrie locale canadienne opère durant une courte période, de 1868 à 1872, dans des ports de l'île de Vancouver et du détroit de Georgia. À partir de 1905, au moins une installation est en exploitation (sauf de 1942 à 1947) jusqu'en 1967, moment où la dernière entreprise de la côte Ouest, la Western Canada Whaling Company, ferme ses portes.

La pêche à la baleine commence dans la région arctique du détroit de Davis au XVIIe siècle. Les baleiniers hollandais, allemands, anglais et écossais concentrent la pêche sur la côte Est (Groenland) jusqu'à ce que des expéditions menées par John Ross (1818) et W. Edward Parry (1819) traversent la baie de Baffin et pénètrent dans le détroit de Lancaster. Le point le plus septentrional de la pêche à la baleine est l'île d'Ellesmere. En automne, la pêche à la baleine se fait surtout dans la Baie de Cumberland. Elle atteint son point culminant entre 1820 et 1840, avec parfois près de 100 navires dans le détroit de Davis et des prises excédant certaines années 1000 baleines.

Habituellement, les expéditions de pêche à la baleine se déroulent seulement l'été. Les navires arrivent dans le détroit de Davis en avril et en repartent en octobre. Cependant, en de nombreuses occasions, ils sont surpris par les glaces et restent prisonniers tout l'hiver ou coulent.

Pendant que les baleiniers britanniques dominent dans le détroit de Davis, les navires américains pénètrent jusqu'au Nord-Ouest de la baie d'Hudson (1860) et, après 1889, plus loin que Point Barrow, dans la mer de Beaufort. À la fin des années 1890, des vaisseaux atteignent le golfe Amundsen. La pêche à la baleine dans la mer de Beaufort ne dure pas aussi longtemps que dans l'Est de l'Arctique (de 1889 à 1914 environ). Ces régions sont tellement inaccessibles que les baleiniers demeurent toute l'année sur place. Ils passent l'hiver à geler dans des abris portuaires afin de commencer la pêche dès le début du printemps. Leur nombre est restreint : au plus, 500 pêcheurs hivernent dans la mer de Beaufort et 200, dans la baie d'Hudson. Sur l'île de Baffin, l'hivernage ne commence pas avant les années 1850, et ce n'est que plus tard que des stations permanentes sont établies, dont celles de Kekerton et de l'île Blacklead dans la baie Cumberland.

Toutefois, la présence des baleiniers bouleverse l'existence des Inuits. Leurs services sont requis comme pilotes, chasseurs, conducteurs de chiens et couturières. De plus, ils désirent vivement échanger des marchandises avec les Européens. L'importation de spiritueux entraîne l'augmentation de la violence. Les contacts entre les baleiniers et les Inuits favorisent la transmission de maladies étrangères. Des épidémies de rougeole, de typhus et de scarlatine ravagent les populations autochtones. Au début du XXe siècle, les Inuits Sadlermiuts de l'île Southampton dans la baie d'Hudson disparaissent jusqu'au dernier. L'afflux des baleiniers cause beaucoup de torts aux ressources de l'Arctique. Des troupeaux de caribous sont décimés pour fournir de la viande aux équipages des navires. La diminution de la viande et du cuir, de même que des changements dans les goûts, font que les Inuits adoptent la nourriture et les vêtements des pêcheurs. Certains autochtones travaillent sur les bateaux comme pêcheurs ou hommes d'équipage et, petit à petit, la vie économique des Inuits se transforme.

L'activité des baleiniers étrangers dans l'Arctique pousse le gouvernement canadien à affirmer sa souveraineté sur l'archipel Artique. Officiellement, ces îles appartiennent au Canada depuis 1880, mais rien n'en atteste l'appartenance et les étrangers continuent d'y pêcher sans aucune réglementation. Vers 1900, des rumeurs laissent croire que les États-Unis songent à annexer la région, prenant prétexte de la présence des baleiniers américains. La Police à cheval du Nord-Ouest y dépêche alors des hommes (1903) pour prélever des droits de douane, réglementer le trafic d'alcool, délivrer des permis de pêche et faire régner l'ordre.

Les baleines servent à différents usages selon les époques. Les Inuits ne gaspillent rien de la baleine; ils mangent la peau, la graisse, la chair et les organes internes, ils utilisent les fanons et les os pour construire des bâtiments et fabriquer des meubles et d'innombrables petits objets, ils se servent de l'huile pour se chauffer et s'éclairer. Les Européens sont plus gaspilleurs. L'huile extraite de la graisse sert d'abord à alimenter les réverbères et à fabriquer du savon. À la fin du XIXe siècle, le gaz de houille et les produits pétroliers remplacent l'huile animale comme combustible d'éclairage, mais on continue à utiliser cette dernière dans la margarine, les peintures et les vernis et comme lubrifiant. L'huile de blanc de baleine produite par les cachalots sert à fabriquer des bougies, des lubrifiants, des cosmétiques et du cirage à chaussures. La baleine boréale est la plus importante baleine des eaux canadiennes. Elle fournit les fanons, sorte de lames cornées qui pendent transversalement du haut de sa gueule. Une baleine boréale de grande taille peut en compter au-delà de 700. À la même époque, c'est pratique courante de prélever les fanons et de rejeter la carcasse. On se sert alors de ce matériau flexible pour fabriquer des fouets de boghei, des cerceaux, des parapluies, des roues de carrosse, des corsets et des cannes à pêche. Au XXe siècle, on les remplace par l'acier à ressort et par le plastique. La viande de baleine est destinée à l'alimentation humaine (surtout au Japon et en Norvège) et animale.

À l'origine, les baleiniers commerciaux pourchassent, à bord de petites embarcations, les cétacés à l'aide de harpons à main et de lances. On harponne la baleine et on la laisse libre au bout du fil. Une fois le câble entièrement déroulé, on attache la baleine à l'embarcation jusqu'à ce qu'elle s'épuise avant de la tuer. De nouvelles armes sont utilisées au milieu du XIXe siècle. Le fusil à épaule décharge un projectile qui explose à l'intérieur de l'animal. Le canon lance-harpon, arme semblable à un canon qu'on installe à la proue du bateau, décharge un harpon barbelé porteur d'une charge explosive. À cause de ces armes, la pêche n'est plus un sport mais un véritable carnage. Les baleiniers sont équipés de moteurs à vapeur pour la première fois dans les années 1850. Dès 1870, presque toute la flotte du détroit de Davis fonctionne à la vapeur et les baleiniers américains de la mer de Beaufort leur emboîtent aussitôt le pas. La vitesse accrue des bateaux, ainsi que leur puissance et leur maniabilité, permettent aux pêcheurs de s'éloigner davantage de leur port d'attache et de réduire les dangers occasionnés par les glaces et les tempêtes.

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, la pêche à la baleine commerciale est presque interrompue dans l'Arctique canadien. Les stocks de baleines sont en voie d'extinction et la demande de fanons a diminué. Toutefois, le long de la côte de la Colombie-Britannique, ainsi qu'à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, la pêche se poursuit à partir de plusieurs stations terrestres. Des baleinières pourchassent et tuent des baleines et ramènent les carcasses à terre pour la transformation. En 1925, l'arrivée des navires-usines amorce une nouvelle étape à l'échelle internationale dans la pêche à la baleine. Les prises annuelles augmentent considérablement pour atteindre plus de 50 000 annuellement à la fin des années 30. Après la création de la Commission baleinière internationale en 1946, on interdit complètement la pêche de plusieurs espèces et l'on fixe des quotas pour contrôler l'exploitation des autres. En 1972, le gouvernement fédéral ordonne l'arrêt de toutes les activités de pêche à la baleine à partir des ports canadiens. L'ordre gouvernemental ne touche que deux stations à Terre-Neuve et une en Nouvelle-Écosse puisque, sur la côte Ouest, la dernière entreprise a fermé ses portes en 1967. La pêche à la baleine est toujours permise aux Inuits. En raison des mesures de protection, certains stocks de baleines montrent des signes de repeuplement. Dans les années 30, la baleine boréale, qu'on croit alors en voie d'extinction, est déclarée animal en voie de disparition. Des études récentes démontrent qu'elle a survécu et qu'elle revient lentement dans certaines régions.

En 1982, le Canada se retire de la Commission baleinière internationale dont il était membre. La Commission a obtenu des succès importants, mais comme les pays membres ne sont pas tenus de se conformer à ses recommandations, son efficacité dépend finalement de la bonne volonté des pays qui pratiquent la pêche à la baleine. Des décisions sont souvent modifiées pour garder des pays dans l'organisation, au sein de laquelle s'exerce un certain contrôle, plutôt que de les laisser en marge et de les voir ainsi échapper à toute réglementation. En 1980, le Canada indique son désaccord avec l'idée de déclarer un moratoire sur la pêche à la baleine commerciale en raison de l'absence d'une recommandation claire et justifiée de la part du comité scientifique de la Commission concernant une telle action. Les représentants canadiens croient, en effet, que les exigences en matière de protection peuvent être respectées en vertu des procédures de gestion de la Commission qui prévoient des moratoires sélectifs (quotas zéro). La position du Canada sur la question du moratoire est vivement critiquée par les groupes opposés à la pêche à la baleine. Néanmoins, un moratoire annoncé en 1982 entre en vigueur le 1er janvier 1986. Bien qu'il ne soit plus membre de la Commission baleinière internationale, le Canada s'oppose toujours à la pêche à la baleine commerciale sur son territoire et continue à collaborer avec le comité scientifique de la Commission.Voir aussi Faune, Conservation et Aménagement de la.