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Bataille de la côte 70

La capture de la côte 70 en France a représenté une importante victoire canadienne pendant la Première Guerre mondiale et a été la première action militaire majeure menée par le Corps canadien sous l’autorité d’un commandant canadien. La bataille, qui a eu lieu en août 1917, a donné aux forces alliées une position stratégique cruciale en surplombant de la ville de Lens.

Arthur Currie prend le commandement

Le lieutenant‑général Arthur Currie prend le commandement du Corps canadien (voir Corps expéditionnaire canadien) en juin 1917, après la victoire du Corps à la crête de Vimy. Remplaçant le général britannique Julian Byng, Arthur Currie est le premier Canadien à la tête du Corps, la principale force de combat du Canada sur le front de l’ouest.

En juillet, Arthur Currie reçoit l’ordre de Douglas Haig, commandant en chef de toutes les forces dirigées par les Britanniques en Europe de l’Ouest, de capturer la ville minière française de Lens. Douglas Haig espère ainsi détourner l’attention et les ressources militaires des Allemands de l’offensive majeure des Alliés qui fait alors rage à Passchendaele, en Belgique.

Lens, qui se trouve à l’intérieur du territoire occupé par les Allemands près de la crête de Vimy, a terriblement souffert de la guerre. Les Canadiens sont envoyés pour capturer une ville à moitié en ruines. Arthur Currie estime que la côte 70, une élévation en périphérie de Lens ainsi nommée parce qu’elle se trouve à 70 mètres au‑dessus du niveau de la mer, a plus d’importance d’un point de vue tactique. Il croit qu’un assaut frontal traditionnel contre Lens, suivi d’une occupation alliée de la ville, serait futile si les Allemands peuvent simplement abattre les Canadiens à partir des collines qui dominent la ville. Alors Arthur Currie convainc ses supérieurs, incluant Douglas Haig, de modifier radicalement leur plan d’attaque en faisant de la côte 70 le principal objectif des Canadiens.

Arthur Currie croit qu’en capturant la colline, il pourra pousser à bout les Allemands occupant les positions environnantes et ainsi les faire sortir de leurs abris pour attaquer. Les Canadiens pourront alors faire un plus grand nombre de victimes ennemies et les chasser de la région.

Au cours de la fin du mois de juillet et du début août, tandis que les Canadiens se préparent à attaquer la côte 70, ils harcèlent les forces allemandes et détournent leur attention.

Attaque sur la Côte

La côte 70 est une élévation dénudée d’arbres qui domine la ville de Lens. Cette ville a été frappée par des années de guerre et des tranchées allemandes ont été creusées dans les ruines des maisons en briques des mineurs de la ville. Ces ruines fournissent aux Allemands de nombreuses possibilités de couverture au sein de la ville.

Le Corps expéditionnaire canadien lance le premier assaut sur la côte 70 le 15 août à 4 h 25. Les Royal Engineers tirent des barils d’huile brûlante en direction des positions allemandes sur la colline, accompagnés de tirs d’artillerie lourde. Les Allemands de la 7e Division d’infanterie ont vu venir l’attaque et sont prêts avec des tirs défensifs. Pourtant, à 6 h du matin, l’infanterie canadienne, protégée par un écran de fumée produit par l’huile brûlante, s’empare de plusieurs de ses premiers objectifs.

La résistance allemande se renforce à mesure que les Canadiens s’avancent sur la côte. L’écran de fumée se dissipe et les mitrailleuses et fusils allemands tuent ou blessent de nombreux assaillants canadiens. Les soldats alliés attaquants courent maintenant de trou d’obus en trou d’obus pour tenter de progresser sur la colline.

Lentement, les Canadiens s’emparent des postes de mitrailleuses allemands et ils gravissent la colline. Pendant ce temps, Arthur Currie donne l’ordre que 200 bombes à gaz soient tirées sur les positions allemandes au sud de Lens comme tactique de diversion durant le véritable assaut qui a lieu sur la côte 70.

Canadiens dans les tranchées capturées de la Colline 70, août 1917.

Contre‑attaque

Le jour suivant avant 9 h, les forces allemandes contre‑attaquent, mais les Alliés déjouent chaque tentative ennemie pour reprendre du terrain. Dans l’après‑midi, une deuxième vague de contre‑attaques est également repoussée. Les troupes d’infanterie allemandes sont accueillies et sont annihilées par « des fontaines de terre projetée par les obus de gros calibre » et de « grêle d’éclats d’obus et de balles de mitrailleuses », selon l’histoire qu’a racontée le 5e Régiment allemand de la garde à pied.

Les Canadiens finissent par capturer le sommet de la côte 70, mais le prix payé est élevé. À la fin de la première journée seulement, 1 056 Canadiens sont morts, 2 432 sont blessés, et 39 sont faits prisonniers. On ignore combien d’Allemands sont morts ce jour‑là.

Les combats autour de la côte 70 se poursuivent jusqu’au 18 août, le Corps expéditionnaire canadien affrontant la résistance et les contre‑attaques allemandes continues au cours de combats localisés qui incluent du gaz moutarde et des lance‑flammes. Après quatre jours de combats acharnés, les Canadiens ont repoussé 21 contre‑attaques allemandes et ont conservé leurs nouvelles positions au sommet de la côte 70. Près de 9 000 Canadiens sont tués ou blessés, tandis qu’environ 25 000 Allemands sont tués ou blessés.

Le saviez-vous?
Lancelot Joseph Bertrand était parmi les milliers de soldats qui sont morts durant la Bataille de la côte 70. Né à Grenade, il est devenu l’un des premiers volontaires noirs du Corps expéditionnaire canadien lorsqu’il s’est enrôlé en septembre 1914, à Valcartier. Il était soldat dans le 7e bataillon lorsqu’il a combattu à la deuxième bataille d’Ypres (avril et mai 1915) et à la bataille de Festubert (mai 1915), où il a été blessé. Lancelot Joseph Bertrand a été promu sergent en 1916, et ensuite lieutenant, ce qui fait de lui l’un de seulement sept officiers noirs dans le Corps expéditionnaire canadien. Le lieutenant Lancelot Joseph Bertrand a reçu la Croix militaire pour ses actes lors de la Bataille de la crête de Vimy (avril 1917). Il a été tué le 15 août 1917 durant la Bataille de la côte 70.


Six croix de Victoria

Les vies de nombreux soldats canadiens sont sauvées grâce au travail du soldat Michael O’Rourke, un brancardier canadien d’origine irlandaise. Il reçoit la Croix de Victoria pour avoir couru à plusieurs reprises sous les tirs allemands afin de secourir des soldats canadiens blessés.

Le major Okill Massey Learmonth du Québec saute au-dessus d’un parapet et lance des grenades à main sur l’ennemi lors d’une contre-attaque allemande, le 18 août. L’officier âgé de 23 ans attrape les grenades allemandes qui lui sont lancées et les renvoie à l’ennemi. Okill Massey Learmonth est blessé et meurt par la suite; il reçoit également la Croix de Victoria, à titre posthume.

Quatre autres Canadiens reçoivent la Croix de Victoria pour leur courage lors de la bataille de la côte 70, la plus haute distinction accordée par l’Empire britannique pour des actes de bravoure militaire : le soldat Harry Brown, le sergent Frederick Hobson, le sergent-major de compagnie Robert Hill Hanna, et le caporal Filip Konowal.

Mémoire

Les combats de la côte 70, éclipsés par des batailles canadiennes plus célèbres comme la Bataille de la crête de Vimy en avril 1917 et la Bataille de Passchendaele à l’automne de cette année‑là, ne sont pas très connus des Canadiens. Cependant, certains historiens soutiennent que la prise de la côte 70 est l’une des contributions les plus importantes du Canada à la Première Guerre mondiale, plus importante même que la crête de Vimy.

« Ce fut la bataille la plus dure à laquelle le Corps a participé », a écrit Arthur Currie. « Ce fut une grande et magnifique victoire. Le G.Q.G. [Grand quartier général] la considère comme l’un des plus beaux exploits de la guerre. »

Grâce en très grande partie aux compétences tactiques et prouesses d’Arthur Currie, cette bataille a entraîné une défaite allemande et elle a permis de détourner l’attention et de nombreuses ressources des Allemands de la plus grande campagne alliée en cours à l’époque à Passchendaele. Ce succès, survenu après la victoire à Vimy, a renforcé davantage le sentiment de fierté et d’appartenance nationale du Canada sur la scène mondiale. Plus important encore, il a cimenté la réputation du Corps canadien en tant que force d’assaut efficace au sein de la vaste armée britannique, une réputation que les Canadiens prouveront encore et encore, sous la direction d’Arthur Currie, tout au long du restant de l’année 1917 et jusqu’à la fin de la guerre en 1918.

Les sacrifices du Canada, incluant les quelque 1900 Canadiens qui sont morts dans cette bataille, sont maintenant commémorés au Monument commémoratif de la bataille de la côte 70, ainsi qu’au cimetière britannique de Loos situé à l’extérieur de Lens, en France. Les noms des Canadiens qui sont morts sans sépulture connue lors de la bataille de la côte 70 sont également gravés sur le monument commémoratif plus large de la crête de Vimy.


Voir aussi : Évolution des troupes de choc du Canada; Commandement canadien pendant la Grande Guerre.

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Collection: Première Guerre mondiale