Le 1erjuillet 1916, pendant la Première Guerre mondiale, les Forces alliées lancent une offensive majeure en France. Cependant, l’ouverture de la bataille de la Somme devient l’un des jours les plus meurtriers de l’histoire militaire moderne. Au village de Beaumont-Hamel, le Newfoundland Regiment (Régiment de Terre-Neuve) subit des pertes catastrophiques. En effet, plus de 80 % des soldats qui prennent part à la bataille sont tués ou blessés. En un seul matin, le régiment subit environ 700 pertes, dont plus de 300 morts.
Beaumont-Hamel : faits saillants
Date |
1er juillet 1916 |
Lieu |
Beaumont-Hamel, France |
Participants |
Grande-Bretagne, Commonwealth britannique (ce qui inclut Terre-Neuve) Allemagne |
Pertes |
57 470 pertes pour la Grande-Bretagne et le Commonwealth (dont 19 240 morts) Ce nombre inclut 710 pertes du First Newfoundland Regiment (324 mots, 386 blessés) Environ 8 000 pertes du côté allemand |
Carte de la Bataille de la Somme, 1916, pendant la Première Guerre mondiale
(avec la permission de U.S. Army/Wikimedia CC)
Naissance d’un régiment
Quand la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne, en août 1914, Terre-Neuve, alors dominion britannique, n’avait ni armée ni milice de l’armée. Pourtant, quand l’Empire appelle à l’aide, des centaines de jeunes hommes se portent volontaires, et le Newfoundland Regiment est né. Des uniformes sont produits rapidement, et on en vient à manquer de kaki. On utilise donc des tissus bleu marine pour fabriquer les jambières, ou bandes molletières, pour les soldats, d’où leur sobriquet les « Blue Puttees », ou bandes molletières bleues.
Le premier contingent terre-neuvien de 537 soldats et officiers s’embarque pour l’Europe en octobre 1914 et est rapidement rejoint par d’autres.
Bataille de la Somme
À l’été 1916, après avoir combattu à Gallipoli, le Newfoundland Regiment est transféré sur le front de l’Ouest, en préparation pour l’offensive dans la vallée de la Somme. Dans le cadre de la phase initiale de la bataille de la Somme, les Terre-Neuviens reçoivent l’ordre d’attaquer le village de Beaumont-Hamel, où les Allemands sont solidement retranchés.
Dans les jours menant à la « Grande Poussée », qui marque le début de l’offensive, les commandants alliés bombardent les lignes allemandes à plusieurs reprises dans l’espoir d’endommager sévèrement les fortifications ennemies. Mais quand la première vague de soldats alliés sort des tranchées, le 1er juillet 1916 à 7 h du matin, et s’avance dans le no man’s land, il s’avère que la plupart des Allemands ont survécu au barrage d’artillerie et attendent l’assaut de pied ferme.
À Beaumont-Hamel, des centaines de soldats alliés jonchent bientôt le champ de bataille, certains morts, d’autres agonisants. Pourtant, les commandants décident de poursuivre l’offensive. À 9 h 15, les Terre-Neuviens reçoivent l’ordre d’attaquer à partir de leur tranchée située derrière la ligne de front, surnommée la « route de St. John’s ». Ralentis par leurs sacs à dos pesant presque 30 kg, ils doivent pourtant traverser un terrain découvert exposé aux mitrailleuses et à l’artillerie des Allemands. Les soldats du Newfoundland Regiment sont massacrés en moins d’une demi-heure.
Le soldat Anthony Stacey, qui observe le carnage depuis une tranchée avoisinante, rapporte plus tard comment ces hommes sont fauchés vague après vague : « L’ennemi n’a eu qu’à aligner ses mitrailleuses vers les espaces entre les fils barbelés avant de faire feu. […] [Je] ne pouvais voir aucun mouvement, seulement des monceaux de kaki affalés contre le sol. »
Toute la journée, des soldats blessés tentent de rejoindre leurs lignes. Des tireurs ennemis embusqués, des mitrailleuses et des tirs d’artillerie rendent toutefois le retour difficile et dangereux. Certains blessés meurent là où ils sont allongés; d’autres sont tués en tentant de battre en retraite.
Pertes
Les pertes sont hallucinantes : des plus de 800 soldats qui ont combattu ce jour-là pour le First Newfoundland Regiment, seulement 68 sont en mesure de répondre à l’appel après la bataille. Le régiment subit 710 pertes, soit 386 blessés et 324 soldats morts, décédés des suites de leurs blessures ou disparus (présumés morts). Parmi les morts, on compte plusieurs fratries.
Au total, 19 240 soldats britanniques et issus du Commonwealth meurent le 1er juillet 1916. Plus de 38 000 sont blessés, ce qui correspond à 57 470 pertes. Environ 8 000 Allemands sont également tués ou blessés.
Le saviez-vous?
Tout au long de son service dans le Newfoundland Regiment, le lieutenant Owen William Steele tient un journal détaillé. Ce journal et ses lettres reflètent les expériences et les impressions des soldats terre-neuviens lors de leur entraînement au Royaume-Uni et de leur service à la campagne de Gallipoli et à la bataille de la Somme. Owen William Steele ne prend pas part à la bataille de Beaumont-Hamel, mais il est blessé par des éclats d’obus le 7 juillet 1916 et meurt le jour suivant. Son frère, James R. Steele, sert dans le même régiment. Sérieusement blessé pendant la bataille de Beaumont-Hamel, il survit tout de même à la guerre et retourne par la suite à St. John’s, à Terre-Neuve.
Répercussions
Les premières nouvelles à parvenir à Terre-Neuve parlent d’une glorieuse victoire. Mais dans les semaines qui suivent, les habitants de la colonie apprennent peu à peu la terrible vérité : des centaines de jeunes hommes ont trouvé la mort.
Dans ses condoléances aux Terre-Neuviens, le général britannique Aylmer Hunter-Weston écrit : « Il n’y eut aucun indécis, aucun retardataire. Pas un seul homme n’a regardé derrière lui. Ce fut un étalage magnifique de valeur exercée et disciplinée, et si cet assaut a échoué, c’est seulement parce que les morts ne peuvent plus avancer. »
Malgré ses pertes ahurissantes, le Newfoundland Regiment est renforcé par de nouveaux soldats et prendra part à plusieurs autres grandes batailles de la guerre, notamment à Guedecourt, à Ypres, à Arras, à Courtrai et à Cambrai.
En 1917, après les combats à Cambrai et à Ypres, la Couronne britannique décerne au régiment le préfixe « Royal ». Le régiment sera seul à se voir accorder cet honneur pendant la Première Guerre mondiale.
À la signature de l’armistice, en 1918, 6 241 hommes avaient servi dans le Royal Newfoundland Regiment. De ceux-là, 1 304 ont été tués. Des centaines d’autres rentrent chez eux avec des blessures graves. La perte d’une génération de jeunes hommes laisse une marque indélébile sur le développement économique et culturel de Terre-Neuve.
J’imagine que tout le monde connaît quelqu’un qui s’y est battu et y a perdu la vie. L’histoire de Beaumont-Hamel est à Terre-Neuve ce que Gallipoli est aux Australiens. (Notre histoire en souvenirs : Mary Walsh)
Commémoration
Terre-Neuve n’a pas oublié le sacrifice de ses enfants à Beaumont-Hamel. Le premier jour du Souvenir est organisé à St. John’s de Terre-Neuve le 1er juillet 1917. Un an plus tard, une loi décrète le 1er juillet comme étant le jour officiel de commémoration de Terre-Neuve.
À Beaumont-Hamel, l’ancien champ de bataille est maintenant un parc. À son point le plus élevé, la statue d’un caribou, emblème officiel du Royal Newfoundland Regiment, surplombe le champ où tant d’hommes sont morts. Leurs noms remplissent trois plaques de cuivre à la base du monument.