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Bluenose

Le navire le plus célèbre de l’histoire canadienne, le Bluenose était à la fois un navire de pêche et un bâtiment de course pendant les années 1920 et 1930. Cette goélette de la Nouvelle-Écosse a acquis le statut d’immortalité lorsque son image a été gravée sur le dix sous canadien.

Bluenose

Construit pour la course

Le Bluenose est mis à la mer à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, en 1921. Il est baptisé avec le surnom commun de ceux qui sont nés en Nouvelle-Écosse, employé pour la première fois par T. C. Haliburton.

Le Bluenose est conçu par William J. Roue pour la pêche à la morue sur les Grands Bancs au large de Terre-Neuve à un moment où ce type de travail s’effectue sur le pont des grands voiliers de bois propulsés par le vent. Cette goélette est aussi conçue pour la course en haute mer. C’est la première fois que William Roue, autodidacte, conçoit une goélette de pêche fonctionnelle, au lieu d’une embarcation de plaisance ou d’un bâtiment de course.

La vitesse est essentielle aux deux tâches du Bluenose. Bien entendu, le bâtiment plus rapide gagne la course, mais le navire de pêche plus rapide atteint aussi le port en premier, ce qui garantit à son équipage le meilleur prix pour ses prises.

Victor Cavendish, le gouverneur général du Canada, se rend à Lunenburg pour enfoncer le crampon en or qui marque la fin de la construction du navire. Il brandit le grand marteau en fer sur le crampon, mais manque sa cible (il arrive d’un autre événement où, de toute évidence, il a consommé un peu trop d’alcool). Enfin, quelqu’un d’autre lui donne un coup de main et le crampon est enfin enfoncé.


Reine de l’Atlantique Nord

Commandé par le capitaine Angus J. Walters contre les goélettes étatsuniennes les plus rapides, dont plusieurs viennent de Gloucester, dans le Massachusetts, l’équipage du Bluenose vise la victoire lors de l’International Fishermen’s Race (l’épreuve internationale des pêcheurs). L’événement oppose les pêcheurs professionnels, à bord de leurs goélettes habituelles, en concurrence pour le Fishermen’s Trophy (trophée des pêcheurs).

Angus Walters

Le Bluenose atteint son but et le dépasse même. Il remporte le trophée, emblème du championnat de voile des flottes de pêche de l’Atlantique nord-ouest, en 1921, en 1922 et en 1923. Sa seule défaite est contre la goélette bostonienne Gertrude L. Thebaud lors de la coupe Lipton en 1930, mais il vainc le Thebaud pour obtenir le Fishermen’s Trophy en 1931 et en 1938.

Le Bluenose détient aussi le record de la plus grande prise de poissons ramenée à Lunenburg.

Surnommé la « Reine de l’Atlantique Nord », le Bluenose représente la Nouvelle-Écosse partout dans le monde. Il est présent à l’exposition universelle de Chicago en 1933 et traverse l’Atlantique jusqu’en Angleterre en 1935 pour prendre part au jubilé d’argent du roi George V.

Bluenose Timbre

Tombeau dans la mer des Caraïbes

Malgré sa réputation internationale, le Bluenose arrive à une fin infamante. Avec le déclin de la pêche du poisson salé et le remplacement des goélettes par des navires munis de moteurs sur les Grands Bancs, le Bluenose est vendu en 1942 à la West Indies Trading Company. Le capitaine Walters, le dernier propriétaire néo-écossais du navire, se tient au bord de l’eau à Lunenberg et pleure quand le Bluenose quitte le port pour la dernière fois.

Dans les Caraïbes, le Bluenose transporte du rhum, du sucre, des bananes et des fournitures de guerre aux États-Unis. Le navire l’échappe belle un jour en transportant du carburant aviation et de la dynamite près de La Havane, à Cuba, lorsqu’un U-boot allemand fait surface à côté de lui. Le capitaine du sous-marin demande au capitaine du Bluenose ce qu’il fait. Celui-ci répond qu’il est à la pêche. D’après un témoignage, l’Allemand reconnaît le Bluenose et lui permet de partir.

En transportant du fret en 1946, le Bluenose heurte un récif et coule.

Reproduction homonyme

Vingt ans après que le Bluenose original ait coulé, les gens de son port d’attache de Lunenburg décident de construire une reproduction de cette goélette de renom. La brasserie Oland finance le projet et utilise le navire pour faire la publicité de sa bière.

Le Bluenose II est construit dans le même chantier naval à Lunenburg que l’original, le Smith and Rhuland. Les constructeurs utilisent les plans originaux de William J. Roue, avec quelques modifications mineures. Lors d’un événement plein de nostalgie pour l’âge d’or révolu de la voile, la nouvelle goélette est mise à la mer en 1963. Le capitaine Walters est à bord lors de ce premier voyage.

Bluenose II

En 1971, le Bluenose II est offert en cadeau à la province de la Nouvelle-Écosse. Il entame alors le rôle d’ambassadeur nautique de cette province, voyageant de façon régulière pour représenter la province et offrant des croisières de jour aux touristes depuis son port d’attache à Lunenburg.

Deuxième reconstruction

En 2009, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse décide de restaurer le vieux ­Bluenose II, qui a alors 50 ans. Le navire présente un arc exagéré, qui se produit lorsque la coque se courbe en raison de la pression exercée depuis le dessous par l’eau et de la force descendante de la gravité.

En 2010, beaucoup de personnes sont surprises d’apprendre qu’il s’agit moins d’un projet de restauration que d’une reconstruction presque complète d’un tout nouveau navire pour ainsi dire. Presque la totalité de la goélette Bluenose II est passée dans un broyeur et jetée dans un site d’enfouissement. Les seules parties conservées sont le gouvernail, le boute-dehors et une partie de la proue. Le Lunenburg Shipyard Alliance, le groupe chargé des travaux, maintient que cela qualifie toujours l’opération de reconstruction, et non pas de la construction d’un tout nouveau navire.

Après de longs retards, les travaux ayant pris des années de plus que prévu et ayant dépassé de plusieurs millions de dollars le budget, le Bluenose II reconstruit est mis à la mer dans le port de Lunenburg au printemps 2015. Ce nouvel ambassadeur nautique de la province, un rappel de l’icône original, reprend son rôle en juin 2015.

Héritage

En 1937, le profil sculpté du Bluenose, de l’artiste Emanuel Hahn, est frappé sur le dix sous canadien. Le navire décore encore aujourd’hui cette pièce de monnaie.

Le saviez-vous ?
Le Bluenose et le capitaine Angus J. Walters sont intronisés au Panthéon des sports canadiens en 1955. Le Bluenose est ainsi devenu le premier non humain à recevoir un tel honneur.


Plusieurs décennies plus tard, en 1978, le Bluenose est de nouveau immortalisé dans une chanson portant son nom, par le musicien folklorique légendaire Stan Rogers.

En 2021, la Monnaie royale canadienne et Postes Canada ont émis des pièces et des timbres commémoratifs pour marquer le 100e anniversaire du lancement du Bluenose. La Monnaie royale canadienne a émis les toutes premières pièces de dix cents colorées du Canada, conçues par l’artiste néo-écossais Yves Bérubé. Ces pièces commémoratives portent la double date « 1921-2021 ». Entre-temps, Postes Canada a émis une nouvelle paire de timbres se-tenant pour marquer le 100e anniversaire du lancement de la goélette. Ces timbres sont illustrés par l’artiste Michael Little, qui s’est inspiré des peintures de William E. de Garthe.