Les agents des Indiens sont les représentants du gouvernement canadien dans les réserves des Premières Nations des années 1830 à 1960. Travaillant souvent dans des lieux isolés loin des communautés de colons, les agents des Indiens mettent les politiques gouvernementales en place, appliquent les dispositions de la Loi sur les Indiens et gèrent les affaires quotidiennes des Indiens enregistrés. De nos jours, le poste d’agent des Indiens n’existe plus, puisque les Premières Nations gèrent leurs affaires elles-mêmes par le biais de conseils de bande ou de gouvernement autonomes.
Histoire
Pendant la majorité du 19e et du 20e siècle, les membres des Premières Nations au Canada sont traités comme pupilles de l’État (c’est-à-dire qu’ils sont placés sous la responsabilité du gouvernement) jusqu’à leur assimilation et leur émancipation. En vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens, le pouvoir décisionnel et les responsabilités des Premières Nations reviennent au surintendant général des Affaires indiennes (le ministre fédéral responsable des Premières Nations). Afin de mettre en œuvre cette politique et de gérer les affaires locales, le ministère des Affaires indiennes emploie des agents des Indiens (parfois appelés surintendants). À partir des années 1960, ce rôle est progressivement éliminé à mesure que des gouvernements autochtones modernes commencent à s’occuper de leurs propres affaires (voir aussi Indien).
Profil des agents des Indiens
Dans l’est du Canada, les agents des Indiens sont parfois des résidents de la région, comme des missionnaires ou des agriculteurs, attachés à une bande autochtone distincte. Dans l’ouest du Canada et le nord de l’Ontario, par contre, le ministère regroupe les réserves et les bandes autochtones géographiquement au sein d’agences indiennes et assigne un agent à chaque district. Dans les grandes agences de l’ouest du Canada, le mandat d’agent des Indiens est vu comme une nomination à un poste administratif intermédiaire dans la fonction publique. En 1900, ces agents sont payés entre 900 $ et 1200 $ par an (ce qui équivaut aujourd’hui à un montant d’environ 20 000 $ à 27 000 $), selon la taille de l’agence. Il s’agit d’un salaire supérieur à la moyenne à l’époque, ce qui fait du poste un emploi non seulement prisé, mais également susceptible de favoritisme politique.
Quelques agents des Indiens accèdent à des postes d’autorité au sein du ministère des Affaires indiennes. C’est le cas notamment de William Graham, nommé agent des Indiens du district saskatchewanais de File Hills en 1896, qui devient éventuellement commissaire des Indiens pour l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba de 1920 à 1932. Similairement, Hayter Reed, nommé agent des Indiens de Battleford (en Saskatchewan) en 1881, devient éventuellement surintendant général adjoint des Affaires indiennes. Il est d’ailleurs le créateur du système de laissez-passer, un processus selon lequel les peuples autochtones doivent présenter un document de voyage autorisé par un agent des Indiens pour quitter leur réserve et y revenir. De telles montées en grade sont rares, toutefois, et la plupart des agents restent en poste pour l’entièreté de leur carrière.
Rôles et responsabilités
Les agents des Indiens sont chargés d’implanter les politiques du ministère des Affaires indiennes et de tenir les autorités gouvernementales au courant des activités dans les réserves. Ce sont eux qui gèrent les ressources et le budget du gouvernement pour ce qui est d’honorer ses obligations statutaires et issues de traités auprès des Premières Nations. Ils dirigent et supervisent également les activités agricoles dans les réserves. De plus, les agents s’occupent de la distribution des rations et des fournitures agricoles, et sont habilités à payer des rentes, à inspecter les écoles, à négocier la cession des terres de réserve, à gérer les finances de la bande et à adjuger les contrats pour les projets d’infrastructure dans les réserves.
Les agents des Indiens exercent leur autorité sur les affaires administratives des Premières Nations. Ils président les élections du conseil de bande, compilent les résultats et en dirigent les rencontres. Les agents prennent également les décisions au nom des membres de la bande en ce qui a trait à l’accès à l’assistance, au logement, aux prêts et à la propriété, en plus de les conseiller à l’occasion en matière de mariage et d’émancipation. Ils sont aussi appelés à fournir de l’information et des conseils aux fonctionnaires supérieurs sur différents enjeux d’importance, comme la gestion des droits de chasse et de pêche des Premières Nations et les décisions de leadership au sein d’une bande.
Beaucoup des autres rôles et responsabilités des agents des Indiens sont liés à l’assimilation des peuples des Premières Nations au sein de la société canadienne. Les agents en effet s’assurent que les enfants fréquentent les écoles dans les réserves ou les pensionnats et interdisent les cérémonies et toute manifestation de la spiritualité autochtone. Un grand nombre d’agents des Indiens servent également de juges de paix, chargés de statuer sur les crimes mineurs impliquant les Premières Nations dans leur agence. Enfin, les agents récoltent des informations de nature démographique comme les naissances, les décès et les mariages, en plus de gérer la succession des membres de la bande décédés.
Relations avec les peuples autochtones
Le poste d’agent des Indiens est une source de grande controverse, puisqu’il représente le principal point de contact entre le gouvernement fédéral, sa politique coloniale et les peuples des Premières Nations. Les agents des Indiens sont presque exclusivement des hommes non autochtones. Sans grande surprise, la plupart de ces hommes partagent les valeurs de la société canadienne de l’époque, selon lesquelles la culture occidentale moderne est supérieure aux autres. Certains agents sympathisent peut-être avec le sort des membres des Premières Nations au sein de leur agence, mais ils expriment rarement des doutes quant à la nécessité ou au bien-fondé de l’assimilation. À l’occasion, des agents des Indiens s’opposent aux politiques mises en œuvre par le ministère des Affaires indiennes. Au risque de perdre leur emploi, certains ont même contrecarré certains aspects de la politique du gouvernement canadien, comme la loi interdisant les potlatchs ou les politiques visant à empêcher le développement de l’agriculture moderne.
De façon générale, toutefois, les agents des Indiens traitent les membres Premières Nations comme des pupilles de l’État nécessitant l’aide du gouvernement. Ce faisant, ils appliquent des politiques fédérales opprimantes comme l’interdiction de dépecer le bétail (même en temps de famine) et un système de permis qui empêche les Premières Nations de vendre du bœuf, des céréales, du foin et du bois sans permission. À l’occasion, certains agents suivent ces politiques avec tellement de zèle qu’ils nuisent activement aux peuples autochtones. Selon l’aîné cri Mervin Dieter (1914-1973), « la meilleure chose qui aurait pu arriver au peuple indien est probablement que les agents des Indiens n’aient jamais existé. »
La fin des agents des Indiens
Le gouvernement fédéral commence à éliminer le poste d’agent des Indiens dans les années 1960, en partie grâce à la montée du militantisme des Premières Nations. L’organisation politique des peuples autochtones au Canada, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, revendique l’abolition des agents des Indiens ainsi que la reconnaissance de nombreux droits, dont celui à l’autodétermination. De plus, en 1966, le gouvernement fédéral remanie le ministère des Affaires indiennes (alors appelé ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) afin de laisser place à une nouvelle structure administrative.