David Edward Card, économiste du travail, professeur (né en 1956 à Guelph en Ontario). David Card est reconnu pour son approche empirique de l’étude de l’économie et pour ses analyses des marchés du travail, du salaire minimum et de l’éducation. Il a reçu conjointement le prix Nobel d’économie en 2021. (Voir aussi Les prix Nobel et le Canada.)
David Card
David Card tenant le prix Nobel d’économie, le 8 décembre 2021.
(photo : Rodin Eckenroth/via Getty Images)
Éducation et débuts de carrière
David Card naît d’Edward et d’Yvonne Card et il est l’aîné de cinq enfants. Sa famille est productrice de produits laitiers en Ontario et lorsqu’il est adolescent, il travaille pour d’autres agriculteurs, ainsi que sur une ferme de recherche près de chez lui. (Voir aussi Agriculture au Canada.)
David Card fréquente l’école secondaire John F. Ross où il obtient son diplôme en 1974. Après l’école secondaire, il choisit d’aller à l’Université Queens pour ses études de premier cycle. Il commence ses études de premier cycle avec une spécialisation en physique, et il s’initie à l’économie alors qu’il aide une petite amie à faire ses devoirs. Il commence à lire le manuel d’étude de sa copine, qui est écrit par Richard Lipsey, alors professeur à l’Université Queens. Intrigué, il suit un cours et il abandonne rapidement la physique pour l’économie, qu’il trouve plus pratique.
En Amérique du Nord, les années 1970 sont secouées par plusieurs grandes grèves et David Card les choisit comme sujet de sa thèse de premier cycle. Travaillant avec d’autres étudiants et utilisant des ordinateurs à cartes perforées, il aime la camaraderie de la recherche et il commence à envisager des études supérieures. Il excelle et remporte le prix Prince de Galles en tant que meilleur étudiant de l’université après l’obtention de son baccalauréat en 1978.
David Card termine son doctorat à la Princeton University en 1983, sous la direction de l’économiste du travail Orley Ashenfelter. La thèse de David Card, Indexation in Long Term Labor Contracts (1983) propose un modèle de clauses d’indexation des salaires dans les contrats de travail, c’est-à-dire des clauses dans les contrats d’employé qui font que les salaires des travailleurs augmentent en même temps que l’inflation. Dans sa thèse, David Card présente d’abord un modèle théorique du fonctionnement de ces accords, puis il propose un système permettant de tester ce modèle dans le monde réel, une façon de faire qui le distingue bientôt de ses pairs.
David Card enseigne ensuite l’économie à l’Université de Chicago (de 1982 à 1983) et à la Princeton University (de 1983 à 1997), tout en étant occasionnellement invité à Columbia et à Harvard, avant de se joindre à la faculté de l’Université de Californie à Berkeley en 1998. De 2008 à 2017, il est directeur du programme d’études sociales au National Bureau of Economic Research, un institut de recherche à but non lucratif basé à Cambridge dans le Massachusetts. Il est actuellement professeur émérite d’économie de la promotion 1950 à Berkeley, où il est également directeur du Center for Labor Economics et du Econometric Lab.
Importantes contributions
David Card est l’auteur de plus de 130 publications dans des revues et des chapitres de livres au cours de sa carrière, mais il est principalement connu pour plusieurs études fondamentales menées dans les années 1990 utilisant des données empiriques pour remettre en question les idées économiques dominantes sur l’immigration, le salaire minimum et la qualité de l’enseignement.
Étude sur l’exode en bateau de Mariel à Miami
Alors qu’il enseigne à la Princeton University, il commence à faire des recherches sur le salaire minimum avec son collègue économiste Alan Kreuger. Dans un article de 1990, « The Impact of the Mariel Boatlift on the Miami Labor Market », David Card étudie l’impact d’un afflux soudain de réfugiés cubains à Miami sur les salaires et les taux de chômage des travailleurs non qualifiés, lorsque les nouveaux arrivants augmentent soudainement la main-d’œuvre de 7 %. L’orthodoxie économique de l’époque soutient qu’une telle explosion de l’offre de main-d’œuvre fait faiblir le pouvoir de négociation des travailleurs, qu’elle réduit les salaires et augmente le chômage. On s’attend à ce que ce soit particulièrement vrai parmi les travailleurs noirs qui occupent une niche socio-économique semblable à celle des nouveaux migrants cubains.
Les recherches de David Card prouvent cependant le contraire. Suite à l’arrivée des nouveaux migrants cubains, le chômage des Noirs à Miami diminue, tandis qu’il augmente dans les villes voisines non touchées par la migration. La capacité de Miami à absorber les nouveaux migrants dans la population active est une surprise pour David Card et elle secoue le monde économique.
Étude sur la qualité des écoles noires
David Card et Alan Krueger utilisent ensuite des données empiriques pour étudier un autre problème économique aux États-Unis. En 1960, l’écart salarial entre les hommes afro-américains et les Blancs est énorme, les hommes blancs gagnant en moyenne environ 40 % de plus que les hommes noirs. Pourtant, en 1980, cet écart se réduit à 25 %, et les économistes sont divisés sur la cause de ce phénomène. Certains soutiennent que l’amélioration de l’éducation des Noirs en est responsable, tandis que d’autres affirment que les politiques du gouvernement fédéral, comme la Loi sur les droits civils de 1964, en sont la cause.
David Card et Alan Kreuger testent la première hypothèse. Ils recueillent des données sur le nombre d’élèves qu’un enseignant donné a dans sa classe, sur les taux de rémunération des enseignants et sur la durée des cours dans les écoles noires et blanches de 18 États américains ségrégués de 1915 à 1966. Ils comparent ensuite ces données sur la qualité des écoles aux données sur les salaires et le rendement de la scolarité pour les hommes noirs et blancs de ces États en 1960, en 1970 et en 1980. Les résultats démontrent que l’amélioration de la qualité de l’école pour les hommes noirs s’accompagne d’une augmentation de leurs revenus plus tard dans la vie. Dans leur article de 1992 intitulé School Quality and Black-White Relative Earnings : A Direct Assessment, David Card et Alan Krueger concluent que ces améliorations de la qualité des écoles contribuent à expliquer pourquoi l’écart de revenus entre les hommes noirs et blancs s’est rétréci de 15 % à 20 % entre 1960 et 1980.
Étude sur le salaire minimum au New Jersey
Dans un article de 1994 coécrit avec Alan Krueger, Minimum Wages and Employment : A Case Study of the Fast-Food Industry in New Jersey and Pennsylvania, David Card constate qu’une augmentation du salaire minimum dans le New Jersey n’entrave pas la croissance de l’emploi dans les restaurants de restauration rapide, comme le prétendent les principaux économistes. Au lieu de cela, ils constatent que ces restaurants souffraient d’une rotation chronique du personnel et que des salaires plus élevés les aident en fait à garder leurs employés. David Card et Alan Krueger approfondissent leurs recherches sur le salaire minimum dans leur livre de 1995, Myth and Measurement : The New Economics of the Minimum Wage. Bien que leurs conclusions soient très controversées à l’époque, elles sont depuis largement acceptées.
Importance – la révolution de la crédibilité
Les études de David Card et d’Alan Krueger contribuent à ce que l’on appelle aujourd’hui la « révolution de la crédibilité » en macroéconomie, c’est-à-dire le passage d’une étude théorique abstraite à une analyse empirique de ce qui se passe réellement lorsqu’une politique est modifiée. La clé du travail de David Card et d’Alan Krueger consiste à trouver des « expériences naturelles », soit des situations réelles qui peuvent être utilisées pour tester les principes économiques. Le cas de l’exode à Miami se révèle utile, car il se concentre sur une ville ayant connu une migration massive, ce qui permet de comparer les taux de chômage de cette ville à ceux de villes similaires qui n’en ont pas connu. De même, lorsque le salaire minimum est augmenté dans le New Jersey, il ne l’est pas en Pennsylvanie qui est voisine, ce qui permet donc de comparer les deux cas. Les travaux ultérieurs des économistes Guido W. Imbens et Joshua D. Angrist démontrent que ce type d’expériences permet de tirer des conclusions sur les causes et les effets, consolidant ainsi les travaux de David Card en tant que contributions majeures au domaine de l’économie.
Prix Nobel d’économie
David Card reçoit la moitié du prix de 2021 de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel David (familièrement connu sous le nom de prix Nobel d’économie) pour ses « contributions empiriques à l’économie du travail ». En d’autres termes, le prix reconnaît que ses expériences naturelles peuvent démontrer comment les constructions économiques fonctionnent dans le monde réel. Il partage ce prix avec Guido Imbens et Joshua Angrist. (Voir aussi Les prix Nobel et le Canada.)
Vie personnelle
David Card vit à Santa Rosa en Californie avec sa femme Cynthia Gessele qui est titulaire d’un doctorat en histoire de la musique.
Prix et distinctions
David Card est récipiendaire de la médaille John Bates Clark de 1995 remise par la American Economic Association et décernée à un économiste de moins de 40 ans qui est reconnu pour ses contributions importantes dans le domaine. Le prix est considéré comme un précurseur du prix Nobel d’économie, qu’il co-reçoit en 2021. (Voir aussi Les prix Nobel et le Canada.) Avec Alan Kreuger, David Card reçoit le prix IZA en économie du travail décerné par le Institute of Labor Economics à Bonn en Allemagne, en 2006. En 2008, il reçoit la médaille Frisch de la Société d’économétrie, qui est considérée comme l’une des trois plus hautes distinctions dans le domaine de l’économie. En 2021, il est élu à la National Academy of Sciences. Il reçoit également des doctorats honorifiques en droit de son alma mater, l’Université Queens (1999), de l’Université de Guelph (2015), de l’Université d’Ottawa (2017) et de l’Université de Montréal (2019).