Colonialisme au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Colonialisme au Canada

Le colonialisme est le processus par lequel un peuple étranger établit son contrôle sur un territoire et, le cas échéant, sur ses peuples autochtones. Le contrôle est établi par divers moyens, notamment par une législation politique ou économique visant les peuples autochtones ou leurs terres, par la colonisation et par l’assimilation des peuples autochtones à la culture du colonisateur. Si le colonialisme, sous diverses formes, est un trait marquant de l’histoire de nombreux pays, le colonialisme au Canada commence véritablement par la colonisation française à Québec en 1608. Quant à l’histoire de la seconde puissance coloniale à influencer le Canada, les Britanniques, elle commence en 1670 lorsque la Couronne délivre une charte royale à la Compagnie de la Baie d’Hudson.

Colonialisme français Canada

L’activité coloniale française au Canada commence dès le XVIe siècle. Jacques Cartier plante une croix à Gaspé, au Québec en 1534, revendiquant la terre au nom du roi de France. Ce n’est toutefois qu’en 1608, lorsque Samuel de Champlain fonde Québec, que la France établit une présence permanente à long terme. Une première tentative de colonisation à Port Royal en 1605 échoue en 1607 (voir lieu historique national de Port-Royal). Dans les années suivantes, les Français instaurent un environnement colonial de diverses façons, notamment par l’immigration, par l’arpentage des seigneuries pour la colonisation française, par la mise en application du droit civil français, par l’établissement de l’Église catholique et par la mise en œuvre de politiques et de pratiques visant les peuples autochtones. La fondation de la Nouvelle-France repose sur la Doctrine de la découverte et sur la notion de terra nullius.

Jacques Cartier

Des sociétés de commerce de toute la France se chargent de l’administration coloniale naissante en Nouvelle‑France. Ces sociétés visent à peupler le territoire revendiqué par la France à des fins économiques. À cette époque, des ordres catholiques mettent sur pieds des missions pour convertir les peuples autochtones, comme la mission Sainte-Marie-des-Hurons.

Les sociétés de commerce n’ayant pas réussi à maintenir la colonie, le roi de France fait de la Nouvelle-France une province de la France et le gouvernement français en prend le contrôle administratif dès 1663. Le contrôle accru du gouvernement français se manifeste entre autres par le déploiement du régiment de Carignan-Salières. Ce régiment impose la volonté du roi de France sur le territoire, notamment par la migration de quelque 800 jeunes femmes de France pour augmenter la population française de la colonie et assurer sa propre perpétuation (voir Filles du roi).

Les dirigeants français cherchent à créer une population homogène. Comme le mentionne l’un d’eux, « nous souhaitons ne faire qu’un seul peuple sur tout le territoire ». Croyant que les peuples autochtones se « civiliseraient » s’ils se convertissaient au catholicisme, la France souhaite également un rapprochement entre les peuples autochtones et les colons français. Les politiques françaises du XVIIe siècle visent l’assimilation, c’est-à‑dire l’incorporation des peuples autochtones dans la colonie par la conversion, l’éducation et le mariage mixte. Cela mène les Récollets, un ordre religieux français, à ouvrir en 1620 un pensionnat pour les enfants autochtones. D’autres ordres catholiques emboîtent le pas. Les administrateurs scolaires espèrent que les enfants autochtones, une fois sortis de ces établissements, agiront comme des agents coloniaux dans leurs collectivités. Les séminaires et pensionnats de la Nouvelle-France du XVIIe siècle sont un prélude à la mise en place britanno-canadienne du réseau de pensionnats indiens. La Nouvelle-France crée également des réserves ou des colonies missionnaires pour les peuples autochtones (voir aussi Missions et missionnaires). Par exemple, les colonies de Sillery, d’Odanak, de Bécancour, d’Akwesasne, de Kanesatake et de Kahnawake sont censées enseigner les valeurs chrétiennes et la culture française aux peuples autochtones. Les administrateurs français croient en général que le renforcement de la colonie passe par l’assimilation.

Colonialisme britannique au Canada

Le colonialisme britannique au Canada commence en 1670. À l’époque, la Couronne délivre une charte royale à la Compagnie de la Baie d’Hudson, lui accordant des droits légaux et commerciaux sur toutes les terres qui se déversent dans la baie d’Hudson. Ce vaste territoire, connu sous le nom de Terre de Rupert, comprend des parties du Québec, de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Nunavut tels que nous les connaissons aujourd’hui.

La Grande-Bretagne commence à occuper les forts français à l’intérieur des terres avec la prise de Québec et de Montréal en 1760. Après la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne prend le contrôle des revendications françaises sur l’Amérique du Nord grâce au traité de Paris (1763). La même année, le roi George III émet la Proclamation royale de 1763. En plus de jeter les bases de la gouvernance des territoires de l’Amérique du Nord, cette proclamation reconnaît le droit de chasse des peuples autochtones sur les terres non cédées à la Couronne et réserve à ces peuples des terres situées en dehors des frontières des colonies britanniques. En tant que souverain du territoire, toutefois, le roi revendique la « souveraineté » suprême sur toute la région. La proclamation protège également les terres autochtones contre l’achat par les colons, exigeant qu’elles soient d’abord vendues ou cédées à la Couronne.

Après 1783, avec l’afflux de milliers de réfugiés loyalistes, le Canada britannique continue d’élaborer des politiques coloniales en créant le Nouveau-Brunswick en 1784 et Haut-Canada en 1791. En Nouvelle-Écosse, par exemple, un haut fonctionnaire britannique affirme que les Premières Nations sont une « race sans défense ». Ce sentiment joue un rôle dans l’élaboration de l’Act to Provide for the Instruction and Permanent Settlement of the Indians (acte visant à pourvoir à l’instruction et à l’établissement permanent des Indiens) en 1842. L’acte traite de l’éducation des Autochtones, de l’aide aux pauvres, de l’agriculture, de l’établissement permanent et de l’arpentage pour la protection et la vente des terres indiennes. Les lois adoptées par les colonies servent également à restreindre et à réduire les populations des Premières Nations. Par exemple, le Nouveau-Brunswick a adopté en 1844 l’Act to regulate the Management and Disposal of the Indian Reserves in this Province (acte pour régir l’administration et la disposition des réserves indiennes en cette province). Cet acte entraîne une perte massive de terres en 1844. D’autres colonies cherchent également à contrôler les terres encore aux mains des autochtones.

Dans le Haut-Canada, les politiques consistent à signer des traités pour accéder aux terres en vue de la colonisation ou de l’exploitation des ressources, tout en créant des réserves. Les premiers traités prévoyant la création de réserves dans le Haut-Canada sont signés dans les années 1850 (voir Réserves en Ontario). En 1850, le Bas-Canada adopte l’Act for the better protection of the Lands and Property of the Indians in Lower Canada (acte pour mieux protéger les terres et les propriétés de sauvages dans le Bas-Canada). Cet acte est adopté lorsque le Bas-Canada crée des réserves indiennes dans la vallée de l’Outaouais, comme Kitigan Zibi (voir aussi Réserves au Québec). Ce processus évince les Premières Nations de leurs terres, les installe dans une collectivité permanente et ouvre les terres « libres » aux bûcherons canadiens-français. Cet acte définit également pour la première fois le terme indien dans les lois des Canadas. Peu après, en 1857, le Haut-Canada promulgue l’Acte pour encourager la civilisation graduelle qui contribue également à la définition du terme indien. L’Acte pour encourager la civilisation graduelle vise à assimiler les peuples autochtones en favorisant l’émancipation, la christianisation et l’acceptation des idéaux européens de propriété foncière privée et d’accumulation de richesses. Les peuples autochtones qui n’ont pas de dettes et qui sont considérés comme étant instruits, et que le gouvernement colonial considère comme étant dotés « de bonnes mœurs », peuvent demander une concession de terre au gouvernement. L’acte témoigne de l’approche sous-jacente des politiques coloniales visant à décourager les peuples autochtones de manifester et de conserver leurs pratiques sociales et culturelles, leur identité et leurs idéaux, tout en accordant aux colons l’accès aux terres et aux ressources aux dépens des peuples autochtones.

À la fin des années 1700, les ordres religieux redoublent d’efforts pour assimiler les enfants autochtones par le biais d’externats et d’internats (voir aussi Externats indiens en Canada; Pensionnats indiens au Canada). Ces efforts d’assimilation se poursuivent et finissent par établir la base du système des pensionnats indiens du Canada qui s’étend depuis les années 1830 jusqu’en 1996. Ces pensionnats indiens ont pour but d’assimiler les enfants autochtones en leur imposant une éducation chrétienne, tout en les soustrayant aux influences des réserves. Les diplômés sont censés se fondre dans la société dominante ou retourner dans leur collectivité pour y jouer un rôle de précurseur du changement.

Effets du colonialisme sur les peuples autochtones

Loi sur les Indiens

À la création du Dominion du Canada en 1867, de nombreuses politiques, comme les pensionnats indiens, demeurent. D’autres politiques définies par le gouvernement du Canada s’apparentent à celles adoptées par la Couronne britannique et ses colonies. La Loi sur les Indiens de 1876 renforce et légitimise la domination sur les terres et les peuples autochtones. Elle permet à la Couronne de contrôler presque tous les aspects de la vie des peuples autochtones et contribue à l’assimilation et à l’isolement de ces derniers par des systèmes tels que les pensionnats indiens et les interdictions concernant les cérémonies, comme l’interdiction du potlatch.

Le saviez-vous?
Selon une étude menée en 2007 par le Sénat canadien, l’aliénation des terres est à l’origine de la marginalisation économique des peuples autochtones, ce qui contribue également au manque de sécurité alimentaire et d’éducation, aux taux élevés de pauvreté, de chômage, de logements insalubres, d’itinérance et de migration des collectivités d’origine.


Quelle que soit leur intention, les traités réduisent la propriété foncière des Autochtones au profit de l’état, de ses colons et de ses sociétés. Le gouvernement crée un système de réserves qui, combiné au racisme et aux politiques indiennes, mène à la pauvreté, à la maladie, à la violence et à d’autres formes de dysfonctionnement individuel, familial et sociétal. De plus, l’extraction des ressources entraîne la contamination du sol et de l’eau, ce qui érode davantage la souveraineté des Autochtones, leur culture et leur droit à l’autodétermination.