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Ethnomusicologie

Ethnomusicologie. L'ethnomusicologie est l'étude de la musique conçue, dans son acception large, à la fois comme objet, pratique sociale et concept.

Ethnomusicologie

Ethnomusicologie. L'ethnomusicologie est l'étude de la musique conçue, dans son acception large, à la fois comme objet, pratique sociale et concept. Historiquement et de façon générale, l'ethnomusicologie a évité les sujets d'intérêt et une partie de la métholologie de la musicologie (que l'on peut qualifier logiquement de sous-discipline de l'ethnomusicologie, et dont l'objet d'étude touche surtout les musiques européennes occidentales notées).

La majorité des études ethnomusicologiques ont porté sur les communautés ethniques et culturelles reliées entre elles sous diverses façons - par exemple, par nation, région ou ville, ou bien par ethnicité, groupe d'âge, genre, religion ou classe sociale. Néanmoins, on en trouve quelques-unes traitant des propriétés universelles des sons humains, des systèmes logiques, ou de comparaisons. De nombreux ethnomusicologues ont travaillé à la documentation et à la description du style musical de grands répertoires propres à des communautés spécifiques, à l'aide d'enquêtes sur le terrain et de collectes. Il est difficile de cerner avec précision les limites de l'activité ethnomusicologique parce que plusieurs collectes de données et descriptions importantes ont été faites sans but d'érudition; plusieurs sont même antérieures à l'ethnomusicologie reconnue comme discipline ou champ de recherche. Dans ces cas, bon nombre de ces études ont été effectuées sous la rubrique « folklore ». Alors que dans le passé l'« ethnomusicologie » a quelquefois été associée à l'investigation de la musique « non occidentale » et à la musique « folklorique », de nos jours, le champ d'observation s'est élargi à d'autres sujets et avec des approches complexes. À ses origines, l'ethnomusicologie au Canada portait sur la musique des autochtones (Amérindiens et Inuit) et sur la musique folklorique des Canadiens d'ascendance française ou anglaise. Au XXe siècle, les musiques d'autres Canadiens d'origines diverses ont soulevé un intérêt croissant.

Plus récemment, l'ethnomusicologie s'est tournée vers les milieux interculturels urbains, vers les dimensions historiques et en tenant compte de la composante individuelle des pratiques. Les ethnomusicologues ont ainsi cessé de penser que les groupes sociaux étaient emprisonnés dans des frontières immuables et ont accepté le fait que ces frontières se renégocient et se refixent constamment, en partie par l'entremise des expressions culturelles. De nos jours, les ethnomusicologues sont issus de milieux disparates, ce qui a favorisé l'élargissement du sujet et du cadre théorique. Par exemple, certaines études abordent des questions théoriques au sujet des initiés et des non initiés, d'autres traitent de la relation existant entre le chercheur et l'informateur.

Le terme « ethnomusicologie » est apparu pour la première fois, semble-t-il, en 1950 dans un imprimé sous la plume de Jaap Kunst, afin de remplacer l'expression « musicologie comparée », une traduction de l'expression allemande « vergleichende Musikwissenschaft », calquée sur la linguistique comparée. La musicologie comparée était elle-même une substitution au terme « Musikologie » de Guido Adler, créé en 1885 pour désigner une subdivision de la « Musikwissenschaft » (musicologie) qui avait surtout des intérêts « ethnographiques ». Cependant, plusieurs ethnomusicologues conscients du fait que le terme « ethnomusicologie » implique des distinctions qui ne s'appliquent pas à leurs recherches (ethnique/non ethnique; ethnomusique/musique; concept monolithique occidental/non occidental; ethnomusicologie/musicologie) sont mécontents de cette dénomination.

Les abréviations et sigles suivants sont utilisés dans le présent article pour les citations et références bibliographiques : AES, American Ethnology Society; AMNH, American Museum of Natural History; BAE, Bureau of American Ethnology; CFMJ, Canadian Folk Music Journal / Revue de musique folklorique canadienne; CJNS, Canadian Journal of Native Studies; JAF, Journal of American Folklore; JIFMC, Journal of the International Folk Music Council; MCC, Musée canadien des civilisations; MSRC, Mémoires de la Société royale du Canada; RAQ, Recherches amérindiennes au Québec; RJ, Relations des Jésuites.

Observateurs et participants européens, 1600-1860

Comme dans beaucoup d'autres pays, l'étude des cultures musicales de ce qu'on appelle maintenant le « Canada » a changé selon les intérêts des observateurs ou des écrivains. Les premiers voyageurs, missionnaires ou colonisateurs étaient curieux de découvrir les contrastes existant entre les exécutions et le contexte social du Nouveau Monde et ceux des sociétés européennes auxquelles ils destinaient leurs écrits.

Jacques Cartier observa les chants et danses des Amérindiens lors de ses premier (1534) et deuxième (1535-36) voyages au Canada, alors que les Iroquois d'Hochelaga surveillaient les membres de l'équipage de Cartier qui, tout à tour, jouaient « des trompettes et aultres instrumens de musicque » (The Voyages of Jacques Cartier Published from the Originals with Translations, Notes and Appendices de H.P. Biggar, Ottawa 1924, p. 62, 134, 167). Dans son Histoire de la Nouvelle-France (livre VI, chapitre 5, Paris 1609; 3e éd., Paris 1617, p. 729), Marc Lescarbot (v. 1570-v. 1630) fit la première transcription connue de chansons amérindiennes à Port-Royal (1606-07) : trois mélodies micmaques accompagnées de la description d'une exécution typique. On les retrouve publiées dans l' Histoire du Canada (Paris 1636) du père récollet Gabriel Sagard-Théodat, qui convertit la notation alphabétique de Lescarbot en notation sur portée, y ajoutant des indications rythmiques et des parties harmoniques. Sagard avait déjà enregistré une partie du texte d'une chanson à danser wyandot (huronne), recueillie en 1623-24; il la publia pour la première fois dans son livre Histoire : Le Grand voyage au Pays des Hurons (1re éd.; Paris 1632), accompagnée d'une description de l'utilisation des rêves dans le chant et la danse curatives. Pour le plaisir de la comparaison, Lescarbot et Sagard ont tous deux fait une transcription de deux chansons typinambà, recueillies au Brésil par Jean de Léry; depuis, elles ont été prises pour des chansons canadiennes par nombre d'écrivains, dont Marin Mersenne dans son Harmonie universelle (Paris 1637) et Jean-Jacques Rousseau, dans son Dictionnaire de la musique (Genève 1767). Dans le manuscrit « Récit des voyages et des découvertes du père Jacques Marquette de la Compagnie de Jésus en l'année 1673 » se trouvant à Chantilly (édité par Jean Delanglez, Mid-America, vol. XXVIII, nos 3-4, 1946), on trouve la description d'une cérémonie du Calumet tenue chez les Amérindiens de l'Illinois et une transcription (inadéquate selon le transcripteur à cause des limitations de la notation occidentale) de « quelqu'une des chansons qu'ils ont coûtume de chanter » (RJ, vol. LIX, 1673-77, p. 136; la description de la danse se trouve aux pages 130 à 136; il existe une version copiée incorrectement dans les notes de Thwaite, p. 311; on peut voir un fac-similé d'une partie du récit dans la version de Stevenson, 1937, p. 20). L'explorateur Claude Dablon, qui avait édité le manuscrit, mentionne quelques airs tres-mélodieux qu'ils [les Oumani, une des nations de l'Illinois, sur les territoires qu'occupe aujourd'hui le Wisconsin] chantoient de tres-bon accord (RJ, vol. LV, 1670-71, p. 204).

Des rapports et des récits de voyages du XVIIe siècle au milieu du XIXe pullulent de détails quant au contexte de la création musicale chez les groupes autochtones. Parmi les nombreuses références à la musique autochtone effectuées par les missionnaires, on note des descriptions des chants, des tambours et des danses autochtones dans le journal intime de Paul Le Jeune (1591-1664), supérieur des missions canadiennes de 1632 à 1639 (RJ, vol. V, p. 27 et vol. VI, p. 183 et suivantes). Le journal contient aussi des références aux traditions orales et aux danses sociales européennes (voir Danse - Musique utilisée avant 1867, Missionnaires au XVIIe siècle). On peut lire des récits de voyage avec références détaillées dans les écrits de Louis-Armand de Lahontan (Nouveaux voyages dans l'Amérique septentrionale, La Haye 1703), Bacqueville de la Potherie (Histoire de l'Amérique septentrionale, Paris 1722), Joseph-Francois Lafitau (Moeurs des sauvages amériquains [sic], 2 vol., Paris 1724; contient des illustrations d'instruments musicaux reproduites dans Tehariolina, 1984, p. 355), Pierre-François-Xavier de Charlevoix (Histoire et description générale de la Nouvelle-France, Paris 1744), Pehr Kalm (En resa til Norra America; trad. anglaise, Travels into North America, Londres 1770-71; réimpr. New York 1966; comporte un récit détaillé de danses amérindiennes à Saint-Jean, sur le fleuve Richelieu), Issac Weld (Travels through the States of North America and the Provinces of Upper and Lower Canada, during the Years 1795, 1796, and 1797, Londres 1799; décrit des danses et des instruments amérindiens à Kalden, en face de Detroit) et Johann Georg Kohl (Kitchi-Gami; oder, Erzählungen vom Obern See. Ein Beitrag zur Characteristik der amerikanischen Indianer, Brême 1859; trad. anglaise, Londres 1860; réimpr. Minneapolis 1985; comporte des observations sur la musique des Ojibwas et sur celle des canotiers de la région du lac Supérieur). Des références à des musiques amérindiennes des îles de la reine Charlotte [Haida Gwaii] (et une transcription de l'île de Baranof en Alaska) se trouvent dans l'ouvrage A Voyage Round the World : but More Particularly to the North-West Coast of America : Performed in 1785, 1786, 1787 and 1788... By Capitaine George Dixon (Londres 1789) de William Beresford. L'explorateur sir John Ross fit une des premières comparaisons régionales, notant les différences entre les chants et danses des Inuit des alentours de Repulse Bay et ceux des Groënlandais, dans Narrative of a Second Voyage in Search of Northwest Passage and of a Residence in the Arctic Regions During the Years 1829, 1830, 1831, 1832, 1833 (Londres 1835, p. 287).

Kalm et Weld ont fait référence aux chants des colons français et de leurs descendants dans les oeuvres précitées, de même que François-Alexandre Frédéric, duc de La Rochefoucauld-Liancourt, dans Voyage dans les États-Unis d'Amérique fait en 1795, 1796 et 1797, par La Rochefoucauld-Liancourt (8 vol., Paris 1799; vol. II, Excursion dans le Haut-Canada). Weld et La Rochefoucauld furent parmi les premiers à mentionner les chansons de « voyageurs » qui fascinèrent les visiteurs européens visitant les lieux pendant les 50 années qui suivirent. Selon L.F.R. Masson dans Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (vol. I, Québec 1889-90), le Norvégien Ferdinand Wentzel recueillit des chansons de voyageurs qui étaient « obscènes et impropres à la publication » au début du XIXe siècle. On trouve aussi des références aux chansons de trappeurs dans les livres de John Bradbury Travels in the Interior of America, in the Year 1809, 1810, and 1811 (Londres 1817, 1819) et de John M. Duncan Travels through Part of the United States and Canada in 1818 and 1819 (Glasgow 1823). John Mactaggart transcrivit les textes des chansons de voyageurs dans Three Years in Canada (vol. I, Londres 1829), de même qu'Anna Jameson dans Winter Studies and Summer Rambles in Canada (New York 1839). En 1848, dans son livre Hudson's Bay (Édimbourg 1848), R.M. Ballantyne se plaignit que l'ère des canotiers, chantant dans les régions de l'Est, était révolue depuis l'utilisation des bateaux à vapeur sur le rivière Outaouais.

Aucun recueil de musique folklorique en langue européenne antérieur au XIXe siècle ne nous est parvenu. Parmi les premiers recueils manuscrits, on remarque, probablement pour usage personnel, un carnet de notes sans titre contenant des chansons canadiennes-françaises, datant de 1817 et écrites par Cécile Lagueux (il s'agit probablement du plus ancien des manuscrits du genre) ainsi qu'un recueil de chansons recueillies par Edward Ermatinger, un employé de la Compagnie de la Baie d'Hudson de 1818 à 1826, publié par Barbeau sous le titre « The Ermatinger collection of voyageur songs (ca. 1830) » (JAF, vol. LXVII, no 264, 1954). Les premiers recueils publiés le furent pour des raisons commerciales plutôt que dans un but d'érudition. La première publication - excluant le « Canadian Boat Song » de Thomas Moore (Londres 1805), vraisemblablement une composition originale - est Canadian Airs (Londres 1823), basée sur les mélodies recueillies par le lieutenant George Back. Les longues introductions au piano et les indications expressives détaillées, de même que le remplacement des textes originaux, en disent plus long sur les habitudes des consommateurs ciblés par la collection - les maisonnées de bourgeois britanniques huppés, propriétaires d'un piano - qu'ils en disent sur le peuple au sein duquel on a recueilli ces mélodies. Pendant la période comprise entre les rébellions de 1837 et les débuts de la Confédération, un certain nombre de recueils de chansons furent publiés à l'intention du marché canadien; le premier fut probablement celui de Joseph Laurin, un étudiant en droit : Le Chansonnier canadien : ou, Nouveau recueil de chansons (Québec 1838). Plus tard, des recueils similaires ont inclus des textes littéraires, des textes de chansons et de la musique. Deux ouvrages ont connu plus d'une édition : La Lyre canadienne, « par un amateur » (Québec 1847), et Le Chansonnier des collèges (Québec 1850). Ce dernier fut éventuellement publié sous le titre Le Chansonnier des collèges mis en musique (Québec 1860). On ne possède pas de collections manuscrites de chansons folkloriques du Haut-Canada équivalentes à celles d'Ermatinger et de Lagueux. Mais il existe toutefois plusieurs collections de manuscrits de musique instrumentale, dont un cahier de 28 pages appartement à un fermier de l'Ontario, Alan Ash (1801-1889), contenant de la musique de valses, reels, galops, matelotes et autres danses. Voir aussi Manuscrits - Cahiers.

Collecteurs canadiens et étrangers, 1860-1900

Durant cette période, on mit l'accent sur la collecte, pour des motifs d'émulation entre amateurs, de commerce, de nationalisme (afin d'établir l'identité nationale en se basant sur l'héritage folklorique) ou de préservation des traditions que l'on croyait moribondes. La frontière canadienne avait capté l'imagination des ethnologues de l'Europe centrale, et, pendant les années 1890, le Canada devint l'un des premiers pays à utiliser le phonographe pour enregistrer de la musique autochtone. Les études variaient dans la mesure où elles fournissaient de la documentation sur la fonction des chansons, les interprètes, les compositeurs ou les coutumes musicales. Les répertoires amérindiens et canadiens-français devinrent le point de mire des chercheurs.

« Les Chansons populaires et historiques du Canada » de F.-A.-H. LaRue (Le Foyer canadien, vol. I, 1863) fut le premier recueil à inclure une étude des chansons, devançant ainsi de deux ans la publications en série des Chansons populaires du Canada d'Ernest Gagnon, dans Le Foyer canadien également (Québec 1865-67), dont les versions reliées constituèrent les premières d'une longue suite d'éditions (voir Musique folklorique canadienne-française). Contrairement à LaRue, Gagnon inclut dans son recueil la musique de même que les textes des chansons, des études sur les origines et les variantes de chaque chanson, et un dernier chapitre analytique où il effectue une mise en garde contre l'imposition d'attitudes et d'habitudes modernes en rapport avec ce répertoire; parle en faveur de la rationalité, de l'expressivité et de la dignité de ce système musical; explique la relation de modalité similaire qu'il voyait entre le plain-chant et la chanson folklorique en se basant sur les théories de Fétis et d'Ortigue (d'après Gagnon, le plain-chant ne réflétait pas la tradition musicale, mais plutôt le rapport de sociétés reliées entre elles par un même bagage spirituel). Gagnon démontra différents niveaux de perception dans ses transcriptions - celles que Charles Seeger appellera plus tard « prescriptive » et « descriptive » - lorsqu'il laissa tomber certains ornements de la première édition des Chansons populaires, dans le but de rendre les chansons plus faciles à interpréter. Il souligna aussi une distinction à la manière de Bartók entre deux types de rythmes - le « poétique » et le « prosaïque » ou « oratoire » - utilisés dans les chansons folkloriques (Gagnon, 1880, p. 195).

De nombreux romanciers et dramaturges du XIXe siècle ont inclus dans leurs écrits du matériel de chansons canadiennes-françaises, allant de remarques descriptives sommaires à des recueils de chansons, notamment Philippe Aubert de Gaspé dans Les Anciens Canadiens (Québec 1863) et Mémoires (Ottawa 1866), et Ernest Myrand dans Noëls anciens de la Nouvelle-France (Québec 1899). François Brassard, dans Ethnomusicology (vol. XVI, septembre 1972), mentionne l'influence considérable de ces publications, qui est d'ailleurs démontrée par l'abondance d'anthologies individuelles et familiales, dont plusieurs existent toujours et furent compilées à partir de ces documents. L'important document inédit de Mgr Thomas Hamel, « Annales musicales du Petit-Cap », compilé de 1865 à 1908, est conservé aux archives du séminaire de Québec. Une documentation semblable existe pour les Canadiens anglais, notamment un récit de voyage de « C.H.C. » intitulé It Blows, It Snows (Dublin 1846) où sont décrits des hymnes et des psaumes chantés un peu partout dans la communauté canadienne-anglaise et par les anciens « résidants des Pays-Bas ». (ICMH, série de microfiches no 48401, p. 135). Dans son roman historique The Man from Glengarry : A Tale of the Ottawa (Chi, N.Y. 1901, p. 127-141), Ralph Connor décrivit le procédé d'alignement, montrant, dans une transcription de « Saint Paul's », « les malencontreux glissements et taches [qui] effaçaient presque les notes de l'air original ».

Généralement, les recueils de musique autochtone contiennent, en plus, une partie ethnographique ou analytique. Parmi les collecteurs de chansons amérindiennes du XIXe siècle, on compte Gagnon (Les Sauvages de l'Amérique et l'art musical, Québec 1907), l'abbé Lionel de Saint-Georges Lindsay (Notre-Dame de la Jeune-Lorette en la Nouvelle-France : étude historique, Montréal 1900; paru par tranches dans La Revue canadienne, Montréal 1899-1902; la section concernant la musique, « La Langue et les chants des Hurons », parut dans le vol. XL, 1901, p. 266-82) et John Reade (« Some Wabanaki songs... », MSRC, série I, vol. V, section II, 1897, p. 1-8).

Deux études touchant le Canada sont considérées comme les premières du genre dans la discipline de la musicologie comparée : celle de Theodore Baker Über die Musik der nordamerikanischen Wilden (Leipzig 1882), qui comporte des transcriptions et des références à des tribus canadiennes, et celle de Carl Stumps, « Lieder der Bellakula Indianer » (Vierteljahresschrift für Musikwissenschaft, 1886), une étude musicologique incluant neuf transcriptions de chansons exécutées par un groupe d'amérindiens bella coolas qui visitèrent l'Allemagne en 1885. L'anthropologue américain (d'origine allemande) Franz Boas commença à recueillir des chansons des Amérindiens de la Côte ouest pendant les années 1880; ses premières publications (dont « Chinook songs », JAF, 1888, p. 220-226; « Kwakiutl songs and dances », JAF, 1888, p. 49-64) inspirèrent une génération de collecteurs en Colombie-Britannique, dont Henri Tate, Marius Barbeau, Edward Sapir, Thomas McIlwraith et James A. Teit. Sa façon de penser influa grandement sur le développement de l'anthropologie et de l'ethnomusicologie nord-américaines. Dans « Chinook songs », il anticipe plusieurs sujets d'intérêt de l'ethnomusicologie moderne : les environnements urbains, l'influence des missionnaires chrétiens sur la musique laïque, l'acculturation et le problème du « discours ethnographique ».

C'est encore Boas qui fut le premier étranger à s'intéresser à la musique inuit. Il écrivit The Central Eskimo (Rapport annuel du BAE, no 6, Washington, D.C. 1888) comprenant 19 mélodies (15 nouvellement recueillies) de l'île de Baffin et du Groënland. D'autres chansons de la même expédition furent publiées dans « Eskimo tales and songs » (JAF, vol. II, 1889, qui inclut un exemple de notation sans portée; JAF, vol. VII, 1894; JAF, vol. X, 1897). Boas travailla ensuite avec des documents recueillis de 1897 à 1899 par le capitaine George Comer, qui enregistra quatre heures et demie de chansons inuit (et quelques hymnes) sur cylindres (Boas, The Eskimo of Baffin Land and Hudson Bay, New York 1901; Bulletin de l'AMNH, vol. XV; voir Dorothy Sara Lee, Native North American Music and Aural Data, Bloomington, Ind. 1979, p. 54). L'étude majeure de Boas sur les Kwakiutls se base sur un travail commencé en 1885, mais publié à titre posthume (Helen Codere dir., Kwakiutl Ethnography, Chicago 1966).

Un associé de Boas, James A. Teit, membre de l'équipe de la Commission géologique du Canada, commença par recueillir des contes chez les Amérindiens salish de la région de la rivière Thompson en Colombie-Britannique pendant les années 1890, puis il enregistra des chansons de diverses tribus de cette province pendant les années qui suivirent. Boas soumit plusieurs de ces enregistrements à deux des fondateurs de l'ethnomusicologie, Otto Abraham et Erich von Hornbostel à Berlin, qui publièrent leurs transcriptions et analyses sous le titre « Phonographierte Indianermelodien aus Britisch-Columbia » (Boas Anniversary Volume, New York 1906). Boas et Teit furent les premiers à enregistrer de la musique amérindienne au Canada; le troisième fut A.T. Cringan qui transcrivit et commenta ses enregistrements de chansons iroquoises sur cylindres de cire dans la série ontarienne Annual Archeological Report (1899, 1903, 1906; voir aussi David Boyle, « Iroquois Music », Annual Archeological Report, Ontario 1898) et d'autres publications. Des rapports sur le jeu de tambours, le chant et les danses des Naskapis et des Inuit de l'Ungava furent publiés à la fin du XIXe siècle, dont celui de Lucien M. Turner Indians and Eskimos in the Quebec-Labrador Peninsula (1894) et « The Single-headed drum of the Naskopie » (Proceedings of the US. National Museum, vol. XI, 1898). Pendant les premières années de publication du JAF, on trouve plusieurs rapports descriptifs de danses et de cérémonies, dont ceux de William M. Beauchamp sur la danse onondaga (vol. VI, 1893); Mary E. Brown sur la formation d'un chef passamaquoddy (vol. V, 1892); John C. Fillmore sur une chanson de femme kwakiutl (vol. VI, 1893).

Recherches et études sur les Premières Nations, 1900-80

Les recherches effectuées au cours du XXe siècle reflètent la diversité d'approches qui est apparue dans le monde du folklore, de l'anthropologie et de la musicologie. Bien que des spécialistes tels Marius Barbeau, Helen Creighton et Kenneth Peacock aient exploré autant la chanson folklorique que la musique des autochtones, il est possible de faire certaines distinctions générales entre les travaux poursuivis sur l'un et l'autre répertoire. La musique des autochtones a intéressé des anthropologues et des musicologues plutôt que des folkloristes, provenant tous d'autres communautés linguistiques et culturelles que celles qu'ils étudiaient, la plupart cherchant à préserver des traditions en voie de disparition rapide. La majorité des recherches a porté sur l'ethnologie musicale et la définition du style musical de répertoires donnés, souvent défini par la fonction. Des études en musique folklorique, d'autre part, furent souvent entreprises par des membres des communautés linguistiques et culturelles étudiées, et ont pour la plupart porté sur l'histoire, la diffusion et les variantes de chansons particulières.

Dans plusieurs études, on a tenté de comparer les styles musicaux des Amérindiens d'Amérique du Nord : Musical Areas of Aboriginal North America de Helen Roberts (New Haven, Conn. 1936); « North American Indian musical styles » de Bruno Nettl (JAF, vol. LXVII, 1954; révisions et autocritique dans « Musical areas reconsidered : a critique of North American Indian research », Essays in Musicology, Gustave Reese et Robert Snow dir., Pittsburgh 1969); et « The Native and primitive music of Canada » de Margaret Sargent (travail de B.Mus., Université de Toronto 1942). Tous ces travaux manquent d'exactitude en ce qui a trait au répertoire canadien, car au moment de leur publication, la recherche sur le terrain était à toutes fins utiles inexistante.

Dans les régions boisées de l'Est, W.H. Mechling enregistra et transcrivit des chansons des Malécites et des Micmacs à Saint Mary's Bay, N.-B., en 1911. La même année, après avoir visité les réserves de Caughnawaga (auj. Kahnawake) et de Lorette en 1905-06, Julien Tiersot publia quelques-unes de ses observations dans « La Musique chez les peuples indigènes de l'Amérique du Nord (États-Unis et Canada) » (Notes d'ethnographie musicale, série 2, Paris, octobre 1911). Marius Barbeau enregistra des chansons de divers groupes autochtones dont les Hurons, les Algonquins et les Iroquois. Son écrit « Seven songs from Lorette » fut publié par Margaret Sargent (JAF, vol. LXIII, avril-juin 1950). Mechling et Barbeau recueillaient ces documents pour le dépt d'anthropologie du musée de la Commission géologique du Canada, dirigé par Edward Sapir, qui avait fait des recherches sur les Micmacs à cette époque. L'anthropologue américain Frank Speck enregistra des chansons des Delawares et des Tuteulos à la réserve des Six Nations en Ontario et recueillit aussi des artefacts, dont des instruments de musique des communautés du Québec. Sa recherche ethnographique la plus connue s'effectua au Labrador; il s'agit de Naskapi (Norman, Okla 1935), qui porte sur la spiritualité et les cadres conceptuels des autochtones. On trouve des transcriptions de ses chansons dans Penobscot Man (Philadelphie 1940). D'autres recherches ethnographiques portant, entre autres, sur la musique, la danse et la vie cérémonielle furent effectuées par F.W. Waugh (sur les Ojibwas du lac Seul, les Iroquois des Six Nations et les Naskapis du Labrador) ainsi que Diamond Jenness (sur les Ojibwas et les Inuit du Cuivre de l'île de Parry; des transcriptions de chansons de ces derniers furent faites par Helen Roberts; voir ci-après).

L'abondante littérature ethnographique sur les nations iroquoises du Sud de l'Ontario et du Nord de l'État de New York inclut de nombreuses références à la musique, surtout la musique cérémonielle; voir en particulier Arthur Parker (1909), J.N.B. Hewitt (1903, 1907, 1928), William Fenton (1936) et Elisabeth Tooker (1970); pour les références complètes, voir Autochtones, BIBLIOGRAPHIE de la section 5. Dans « Seneca Indian singing tools at Coldspring longhouse » (Proceedings of the American Philosophical Society, vol. XCVII, no 3, 1953), on trouve une étude organologique détaillée de H.C. Conklin et William Sturtevant.

Commençant en 1925, Gertrude Kurath, danseuse et anthropologue des É.-U., fit une grande collection de musique iroquoise recueillie dans plusieurs communautés de l'État de New York et de l'Ontario (voir en particulier Dance and Song Rituals of Six Nations Reserve, Ontario, Ottawa 1968; pour de plus amples références, voir Ethnomusicology de Kealiinohomoku et Gillis, 1970). Le système de notation chorégraphique qu'inventa Kurath permit une première documentation des danses sociales et cérémonielles des Amérindiens. William Fenton fit des enregistrements des danses sociales et cérémonielles dans les années 1940; dirigea un symposium sur la culture iroquoienne pendant les années 1950 (Symposium on Local Diversity in Iroquoia Culture, Bulletin du BAE, no 149, 1951); collabora avec Gertrude Kurath à diverses publications, notamment « The Iroquois eagle dance » (Bulletin du BAE, no 156, 1953); et publia une étude de grande envergure sur les sociétés médicales (The False Faces of the Iroquois, Norman, Okla 1987). Douglas Riley et Mieczyslaw Kolinski firent d'autres enregistrements à la réserve des Six Nations pendant les années 1960, et Kolinski publia une analyse des variantes d'un cycle de chansons de la danse du Lapin des Apaches tiré de ces enregistrements (Ethnomusicology, vol. XVI, septembre 1972). Jack Frisch enregistra de la musique des Mohawks et étudia les rites du solstice d'hiver à la réserve de Saint Regis près de Cornwall, Ont., en 1968 et 1970.

Les nations des régions boisées de l'Est, traditionnellement nomades, ont reçu beaucoup moins d'attention que les nations iroquoiennes. Alika Podolinsky Webber fit de la recherche anthropologique chez les Amérindiens naskapis du Nord du Labrador pendant les années 1960 et chez les communautés algonquines pendant les années 1970; elle a déposé des collections d'artefacts et d'enregistrements au MCC et au Musée de la civilisation de Québec. Richard Preston a fait des recherches sur la musique des Cris à Fort George (Chisasibi), Québec, à partir de 1968 (voir Cree Narrative : Expressing the Personal Meaning of Events, Ottawa 1975). Frances Densmore, dont les ouvrages sur une grande variété de musiques amérindiennes d'Amérique du Nord figurent parmi les premiers essais d'ethnomusicologie, utilisa quelques sources canadiennes dans Chippewa Music (Washington, D.C. 1910, 1913). L'ouvrage American Primitive Music de Frederick R. Burton (New York 1909; réimpr. Port Washington, N.Y. 1969) portait également sur les Ojibwas. Plus récemment, Ghislaine Lecours rédigea un manuscrit sur le folklore à Gull Bay, au lac Nipigon, Ont., et Shirley Daniels publia Ojibway Songs, Narratives and Other Traditions from the Lake of the Woods (Ottawa 1968).

Chez les Amérindiens des Plaines, les collectes se firent surtout chez les Pieds-Noirs et les Cris. Les premières recherches de Pliny Goddard en Alberta, sous les auspices de l'AMNH, portèrent aussi sur les Sarcis, notamment « Dancing societies of the Sarsi Indians » (Anthropological Papers de l'AMNH, vol. XI, 1914), « Notes on the sun dance of the Sarsi » (ibid., vol. XVI, 1919), « Notes on the sun dance of the Cree of Alberta » (ibid.). S'intéressant surtout aux communautés des É.-U., Clark Wissler et Alanson Skinner ont publié à la même époque plusieurs études portant sur les Cris, les Ojibwas et les Menominees (on en trouve deux dans Anthropological Papers de l'AMNH, vol. XVI, 1919); elles contiennent des descriptions et des interprétations détaillées du symbolisme des cérémonies et des instruments musicaux. Parmi les premiers enregistrements canadiens de musique des Plaines, on compte ceux des Pieds-Noirs de l'Alberta par Jane Richardson Hanks en 1939. Il existe toutefois des enregistrements datant du tournant du siècle faits au Montana par George Bird Grinnell (1897), Walter McClintock (1898), Clark Wissler (1903-04) et d'autres qui sont de précieuses sources pour l'histoire de la musique canadienne, car la frontière nationale avait peu d'importance pour les musiciens autochtones. On trouve dans les Rapports annuels du ministère des Affaires indiennes (voir Robert Witmer, The Musical Life of the Blood Indians, Ottawa 1982, p. 91-97) des descriptions de la vie musicale des autochtones des Plaines. Donald Hartle (1949) et Bruno Nettl (1952) ont recueilli des chansons des Pieds-Noirs à l'intérieur des frontières canadiennes. L'article en quatre parties de Nettl, « Studies in Blackfoot Indian musical culture » (Ethnomusicology, vol. XI et XII, 1967, 1968), explore la structure musicale et le rôle social de leurs chansons. Les oeuvres de Roma Standefer « The Function of Dances in Blackfoot Indian Society » (manuscrit, s.d.) et de Hugh Dempsey « Social dances of the Blood Indians of Alberta » (JAF, vol. LXIX, 1956) et The Blackfoot Ghost Dance (Calgary 1968) ajoutent à la littérature musicale. Bien que la documentation sur la danse du Soleil des Amérindiens des Plaines soit abondante, seules quelques études sont fondées sur des faits observés au Canada. Elles incluent les recherches de Goddard (précitées), celles de Wilson Wallis (The Sun Dance of the Canadian Dakota, Anthropological Papers de l'AMNH, New York 1921) et celles, plus récentes, de Lloyd O'Brodovich (« Plains Cree sun dance », Western Canadian Journal of Anthropology, vol. I,1968). D'autres cueillettes chez les Cris de l'Ouest furent effectuées au milieu du XXe siècle par Kenneth Peacock (enregistrement Folkways FE-4464). La musique de danse sociale et les chansons de powwow devinrent beaucoup plus accessibles dans les années 1970, car Indian House et Canyon publièrent un très grand nombre d'enregistrements autochtones (IH-4051-4052, IH-4000-4001, CR-6133, CR-6135, CR-6176, CR-9002, CR-9004). Alors que la plupart des études ont porté sur les musiques cérémonielles et sociales traditionnelles, Robert Witmer a exploré aussi bien la musique traditionnelle que la musique « blanche », y compris le country, le western et les hymnes chrétiens chez les Gens du Sang de l'Alberta (CFMJ, vol. II, 1974; The Musical Life of the Blood Indians, Ottawa 1982).

Les données sur les musiques tribales des Athapascans et des Amérindiens du Plateau ne sont pas abondantes. Nous avons déjà parlé des Sarcis athapascans et, de 1912 à 1922, James Teit poursuivit ses enregistrements de la musique des Sekanis, Tahltans, Tlingits, Porteurs, Okanagans et Thompsons vivant en Colombie-Britannique (les enregistrements sont conservés au MCC); ses documents inédits recueillis sur le terrain furent utilisés de façon extensive dans le mémoire de M.A. de Wendy Wickwire (Université York 1978). Alden J. Mason recueillit des chansons des Sekanis à Fort Rae en 1913 (les enregistrements sont conservés au MCC) et il les incorpora dans Notes on the Indians of the Great Slave Lake Area (New Haven, Conn. 1946). Les membres du British Columbia Language Project (dirigé par Randy Bouchard et Dorothy Kennedy au début des années 1980) ont aussi enrichi la collection du MCC.

Chez les Nations subarctiques, la recherche sur les Amérindiens castors de Robin Ridington porte de façon extensive sur des sujets reliés à la musique, notamment Swan People : A Study of the Dunne-za Prophet Dance (Ottawa 1978) et « Beaver Indian dreaming and singing » (Anthropologica, 1971). De brèves études ont été publiées sur les Salish de l'Intérieur par Graham George (JIFMC, vol. XIV, 1962, d'après la collection Barbeau). Wendy Bross Stuart a par la suite fait une étude détaillée du jeu de mains des Salish de la Côte (Gambling Music of the Coast Salish Indians, Vancouver 1972). Parallèlement, June Helm et Nancy Lurie ont écrit sur le jeu de mains des Dogribs (Dogrib Hand Game, Ottawa 1966; transcriptions musicales de Gertrude Kurath). Avant 1980, les études d'ethnomusicologues furent rares, mais les recherches de Michael Asch, dont « Social context and the musical analysis of Slavey drum dance songs » (Ethnomusicology, vol. XIX, no 2, 1975), sont remarquables en ce qu'elles tentent d'utiliser des modèles linguistiques pour intégrer les données ethnographiques avec les structures de sons. Norma McLeod subit la même influence comme en témoigne son article « The Semantic parameter in music : the blanket rite of the lower Kutenai » (Yearbook for Inter-American Musical Research, vol. VII, 1971).

L'art magnifique des tribus du Nord de la Côte du Pacifique, convoité et souvent réclamé par les visiteurs européens (surtout avant l'abolition du potlatch de 1884 à 1950), est responsable, du moins en partie, de l'intensité de la recherche dans ce domaine (voir références antérieures aux oeuvres de Stumpf, Abraham, Boas et von Hornbostel). Henri Tate recueillit des textes de chansons tsimshiennes (1906-09, manuscrit à l'American Philosophical Library, Philadelphie). Parmi les études reconnues, on compte celles de Frances W. Galpin (« The Whistles and reed instruments of the Northwest Coast », Proceedings of the Musical Association, vol. XXIX, 1903), Martha Warren Beckwith (« Dance forms of the Moqui and Kwakiutl Indians », Proceedings of the 15th International Congress of Americanists, vol. II, 1907) et de John Swanton (« Haida songs », Proceedings de l'AES, vol. III, 1912). Marius Barbeau, dont les intérêts allaient des chansons aux totems, visita les communautés des fleuves Nass et Skeena pendant les années 1920. Ernest MacMillan fut l'un de ses collaborateurs, en 1927. Durant la même décennie, Edward Sapir recueillit des données chez les Nootkas (Helen Roberts et Morris Swadesh publièrent une étude basée sur sa collection, Songs of the Nootka Indians of Western Vancouver Island, Philadelphie 1955) et Thomas McIlwraith, chez les Bella Coolas (The Bella Coola Indians, 2 vol., Toronto 1948). Les collections extensives de Densmore inclurent les Nootkas et les Quileutes à la fin des années 1930 et 1940 (Nootka and Quileute Music, Bulletin du BAE, n<sup>o</sup> 134, 1939). L'ouvrage de Viola Edmundson Garfield The Tsimshian : Their Arts and Music (Publication XVIII de l'AES, 1966) est basé sur des recherches antérieures. Plus récemment, diverses collections ont été recueillies par Elizabeth Cass (Kutchins, 1959), Catherine McClellan (Yukon du Sud, 1962-68), Bill Folan et George August (Nootkas, Kwakiutls, 1966-67), Eugene Arima (Haidas, Kwakiutls, 1963-65), Suki Anderson (Bella Coolas, 1972), Wendy Bross Stuart (Salish de la Côte, 1972-73), Phil Davis (Bella Coolas, 1966-67) et Marie-Françoise Guédon (Tshimshians et Nebesnas, à partir de 1969). Les publications émanant de ces recherches comptent plusieurs monographies publiées par le MCC dans sa collection Mercure. Une des collections les plus importantes et les plus précieuses est celle d'Ida Halpern, qui commença à enregistrer des chefs nootkas et haidas en 1949; certaines des données brutes recueillies sur le terrain (transcriptions d'entrevues, notices, quelques transcriptions et analyses de chansons) ont été publiées dans des brochures accompagnant des enregistrements Folkways (FE-4523, FE-4524, FE-4119). Halpern écrivit sur les vocables dans les textes de chansons (« On the interpretation of <meaningless nonsensical syllables> in the music of the Pacific Northwest Indians », Ethnomusicology, vol. XX, no 2, 1976); Linda Goodman a contesté la justesse d'une partie de sa documentation (voir recension dans Ethnomusicology, vol. XXV, no 1, 1981) et a rédigé une introduction à Music and Dance in Northwest Coast Indian Life (Tsaile, Ariz. 1972) pour le Navajo Community College. Voir Autochtones pour de plus amples références aux études anthropologiques pertinentes à l'ethnomusicologie.

La recherche sur les Inuit (Esquimaux) a reçu une attention soutenue depuis les premiers efforts de Boas. D'importants groupes d'exploration tels que l'expédition canadienne dans l'arctique (1914-18) et la cinquième expédition de Thule (1921-24) rapportèrent des collections considérables et significatives de bandes magnétiques, textes, transcriptions et descriptions ethnographiques détaillées des modes de vie traditionnels des Inuit. Le voyageur et compositeur Christian Leden fit des enregistrements en 1914, dans la région de Keewatin (collection conservée au Musée de Neuchâtel en Suisse; copies au MCC). Lors de l'expédition canadienne dans l'Arctique de 1913-18, Diamond Jenness enregistra 137 chansons qui forment la base de son ouvrage écrit en collaboration avec Helen Roberts, Eskimo Songs : Songs of the Copper Eskimos (Report of the Canadian Arctic Expedition, 1913-1918, vol. XIV, Ottawa 1925). Lors de l'expédition de Croker Lans, Donald Baxter MacMillan enregistra cinq heures de musique en 1917 (voir Lee, Native North American Music and Aural Data, Bloomington, Ind. 1979, p. 55). Knud Rasmussen a recueilli et publié beaucoup de textes de chansons lors de la cinquième expédition Thule (1921-24). En 1938, Jean Gabus enregistra trois heures de musique des Inuit du Caribou de la région occidentale de la baie d'Hudson; sa collection de 78t. est conservée à Neuchâtel et a servi de base à une série d'études analytiques de l'ethnomusicologue suisse Zygmunt Estreicher, qui explora des aspects aussi variés que la polyphonie, la structure mélodique et l'évolution musicale, notamment dans « La Musique des Esquimaux-Caribous » (Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie, vol. V, no 1, 1948). Parmi les autres pionniers, il faut aussi mentionner Laura Boulton, qui commença à enregistrer de la musique sur la côte occidentale de la baie d'Hudson en 1941-42 (ses collections se trouvent au Center for Studies in Ethnomusicology à l'Université Columbia; voir Rahn, 1977), et Asen Balikci, qui fit sur le terrain de nombreux enregistrements de chansons, de jeux et de légendes inuit à Povungnituq, Québec, et à Pelly Bay, T. N.-O., pendant les années 1960 (MCC).

Le renouveau d'intérêt universitaire pour la musique inuit a débuté pendant les années 1970 : Maija Lutz à Pangnirtung, dans l'île de Baffin et à Nain, au Labrador (la survivance d'un orchestre de cuivres traditionnel d'influence morave à ce dernier endroit avait auparavant attiré la curiosité de musiciens du sud du Canada; voir Missions moraves au Labrador); Beverley Diamond à Gjoa Haven et à Pelly Bay, T. N.-O.; Doreen Binnington à Coppermine, T. N.-O.; Nicole Beaudry à Cap Dorset, dans l'île de Baffin; d'autres membres du Groupe de recherche en sémiologie musicale dirigé par J.-J. Nattiez de l'Université de Montréal dans des communautés du nord du Québec; Nattiez lui-même à Pond Inlet, dans l'île de Baffin et à Iglulik, T. N.-O.; Ramón Pelinski à Rankin Inlet et à Eskimo Point sur la rive occidentale de la baie d'Hudson. Pour les références des publications basées sur ces études, voir Autochtones, section 7. Au même moment, des études importante sur les styles musicaux de l'Alaska (Lorraine Korranda et Thomas Johnston) et sur les styles musicaux du Groënland (Poul Rovsing Olsen et Michael Hauser) ont facilité les études comparées, dont celle de Johnston Eskimo Music by Region : A Comparative Circumpolar Study (Ottawa 1976). Hauser explora la diffusion de chansons au cours des ans, du Groënland au sud de l'île de Baffin, dans « Inuit songs from Southwest Baffin Island in cross-cultural context » (Études inuit, vol. II, no 1, 1978); ces travaux ont laissé présager l'intérêt qui allait se développer pour les études historiques spécifiques des musiques autochtones pendant les années 1980. Les travaux du Groupe de recherche en sémiologie musicale tout comme les recherches indépendantes d'experts de l'Université Laval sur les jeux de gorge des femmes de l'Est de l'Arctique constituent un projet unique. Lutz et Cavanagh ont étudié plusieurs aspects de l'acculturation tandis que Pelinski a élaboré un système d'analyse de motifs mélodiques par ordinateur.

Recherches et études canadiennes-françaises, 1900-1980

Les collections exceptionelles de Gagnon et de LaRue ont inspiré des recherches qui mettaient l'emphase sur la collecte, la transcription soigneuse de textes et la codification des variantes. Les efforts remarquables de Marius Barbeau ont élargi l'éventail des sujets de recherche et les chercheurs devinrent par la suite moins soucieux de présenter le Canada comme un dépositaire de traditions européennes anciennes et plus soucieux de documenter une grande variété de pratiques nationales. Le MCC et, plus tard, l'Université Laval, l'Université de Sudbury et l'Université de Moncton ont joué des rôles majeurs.

Les études datant du tournant du siècle incluent « The Folk songs of Canada » de Cyrus MacMillan (thèse de Ph.D., Harvard 1909; où la musique folklorique est associée seulement aux Français) et Forty-four French Folk-songs and Variants from Canada, Normandy and Brittany de Julien Tiersot (G. Schirmer 1910)

Le linguiste et anthropologue Edward Sapir vint au Canada en 1910, appelé à la direction du dépt d'anthropologie du musée de la Commission géologique du Canada (incorporé par la suite à ce qui est devenu le Musée canadien des civilisations). L'année suivante, il engagea Marius Barbeau comme ethnologue attitré, marquant ainsi un pas décisif dans l'histoire de l'ethnomusicologie au Canada. Barbeau fut indiscutablement la personnalité dominante de la recherche sur les musiques autochtone et folklorique pendant les 40 années qui suivirent (voir Autochtones, Barbeau, Musique folklorique canadienne-française).

En 1919, Barbeau collabora avec É.-Z. Massicotte à la cueillette de chansons publiées sous le titre de « Chants populaires du Canada » (JAF, vol. XXXII, no 123). La plupart avaient été recueillies sur cylindres entre 1917 et 1918, bien que quelques-unes provinssent du carnet de notes sur le folklore de Massicotte et eussent été recueillies au Québec et en Ontario entre 1883 et 1911. Barbeau, quant à lui, recueillait des chansons au Québec depuis 1916; il colligea finalement environ 10 000 chansons en manuscrit ou sur cylindres de cire pour le MCC; plusieurs d'entre elles apparurent dans des séries de recueils populaires, dont Romancero du Canada (Montréal 1937). Son project de Répertoire de la chanson folklorique française du Canada, en quatre volumes, fut en partie publié de son vivant, soit le premier volume (Le Rossignol y chante, Ottawa 1962, 1979); en 1991, les volumes posthumes incluaient En Roulant ma boule (Ottawa 1982) et Le Roi boit (édité par Lucien Ouellet, Ottawa 1987). Les comptes rendus des Veillées du bon vieux temps de 1919 incluaient des transcriptions de diverses pièces instrumentales pour violon ou guimbarde (jew's harp) de même que quelques chansons de la collection de Massicotte (Veillées du bon vieux temps, Montréal 1920; voir p. 86-93 et autres). Barbeau était motivé en partie par le désir de fournir un fondement solide pour la musique nationale; il s'objectait à ce que l'on typifie la musique par un ensemble de « variations banales pour piano, composées il y a un demi-siecle par un Allemand en voyage » (Barbeau, « Préface » de Veillées du bon vieux temps, Montréal 1920, p. 1-6). Les arrangements des chansons de sa collection étaient signés Ernest MacMillan, Oscar O'Brien, Healey Willan et d'autres.

Le nationalisme de Barbeau était partagé par d'autres promoteurs de la chanson folklorique qui n'étaient pas nécessairement d'accord avec son souci de présentation authentique. L'abbé F.-X. Burque, dans la préface de Chansonnier canadien-français (Québec 1921), exprimait le sentiment que la chanson folklorique nécessitait « des retouches » afin de pouvoir rester populaire; des fautes de grammaire dans les textes, par exemple, avaient besoin d'être corrigées (p. vii-viii).

Pendant les années 1920 et 1930, il y eut un retour du pendule vers la présentation commerciale de musique traditionnelle sous forme d'enregistrements commerciaux de violoneux et d'accordéonistes, tels J.B. Roy, Joseph Allard, J.O. LaMadeleine ou Alfred Montmarquette, surtout pour Victor et Starr (voir Pionniers du disque folklorique québécois).

La fondation en 1944 des Archives de folklore à l'Université Laval (sous la direction de Luc Lacourcière) et le lancement, deux ans plus tard, d'une revue du même nom, furent des étapes décisives dans la recherche sur la musique folklorique canadienne-française. (Après la sortie de quatre numéros portant sur divers sujets, les Archives du folklore devinrent une série de monographies.) Parmi les publications indépendantes, on note Le Catalogue de la chanson folklorique française (première éd., 1958), une oeuvre d'envergure internationale de Conrad Laforte. Les fonctions de Laforte comme responsable du catalogue de l'immense collection de l'Université Laval l'incitèrent à s'attaquer au problème colossal de la classification de la chanson folklorique de langue française. L'édition de 1958 comporte une liste des chansons par ordre alphabétique avec des renvois aux variantes, à d'autres titres et aux timbres. Le système de classification de Laforte, basé sur la structure plutôt que le sujet, est décrit dans Poétiques de la chanson traditionnelle française (Québec 1976) et illustré dans les volumes subséquents, portant chacun sur une catégorie de la classification (voir description ci-après). La méthode de Laforte a été adoptée par le MCC ainsi que par les universités de Moncton et de Sudbury.

Carmen Roy étudia le folklore dans la région de Gaspé et aux îles Saint-Pierre et Miquelon. Sa première monographie, La Littérature orale en Gaspésie (Ottawa 1955), comporte 23 transcriptions et des observations sur la transmission orale des chansons. Certaines chansons de sa collection furent analysées par George Proctor.

Après avoir recueilli le folklore francoontarien à titre personnel de 1948 à 1958, le père Germain Lemieux fut nommé dir. du nouvel Institut de folklore (rebaptisé plus tard Centre franco-ontarien de folklore) à Sudbury en 1959. Les études majeures de ce centre incluent des anthologies de légendes et de chansons, dont Chanteurs franco-ontariens et leurs chansons de Lemieux (Sudbury 1964); Chansonnier franco-ontarien (Sudbury 1974 -); et La Chanson folklorique dans le milieu canadien-français traditionnel / Folk Song in the Traditional Society of French Canada de Mary Ann Griggs (Sudbury 1969).

Joseph Thomas Leblanc a compilé des chansons acadiennes pour le journal La Voix d'Évangéline de Moncton (1938-41). Le père Anselme Chiasson recueillit de la musique acadienne à Chéticamp et à Arichat, N.-É., et publia en collaboration avec le frère Daniel Boudreau cinq volumes de Chansons d'Acadie (Éditions de la Réparation 1942, 1945, 1948, 1972, 1979). Alors qu'elle était responsable de la section folklore du Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton (fondé en 1970), Charlotte Cormier fit en 1975 un compte rendu de plus de 100 collections recueillies sur le terrain de même que de projets incluant l'indexation des revues et l'adaptation des systèmes de classification de Laforte (voir « Situation de la recherche en folklore acadien », CFMJ, vol. III, 1975, p. 30-34). Le centre a facilité des projets tels que la publication des transcriptions de Cormier de chansons du sud-est du Nouveau-Brunswick (Écoutez tous, petits et grands, Moncton 1978) ainsi que des études de George Arsenault à l'Île-du-Prince-Édouard et de Robert Paquin (publications postérieures à 1980, citées ci-après). En 1980, le Centre d'études acadiennes avait déjà accumulé plus de 5000 chansons et 700 pièces instrumentales.

Des travaux plus limités eurent lieu dans les autres provinces. Kenneth Peacock recueillit des chansons françaises à Terre-Neuve pendant les années 1960 et Gerald Thomas compila le catalogue Songs Sung by French Newfoundlanders (Saint-Jean 1978). Barbara Cass-Beggs, qui produisit Seven Métis Songs (BMIC 1967), et Margaret MacLeod, Songs of Old Manitoba (Ryerson 1959), firent des collectes chez les Métis du Manitoba mais n'en publièrent que des extraits.

Recherches et études canadiennes-anglaises, 1900-80

Comme au Canada français, la majorité des chercheurs du Canada anglais, pendant cette période, se concentra sur la collecte; les études portant sur le folklore étaient plus nombreuses que celles sur la musicologie et l'anthropologie. Selon une vue romantique et étroite du concept « folklore », l'étendue conceptuelle d'une bonne partie de la recherche universitaire folklorique se trouva restreinte; son étendue géographique fut aussi concentrée vers les provinces Maritimes avec leurs anciennes histoires de colonisation. Heureusement, la collecte active fut souvent entreprise dans un but non universitaire et plus tolérant.

La publication commerciale de chansons de folklore était florissante au début du XXe siècle, surtout dans les Maritimes. Le premier d'une série de recueils de textes publiés par James Murphy fut Songs and Ballads of Newfoundland, Ancient and Modern (Saint-Jean 1902); il compila d'autres recueils de « chansons anciennes » et de « chansons de chasseurs de phoques », tous à Saint-Jean : Songs and Ballads of Terra Nova (1903), Songs of Our Land (1904), Murphy's Sealers' Song Book (1905), Old Songs of Newfoundland (1912), Songs Their Fathers Sung. For Fishermen. Old Time Ditties (1923), Songs Sung by Old-Time Sealers of Many Years Ago (1925). The Old-Time Songs and Poetry of Newfoundland, d'un commerçant de Saint-Jean ayant pour nom Gerald S. Doyle, connut cinq éditions (Saint-Jean 1927, éditions subséquentes avec notation musicale en 1940, 1955 et 1966 et 1978). À partir de 1955 au moins, elles furent distribuées gratuitement; les dépenses étaient de manière évidente couvertes par l'inclusion (à la suite d'un précédent établi par Murphy) d'annonces publicitaires d'articles domestiques. Le populaire recueil Canadian Folksongs, Old and New (Londres et Toronto 1927) de J.M. Gibbon contenait parmi ses arrangements de chansons des exemples de la collection de Gagnon avec traductions des textes en anglais. Des recueils de textes sans musique, connus sous le nom de « come-all-ye » (venez, vous tous) - un genre s'apparentant à celui du chansonnier canadien-français - apparurent à partir de la fin des années 1920, par exemple Cape Breton Come All Ye de Stuart McCawley (Glace Bay, N.-É. 1929). En 1925, les premiers enregistrements de violoneux canadiens-anglais furent édités par Apex pour le commerce.

Des collections de folkloristes dont le champ d'étude est plus spécialisé ont aussi été publiées : W. Roy Mackenzie, qui fit des recherches sur les côtes septentrionales de la Nouvelle-Écosse, publia ses travaux dans « Ballad singing in Nova Scotia » (JAF, vol. XXII, 1909) et Ballads and Sea Songs from Nova Scotia (Cambridge, Mass. 1928). Évitant une « teinte de théorie » dans le compte rendu qu'il fit de ses collectes (The Quest of the Ballad, Princeton, N.J. 1919), Mackenzie définit l'individu apte à « perpétuer le folklore », conscient des différences de classes et comprenant la place du collecteur dans ce système. Cette interrogation et son souci occasionnel concernant les procédés de transmission en font un anticipateur des questions que se poseront plus tard les chercheurs. Comme plusieurs collecteurs de sa génération, il était moins intéressé par les textes composés localement que par les ballades d'enfants. Au début des années 1920, Elisabeth B. Greenleaf avait noté quelques chansons dans la région de Sally's Cove et elle y retourna en 1928 en compagnie de Grace Y. Mansfield, sa collègue du Vassar College, et compila Ballads and Sea Songs of Newfoundland (Cambridge, Mass. 1933). En 1929 et 1930, Maud Karpeles parcourut Terre-Neuve et recueillit 200 chansons, dont certaines furent publiées dans Folk Songs from Newfoundland (Oxford University Press 1934). Elle exclut les chansons « composées » et exprime son regret que Terre-Neuve ait été en contact avec la « civilisation moderne » (p. iii). À peu près à la même époque, Helen Creighton, inspirée par les travaux de Mackenzie, entreprit sur le terrain des études qui devaient mettre à jour plus de 4000 chansons et donner lieu à maintes publications des répertoires de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick au cours des 40 années subséquentes. Au tout début, elle transcrivait les chansons sur le champ, à l'aide d'un orgue portatif; plus tard, elle se servit d'appareils d'enregistrement portatifs. Elle publia son premier recueil en 1932, Songs and Ballads from Nova Scotia. Elle avait envoyé les chansons à l'English Folksong Society qui les avait classifiées soit en « bonnes et dignes de publication », soit en « authentiques avec de meilleures variantes ailleurs »; mais, tout à son crédit, elle ne tint pas compte de leur avis et publia les deux catégories. Creighton raconte sa carrière dans son autobiographie (A Life in Folklore, Toronto 1975) qui, à l'instar de celle de Mackenzie, constitue une source importante de renseignements sur le contexte social de la musique folklorique dans les Maritimes.

Phillips Barry, folkloriste de la Nouvelle-Angleterre, publia 39 chansons du Nouveau-Brunswick dans « Songs and traditions of the Miramichi » (Bulletin of the Folksong Society of the Northeast, vol. X-XII, 1935-37) ainsi que quelques textes recueillis dans le sud de cette province dans British Ballads from Maine (New Haven, Conn. 1929; avec la collaboration de Fannie H. Eckstorm et Mary W. Smyth). Les plus importants travaux de collecte au Nouveau-Brunswick furent ceux de Louise Manny en 1947, à l'instigation de lord Beaverbrook. En collaboration avec James Reginald Wilson, elle publia Songs of Miramichi (Fredericton, N.-B. 1968).

Pendant les années 1950 et 1960, on assista à un élargissement du cadre des recherches et des régions étudiées. Maints collecteurs et spécialistes continuèrent à oeuvrer dans les Maritimes, riches en traditions. Margaret Sargent visita Terre-Neuve pour le compte des Musées nationaux (auj. MCC) en 1950. Le musée subventionna aussi en 1960 les recherches sur la rive sud du Labrador de MacEdward Leach, de l'Université de la Pennsylvanie, qui publia Folk Ballads and Songs of the Lower Labrador Coast (Ottawa 1965). La plus vaste collection de chansons de Terre-Neuve fut toutefois recueillie par Kenneth Peacock pendant des expéditions estivales entre 1951 et 1961 : il publia Songs of the Newfoundland Outports (3 vol., Ottawa 1965), qui inclut des transcriptions détaillées de la musique et des textes des chansons, de courts commentaires sur des ambiguïtés textuelles, des caractéristiques stylistiques et des sources. Il identifie les chanteurs et les compositeurs, donnant ainsi un aspect humain au procédé de transmission. Au même moment, un folkloriste de la Nouvelle-Angleterre, Edward D. Ives, effectuait une collecte au Nouveau-Brunswick et dans l'Île-du-Prince-Édouard, s'intéressant tout particulièrement à la chanson traditionnelle dans les camps de bûcherons. Les recherches d'Ives se distinguent par leur accent sur les compositeurs de musique folklorique, par exemple, Larry Gorman (Bloomington, Ind. 1964), Joe Scott, the Woodsmansongmaker (Urbana, Ill. 1978), Lawrence Doyle : The Farmer-poet of Prince Edward Island; a Study in Local Song-making (Orono, Me 1971).

À l'Université Memorial de Saint-Jean, le dépt de folklore (dirigé par Herbert Halpert de 1968 à 1973) et la Folklore and Language Archive s'imposèrent comme principaux centres de recherche sur la musique folklorique de Terre-Neuve. On a ensuite entrepris des projets locaux portant sur les musiques traditionnelle, populaire, bluegrass et country. Parmi les publications importantes des années 1980, on compte : The Ballads of Johnny Burke : A Short Anthology de Paul Mercer (Saint-Jean 1974), Country Music in the Maritimes : Two Studies de Neil Rosenberg (Saint-Jean 1976) et A Regional Discography of Newfoundland and Labrador de Michael Taft (Saint-Jean 1979). Les vastes recherches de Rosenberg sur le bluegrass furent florissantes pendant cette période et donnèrent lieu à Bill Monroe and His Blue Grass Boys : An Illustrated Discography (Nashville, Tenn. 1974).

Une réalisation majeure des années 1960 et 1970 fut l'étude des traditions musicales des régions à l'ouest du Québec. Bien qu'Eileen Bleakney dans la région d'Ottawa et Ivan H. Walton dans celle des Grands Lacs eussent recueilli de la musique en Ontario, Edith Fowke fit oeuvre de pionnier dans cette province lorsqu'elle y entreprit ses travaux en 1957. À partir de cette date, elle a recueilli plus de 1000 chansons, dont certaines ont paru dans Traditional Singers and Songs from Ontario (Hatboro, Penn. 1965) et Lumbering Songs from the Northern Woods (Austin, Tex. 1970). La contribution de Fowke au domaine de l'ethnomusicologie est double : comme folkloriste à la technique méticuleuse, elle a découvert beaucoup de faits nouveaux sur les origines et la diffusion des chansons; comme animatrice, elle s'est évertuée à mettre la musique folklorique à la disposition du grand public par son travail de commentatrice radiophonique et d'éditrice de recueils de chansons pour le marché éducatif, par exemple, Folk Songs of Canada et Folk Songs of Quebec (Waterloo, Ont. 1957), tous deux avec Richard Johnston, Sally Go Round the Sun et Ring Around the Moon.

Fowke recueillit quelques chansons d'une famille manitobaine en 1975 (CFMJ, vol. III, 1975), tandis que Barbara Cass-Beggs enregistrait plusieurs chansons de la Saskatchewan en 1963 (Eight songs of Saskatchewan, Toronto 1963). Comme chez Fowke, l'apport de Cass-Beggs est considérable par le choix et la préparation à des fins de publication de chansons pour enfants, par exemple, Canadian Folk Songs for the Young (Vancouver 1975). L'étude la plus substantielle à ce jour demeure « Survey of English language music of the Canadian prairies and foothills » (1975), essai inédit de Tim B. Rogers, prof. de psychologie à l'Université de Calgary. L'intérêt que porte Rogers au répertoire traditionnel et au style populaire témoigne d'une attention naissante pour la tradition populaire contemporaine.

En Colombie-Britannique, une tradition folklorique florissante est conservée par la Vancouver Folk Song Society qui publia la revue Comme All Ye de 1972 à 1977. L'oeuvre de Philip Thomas Songs of the Pacific Northwest demeure la plus vaste anthologie publiée jusqu'en 1991.

Avant les années 1970, peu de recherches sur les nombreuses traditions instrumentales du Canada avaient vu le jour. La musique des violoneux avait fait l'objet d'un document de George Proctor (Contributions to Anthropology, vol. II, Ottawa 1960); plus tard, Dorothy et Homer Hogan compilèrent une bibliographie précieuse : « Canadian fiddle culture » (Communique : Canadian Studies, 1977). La recherche subséquente est recensée ci-après.

Recherches et études sur les autres groupes ethniques, 1900-80

Bien que le premier recueil de chansons dans une langue autre que le français, l'anglais ou les dialectes autochtones - « The Gaelic folk songs of Canada » d'Alexander Fraser - eût été publié dès 1903 (MSRC, série 2, vol. IX, section 2), la reconnaissance des composantes ethniques du Canada n'était pas chose courante au sein de la communauté des chercheurs pendant la première moitié du siècle. La malheureuse congruence d'une stratégie de recherche et des principes d'une immigration xénophobe (intensément restrictive entre 1896 et 1946) fut seulement un peu contrecarrée par les efforts de quelques chercheurs. La musique canadienne-africaine de la fin du XIXe siècle est représentée par une collection commerciale datant de l'occupation militaire de Cuba par les États-Unis que l'on doit aux Famous Canadian Jubilee Singers : Plantation Lullabies. Songs Sung by the Famous Canadian Jubilee Singers, the Royal Paragon Male Quartette and Imperial Orchestra (Hamilton, Ont. v. 1900). Folkore of Nova Scotia de Huff Fauset (New York 1931) contient 20 textes de chansons recueillies pour la plupart de chanteurs d'ascendance africaine partielle ou totale. Marius Barbeau fut l'une des rares personnalités dont l'intérêt musicologique s'étendit à d'autres groupes ethniques (comme en témoigne une étude inédite, « Slavonic cultural influences on the North Pacific Coast », s.d.). Un autre pionnier dans ce domaine fut J.M. Gibbon dir. de la publicité du CP, qui, de concert avec Barbeau, encouragea le grand public à s'intéresser aux diverses traditions ethniques du Canada en organisant une série de festivals de chansons folkloriques, de danses folkloriques et de chansons des métiers et du terroir à partir de 1927. Un de ces festivals, tenu à Winnipeg en 1928, était consacré à la musique de 19 groupes nationaux différents (voir festivals du CP). Laura Boulton fit des enregistrements de musique gaélique en Nouvelle-Écosse en 1941 et de musiques ukrainiennes et polonaises à Winnipeg et Winnipeg Beach en 1942; les collections se trouvent au Center for Studies in Ethnomusicology à l'Université Columbia. Oleksander Koshetz (ou Koshyts') (1875-1944) a préservé bon nombre de chansons folkloriques ukrainiennes chantées par des choeurs, par exemple, Muzychni trory (Winnipeg 1949), et il a écrit sur les chansons rituelles ukrainiennes dans Prohenetychnyi zv'iazok ta hrupuvannia ukrains'kykh obriadovykh pisen' [relation génétique et classification de chansons rituelles ukrainiennes] (Winnipeg 1945). J. Dz'obko a compilé une autre collection, My Songs : A Selection of Ukrainian Folksongs in English Translation (Winnipeg 1958).

L'implication des chercheurs ukrainiens Koshetz et Dz'obko dans la recherche musicale au Canada laissait présager les développements des années 1960 et 1970. Pendant cette période, la communauté de chercheurs se diversifia et commença à reconnaître le vaste éventail ethnoculturel du Canada. Les recherches du folkloriste Robert Klymasz sur les canadiens-ukrainiens sont exemplaires par leur éventail et leur approche, y compris ses études sur les cycles rituels importants (The Ukrainian-Canadian Immigrant Folksong Cycle, Bulletin 234 du Musée national, Ottawa 1970; The Ukrainian Winter Folksong Cycle in Canada, Bulletin 236 du Musée national, Ottawa 1970), ainsi que ses études sur les berceuses et la musique country (voir Société canadienne de musique folklorique, « A reference list on Canadian folk music », 1978, pour de plus amples renseignements bibliographiques). Anthony Proracki et Alan Henderson (CFMJ, vol. II, 1974) se sont aussi penchés sur la musique ukrainienne. D'autres communautés de l'Europe de l'Est ont aussi été étudiées; John Glofcheskie, dans Folk Music in Canada's Oldest Polish Community, adopte un cadre de travail fonctionnel. Le folkloriste Mark Mealing a fait des études sur la musique doukhobore (« Our people's way : a study of Doukhobor hymnody and folklife », thèse de Ph.D., Université de Pennsylvanie 1975; et un article, CFMJ, vol. IV, 1976). Kenneth Peacock a transcrit de la musique doukhobore (Songs of the Doukhobors, Bulletin 231 du Musée national, Ottawa 1970).

Ce dernier ouvrage était l'un des multiples sondages effectuées par Peacock pour les Musées nationaux (auj. MCC) sur les traditions musicales de nouveaux groupes ethniques, surtout dans l'Ouest du Canada; on compte aussi Survey of Ethnic Folk Music across Western Canada (Ottawa 1963), Twenty Ethnic Songs from Western Canada (Ottawa 1966) et A Garland of Rue : Lithuanian Folksongs of Love and Betrothal (Ottawa 1971). L'éventail élargi de parrainage du Musée se produisit en réponse à l'adoption, par le gouvernement, de sa polique du « multiculturalisme » annoncée en 1971. Cette politique prévoyait le soutien de groupes etniques autres que les francophones, les anglophones ou les groupes des Premières Nations. Les traditions des Premières Nations, maintenant du ressort du Service canadien d'ethnologie, étaient illogiquement séparées de celles de tous les autres groupes ethnoculturels étudiés en 1991 au sein du Centre canadien d'études sur la culture traditionnelle, dirigé au début par Carmen Roy. En 1975, le Centre avait déjà recueilli des matériaux provenant de plus de 60 groupes ethnoculturels (voir l'article de Renée Landry dans Études ethniques du Canada, vol. VII, no 2, 1975; voir aussi Ramón Pelinski, « The Music of Canada's ethnic minorities », Les Cahiers canadiens de musique, no 10, 1975).

Des chercheurs indépendants de diverses autres disciplines universitaires ont contribué à la recherche au sein de plusieurs autres communautés ethniques. L'anthropologue Frances Henry a inclus la musique dans sa recherche plus vaste sur les communautés des Maritimes de descendance africaine, par exemple, « Black music in the Maritimes » (CFMJ, vol. III, 1975), alors que le compositeur Paul McIntyre a documenté un contexte spécifique dans Black Pentecostal Music in Windsor (Ottawa 1976). La musique des cultes religieux a fait l'objet de recherches par Helen Martens (« Hutterite songs : the origins and aural transmission of their melodies from the 16th century », thèse de Ph.D., Université Columbia 1969; « The Music of some religious minorities in Canada », Ethnomusicology, vol. XVI, septembre 1972), Geoffrey Clarfield (« Music in the Moroccan Jewish community in Toronto », CFMJ, vol. IV, 1976) et Wesley Berg (« Choral festivals and choral workshops among the Mennonites of Manitoba and Saskatchewan, 1900-1960, with an account of early developments in Russia », thèse de Ph.D., Université de Washington 1979). pour sa part, Ruth Rubin a décrit la chanson folklorique yiddish (« Yiddish folk songs current in French Canada », JIFMC, vol. XII, 1972).

Les musiques asiatiques et moyen-orientales ont peu à peu été reconnues dans le milieu universitaire. Bang-song Song écrivit The Korean-Canadian Folk Song : An Ethnomusicological Study (Ottawa 1974). Le travail le plus poussé fut celui de Regula Qureshi, qui recueillit des musiques canadiennes-arabes et canadiennes-indiennes à Edmonton et Calgary (1971-72), dans le cadre du Folk Music Project du Provincial Museum and Archives of Alberta; ses premières publications datent de cette période (par exemple, « Tarannum : the chanting of Urdu poetry », Ethnomusicology, vol. XIII, no 3, 1969; voir aussi ci-après).

Ressources et orientations des recherches

À partir de la fin des années 1970, le travail des ethnomusicologues canadiens s'accrût énormément, autant en théorie qu'en pratique, reflétant ainsi la maturation des programmes d'ethnomusicologie dans les universités, les fluctuations démographiques dans la société canadienne et la reconnaissance par le public de la diversité ethnoculturelle. Alors que plusieurs études portaient sur une seule ethnie, on mit l'accent sur les processus interculturels. Pendant cette période, on vit la recherche ethnomusicologique empiéter sur les études de musique populaire et sur la sociologie de la musique, en partie à cause d'un certain nombre de chercheurs formés en ethnomusicologie qui étudiaient la musique populaire et le jazz. Le simple volume de publications à ce jour rend impossible la citation exhaustive des travaux produits pendant cette décennie; le choix de références ci-après cherche à représenter l'étendue du domaine de même qu'à inclure les oeuvres vraiment importantes. (Voir aussi Sociologie de la musique.) Ethnomusicology in Canada, publié sous la direction de Robert Witmer, est un ouvrage marquant illustrant l'état de la recherche en 1988.

Pendant les années 1980, les chercheurs canadiens ont fait de substantielles contributions à la discussion des questions théoriques en ethnomusicologie, telles que les méthodes d'analyse transculturelle, les questions de représentation et de cadre de travail conceptuel. J.-J. Nattiez a continué d'avancer et d'appliquer les méthodes d'analyse sémiologiques, entre autres par ses livres Fondements d'une sémiologie de la musique (Paris 1975) et Musicologie générale et sémiologie (Paris 1987). Jay Rahn a aussi mis l'emphase sur l'analyse transculturelle, adoptant une approche essentialiste dans A Theory for All Music : Problems and Solutions in the Analysis of Non-Western Forms (Toronto 1983). Par contraste, Regula Qureshi a étudié la musique comme (en partie) une manifestation acoustique des relations sociales, incluant les relations entre le chercheur et le musicien; elle a publié « Musical sound and contextual input : a performance model for musical analysis » (Ethnomusicology, vol. XXXI, no 1, 1987) et « Focus on ethnic music » (ibid., vol. XXXIV, 1990). Lors d'un symposium consacré aux questions de représentation, Jocelyne Guilbault et Line Grenier ont examiné les définitions ambiguës de « nation », de l'« autre », et leur pertinence pour les études en musique populaire (Ethnomusicology, vol. XXXIV, no 3, 1990). La pertinence similaire d'« états » moins ambigus a été examinée par James Robbins, qui a comparé les contextes américains-latins et canadiens dans « What can we learn when they sing, eh? Ethnomusicology in the American state of Canada » (Ethnomusicology in Canada). Beverley Diamond s'est aussi penchée sur les questions de représentation dans l'histoire de la musique au Canada dans « Narratives in Canadian music » (en préparation en 1991). Monique Desroches s'est pour sa part concentrée sur les problèmes de relation entre renvois extra-musicaux et structure sonore (thèse de Ph.D., Université de Montréal 1986). La recherche sur la relation de genre et musique commençait tout juste à émerger à la fin des années 1980; par exemple, des études de Cheryl Gillard (« Women and music in Canada : an introduction », mémoire de M.A., Université Carleton 1987) et Diamond (« Music and gender in the sub-Arctic Algonkian area », Women in North American Indian Music : Six Essays, Richard Keeling dir., Society for Ethnomusicology Special Series, no 6, 1989). À la suite de son anthologie Whose Music? A Sociology of Musical Languages (Londres 1977), John Shepherd a effectué un travail qui mettait l'accent sur l'étude critique des musiques populaires (par exemple, « A theoretical model for the sociomusicological analysis of popular musics », Popular Music, vol. II, 1982; « Music and male hegemony », Music and Society : The Politics of Composition, Performance and Reception, R. Leppert et S. McClary dir., Cambridge, Angl. 1987). Il est aussi responsable d'avoir attiré au Canada des chercheurs internationaux pour y donner des conférences et y collaborer : par exemple, la conférence sur l'« Alternative musicology » dont les actes furent publiés dans la RMUC (no 10, 1990); parmi les auteurs des comptes rendus, on remarque plusieurs Canadiens, dont Shepherd lui-même, Grenier, Nattiez, et Will Straw. Pendant son séjour à l'Université de Toronto, Timothy Rice a développé un modèle tripartite pour la recherche ethnomusicologique (pour lequel il reconnaît sa dette envers Alan Merriam), basé sur l'initiation historique, l'entretien social et l'expérience individuelle (Ethnomusicology, vol. XXXI, 1987). Avec Robert Falck, Rice a publié un Festschrift pour Mieczyslaw Kolinski (Cross-cultural Perspectives on Music, Toronto 1982), compilant des études significatives sur l'utilisation de la « comparaison » en ethnomusicologie.

Pendant les années 1980, les catalogues et les systèmes de classification utiles aux chercheurs en musique canadienne incluaient les catalogues de la collection d'instruments musicaux du Centre canadien d'études sur la culture traditionnelle du MCC (The CCFCS Collection of Musical Instruments, Ottawa 1982 -), les travaux organologiques du SPINC Research Project, le Précis de transcription de documents d'archives orales de Vivian Labrie (Québec 1982), le Native North American Music and Oral Data : Catalogue of Sound Recordings, 1893-1976 de Dorothy Sara Lee (Bloomington, Ind. 1979), le Federal Cylinder Project de Dorothy Sara Lee et Judith Gray (vol. II : The Northeast, Washington, D.C. 1985; vol. III : The Northwest, Washington, D.C. 1986) et l' Early Field Recordings : A Catalogue of Cylinder Collections at the Indiana University Archives of Traditional Music d'Anthony Seeger et Louise Spear (Bloomington, Ind. 1987). Resources of American Music History de D.W. Krummel (Urbana, Ill. 1981) contient quelques références archivistiques canadiennes. De plus, diverses bibliographies sont citées dans les sections suivantes du présent article.

Des Canadiens ont participé aux recherches faites avec les nouvelles technologies; on compte notamment Michael Bakan et autres qui ont travaillé à la classification des instruments de musique électroniques (voir Selected Reports in Ethnomusicology, vol. VIII, 1990), ainsi que Robert Witmer et Doug Gifford qui ont fait des études sur les applications de l'ordinateur aux guitares horizontales (pedal steel guitar) (en préparation en 1991).

Recherches et études sur les Premières Nations, 1980-90

À la fin des années 1970 et pendant les années 1980, les études sur la musique des Premières Nations furent stimulées par un renouveau des valeurs traditionnelles dans plusieurs communautés autochtones (facilité en partie par les Conférences des anciens, les Rassemblements intertribaux et les Centres culturels autochtones), par les débats publics sur les questions politiques concernant la terre et l'autogouvernement et par l'effloraison concomitante de nombre de projets de recherche ethnomusicologique à long terme.

J.-J. Nattiez (« Le Disque de musique amérindienne », RAQ, vol. VIII, no 4, 1978; vol. X, nos 1-2, 1980; vol. XI, no 3, 1981), Nina De Shane (« Ethnomusicology and the study of North American Indian music », Queen's Q, vol. XC, no 1, 1983) et Wendy Wickwire (« Theories of ethnomusicology and the North American Indian : retrospective and critique », RMUC, no 6, 1985) ont écrit des analyses historiographiques et des rétrospectives.

Par l'entremise de sa collection Mercure, le Service canadien d'ethnologie du MCC publia diverses études sur la musique autochtone, accompagnées pour la plupart d'un enregistrement sur flexidisquette, dont celles de Robert Witmer (The Musical Life of the Blood Indians, 1982), Maija Lutz (The Effects of Acculturation on Eskimo Music of Cumberland Peninsula, 1978; Musical Traditions of the Labrador Coast Inuit, 1982), Beverley Diamond (Music of the Netsilik Eskimo : A Study of Stability and Change, 1982), Anton Kolstee (Bella Coola Indian Music : A Study of the Interaction between Northwest Coast Indian Structures and their Functional Context, 1982) et Ramón Pelinski (Inuit Songs from Eskimo Point, Inuit imgiusigi ajajartut, 1979). Dans la même série, on trouve des études linguistiques ou anthropologiques où l'on porte une attention spéciale à l'interprétation musicale.

Dans quatre revues spécialisées, on a consacré un numéro spécial à l'ethnomusicologie des Premières Nations : Études inuit (vol. II, no 1, 1978), RAQ (vol. XV, no 4, 1985 et vol. XVIII, no 4, 1988; tous deux sous la direction de Nicole Beaudry, rédactrice invitée) et CJNS (1989; avec Lynn Whidden comme rédactrice invitée). De nouveaux enregistrements commerciaux de Canyon, Indian House, Iroqrafts et Sunshine Records - les deux dernières étant des compagnies de propriété canadienne-autochtone - ont grandement étendu l'éventail de la musique autochtone enregistrée (voir aussi Autochtones).

Parmi les ethnographies musicales, on compte trois thèses de Ph.D. : « An ethnomusicological study of the traditional songs of the Chisasibi (James Bay) Cree » de Lynn Whidden (Université de Montréal 1986), « To impersonate the supernatural : music and ceremony of the Bella Bella/Heiltsuk Indians of British Columbia » d'Anton Kolstee (Université de l'Illinois 1988) et « <Gwich> in Athapaskan music and dance » de C. Mischler (Université du Texas à Austin 1981). Beaudry a comparé trois régions dans « Singing, laughing, and playing : three examples from the Inuit, Dene and Yupik traditions » (CJNS, vol. VI, no 2, 1988). Dans Kinship and the Drum Dance in a Northern Dene Community (Edmonton 1988), Michael Asch traite des relations de formes et fonctions. De Shane a étudié la nature intégrale de la musique et de la danse sur la Côte ouest, notamment « Danse de pouvoir, ksan » (RAQ, vol. XVIII, no 4, 1988).

Diverses études reflètent l'importance des rassemblements intertribaux pendant cette période, notamment « The Way he walked was different : Cree music in northern Manitoba », rapport de Lynn Whidden pour le secrétariat d'État du Manitoba, 1981; « Political powwow : the rise and fall of an urban Native festival » (The Celebration of Society, F. Manning dir., Bowling Green, O. 1983) de Noel Dyck; « Celebration : intertribal events in eastern Canada » (Folklife Annual, 1987, Washington, D.C. 1988) de Sam Cronk et autres.

L'importance des genres de discours (notamment, les mythes) dans la plupart des cultures autochtones a porté un certain nombre d'ethnomusicologues à s'intéresser à des questions de structure et de facteurs d'interprétation paralinguistiques : Wickware (1989) et Diamond (« Le Mythe et la musique », RAQ, vol. XV, no 4, 1985). Le groupe de recherche SPINC a entrepris des études organologiques (voir Diamond et autres, « Reflections : sound-producing instruments in Native communities of the Northeastern Woodlands », en préparation en 1991) et Elaine Keillor a étudié les Dènès (« Les Tambours des Athapascans du Nord », RAQ, vol. XV, no 4, 1985). Divers auteurs ont étudié l'hymnodie chez les autochtones, dont Whidden (« Les Hymnes, une anomalie parmi les chants traditionnels des Cris du Nord », RAQ, vol. XV, no 4, 1985), Keillor (« Hymn singing among the Dogrib Indians », Sing Out the Glad News, John Beckwith dir., CanMus Documents no 1, Toronto 1987) et Diamond (« The Performance of hymns in Eastern Woodland Indian communities », ibid.; « The Transmission of Algonkian Indian hymns : between orality and literacy », Musical Canada). Richard Preston s'intéressa au changement culturel (« Transformations musicales et culturelles chez les Cris de l'Est », RAQ, vol. XV, no 4, 1985), tout comme Robert Witmer (« Stability in Blackfoot songs, 1909-1968 », Ethnomusicology and Modern Music History, Stephen Blum et autres dir., Urbana, Ill. 1991).

Dans d'importantes monographies de chercheurs américains, on trouve des référence à des groupes vivant à l'intérieur des frontières canadiennes, notamment The Ojibwe Dance Drum : Its History and Construction (Washington, D.C. 1982) de Thomas Vennum; et Blackfoot Indian Musical Thought : Comparative Perspectives (Kent, O. 1989) de Bruno Nettl.

Anne Lederman a étudié les violoneux (« Old Native and Métis fiddling in two Manitoba communities : Camperville and Ebb and Flow », mémoire de M.F.A., Université York 1987); elle aussi produit un enregistrement sonore sous le même nom, accompagné d'un livret (Toronto 1987). « Nancy Hockley » (pseudonyme de Lucinda Clemens) a publié des chansons métisses dans Une chanson de verité : Folk Songs of the Prairie Métis, enregistrement accompagné d'un guide de l'auditeur (1985, The Other Opera Company ACR-4047).

Pendant les années 1980, la représentation grandissante des Autochtones au sein des centres culturels et éducationnels autochtones a constitué une avance méthodologique significative pour l'ethnomusicologie. Plusieurs centres possèdent de grandes collections de cassettes audio et vidéo. Quelques-uns, comme le Saskatchewan Indian Cultural Centre de Saskatoon et l'Ojibwe Cree Cultural Centre de Timmins, Ont., ont publié des bandes, des enregistrements, des livrets d'accompagnement ou d'autre documentation. Le Woodland Indian Cultural Education Centre, de Brantford, Ont., a organisé « The Sound of the Drum », une conférence sur la musique autochtone traditionnelle en octobre 1990 (un catalogue du même nom, publié pour l'occasion sous la direction de Sam Cronk, contient des interviews avec des musiciens autochtones). L'Iroquoian Institute, fondé et dirigé par Jake Thomas, a produit des bandes et des transcriptions de causeries, d'histoires et de chansons.

Recherches et études canadiennes-françaises et canadiennes-anglaises, 1980-90

À partir de la fin des années 1970, on a remarqué un déplacement de l'intérêt pour la collecte des chansons folkloriques au profit des études sur l'intégration et le rôle socioculturels du folklore. Cette tendance s'est manifestée notamment dans des études à caractère historique (réflectif) de l'activité préalable, telles « Ernest Gagnon (1834-1915) : musician and pioneer folksong scholar » de Gordon E. Smith (thèse de Ph.D., Université de Toronto 1989) et Sea Songs and Ballads from Nineteenth-century Nova Scotia : The William H. Smith and Fenwick Hatt Manuscripts d'Edith Fowke (New York 1981).

Le travail remarquable du personnel des Archives de folklore de l'Université Laval s'est poursuivi sous la direction de Conrad Laforte, qui a fait paraître les volumes subséquents de son ouvrage Le Catalogue de la chanson folklorique francaise (Québec 1977 -) : Chansons strophiques (vol. II, 1981), Chansons en forme de dialogue (vol. III, 1982), Chansons sur les timbres (vol. VI, 1983) et Chansons brèves (les enfantines) (vol. V, 1987). (Les volumes I, Chansons en laisse, et IV, Chansons énumératives, étaient parus en 1977 et 1979 respectivement). Laforte a également publié Survivances médiévales dans la chanson folklorique (Québec 1981) et Chansons folkloriques à sujets religieux (Québec 1988). Les nouveaux recueils, comme les précédents, ont quelquefois porté sur des régions, notamment Chantons la chanson de Marc Gagné et Monique Poulin (Québec 1985), accompagné de trois cassettes (éditées séparément par Le Tamanoir), et Folksongs of New Brunswick d'Ives (Fredericton, N.-B. 1989); ou sur des occupations, notamment Chansons des voyageurs, coureurs de bois et forestiers de Madeleine Béland (Québec 1982). Cependant, les études touchant des interprètes individuels sont devenues plus nombreuses, notamment C'était la plus jolie des filles : répertoire des chansons d'Angelina Paradise-Fraser de Donald Deschênes (Montréal 1982) et une biographie de LaRena Clark par Fowke et Rahn (en préparation en 1991).

La recherche sur la musique acadienne devint florissante avec la publication d'anthologies de musique traditionnelle, d'outils de référence ou d'études musicales à caractère social : Complaintes acadiennes de l'Île-du-Prince-Édouard (Montréal 1980) et La Chanson du pays (Summerside, Î.-P.-É. 1983) de George Arsenault; Inventaire des sources en folklore acadien, dirigé par Ronald Labelle (Moncton 1984); une édition par Labelle de chansons acadiennes de la collection de Helen Creighton, La Fleur du rosier (Sydney, N.-É. 1988); Tout le long de ces côtes : chansons folkloriques des Îles-de-la-Madeleine (Mont Saint-Hilaire, Québec 1983) et History and Acadian Traditions of Cheticamp (Saint-Jean, T.-N. 1986, trad. de la 3e éd. du recueil français) d'Anselme Chiasson; ainsi que Chansons des Îles-de-la-Madeleine de Suzie LeBlanc (Richelieu, Québec 1980).

La danse folklorique canadienne-française fut le point de mire d'études historiques et chorégraphiques détaillées de Simonne Voyer (La Danse traditionelle dans l'est du Canada : quadrilles et cotillons, Québec 1986), Robert Sequin (La Danse traditionnelle au Québec, Sillery, Québec 1986) et Carmelle Bégin (Dance/Roots, Ritual and Romance, Hull, Québec 1989). Se rapprochant étroitement des études de danse se trouvaient les études de musiques de danse instrumentales, surtout celles des violoneux. Des anthologies de transcriptions par Gibbons et Bégin sont citées dans Violoneux. Plusieurs autres études ont porté sur la définition des styles régionaux, notamment « Fiddling tradition on Prince Edward Island » de Jim Hornby (mémoire de M.A., Université Memorial 1983). Quelques-unes traitent de la danse et de la musique, notamment French Canadian Dance Music de Jean-Marie Verret (enregistrement Folkways, transcriptions et annotations de Carmelle Bégin, 1983). D'autres portent sur l'apprentissage et la transmission, telles que « Creative processes in musical composition : French-Newfoundland fiddler Emile Benoit » de Colin Quigley (thèse de Ph.D., Université de la Californie 1987), « You never think to lose the <Nyah>... : retention and change in a fiddler's tradition » de Patrick Hutchison (Folklore canadien, 1985), « Fiddling in Lanark County : a medium for the examination of acculturation in Canadian folk music » de David Ennis (manuscrit, 1986) et « Traditional and non-traditional teaching and learning practices in folk music : an ethnographic field study of Cape Breton » de Virginia Garrison (thèse de Ph.D., Université du Wisconsin 1985). Plusieurs enregistrements vidéo fournissent d'abondantes données sur le contexte et les pratiques d'interprétation, notamment Four Strings Attached : Music of Lanark County (créé et réalisé par David Ennis, 1986), The Fiddlers of James Bay (ONF, 1980) et Atlantic Fiddling (SRC, 1980). Les travaux précités de Lederman sur les Métis complètent la liste.

On traite de l'activité contemporaine des chansonniers dans La Chanson en question(s) de Robert Giroux (Montréal 1984) et La Chanson québécoise de Clément Normand (Montréal 1981). (Voir aussi Chansonniers.)

La recherches sur la musique country ont foisonné pendant cette décennie. La recherche de Neil Rosenberg sur le bluegrass a trouvé son point culminant dans Bluegrass, a History (Urbana, Ill. 1985). La recherche de Robert Witmer comprend un dictionnaire sur la guitare horizontale (en préparation en 1991) et un chapitre sur le country dans sa monographie sur la musique des Gens-du-Sang. « <Like a lone bawling calf> : some musical traits of recent cowboy songs » (Folklore canadien, 1985) de Patrick O'Neill analyse le style musical d'un genre qui empiète considérablement sur la musique country. Dans diverses études, on examine l'utilisation de la musique dans l'établissement d'une identité régionale ou ethnique, notamment « The <Strawberry roan> in Alberta : an expression of regional identity » de Tim B. Roger (Prairie Forum, vol. XII, 1987), « Ethnicity and class : black country musicians in the Maritimes » de Neil Rosenberg (Journal of Canadian Studies, vol. XXIII, nos 1-2, 1988), Discovering Saskatchewan Folklore : Three Case Studies de Michael Taft (Edmonton 1983) et « As Canadian as possible... under the circumstances : regional myths of place and national identity in Canadian country music » de John C. Lehr (borderlines, vol. II, printemps 1985). (Voir aussi Bluegrass, Musique country.)

Des travaux portant sur les répertoires des enfants ont exploré les processus de transmission et les questions de réception, notamment « Stereotyped forms in English-Canadian children's songs : historical and pedagogical aspects » de Jay Rahn (CFMJ, vol. IX, 1981), « Music consumption among English speaking teenage girls in the city of Montreal » de Jennifer Giles (mémoire de M.A., Institute of Canadian Studies, Université Carleton 1987) et (« Continuity and change in children's culture : a comparative study of children's song » de Virginia Caputo (mémoire de M.A., Université York 1989).

Recherches et études sur les autres groupes ethniques, 1980-90

Dans les études traitant des traditions religieuses spécifiques, deux ont porté sur la musique mennonite soit Singing Mennonite : Low German Songs among the Mennonites de Doreen Klassen (Winnipeg 1989) et From Russia with Music : A Study of the Mennonite Choral Singing Tradition in Canada de Wesley Berg (Winnipeg 1985). Robert Klymasz a poursuivi ses recherches initiales dans The Ukrainian Folk Ballad in Canada (New York 1989, transcriptions de Kenneth Peacock). L'article primé de Jane Sugarman, « The Nightingale and the partridge » (Ethnomusicology, vol. XXXIII, n<sup>o</sup> 2, 1989), était basé en partie sur son travail sur le terrain parmi les immigrants albanais à Toronto. D'autres études furent publiées sur les cultures d'immigrants de la Hongrie, notamment « Tanchaz in Toronto : a transplanted tradition » de Stephen Satory (RMUC, no 8, 1987); sur la Turquie, « Turkish music culture in Toronto » de Leslie Hall (CFMJ, vol. X, 1982); et sur l'Ukraine, « The Western Canadian championships : tsymbaly competitions at the Red Barn » de M.J. Bandera (CFMJ, vol. XI, 1983). La plupart des études de format monographie étaient des mémoires ou thèses, dont les travaux de George Demmer sur les traditions canadiennes-hongroises (M.A., Université Carleton 1987); de P. Stephen Li sur l'opéra cantonais à Toronto (M.F.A., Université York 1987); de Margaret Sarkissian sur les Arméniens résidant à Toronto (M.Mus., Université de l'Illinois 1987); de Judith Cohen sur les musiques séfarades à Toronto et Montréal (Ph.D., Université de Montréal 1988); de Pauline Haslebacher sur les steel bands trinidadiens à Toronto (M.F.A., Université York 1988); de Louise Wrazen sur les musiques des immigrants polonais à Toronto (et Chicago) (Ph.D., Université de Toronto 1988); d'Annemarie Gallaugher sur le calypso à Toronto (M.A., Université York 1991); de Lise Waxer sur la musique latine à Toronto (M.F.A., Université York 1991); de Geneviève Lefebvre sur la musique haïtienne à Montréal (M.A., Université de Montréal 1991); de Jocelyn Cano sur la musique cubaine à Montréal (M.A., Université de Montréal 1992).

Il existe encore de grandes lacunes dans la recherche sur les divers groupes d'immigrants, par exemple, sur la musique des canadiens-italiens. (Voir aussi les articles sur divers pays.)

Ethnomusicologie urbaine et études sur la musique populaire

L'ethnomusicologie urbaine a grandi en rapport avec les programmes universitaires des villes, comme on pouvait s'y attendre si on considère que la plupart des mémoires et thèses cités dans la section précédente portaient sur des études urbaines. La plupart des travaux sur la musique populaire avaient traité de son marketing et de ses ramifications sociologiques, dont, entres autres, celles de Paul-Marcel Lemaire (Communication et culture, Québec 1989), Jody Berland (« Cultural re/percussions : the social production of music broadcasting in Canada », thèse de Ph.D., Université York 1986; « Radio space and industrial time : music formats, local narratives and technological mediation », Popular music, vol. IX, no 2, 1990), Line Grenier (notamment, « Radio broadcasting in Canada : the case of transformat music », Popular music, vol. IX, no 2, 1990), John Shepherd (notamment, « Vers une critique sociologiquement fondée de la musique », RMUC, no 10, 1990; et avec Jennifer Giles Davis, « Theorizing music's affective power », Ethnomusicology in Canada, Witmer dir.; voir aussi références précédentes). En fait, les outils de marketing eux-mêmes peuvent fournir de précieux renseignements sur la vie musicale au Canada (notamment The CHUM Chart Book, 1957-1983 de Ron Hall, Toronto 1984), de la même façon que les recueils de chansons l'ont fait dans le passé. « Dream, comfort, memory, despair : Canadian popular musicians and the dilemma of nationalism » de Robert Wright (Journal of Canadian Studies, vol. XXII, no 4, 1987-88) exemplifie une approche historique. On a approfondi les perspectives historiques dans des études comme celles de Helen McNamara et Jack Lomas, The Bands Canadians Danced To (Toronto 1973), ainsi que celles d'Edward Moogk, En remontant les années

Voir aussi Jazz.

Contributions canadiennes à la recherche internationale

Alors que le présent sondage a souligné le travail ethnomusicologique sur la musique canadienne, il serait bon de noter que, pour la majorité des ethnomusicologues canadiens, une partie du travail est extranational ou international. Beaucoup de projets canadiens sont reliés à des projets internationaux, notamment dans le cas de traditions musicales transplantées, dans des situations où les forces globales (telles que l'industrie internationale de la musique) sont significatives, ou dans des études où les questions méthodologiques et théoriques transcendent les frontières nationales.

Cette envergure internationale est récente. Colin McPhee fut l'un des quelques Canadiens travaillant à l'extérieur du pays pendant la première moitié du XXe siècle; sa Music in Bali (New Haven, Conn. 1966) demeure un point de repère de la discipline. Pendant les années 1960 et 1970, Roxane C. Carlisle travailla au Soudan et Robert Witmer en Jamaïque. Plusieurs ethnomusicologues d'autres pays que le Canada enseignèrent dans les universités canadiennes pendant la même période : Mieczyslaw Kolinski, né en Pologne (Université de Toronto), a dévelopé des méthodes uniques d'analyse transculturelle qui ont suscité de grands débats (voir les échanges publiés entre Kolinski et Marcia Herndon dans Ethnomusicology, 1974-77); Charles Boilès, spécialiste de l'Amérique latine (Université de Montréal), et Norma McLeod (Université d'Ottawa), dont les travaux sur la méthode d'analyse transculturelle et l'ethnographie de l'interprétation ont encore du poids dans cette discipline; Timothy Rice (Université de Toronto); et Stephen Blum (Université York). Le sémiologue J.-J. Nattiez, né en France, commença à enseigner à l'Université de Montréal en 1970.

Les études africaines au Canada ont été peu nombreuses. Plusieurs interprètes ont acquis leur formation en musique ghanéenne (notamment, Nexus et Flaming Dono Drummers). En 1991, divers mémoires et thèses étaient complétés ou en voie de l'être, notamment « The Homowo Festival of the Ga Mashi People of Accra » de Cynthia Gyimah (M.F.A., Université York 1985) et « African stylistic features in Zairean pop music » de Jeffrey Freedman (Ph.D., Université de Montréal, en préparation en 1991). Un nombre croissant de chercheurs se sont tournés vers les traditions américaines-africaines. L'Université York a produit une série de monographies sur le blues et le jazz dont le centre d'intérêt était les répertoires individuels, la technique improvisationnelle et le style : « The Improvisational style of Charlie Christian » de Howard Spring (mémoire de M.F.A., Université York 1980), « The Question of improvisation and head arrangement in King Oliver's Creole Jazz Band » de Rob Bowman (mémoire de M.F.A., Université York 1982), « Improvisation in the recorded works of Coleman Hawkins, 1932-34 » d'Alan Henderson (mémoire de M.F.A., Université York 1983), « The Recorded music of Muddy Waters, 1941-1956 : a repertory analysis and anthology of song texts » de Matthew Vander Woude (mémoire de M.F.A., Université York 1986) et « Wes Montgomery : a study of coherence in jazz improvisation » de Robert van der Bliek (mémoire de M.F.A., Université York 1987). Dans d'autres études, on a intégré les éléments conceptuels, surtout l'endroit et le lieu, notamment « City vaudeville classic blues : locale and venue in early blues » de William W. Westcott (Ethnomusicology in Canada, Witmer dir.). Les études caraïbes ont proliféré ces dernières années, avec plusieurs travaux sur les Antilles françaises effectués par des chercheurs de l'Université de Montréal et de l'Université d'Ottawa.

Les questions théoriques courantes sont bien représentées dans ce groupe. Les questions complexes d'identités sousculturelles, les questions de représentation et les questions de contrôle politique et économique ont été couvertes dans nombre d'études sur la musique pop, notamment Zouk : A History and Interpretation of a Caribbean Popular Music de Jocelyne Guilbault (sous presse en 1991), portant sur la musique des Antilles françaises et sa diffusion internationale; « <Local> and <foreign> in the popular music culture of Kingston, Jamaica, before ska, rock steady, and reggae » de Robert Witmer (Latin American Music Review, vol. VIII, no 2, 1987), sur le reggae jamaïcain; et « Practical and abstract taxonomy in Cuban music » de James Robbins (Ethnomusicology, vol. XXXIII, no 3, 1989), sur les structures sociales et politiques face à la musique à Cuba. La théorie de l'interprétation (telle que développée par Schechner et Turner) a influencée le travail de De Shane (notamment dans « Dong de Road », International Conference on Dance Research, Mexico 1987). Le travail de Monique Desroches en Martinique a été surtout orienté vers la sémiologie, notamment « Semiotic analysis and the music of Tamil religious ceremonies in Martinique » (Three Musical Analyses, J.-J. Nattiez dir., Toronto 1982) et La Structure sonore d'un espace sacré (en préparation en 1993), mais aussi vers d'autres modèles d'analyse symbolique, notamment « Créolisation musicale : un processus d'adaptation aux Antilles françaises » (Revue canadienne des études latino-américaines et caraïbes; 1993). Les travaux de Claude Dauphin ont porté sur la musique rituelle haïtienne (musique vaudouesque); il a publié Musique du vaudou (Sherbrooke, Québec 1986).

Les études portant sur la musique européenne ont touché surtout les Balkans et l'Europe orientale. Irene Markoff (« Two-part singing from the Razlog district of southwestern Bulgaria », Yearbook of the IFMC, vol. VII, 1975) et Timothy Rice (« Aspects of Bulgarian musical thought », ibid., vol. XII, 1980) présentent respectivement les catégories étique et émique comme construction mentale analytique. On remarque aussi le travail récent de Maria Paula Survilla sur la musique biélorusse et sur la musique rock dans le contexte soviétique (« From assertion to aesthetics : Byelorussia as subject in poetic and musical texts », Zapisy, vol. XIX, 1990; « Byelorussian rock music », Rock Music in the Soviet Union, Pedro Ramet dir., en préparation en 1991).

George Sawa, né en Égypte, joueur de qânûn et spécialiste de la musique arabe médiévale, a produit de méticuleuses publications sur les textes musicothéoriques anciens, notamment Music Performance Practice in the Early 'Abbasid era 132-320A.H./750-932 A.D. (Toronto 1989). Sawa a stimulé les études musicales nord-africaines et moyen-orientales à l'Université de Toronto. Suzanne Meyers Sawa a fait des recherches sur les rôles musicaux de la femme arabe pendant les périodes médiévale et contemporaine. Leslie Hall a contribué à la connaissance des genres turcs classiques (« The Turkish fasil : selected repertoire », thèse de Ph.D., Université de Toronto 1989). Irene Markoff a écrit sur les pratiques modales, les genres de musique pop et d'autres questions relatives à la musique turque, notamment « Musical theory, performance and the contemporary bağ lama specialist in Turkey » (thèse de Ph.D., Université de Washington 1986).

C'est dans l'Ouest du Canada, surtout à l'Université de la Colombie-Britannique qui l'on s'est le plus intéressé à la musique asiatique. Elliot Weisgarber cultiva un intérêt pour la musique du Japon au début des années 1960 et, plus récemment, Alan Thrasher stimula la recherche sur la Chine par le développement d'un programme et ses propres études (généralement analytiques), notamment The Melodic structure of <jiangnam sizhu> (Ethnomusicology, vol. XXIX, no 2, 1985). Des études sur les musiques pakistanaises et indiennes ont fleuri dans divers centres. En Alberta, Regula Qureshi a fait des recherches sur le sufisme et surtout le qawwali, qui ont eu une importance théorique en ethnomusicologie à cause de l'intégration de l'analyse sonore aux données contextuelles et à cause de sa documentation méticuleuse et très savante. Son oeuvre principale est Sufi Music of India and Pakistan : Sound, Context, and Meaning in Qawwali (New York 1986). James Hamilton a surtout travaillé sur les traditions classiques de plusieurs écoles différentes des Amérindiens du Nord : Sitar Music in Calcutta (Calgary 1989); et James Kippen a écrit Tabla of Lucknow : A Cultural Analysis of a Musical Tradition (Cambridge, Angl. 1988). Le réputé virtuose de mridanga Trichy Sankaran a contribué à faire connaître l'Inde du Sud en étudiant plusieurs procédés de rythmes. On a étudié et interprété de la musique indonésienne dans divers centres (voir Jon Siddall, José Evangelista).

Institutions et formation

Au sein des universités canadiennes, les premiers cours dans lesquels la musique folklorique a occupé une place de choix furent probablement ceux offerts à l'Université Laval pendant l'été 1939 avec la participation de Marius Barbeau, Luc Lacourcière et Félix-Antoine Savard. Cinq ans plus tard, Laval établit une chaire de folklore occupée par Lacourcière de 1944 à 1977. Ida Halpern offrit des cours d'ethnomusicologie à l'Université de la Colombie-Britannique dès 1964, et Mieczyslaw Kolinski fit de même à l'Université de Toronto dès 1966. Dans son sondage de 1972 sur les cours universitaires (« The Current ethnomusicology curriculum in Canadian universities », Ethnomusicology, vol. XVI, no 3, 1972), Roxane C. Carlisle nota des programmes « majeurs » à 6 universités et « mineurs » à 12. Seize ans plus tard, lors d'un nouveau sondage - mais des universités ontariennes seulement - Robert Witmer et George Sawa ont dénombré 97 cours ayant un contenu ethnomusicologique à 12 des 18 universités; ils notèrent toutefois une lacune de cours sur les musiques non occidentales (voir Ethnomusicology in Canada, Witmer dir., p. 351-356).

On offrait peu de cours sur l'interprétation non occidentale en 1991. Des cours individuels ou des ensembles existaient néanmoins aux universités de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de Toronto, de Montréal, Queen's et York. Les études sur la musique pop ont été concentrées aux universités Memorial, Carleton, d'Ottawa, Trent et York La formation professionnelle en ethnomusicologie dans les universités est populaire si l'on se fie à la centaine de participants ou plus au Premier congrès sur l'ethnomusicologie au Canada, tenu à Toronto en 1988 (voir Ethnomusicology in Canada, Witmer dir.). En 1989, un troisième cycle universitaire dans cette discipline était accessible à 8 universités canadiennes selon un sondage publié par la Société pour l'ethnomusicologie (les programmes disponibles sont cités dans les articles consacrés aux différentes universités).

On a maintenu des archives folkloriques musicales et des centres de recherche à l'Université Laval, à l'Université de Moncton et à l'Université laurentienne (documentation en langue française), à l'Université Saint Francis Xavier (musique écossaise-gaélique), et à l'Université Memorial (folklore terre-neuvien). Plusieurs autres possèdent des collections substantielles dans ce domaine, surtout probablement l'Université York, assemblées en grande partie par les étudiants diplômés et les membres du corps professoral.

Divers autres types d'institutions conçues spécifiquement pour promouvoir l'activité culturelle au sein des communautés, particulièrement d'une région donnée, ont établi ou maintenu des programmes de recherche fructueux pendant les années 1980. Une série de centres culturels autochtones furent établis dans diverses provinces, chacun servant de source de soutien pour des projets artistiques axés sur la communauté; la plupart de ces centres ont publié des documents importants axés sur la promotion de la langue et de la culture autochtones (voir Autochtones). Les instituts provinciaux et régionaux (notamment, la Multicultural History Assn of Ontario ou l'Institut québécois de recherche sur la culture) et les centres communautaires, surtout dans les régions urbaines, servaient plusieurs organismes intéressés à la recherche ethnomusicologique (voir aussi les articles sur divers pays).