Première équipe canadienne à être admise dans la Ligue nationale de baseball, les Expos de Montréal commencent à jouer en 1969 au parc Jarry, dans les quartiers nord de Montréal. En 1977, les Expos déménagent au Stade olympique, où ils jouent durant toute la saison de 2004. L’équipe s’installe ensuite à Washington, D.C., et est rebaptisée les Nationals de Washington. Les Expos remportent le titre de la Division Est en 1981.
Début du baseball à Montréal
Le baseball fait depuis longtemps partie de la tradition à Montréal et dans la province de Québec. Ce sport dérive d’anciens jeux se jouant avec un bâton et une balle qui se pratiquaient dans de nombreux pays européens, notamment en France, en Angleterre et dans les colonies de ces deux pays. Le baseball et le cricket contemporains sont deux formes de ces anciens jeux. Ces deux sports sont déjà populaires à Montréal dès le milieu du XIXe siècle. Le cricket se pratique dès 1785 sur l’île Sainte-Hélène, près de Montréal. Il se peut qu’un jeu ressemblant au baseball moderne ait été pratiqué au Québec en 1837, car il existe une référence à un « jeu de balle » dans des notes d’information rassemblées par Robert Sellar, auteur du livre intitulé The History of the County of Huntingdon [Quebec] and of the seigniories of Chateaugay and Beauharnois from their First Settlement to the Year 1838. Les preuves les plus évidentes de la pratique du baseball au Québec remontent au milieu du XIXe siècle. Selon un article publié dans l’édition du New York Clipper du 1er septembre 1860, Montréal possédait un club de baseball officiel, l’Excelsior, dirigé par le président Alex McIntosh et qui pratiquait « juste au-dessus du terrain du Montreal Cricket Club ».
À cette époque, le sport commence à devenir également populaire chez les francophones. Dans la région de Montréal, le baseball leur est présenté par des étudiants franco-américains venus étudier dans les collèges du Québec. Ce sont les enfants des Québécois expatriés qui ont quitté la province afin d’aller travailler en Nouvelle-Angleterre, où le baseball est déjà populaire. Lorsque ces parents comprennent que leurs enfants sont en passe de perdre leur héritage culturel, ils les envoient faire leurs études secondaires dans les établissements du Québec. Au début des années 1870, le sport gagne de plus en plus en popularité et des matchs sont organisés entre les collèges Sainte-Marie et Saint-Laurent. En 1873, le Club Jacques Cartier est mis sur pied. C’est le premier club de baseball francophone de Montréal. À la fin du XIXe siècle, on compte déjà plusieurs ligues d’amateurs dans la ville et le reste de la province.
En 1897, le baseball professionnel arrive à Montréal avec une équipe de la ligue mineure en provenance de Rochester (New York). Rebaptisée les Royaux (les Royals en anglais), l’équipe jouera jusqu’en 1917 avant de se faire éjecter de la ligue. Elle est cependant remise sur pied en 1928 et devient en 1939 une équipe affiliée (ou club-école) pour les Dodgers de Brooklyn. Le joueur le plus réputé des Royaux de Montréal est Jackie Robinson, qui devient en 1946 le premier joueur noir à jouer dans une ligue mineure moderne. L’équipe a aussi un lien avec le concept politique de la « royauté » au Canada. Charles-Émile Trudeau, père de Pierre Trudeau et grand-père de Justin Trudeau, est alors un riche homme d’affaires qui a investi beaucoup d’argent dans l’équipe de baseball des Royaux de Montréal. Il deviendra d’ailleurs membre du conseil d’administration et finalement vice-président de l’équipe. En 1935, Charles-Émile Trudeau meurt alors qu’il assiste à l’entraînement des Royaux dans un camp de printemps en Floride. En première page de La Patrie, on peut lire « Le baseball perd un apôtreen M. Trudeau ».
Les Expos de Montréal
En 1967, Montréal soumet une offre pour faire partie de la Ligue nationale, dans le cadre d’une expansion de la Ligue majeure de baseball qui vise l’ajout de quatre équipes. L’un des principaux initiateurs de la demande est le maire de Montréal, Jean Drapeau, qui a également joué un rôle clé dans la construction du métro de Montréal et la venue d’Expo 67 et des Jeux olympiques d’été de 1976 dans la ville. L’offre reçoit également le soutien de Walter O’Malley, le propriétaire américain des Dodgers de Los Angeles (l’équipe avait quitté Brooklyn après la saison de 1957), qui siège au comité d’expansion de la ligue. Walter O’Malley est impressionné par la taille de Montréal et par l’intérêt que portent depuis longtemps ses habitants au baseball. Il a aussi de bons souvenirs du soutien que la Ville lui a accordé pour son club-école, les Royaux de Montréal, en particulier l’enthousiasme chaleureux des partisans de Montréal pour Jackie Robinson, qui, en 1946, est devenu le premier Afro-Américain à jouer dans la Ligue internationale moderne (il jouera avec Brooklyn l’année suivante). En 1968, la franchise d’expansion de Montréal est annoncée par la Ligue nationale.
La nouvelle équipe de Montréal est baptisée en l’honneur de l’Exposition universelle de 1967, plus connue sous le nom d’Expo 67. Sous la participation majoritaire de Charles Bronfman, président de la distillerie Seagram, et la présidence de John McHale, les équipes des premières heures vont de succès en succès. En 1969, pour leur saison inaugurale, les Expos gagnent leur premier match de saison régulière sur le score de 11 à 10 contre les Mets de New York, qui remporteront finalement les séries mondiales. C’est dès le neuvième match de la saison que Bill Stoneman obtient un match sans point ni coup sûr, un des deux qu’il obtiendra pour les Expos.
L’époque du parc Jarry
Les premières équipes des Expos jouent au modeste parc Jarry, dans les quartiers nord de Montréal – un site temporaire jusqu’à la construction d’un nouveau stade. À l’origine un stade amateur conçu pour accueillir 3 000 spectateurs, le site est mis aux normes de la ligue majeure en lui donnant une capacité juste inférieure à 30 000 places assises. Les joueurs et les supporters des Expos apprécient les dimensions intimes de leur stade où des vendeurs distribuent les cacahuètes à la volée, un violoneux joue sur le toit de l’abri des joueurs et la bière est vendue dans les tribunes. Le nom de chaque joueur, annoncé aux haut-parleurs du stade, tel que celui du receveur John Boccabella, était énoncé syllabe par syllabe, pour le plus grand ravissement des spectateurs. Les annonces bilingues pour le frappeur (batter), le lanceur (pitcher) et la manche (inning) mystifiaient de nombreux commentateurs américains tout en assurant le succès de l’équipe auprès de ses supporters francophones et anglophones.
Les favoris du public issus de cette époque du parc Jarry comptent notamment des joueurs mémorables comme Rusty Staub, dont les cheveux roux et le désir d’apprendre le français lui ont valu le sobriquet « Le Grand Orange ». Au cours de deux des trois saisons passées avec les Expos (1969-1971), Rusty Staub frappe à plus de 0,300 et crédibilise du même coup instantanément l’équipe. Deux des meilleures recrues de l’équipe des années 1970, Gary Carter (1974-1984; 1992) et Andre Dawson (1976-1986), ont été intronisées au Temple de la renommée national du baseball en tant qu’Expos. Un autre joueur des Expos, Felipe Alou (1973), deviendra plus tard directeur de l’équipe (1992-2001).
Déménagement au Stade olympique
En 1977, l’équipe déménage au Stade olympique, un site doté de 66 308 places assises et construit pour les Jeux olympiques d’été de l’année précédente. Ce qui est perdu en intimité est remplacé par la montée en puissance de l’équipe avec l’arrivée de joueurs talentueux, fruits des repêchages et du système de formation en place. Près de deux millions de supporters viennent chaque année remplir le Stade olympique, le Big O comme disent les anglophones, à la fin des années 1970 et au début des années 1980 alors que l’équipe s’installe au plus haut niveau. La déception survient cependant lorsque l’équipe est éliminée des phases finales, en 1979, contre les Pirates de Pittsburgh, et en 1980 contre les Phillies de Philadelphie.
En 1981, les Expos battent les Phillies et gagnent le titre de la Division Est. Durant la ronde éliminatoire de la Ligue nationale contre les Dodgers de Los Angeles, ils atteignent la cinquième partie décisive mais sont éliminés par un coup de circuit en neuvième manche après une frappe de Rick Monday. La journée est immortalisée dans le folklore des Expos comme étant le « Lundi bleu ». Les Dodgers gagneront par la suite les séries mondiales.
La trajectoire des Expos reflète un succès décroissant à la fin des années 1980, avec la perte ou la vente graduelle du noyau de joueurs qui avait constitué le nerf de leur équipe entre 1979 et 1981. Ils conservent néanmoins Tim Raines, premier frappeur (0,294 en moyenne sur l’ensemble de sa carrière) et extraordinaire voleur de buts (5e sur la liste des plus grands de tous les temps, avec un score de 808). Tim Raines jouera 12 saisons à Montréal (1979-1990), durant lesquelles il sera sélectionné sept fois d’affilée dans l’équipe d’élite de la Ligue nationale. Malgré son apport, les Expos végètent durant les années 1980 et les spectateurs se font de plus en plus rares.
Les années 1990
Les Expos reçoivent du sang neuf au début des années 1990 avec l’arrivée d’une nouvelle génération de joueurs, grâce à des choix judicieux de repêchage et une excellente formation. Un des plus grands joueurs de tous les temps au Canada, Larry Walker, est la vedette de l’équipe au début des années 1990 (de 1989 à 1994), tout comme Moisés Alou (1992-1996), fils de Felipe Alou – entraîneur de l’équipe et ancien joueur. Parmi les autres joueurs remarquables de cette époque, on peut citer Dennis Martinez (1986-1993), qui accomplit en 1991 un match parfait pour les Expos contre les Dodgers de Los Angeles (27 frappeurs retirés sans que l’un d’entre eux n’atteigne le premier but).
En 1994, les Expos semblent destinés aux éliminatoires. Cependant, comme en 1981, lorsque la saison fut raccourcie par des conflits de travail, les Expos sont de nouveau affectés par un désaccord entre les joueurs et les propriétaires. Cette crise met un terme à la saison en août, alors que les Expos mènent au sein de leur division par six matchs et sont les favoris aux yeux d’un grand nombre pour atteindre les séries mondiales. La saison ne reprendra jamais pour les Expos et ils perdront ainsi leur seconde chance de participer au championnat.
Plusieurs de leurs meilleurs joueurs, notamment Larry Walker, deviennent alors autonomes ou sont vendus après l’ambiance amère qui emprunt la saison 1994. Même si les Expos restent une formidable équipe, leur course au titre de division a été gênée par l’avarice de leurs propriétaires qui ont renâclé à leur fournir les ressources nécessaires au versement de salaires supplémentaires.
Le changement de propriétaire a joué un rôle important dans le déclin de l’équipe. En 1991, Charles Bronfman vend l’équipe à un consortium d’investisseurs canadiens qui n’ont pas l’intention d’investir beaucoup d’argent dans l’équipe. Le déclin du dollar canadien n’arrange pas les affaires de l’équipe à une époque où les contrats de joueur autonome montent en valeur et où les contrats sont toujours payés en dollars américains. En 1997, le club présente un plan pour la construction d’un stade en centre-ville de 35 000 places (baptisé le parc Labatt) avec des caractéristiques rappelant les parcs rétro populaires tels que Camden Yards, à Baltimore, qui fleurissent un peu partout aux États-Unis. Le plan prévoit un financement provenant de sources privées et publiques, y compris du gouvernement provincial. La date d’ouverture est prévue pour 2001, mais le stade ne sera jamais construit. Le ministre des Finances, Bernard Landry, soutenait le plan, mais le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, a déclaré que le gouvernement n’allait pas commencer à financer des stades alors qu’il est obligé de fermer des hôpitaux. Pendant ce temps, un jeune et talentueux voltigeur de droite,Vladimir Guerrero, entame sa spectaculaire carrière sous les couleurs des Expos (1996-2003) avant de rejoindre les Angels d’Anaheim.
Acquisition par les Américains et déménagement
La prise d’intérêt minoritaire par l’Américain Jeffrey Loria en 1999 devient majoritaire lorsque les partenaires canadiens font la sourde oreille aux demandes d’argent liquide. Ces partenaires s’intéressent de moins en moins au maintien de l’équipe à Montréal et des discussions s’engagent sur son transfert vers une autre ville. À cette époque, la Ligue majeure de baseball annonce qu’elle prévoie sortir deux équipes de la Ligue nationale et que les Expos sont visés. En 2002, elle achète l’équipe à Jeffrey Loria pour 120 millions de dollars US et un prêt sans intérêt de 38,5 millions de dollars US.
Les dernières saisons des Expos furent pénibles, leur départ de la ville semblant inévitable. Claude Raymond, un lanceur originaire du Québec avec les Expos des premières heures et entraîneur de l’équipe dans les dernières saisons, se souvient de s’être rendu sur le monticule après le dernier match de l’équipe, le 29 septembre 2004, pour décrocher un dernier lancer symbolique : « Je suis resté sur le terrain jusqu’à ce que tout le monde soit parti, raconte-t-il à Pierre Durocher, du Journal de Montréal en 2014. Je me suis rendu au monticule et je tenais à faire un dernier lancer ». Les Expos sont alors transférés à Washington, D.C., et rebaptisés les Nationals de Washington.
Les Expos reviendront-ils un jour?
On entend parfois des rumeurs qui suggèrent que la Ligue majeure de baseball pourrait revenir à Montréal. Les Blue Jays de Toronto ont soutenu cette cause en jouant à partir de 2014 plusieurs matchs d’exhibition de printemps au Stade olympique de Montréal. Les Blue Jays sont entrés dans la ligue américaine à titre d’équipe d’expansion en 1977. Leur ascension, au début des années 1980, couronnée par deux triomphes dans les séries mondiales en 1992 et en 1993, a coïncidé avec le déclin des Expos. À partir de 1978 et sur une période couvrant plusieurs saisons, les deux équipes se rencontrent une fois par an pour un match d’exhibition dans le cadre de la Coupe Pearson, durant la saison régulière. Baptisée en l’honneur du premier ministre Lester B. Pearson, lui-même grand amateur de baseball, la Coupe Pearson est retirée après la saison de 1986 lorsque la programmation des matchs s’avère impossible. Elle réapparaît en 2003 sous la forme d’une compétition interligue en six matchs entre les deux équipes. Les Jays et les Expos terminent ex aequo en 2003 et en 2004. Les deux équipes se rencontrent pour la dernière fois le 4 juillet 2004 à Puerto Rico, où les Expos jouent un grand nombre de leurs matchs de la saison 2004 pour tenter d’augmenter leurs revenus.
Membres du Temple de la renommée
Nom |
Poste |
Affectation chez les Expos |
Année d’intronisation |
Tony Pérez |
Joueur de premier but |
1977-1979 |
2000 |
Gary Carter |
Receveur |
1974-1984; 1992 |
2003 |
Dick Williams |
Directeur |
1977-1981 |
2008 |
Andre Dawson |
Voltigeur de droite |
1976-1986 |
2010 |
Randy Johnson |
Lanceur |
1988-1989 |
2015 |
Pedro Martinez |
Lanceur |
1994-1997 |
2015 |
Tim Raines | Voltigeur de gauche | 1979-90 | 2017 |
Vladimir Guerrero | Voltigeur de droite | 1996-2003 | 2018 |