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Délinquants dangereux

La détermination de la peine dans les causes criminelles répond à une variété d'objectifs, dont la dissuasion, la réinsertion sociale, la dénonciation du comportement illégal et la protection du public.

Délinquants dangereux

La détermination de la peine dans les causes criminelles répond à une variété d'objectifs, dont la dissuasion, la réinsertion sociale, la dénonciation du comportement illégal et la protection du public. La prédominance de chaque objectif dépend, entre autres, du contrevenant lui-même et de la nature et des circonstances de l'infraction. Les dispositions du CODE CRIMINEL qui traitent des délinquants dangereux ont surtout pour objet de protéger le public. Elles autorisent l'application d'une mesure extraordinaire (la détention pour une période indéterminée) à une catégorie extraordinaire de criminels, celle des délinquants dangereux.

Les délinquants dangereux ne sont pas atteints de troubles mentaux (voirCAPACITÉ PÉNALE). Ce ne sont pas non plus de simples criminels, ou même des récidivistes, à qui s'appliquent les dispositions ordinaires du Code criminel relatives à la détermination de la peine. Ils appartiennent à cette petite minorité de délinquants que les condamnations ordinaires ne peuvent dissuader ou réformer et qui constituent un danger grave pour le bien-être mental et physique des autres membres de la société. La peine à durée indéterminée permet de les encadrer jusqu'à ce que s'estompe leur dangerosité.

Les dispositions du Code criminel qui concernent les délinquants dangereux sont énoncées à la partie XXIV (section 752 - 761) du Code criminel. Édictées en 1977, elles remplacent les dispositions qui visaient les repris de justice et les psychopathes sexuels criminels, édictées elles-mêmes en 1947-1948.

C'est après que le délinquant a été reconnu coupable que se tient l'audition en vue de le déclarer délinquant dangereux. Avant le prononcé de la sentence selon la procédure normale, la poursuite doit aviser le tribunal dans les formes régulières qu'elle présentera une demande en vue de faire déclarer que le contrevenant est un délinquant dangereux. Le procureur général de la province (ministre de la Justice) ou le sous-ministre doit donner son consentement à la demande, laquelle, règle générale, est également approuvée dans des poursuites intermédiaires avant d'être présentée. La demande est entendue par un juge sans jury.

Pour établir qu'un délinquant est dangereux, la poursuite doit convaincre le tribunal hors de tout doute raisonnable sur deux points principaux. Il faut d'abord que le délinquant ait été déclaré coupable de « sévices graves à la personne ». On parle ici des infractions (la trahison et le meurtre exceptés) punissables d'une peine maximale d'au moins dix ans de prison et impliquant soit a) l'emploi, ou une tentative d'emploi, de la violence contre autrui, une conduite dangereuse, ou susceptible de l'être, pour la vie ou la sécurité d'autrui ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d'infliger, des dommages psychologiques graves à autrui, soit b) les infractions d'agression sexuelle, d'agression sexuelle armée ou d'agression sexuelle grave, les menaces à une tierce personne ou l'infliction de lésions corporelles ainsi que les tentatives de commission de telles infractions.

La poursuite doit ensuite prouver que le délinquant est « dangereux ». S'il n'a pas été déclaré coupable d'une infraction impliquant l'emploi de la violence à des fins sexuelles, le délinquant doit constituer un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental d'autrui. La preuve doit établir que : a) par la répétition de ses actes, notamment celui qui est à l'origine de l'infraction dont il a été déclaré coupable, le délinquant démontre qu'il est incapable de contrôler ses actes et permet de croire qu'il causera vraisemblablement la mort de quelque autre personne ou causera des sévices ou des dommages psychologiques à autrui; b) par la répétition continuelle de ses actes d'agression, notamment celui qui est à l'origine de l'infraction dont il a été déclaré coupable, le délinquant démontre une indifférence marquée quant aux conséquences raisonnablement prévisibles que ses actes peuvent avoir sur autrui; ou c) un comportement, chez ce délinquant, associé à la perpétration de l'infraction dont il vient d'être déclaré coupable, est d'une nature si brutale que l'on ne peut s'empêcher de conclure qu'il y a peu de chance pour qu'à l'avenir ce comportement soit inhibé par les normes ordinaires de restriction du comportement. Si l'infraction dont le délinquant a été déclaré coupable est d'ordre sexuel et implique l'emploi de la violence, la preuve doit établir que par sa conduite, notamment lors de la perpétration de l'infraction dont il a été déclaré coupable, le délinquant démontre son incapacité à contrôler ses impulsions sexuelles et laisse prévoir que vraisemblablement il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes.

Le Code criminel exige que le tribunal entende les témoignages d'au moins deux psychiatres, l'un étant à charge, l'autre, à décharge. Généralement, les règles ordinaires de preuve s'appliquent à l'audition de la demande, mais y sont admissibles des éléments de preuve qui seraient inadmissibles dans un procès.

Le juge doit déterminer si la poursuite a établi l'existence de conditions qui permettent de déclarer que le délinquant est dangereux. Si tel est le cas, il a le pouvoir discrétionnaire d'infliger au délinquant la peine qui pourrait être imposée pour l'infraction dont il vient d'être déclaré coupable ou une peine de détention pour une période indéterminée. Cette décision se fonde sur la preuve se rapportant à la possibilité de guérison et de traitement du délinquant. Si le juge inflige une sentence de détention pour une période indéterminée, le délinquant a droit à un examen en vue de la libération conditionnelle dès l'expiration d'un délai de trois ans à compter du jour où il a été mis sous garde et, par la suite, tous les deux ans jusqu'à sa libération.

La peine de détention pour une période indéterminée est susceptible d'appel; à tout le moins, la déclaration qu'un délinquant est dangereux peut être révisée en appel.

Les tribunaux ont jugé que les dispositions qui traitent des délinquants dangereux ne violaient pas la Charte. Cependant, le fait qu'elles s'appuient si fortement sur les prévisions psychiatriques de la dangerosité d'un délinquant a provoqué une controverse chez les psychiatres, les psychologues et les juristes concernant l'aptitude des professionnels de la santé mentale à faire de telles prédictions et à formuler d'autres jugements légalement définis qui sont pertinents par rapport aux demandes relatives aux délinquants dangereux.