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Commission royale d’enquête sur les droits civils

La Commission royale d’enquête sur les droits civils est une enquête sur la situation des droits civils en Ontario. Elle est commandée par le gouvernement de l’Ontario en 1964 et s’achève en 1971. Présidée par le juge James Chalmers McRuer, elle est également connue sous le nom de Commission McRuer de 1971. Son rapport final compte 2 281 pages et propose 976 réformes juridiques. L’enquête a une grande influence. Elle favorise les notions de justice, d’accessibilité et d’équité au sein du système de justice. Elle est également à l’origine, dans d’autres branches du gouvernement, de réformes visant à protéger ces principes. Elle est en outre un important précurseur de la Charte canadienne des droits et libertés.

Contexte

Dans les années 1960, les gouvernements du Canada en sont encore à mettre au point les lois sur les droits de la personne. En 1948, le Canada signe la Déclaration universelle des droits de l’homme qui exige des États qu’ils acceptent les principes fondamentaux de l’équité, tels que l’égalité devant la loi et le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Diverses lois nationales anti-discrimination entrent alors en vigueur, notamment la Déclaration canadienne des droits de 1960 et le Code des droits de la personne de l’Ontario de 1962. Cependant, les mécanismes de mise en application demeurent faibles. Certains avocats se plaignent de la trop grande vulnérabilité des libertés civiles individuelles.

La Commission royale d’enquête sur les droits civils est créée à la suite d’une brève tempête politique invoquant le manque de clarté des droits individuels. Peu après sa réélection en septembre 1963, le premier ministre de l’Ontario John Robarts et son procureur général Fred Cass proposent de sévir contre le crime organisé. Leur projet de modification de la loi sur la police permet aux agents d’exécution de la loi d’arrêter et d’emprisonner toute personne soupçonnée de détenir des informations ou des éléments de preuve liés à un crime. Cette proposition suscite un mécontentement général. Pour limiter les dégâts sur le plan politique, le premier ministre remplace le procureur général. Il crée également la Commission royale d’enquête sur les droits civils qui vise principalement à clarifier l’étendue des droits des individus par rapport à ceux de l’État.

La Commission

Le premier ministre John Robarts nomme James Chalmers McRuer à la tête de l’enquête. Ce dernier, juge en chef à la Cour suprême de l’Ontario depuis 1945, démissionne de son poste pour se consacrer à temps plein à cette commission ainsi qu’à une autre enquête sur la réforme judiciaire.

La Commission a pour principal objectif de veiller à ce que les principes des nouvelles lois canadiennes sur les droits de la personne soient réellement mis en œuvre. Pour définir les pratiques exemplaires, James Chalmers McRuer et les commissaires sollicitent les témoignages de quelque 7 000 personnes et organisations au Canada. Ils se rendent également en Grande-Bretagne, au Danemark, en Suède, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Ils publient la première partie du rapport en 1968, et le reste à la fin de 1971.

De façon générale, le rapport cherche à rendre le gouvernement canadien plus rationnel et plus équitable. Il préconise :

  • la clarification de la structure et des règles de fonctionnement des cours et des tribunaux administratifs;
  • l’amélioration de la clarté du libellé législatif;
  • le lancement de programmes de formation pour les juges;
  • la nomination des juges sans discrimination à l’égard des femmes, les compétences étant « le seul critère de nomination »;
  • la normalisation des processus judiciaires;
  • un meilleur accès à la justice;
  • l’examen judiciaire proactif des projets de loi pour s’assurer qu’ils respectent les normes en matière de droits de la personne.

Importance

La Commission royale d’enquête sur les droits civils influence plusieurs réformes législatives en Ontario et ailleurs. Au Québec, une commission parallèle sur la réforme de la justice pénale dirigée par l’ancien ministre des Affaires municipales Yves Prévost a un effet comparable. Ces réformes contribuent à un changement culturel qui amène les législateurs et les fonctionnaires à respecter davantage les lois sur les droits de la personne. Avant ces rapports, comme le soulève le sociologue Dominique Clément, les juges canadiens « avaient du mal à concevoir la discrimination comme un acte criminel ». En effet, « le discours sur les droits et sur le rôle de l’État a traditionnellement favorisé le discriminateur; les droits à la liberté d’expression ou d’association étaient interprétés comme étant le droit de refuser des services à certaines personnes ou d’exprimer des idées préjudiciables ».

L’orientation anti-discrimination de la Commission McRuer contribue à un changement radical de l’opinion des juristes. Elle conduit à la création de ce que Dominique Clément qualifie d’« État des droits de la personne » au Canada.

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