Eldridge Eatman | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Eldridge Eatman

Eldridge « Gus » Eatman (aussi connu sous le nom d’Eastman), coureur de vitesse, soldat, artiste de spectacle (né le 12 mars 1880 à Zealand Station, au Nouveau-Brunswick; décédé le 15 août 1960 à St. John, au Nouveau-Brunswick). Eldridge Eatman était un athlète canadien noir. Il comptait parmi les hommes les plus rapides au monde entre 1904 et 1908. En 1905, il a établi un record canadien au sprint de 100 verges avec un temps de 9,8 secondes. Il a également servi avec distinction dans l’Armée britannique pendant la Première Guerre mondiale. Eldridge Eatman a aussi été artiste de spectacle et activiste. Il a été intronisé au Temple de la renommée des sports de Saint John, au Temple de la renommée des sports du Nouveau-Brunswick et au Temple de la renommée des sports des Maritimes.

Jeunesse

Eldridge Eatman est le fils de John L. et de Jane (née Diamond) Eatman. Lorsqu’il est encore très jeune, la famille déménage à Saint John, au Nouveau-Brunswick. C’est une époque où le public s’intéresse beaucoup à la course à pied. Les coureurs rapides deviennent des héros locaux. Enfant, Eldridge Eatman participe à des courses lors de pique-niques dans la région de Saint John. Sa vitesse fait de lui une célébrité locale. Comme sa famille est peu fortunée, il ne peut pas s’offrir de chaussures de course. Plus tard, il se qualifiera lui-même, à ses débuts, de « va-nu-pieds ».

À cette époque, les athlètes noirs sont souvent exclus du sport amateur au Canada. Peu de Noirs canadiens participent à des compétitions professionnelles, et Eldridge Eatman est l’un des premiers à défier la barrière de la couleur. Il participe à des courses pour gagner de l’argent, déclarant un jour : « Les médailles, c’est bien, mais on ne peut pas acheter des chaussures de course avec, ni les manger ». Eldridge Eatman affirme à une occasion que lorsqu’il gagnait une course, il était considéré comme un « bon gars », mais que s’il perdait, il était soudainement la cible d’insultes racistes.

Saint John, Nouveau-Brunswick

Ascension fulgurante

Un promoteur sportif du nom de Hazen Campbell perçoit les qualités exceptionnelles d’Eldridge Eatman et le prend sous son aile, lui fournissant les services d’un entraîneur professionnel. L’athlète remporte sa première épreuve officielle en 1902, lors d’une course de 125 verges contre la future vedette canadienne du baseball, Tip O’Neill, au Shamrock Field de Saint John. Le 16 octobre 1902, Eldridge Eatman remporte une course de 125 verges contre un champion américain du nom d’Ed Hobbs. La presse locale qualifie le Canadien de « merveille et surprise du jour » et le décrit comme « un coureur élégant ». Lors de la même compétition, Eldridge Eatman s’incline devant le champion du monde de course de vitesse, l’Américain Thomas F. Keen. En octobre 1903, à Moncton, Eldridge Eatman participe à deux courses contre le favori local James W. Humphreys, qui a la réputation d’être le premier Canadien à courir le sprint de 100 verges en 10 secondes. Eldridge Eatman perd la première course, invoquant un faux départ, mais gagne la deuxième. Le même mois, à Saint John, Eldridge Eatman affronte de nouveau Thomas F. Keen et le bat, courant le sprint de 100 verges en 10 secondes.

Au cours des années suivantes, Eldridge Eatman se mesure avec succès aux meilleurs coureurs canadiens et américains. Il devient l’un des athlètes les plus connus au pays. Lors des Championnats des Maritimes en 1905, il bat le record canadien de course sur 100 verges avec un temps de 9,8 secondes. De 1904 à 1908, Eldridge Eatman est reconnu comme un champion de course professionnel d’envergure mondiale.

Vie au Royaume-Uni

Eldridge Eatman entreprend plusieurs voyages au Royaume-Uni entre 1902 et 1924. Les registres de recensement montrent qu’il a vécu en Angleterre pendant quelques années. Il participe à de nombreuses courses contre des coureurs britanniques renommés tels que George Wallace et William Growcott, l’Australien Arthur « the Crimson Flash » Postle et le champion irlandais Bert Day, remportant certaines courses et en perdant d’autres. Eldridge Eatman bat des records en courant le 60 verges en 6,1 secondes et 100 verges en 9,4 secondes. À un moment donné, il lance un défi, invitant tous les participants à faire la course avec lui « de 60 à 280 verges ». On dit qu’il a battu un cheval de course pur-sang dans une course de 120 verges. Un jour, il parie tout son argent – 130 livres sterling – sur lui-même dans une course de 130 verges, qu’il gagne. Il participe plusieurs fois à la course du trophée Powderhall en Écosse. S’il ne réussit pas à gagner le handicap de 130 verges, il remporte néanmoins le sweepstake de 60 verges en janvier 1908. Cette année-là, il gagne également le prestigieux championnat de course de vitesse sur une distance de 100 verges au Stadium de Londres.

Service militaire pendant la Première Guerre mondiale

Eldridge Eatman se trouve au Nouveau-Brunswick lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Il se rend en Angleterre, car à cette époque, l’Armée canadienne n’accepte pas de recrues canadiennes de race noire. En 1915, il s’enrôle dans l’Armée britannique, où il sert dans les fusiliers du Northumberland (qui deviendront la 149e brigade de la 50e division de la Force territoriale). Une photographie d’Eldridge Eatman en uniforme, participant à un exercice de tir au fusil, paraît en première page du journal britannique Daily Mirror le 6 mars 1915. Le 17 avril 1915, alors qu’il est en période d’instruction, il participe à un événement sportif à Tynemouth, une course de fond inter-bataillons et inter-compagnies. Il arrive en France le 8 juin 1915.

Les états de service d’Eldridge Eatman sont détruits dans un incendie lors du Blitz de Londres pendant la Deuxième Guerre mondiale. On sait cependant qu’il a été promu caporal et qu’il est blessé à la jambe lors de la bataille de Loos, qui se déroule en France à la fin de l’été et en automne 1915. (Voir aussi Évolution des troupes de choc canadiennes.) Fin octobre 1915, le bataillon d’Eldridge Eatman est transféré à Salonique (aujourd’hui Thessalonique, en Grèce), où il demeure jusqu’en juin 1918. Il est démobilisé le 26 juin 1918.

Carrière après la course

Après la guerre, Eldridge Eatman mêle l’athlétisme à d’autres formes de divertissement. Il réalise des tournées en tant que chanteur avec des troupes musicales, où on le surnomme « the sprinting songster » (le chanteur de vitesse). Eldridge Eatman connaît personnellement des vedettes du sport telles que les champions de boxe poids lourd Jack Johnson et Joe Louis, ainsi que l’étoile de l’athlétisme Jesse Owens. Il prétend également avoir été ami avec l’homme politique et révolutionnaire irlandais Michael Collins.

En 1937, Eldridge Eatman participe à l’organisation d’un marathon entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, sur le modèle du célèbre « Bunion Derby » américain organisé une décennie plus tôt.

Défense de l’Éthiopie

En 1935, sous le nom d’Eastman, Eldridge Eatman prend fait et cause pour l’Éthiopie contre l’invasion de l’armée du chef fasciste italien Benito Mussolini. Eldridge Eatman fait partie d’un rassemblement international de communautés noires en faveur de la défense de l’Éthiopie et du soutien à l’empereur Haïlé Sélassié. Eldridge Eatman lance un appel aux volontaires noirs et blancs pour rejoindre une Légion étrangère éthiopienne. Dans un reportage filmé à Toronto, Eldridge Eatman déclare qu’il n’est lié à aucun gouvernement et que son organisation est « entièrement canadienne ». Il dit s’attendre à réunir 5 000 hommes. Bien qu’il reçoive une réponse enthousiaste des communautés noires de l’Ontario, aucune Légion étrangère canadienne ne se rend finalement en Éthiopie.

Décès et héritage

Eldridge Eatman passe ses dernières années à Saint John. Le 15 août 1960, à l’âge de 80 ans, il s’effondre et meurt dans la rue en attendant un autobus. Depuis, il a été intronisé au Temple de la renommée des sports de Saint John (2002), au Temple de la renommée des sports du Nouveau-Brunswick (2016) et au Temple de la renommée des sports des Maritimes (2019). L’histoire de la vie d’Eldridge Eatman est racontée dans la pièce We Were Here, produite par la Saint John Theatre Company en 2021.

(Voir aussi Les athlètes canadiens noirs pionniers.)