Le Canada gère des camps de prisonniers pour civils internés durant les Première et Deuxième Guerres mondiales, ainsi que pour 34 000 prisonniers de guerre allemands au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Les camps de prisonniers de guerre à Lethbridge et Medicine Hat, en Alberta, sont les plus grands qu’ait connus l’Amérique du Nord.
Camps pour civils
Première Guerre mondiale
Le premier camp pour civils internés durant la Première Guerre mondiale ouvre le 18 août 1914. Dans les décennies précédentes, de nombreux immigrants étaient venus au Canada en quête de terres et de liberté et dans le but d’échapper au service militaire. Après le déclenchement de la guerre, de nombreux civils ayant des liens avec l’Allemagne, la Turquie et l’Empire austro-hongrois (y compris l’Ukraine et d’autres parties de l’Europe centrale) sont arrêtés et désignés comme des menaces possibles à la sécurité canadienne. Les hommes d’âge militaire sont souvent envoyés dans des camps de travail dans les Prairies, ou dans des sites d’internement tels que Fort Henry, à Kingston, en Ontario.
Le plus grand camp dans l’Ouest est situé en Alberta– en été, à la base de Castle Mountain, et en hiver à Banff, en Alberta. Un site semblable mais plus petitest situé à Jasper, en Alberta. Pour 25 cents par jour, les internés de ces camps des montagnes Rocheuses travaillent à l’amélioration des installations des parcs nationaux ou au débroussaillement dans le but de prévenir les incendies causés par des étincelles de locomotive à vapeur le long de la voie ferrée. Des camps de plus petite taille sont situés en Colombie-Britannique et en Ontario. Dans deux autres camps, l’un à Vernon, en Colombie-Britannique, et l’autre à Spirit Lake, au Québec, plusieurs dizaines de familles sont internées. Bien que les femmes et les enfants ne soient pas directement internés, bien souvent ils n’ont d’autre choix que d’accompagner les maris et les pères qui y sont détenus. Cependant, on ne s’attend pas à ce qu’ils travaillent.
Parmi les 8 579 hommes répartis dans 24 camps au Canada, 5 954 sont d’origine austro-hongroise, y compris 5 000 Ukrainiens; 2 009 sont allemands, 205 sont turcs et 99 sont bulgares. À la fin de 1917, la plupart des camps pour civils sont fermés, principalement en raison de la pénurie de travailleurs au Canada. Une grande partie de la main-d’œuvre masculine du pays servant dans l’armée, le pays a grand besoin d’hommes pour travailler dans l’industrie et l’agriculture (voir aussi Internement).
Deuxième Guerre mondiale
À partir du milieu des années 1930, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) met sous surveillance de nombreux civils considérés comme « suspects ». Après le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale en 1939, la Loi sur les mesures de guerre est adoptée, et plusieurs milliers de civils sont internés dans des camps au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario et en Alberta. Parmi ceux-ci, on dénombre des Allemands et des Italiens soupçonnés de se livrer à des activités d’espionnage et de subversion ou de sympathiser avec les fascistes.
Le premier camp ouvre le 29 septembre 1939 dans la région de Kananaskis en Alberta, au pied du mont Barrier. Trois établissements seront finalement construits à Kananaskis, dont un pour les objecteurs de conscience – les Canadiens qui ont refusé les ordres du gouvernement de prendre part à l’effort la guerre – près de la centrale Seebe à la jonction des rivières Bow et Kananaskis.
Alors qu’en 1940 les forces allemandes avancent rapidement en Europe occidentale, des milliers de civils cherchent refuge en Grande-Bretagne. Préoccupé par sa propre survie, le gouvernement britannique passe à la loupe les réfugiés de même que les résidents britanniques dans l’objectif de protéger la Grande-Bretagne contre les saboteurs. Certaines de ces personnes sont envoyées au Canada dans le but de les interner dans un camp pour civils à Ripples, au Nouveau-Brunswick, près de Fredericton. En 1942, Ripples reçoit d’autres civils de sexe masculin en provenance du camp de Kananaskis-Seebe en Alberta.
Plus de 20 000 Canadiens d’origine japonaise – dont des familles entières – sont également internés pendant la guerre ou expulsés de leurs maisons sur la côte du Pacifique et logés dans des campements rudimentaires dans les zones les plus isolées, où leur liberté d’action est limitée (voir aussi Internement des Japonais).
Camps militaires
Deuxième Guerre mondiale
En 1942, après une victoire alliée face aux forces allemandes en Afrique du Nord, 10 000 prisonniers de guerre allemands sont envoyés de la ville égyptienne du Caire à New York, avant d’être transférés à la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique et déplacés vers le camp Ozada dans les plaines de l’Alberta. Les prisonniers sont d’abord hébergés temporairement sous des toiles jusqu’à la construction de deux camps de plus grande envergure à Lethbridge et Medicine Hat. Ces deux camps finissent par loger 12 500 prisonniers chacun.
Conformément à la Convention de Genève, tous les prisonniers de guerre sont protégés par la loi et disposent de provisions et de logements adéquats. Les Canadiens vivant à proximité des camps doivent toutefois composer avec le rationnement de la nourriture à cause de la guerre et croient que les prisonniers de guerre reçoivent une nourriture de meilleure qualité qu’eux-mêmes. En réalité, les membres de la Garde territoriale des anciens combattants ainsi que les soldats de l’Armée canadienne qui plus tard viennent garder les camps ont droit aux mêmes provisions, mais expliquent que les prisonniers de guerre ont de meilleurs cuisiniers et plus de temps pour préparer les repas.
La Garde territoriale des anciens combattants est composée principalement d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale jugés trop âgés pour servir à l’étranger pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les gardes du camp ne sont armés que de carabines, plutôt que de mitrailleuses. Ils servent non seulement dans les camps de prisonniers de guerre, mais aussi partout au pays dans diverses installations et usines militaires qui sont jugées essentielles à l’effort de guerre.
Évasion
La plupart des prisonniers sont beaucoup plus jeunes et en meilleure condition physique que leurs gardes. Certains tentent de s’échapper, et ces évasions sont souvent perçues comme un« jeu »pour combattre l’ennui. Quelques prisonniers réussissent à prendre la clé des champs pendant un moment. Tous sont ensuite capturés. Tous, sauf un.
En janvier 1941, le prisonnier de guerre Franz von Werra – un célèbre pilote de chasse allemand capturé par les Britanniques en 1940 – saute d’un train qui le transporte avec d’autres prisonniers de guerre en Ontario. Franz von Werra traverse le fleuve Saint-Laurent jusqu’à l’État de New York et parvient à revenir en Allemagne en passant par le Mexique et l’Amérique du Sud. À son retour, il est personnellement décoré par Adolf Hitler. Il rejoint la Luftwaffe et meurt en octobre 1941, lorsque son avion s’écrase en mer du Nord, au large des Pays-Bas.
Meurtres
Les nazis endurcis parmi les prisonniers de guerre sont généralement séparés de la population générale des camps et envoyés au camp de Medicine Hat. En 1943 et 1944, deux prisonniers de guerre sont assassinés par des codétenus sur les ordres de « leaders » nazis à l’intérieur du camp. Les enquêtes menées par la GRC finissent par mener à l’arrestation de plusieurs prisonniers allemands, qui sont ensuite transférés dans des camps de bûcherons du nord de l’Ontario. Six prisonniers sont renvoyés à Medicine Hat pour leur procès dans un tribunal civil. Cinq d’entre eux sont pendus à la prison provinciale de Lethbridge en 1946.
Au moins 137 combattants faits prisonniers meurent en détention au Canada entre 1939 et 1946, nombre qui comprend les cinq qui sont pendus. La plupart des décès sont attribuables à descauses naturelles telles que le cancer. Un certain nombre de prisonniers meurent toutefois dans des circonstances nébuleuses dans les camps forestiers d’Ontario, selon les sources officielles écrasés sous le poids d’arbres abattus. En 1971, à la demande du Service pour l’entretien des sépultures militaires allemandes (SESMA), toutes les dépouilles des prisonniers de guerre morts au Canada sont transférées à la Section des sépultures de guerre allemandes dans un cimetière à Kitchener, en Ontario. Suivant un rituel empreint de respect, deux dépouilles sont enterrées dans une même tombe avec une pierre tombale de granit convenable. Le site est choisi parce qu’il est considéré comme facilement accessible aux familles allemandes qui pourraient vouloir venir d’Europe pour visiter les tombes de leurs proches. Kitchener se distingue également par son importante population de descendance allemande.
Retour au Canada
Plus de 34 000 soldats allemands sont fait prisonniers et détenus au Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Les camps de Medicine Hat et de Lethbridge sont les plus importants en Amérique du Nord, dépassant largement le camp le plus populeux aux États-Unis, qui à titre comparatif compte 15 000 prisonniers de guerre.
Tous les soldats faits prisonniers sont détenus au Canada sous la supervision du gouvernement britannique. Après la guerre, la plupart sont renvoyés dans une Allemagne alors divisée. Cependant, au fil des ans plusieurs d’entre eux immigrent au Canada, déterminés à montrer à leurs familles à quel point ils ont été bien traités par les Canadiens alors qu’ils étaient loin de chez eux.
Camps canadiens
Première Guerre mondiale
Province |
Nombre de camps |
Nouvelle-Écosse |
2 |
Québec |
4 |
Ontario |
6 |
Manitoba |
2 |
Alberta |
4 |
Colombie-Britannique |
6 |
Deuxième Guerre mondiale
Province |
Nombre de camps |
Ontario |
10 |
Nouveau-Brunswick |
1 |
Québec |
10 |
Alberta |
4 |