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John Hamilton Bush

John Hamilton Bush, dit « Jack », artiste peintre (né le 20 mars 1909 à Toronto, en Ontario; décédé le 24 janvier 1977 à Toronto).
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Jack Bush, 1975, acrylique sur toile (avec la permission de la Woltjen-Udell Gallery).
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Jack Bush, 1968, polymère acrylique sur toile (avec la permission du Musée des beaux-arts du Canada).

John Hamilton Bush, dit « Jack », artiste peintre (né le 20 mars 1909 à Toronto, en Ontario; décédé le 24 janvier 1977 à Toronto). Membre fondateur du Groupe des onze, il est l’objet de grandes rétrospectives au Musée des beaux-arts de l’Ontario (1976) et au Musée des beaux-arts du Canada (2014). Jack Bush a été l’un des premiers artistes influents au Canada et l’un des rares Canadiens de sa génération à connaître une brillante carrière au niveau international.

Jeunesse et début de carrière

Jack Bush passe son enfance à London, en Ontario, et à Montréal, au Québec. Il travaille d’abord comme graphiste dans l’entreprise montréalaise de son père, Rapid Electro Type Company. En 1928, il va travailler au bureau torontois de la Rapid Grip Company, et c’est là que son intérêt pour les beaux-arts et le graphisme se renforce, au contact du Groupe des sept. Tout au long des années 1930, il continue de s’intéresser aux beaux-arts en peignant et en suivant des cours du soir à l’École des beaux-arts de l’Ontario (l’actuelle Université de l’École d’art et de design de l’Ontario) avec Frederick Challener, John Alfsen et Charles Comfort. Il continuera d'exercer sa profession de graphiste jusqu’à sa retraite en 1968, comme associé avec Leslie Wookey et William Winter à partir de 1942.

Pendant 20 ans, Jack Bush s’avère un paysagiste et un portraitiste convaincu, à la manière des peintres de l’Ontario Society of Artists et du Canadian Group of Painters, qui succède au Groupe des sept en 1933. Au cours de cette période, il développe un style personnel enraciné dans l’art canadien et une facture bien à lui qu’il conservera jusqu’à sa mort. Cette facture s’observe plus facilement qu’elle ne se décrit. Dans ses premières peintures, elle apparaît parfois comme des formations dynamiques de nuages et des groupes de personnes qui envahissent ou flottent dans beaucoup de ses tableaux. Le mouvement surgissant d’un ou de plusieurs coins vers le centre du plan pictural et l’agencement dynamique des parties deviennent ses motifs préférés.

Art international et passage à l’abstraction

Dans les années 1950, comme beaucoup de ses contemporains plus jeunes, Bush n’apprécie pas le désintérêt du Canada envers l’art contemporain international. Jetant un regard rétrospectif en 1967, il déclare que « le désir d’avoir un art national qui montrerait au monde combien les Canadiens sont grands n’est jamais devenu réalité. Je pense qu’il faudra encore un demi-siècle pour apprendre que ce n’est pas la bonne façon de décoller. » Son insatisfaction l’amène, en 1953, à fonder le Groupe des onze avec plusieurs artistes torontois plus jeunes.

À l’instar des autres membres du Groupe, Bush se lance dans la peinture abstraite inspirée par la nature. Pour ce faire, il s’appuie sur des illustrations publiées dans des magazines étrangers et sur sa propre expérience de graphiste. Tout comme Tom Thomson et le Groupe des sept, il « applique » des motifs contemporains à la peinture sérieuse, se rapprochant toutefois davantage du cubisme que de l’art nouveau.

Bush serait peut-être resté un moderniste provincial s’il n’était entré en contact avec la nouvelle tendance artistique du New York de la fin des années 1950 par l’intermédiaire d’un jeune peintre canadien installé dans cette ville, William Ronald. Il développe aussi par la suite une profonde amitié avec l’éminent critique américain Clement Greenberg.

Greenberg rencontre Jack Bush à Toronto en 1957 au cours d’une visite aux ateliers de plusieurs membres du Groupe des onze. À l’époque, il n’est pas impressionné par les peintures à l’huile de Bush, mais il admire la simplicité de ses aquarelles et l’encourage à poursuivre dans cette voie sur toile. Bush répond par de grands tableaux au coup de pinceau léger qui sont des versions agrandies de sa facture si personnelle. Il poursuit sa démarche artistique sans jamais revenir en arrière.

De 1958 à 1966, Jack Bush utilise la peinture à l’huile pour réaliser des lavis sur des toiles encollées (processus par lequel on scelle la surface de la toile) avec de la colle au baquet mais sans apprêt au gesso. Cette application crée un peu l’effet d’une peinture acrylique imprégnée sur toile brute, une méthode d’application courante à l'époque. Alors que la peinture à l’huile diluée a tendance à être moins brillante que l’acrylique teintée, Bush applique ses couleurs, habituellement au pinceau, d’une façon floue et désinvolte qui donne vie et chaleur à ses tableaux des séries Thrust et Sash.

En 1966, il passe aux acryliques à l’eau, un peu tardivement mais pour la même raison que les autres peintres abstraits, qui travaillent sur de grandes toiles avec des matériaux à base de solvants dangereux dont ils prennent peu à peu conscience des risques. (Le peintre américain Morris Louis meurt d’un cancer des poumons en 1962, et son ami Kenneth Noland décrit son atelier comme « une fournaise de térébenthine ».) Jack Bush passe rapidement et facilement au nouveau médium, apparemment sans problème, peut-être grâce à son expérience de la gouache et de l’aquarelle. L’acrylique à l’eau donne une couleur plus brillante qui compense sa surface plus lisse. À partir des années 1960, il commence à expérimenter différentes applications de la peinture pour égayer l’arrière-plan de ses toiles et retrouver un peu de sa touche originale, et il impose une variété croissante de formes sur ces surfaces.

Fin de carrière et héritage

Si les années 1960 se caractérisent par des couleurs de plus en plus variées et par de nombreuses inventions où l’on retrouve les superpositions et les franges de bandes de couleurs, au cours des années 1970 on assiste à la naissance d’une extraordinaire variété de formats et de compositions où dominent des boucles de couleur, des totems, des motifs musicaux et des « mouchoirs ».

Ses antécédents de graphiste expliquent peut-être que Jack Bush travaille souvent sur papier en y faisant des essais de couleurs pour de grands tableaux, des croquis pour sérigraphies et des œuvres finales. Ses gouaches comptent parmi ses chefs-d’œuvre. Contrairement à l’aquarelle, la gouache utilise une couleur opaque pour les zones claires et pour les reflets, tandis que l’aquarelle utilise la surface du papier pour les zones blanches et les lavis transparents pour les nuances. Les gouaches de Bush sont lourdes et opaques. Elles se composent de couleurs pastel sèches et chaudes avec de fortes additions de blanc. Elles figurent parmi les plus grandes œuvres sur papier des années 1960 et 1970, rivalisant avec les collages de Robert Motherwell et les peintures sur papier d’Helen Frankenthaler.

Bush exprime son art par la couleur sous forme de motifs abstraits qui gardent cependant un lien étonnamment naïf avec le monde visible. Il tire ces motifs de sources des plus surprenantes : papier d’emballage cadeau, drapeaux nationaux, éclaboussures de peinture, vitrines publicitaires, cravates, signaux routiers, fleurs et jardins, totems, partitions musicales, mouchoirs. Il parle de la composition comme d’une mise en page. Alors que ce terme désigne normalement l’agencement d'une page imprimée, Bush l’applique à ses tableaux, qui se caractérisent par l’insertion excentrique de formes graphiques. Ces formes dynamiques s’intègrent souvent maladroitement dans le cadre rectangulaire des tableaux et donnent l'impression d’une mauvaise conception.

Malgré les années d’expérience de Bush comme graphiste, ses peintures abstraites ne paraissent jamais soignées et faciles. La résistance que suscite le côté apparemment maladroit de son art explique qu’il ait eu de la difficulté à faire accepter ses œuvres. Dans un milieu artistique pour qui une œuvre difficile est automatiquement laide ou terne, les tableaux de Bush apparaissent comme de jolis tableaux qui ont mal tourné, apparemment faciles à corriger mais que les améliorations ne peuvent sauver. Leur instabilité et la complexité de leurs couleurs confondent les attentes et en faussent la compréhension et l’analyse. S’y ajoute le fait que Bush est une personne sans prétention qui, tout comme son art, est dépourvue d’ironie et de fourberie.

Jack Bush est avant tout un magnifique coloriste. Il est, avec l’Américain Kenneth Noland, un des grands maîtres de la couleur expressive depuis Matisse et, tout comme Noland et Hans Hofmann, il est capable d’utiliser la couleur pour construire une structure. Cependant, contrairement à d’autres coloristes, il n’utilise une couleur qu’une seule fois dans un tableau, et leur prolifération donne à ses œuvres une exubérance qui éblouit le regard.

Comme Matisse (dont il admire le travail), Bush transforme en grand art les relations intuitives entre dessin, traitement de la surface et couleur tout en comprenant, d’instinct semble-t-il, que la finition d’un tableau en mine souvent l’expression, qui est par contre plus vivante dans son état apparemment inachevé et incomplet. À une époque qui valorise la géométrie rigide, la symétrie et la finition quasi mécanique, les peintures de Bush apparaissent toujours faites à la main et sous l’inspiration ouvertement admise et reconnaissante de Matisse. Leur beauté est désarmante.

Il faudra attendre les années 1960 pour que Bush se fasse accepter peu à peu au Canada et à l’étranger. En 1964, ses œuvres sont présentées d’abord à l’exposition marquante de peintres abstraits postpicturaux (Post-Painterly Abstration Exhibition) orchestrée par Clement Greenberg pour le Los Angeles County Museum of Art, qui sera ensuite présentée à Minneapolis et à Toronto. En 1967, il représente le Canada, avec Jacques Hurtubise, à la Biennale de São Paolo. D’importants musées canadiens et étrangers acquièrent ses œuvres, dont le Boston Museum of Fine Arts et la Tate Gallery de Londres. En 1976, le Musée des beaux-arts de l'Ontario organise une exposition rétrospective des œuvres abstraites de sa période de maturité, qui fait le tour des principaux musées canadiens. L’Office national du film a d’ailleurs produit un remarquable film documentaire à partir de cette exposition. Jack Bush meurt le 24 janvier 1997, peu après avoir assisté à l’ouverture de sa rétrospective à la Edmonton Art Gallery (l’actuelle Art Gallery of Alberta). En novembre 2014, une grande rétrospective de son œuvre a été présentée au Musée des beaux-arts du Canada.

Malgré sa renommée internationale, Jack Bush est resté profondément Canadien. Grâce peut-être à sa percée tardive, il a gardé un manque d’assurance et une humilité qui le mettent à part de nombre d’artistes de sa génération. Il s’est toujours consacré à l’art canadien et aux artistes canadiens, surtout ceux de deux générations ses cadets. Son atelier est resté ouvert aux artistes, même après 1969, alors que l’angine limitait progressivement ses activités.

Comment définir sa « canadianité »? Peut-être est-elle présente dans la gaucherie de ses peintures. Bush lui-même ressemble à un personnage de Morley Callaghan, au parler simple en apparence mais à l’intérieur complexe, et sa façon de peindre est l’expression visuelle de la prose très « canadienne » de Callaghan : terre à terre, sans fioritures, à gros grains, et ce, pour le mieux.

Bush garde aussi jusqu’à la fin quelque chose qui rappelle sa formation avec le Groupe des sept, peut-être parce qu’il est resté un peintre un peu vieux jeu. Plutôt que de peindre des arbres noueux battus par les vents, il a choisi de créer des formes défaites et exubérantes sur fonds peints à grands traits.

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