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Beothuk

Beothuk signifie « le peuple » ou le « vrai peuple » dans la langue d’un peuple maintenant décimé. Les Beothuks ont été les premiers habitants de l’île de Terre-Neuve. À l’époque de l’arrivée des Européens, leur nombre atteint 500 à 1 000 personnes. Leur population est difficile à évaluer en raison d’un rétrécissement de leurs territoires lors des premières colonisations et de l’absence de documents de l’époque.

Origines

Béothuks, artefacts des

Les preuves archéologiques, comme les outils, les armes et les articles ménagers, révèlent que les Beothuks habitent Terre-Neuve bien avant la colonisation européenne. On croit qu’ils descendent d’un peuple plus récent, parfois appelé « Little Passage », en référence aux personnes qui ont occupé l’île pendant plusieurs milliers d’années sur un site de Terre-Neuve connu à l’origine comme « Little Passage ».

Territoire traditionnel

Beothuk traditional territory.
(avec la permission de Native Land Digital / Native-Land.ca)

Au moment de leur rencontre avec les Européens au 16e siècle, les Beothuks occupent au moins les côtes sud et nord-est de Terre-Neuve. Peu de temps après l’arrivée des Européens, le peuple côtier des Beothuks déplace ses campements ancestraux de pêche vers l’intérieur de l’île. Les probables escarmouches violentes avec les Vikings entre les années 800 et 1000 de notre ère conduisent les Beothuks à éviter autant que possible les contacts avec les nouveaux arrivants européens. (Voir aussi Expéditions vikings.)

Vie traditionnelle

Mamateek et fumoir

Les Beothuks logent dans des tentes recouvertes d’écorce ou de peaux en été (voir wigwam), et dans des maisons semi-souterraines (partiellement souterraines) en hiver. ( Voir aussi Histoire de l’architecture : Autochtones.) Ils sont principalement un peuple côtier, organisé en petites bandes dispersées dans les diverses baies de Terre-Neuve vivant de la pêche, de la chasse des otaries et phoques, d’autres mammifères marins et des oiseaux. Ils peuvent aussi se rendre à l’intérieur des terres pour chasser le caribou au passage des rivières, mais après les premières colonisations, ils cessent d’occuper l’intérieur de l’île durant l’hiver. Pour chasser, ils utilisent des arcs, des flèches, des harpons et des lances. La chasse se fait souvent à bord de canots d’écorce en état de navigabilité pour tenir la mer.

Culture

Les artefacts des Beothuks les plus distinctifs sont des os sculptés, des colliers en bois de cervidés et en ivoire, ornés de gravures aux dessins complexes. À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, on a retrouvé plusieurs de ces objets dans des tombes situées dans des cavernes ou des abris sous des rochers servant de lieux de sépulture. Une autre caractéristique notoire de la culture des Beothuks est l’utilisation somptueuse qu’ils font de la poudre d’hématite, ou ocre rouge, avec laquelle ils peignent leurs canots, divers objets, et même leur corps. Comme ce peuple est le premier peuple autochtone d’Amérique du Nord que les Européens rencontrent, il est possible que leur coutume d’utiliser l’ocre rouge soit à l’origine du sobriquet « Peaux-Rouges », employé par les Européens et qui s’appliquera plus tard à tous les peuples des Premières Nations.

Religion et spiritualité

On sait peu de choses sur la spiritualité des Beothuks. En tant que peuple algonquin, les Beothuks peuvent avoir partagé les histoires de leurs origines communes, des pratiques religieuses et des visions du monde similaires. Une Beothuk capturée comme prisonnière, du nom d’Oubee, témoigne une fois que son peuple vénère le soleil et la lune. Shawnadithit, la dernière Beothuk connue, ajoute que son peuple croit en un monde spirituel avec un esprit suprême (possiblement le Créateur) avec des monstres ou des esprits sombres. (Voir Autochtones : religion.)

Langue

Les listes de mots transcrits par les Européens au 18e siècle et au début du 19e siècle dévoilent que la langue des Beothuks est liée à la famille des langues algonquiennes. On connaît peu de choses au sujet de leur langue, qui est maintenant considérée comme éteinte. (Voir aussi Langues autochtones au Canada.)

Rencontres avec les Européens

La première mention des Beothuks dans les relations des Européens est probablement celle du diplomate italien Alberto Cantino. En 1501, il écrit avoir vu à Lisbonne, au Portugal, une cinquantaine de prisonniers et prisonnières autochtones, probablement des Beothuks. À l’époque des premières rencontres, certains explorateurs européens capturent des Autochtones et les envoient vers l’Europe pour en faire des esclaves ou pour les exhiber comme des exemples d’espèces vivant dans le Nouveau-Monde « exotique ». La plupart de ces prisonniers meurent en route vers l’Europe ou peu de temps après leur arrivée. Cependant, rien ne confirme que les prisonniers aperçus par Alberto Cantino sont des Beothuks. (Voir aussi Esclavage des Autochtones au Canada.)

Au cours des années 1600, les Beothuks rencontrent des pêcheurs européens qui construisent et travaillent l’été sur des emplacements saisonniers, le long de la côte de Terre-Neuve. Les Beothuks récupèrent et retravaillent les objets métalliques que les pêcheurs européens laissent derrière eux lorsqu’ils repartent en Europe à l’automne (par exemple, des clous, des hameçons et des pièces de fer). Ils les transforment en pointes de flèche, lames et autres outils. Les Beothuks s’approprient donc des objets européens sans devoir participer au réseau commercial traditionnel développé entre la plupart des peuples autochtones et les Européens pendant cette période.

La création de colonies européennes permanentes dans les années 1700 modifie radicalement le mode de vie des Beothuks. Lorsque les Français s’établissent à Placentia, et les Anglais sur la côte, de la baie de Conception à la baie de Bonavista, les Beothuks fuient les Européens et se trouvent de plus en plus isolés. Vers le milieu des années 1700, la colonisation de Terre-Neuve par les Anglais gagne du terrain. Les Beothuks doivent maintenant affronter les trappeurs blancs de fourrure devenus familiers avec l’intérieur de Terre-Neuve. ( Voir aussi Traite des fourrures.) En outre, on leur refuse de plus en plus l’accès aux baies où ils pêchent. Cela crée des tensions, et parfois des conflits, entre les Beothuks et les Européens.

À partir du début du 19e siècle, le nombre des Beothuks diminue puisque ceux-ci sont forcés de vivre le long de la rivière des Exploits. Ils sont réduits à subsister avec les maigres ressources de l’intérieur de l’île et à vivre dans des habitats inadéquats. Certains historiens soutiennent également, que les maladies européennes, notamment la tuberculose peuvent avoir contribué au déclin de leur population. Pendant ce temps, les Beothuks sont déplacés par les Européens ou tués et certains, comme Demasduwit (Demasduit), l’un des derniers Beothuks sont faits prisonniers ou tués.

LE SAVIEZ-VOUS?
En 1827, un explorateur écossais du nom de William Cormack s’empare des crânes de deux Béothuks,le chef Nonosbawsut et son épouse Demasduwit, ainsi que d’autres articles liés à la sépulture, et les envoie à son mentor, Robert Jameson, un professeur d’histoire naturelle à l’Université d’Édimbourg, en Écosse, où ils se retrouvent éventuellement au Musée national d’Écosse.


Dessins béothuks

Extinction

En raison de la colonisation européenne, des altercations et des maladies contre lesquelles les Beothuks n’ont aucune immunité, leur nombre diminue rapidement. La dernière survivante beothuk connue, Shawnadithit, succombe à la tuberculose à St. John’s en juin 1829.

Selon la tradition orale des Mi'kmaq, les Beothuks ne sont pas éteints. Plutôt, ils se sont mariés avec des membres d’autres nations autochtones vivant le long du continent après que les Européens aient maintenu le contrôle serré des zones côtières. Leurs descendants vivent donc dans d’autres communautés autochtones. Certaines personnes suggèrent aussi que les Beothuks se sont mariés avec les Vikings, et pourraient par conséquent avoir des descendants vivant dans certaines parties de l’Islande actuelle. Ces hypothèses ne sont pas très populaires ou répandues, mais elles contredisent l’opinion selon laquelle les Beothuks ont complètement disparu.

Rapatriement des restes de deux Beothuks à rapatrier à Terre-Neuve

En 2015, le chef Mi’sel Joe de la Première Nation Miawpukek à Conne River (Terre-Neuve-et-Labrador), entame le processus de rapatriement des restes de deux Beothuks, le chef Nonosbawsut et son épouse Demasduwit. Joe se rend jusqu’en Écosse pour examiner les restes et faire une cérémonie de foin d’odeur pour le peuple Beothuk, un rituel de purification spirituel censé balayer toute pensée et tout sentiment négatif. En février 2016, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador Dwight Ball écrit officiellement au Musée national d’Écosse, lui demander de renvoyer les restes des Beothuks au Canada. La ministre fédérale du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, envoie une requête similaire en novembre 2017. En janvier 2019, Gordon Rintoul, le directeur du Musée national d’Écosse, annonce qu’il a convenu avec les autorités canadiennes de renvoyer les restes du couple au Canada : « Nous sommes heureux de l’entente que nous avons conclue afin de rapatrier les restes de ces deux personnes Beothuk dans le pays où elles ont vécu et sont enterrées. »

Le chef Mi’sel Joe croit que le rapatriement des restes de Demasduwit et de Nonosbawsut pourrait aider à atténuer l’ « histoire sombre » de Terre-Neuve. En effet, dans le passé, les programmes scolaires de Terre-Neuve ont reproché aux peuples Mi’kmaq d’être responsable de l’extinction des Beothuks — et ceci a conduit à un chapitre de réconciliation pour les peuples autochtones et non-autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador : « Cela fait 200 ans que ces restes ont été volés de la tombe de Terre-Neuve. Il est extrêmement important que cette partie de notre histoire soit enfin résolue. Et il s’agit de quelque chose qui nous appartient à tous, et pas juste aux peuples autochtones... Tous les Terre-Neuviens devraient être extrêmement fiers de ce moment.  »