Le fort Michilimackinac se trouve sur la rive sud du détroit de Mackinac, sur une plage de la pointe nord de la péninsule inférieure du Michigan. C’est le deuxième fort à protéger le détroit. Il a servi de centre militaire, diplomatique et de traite, non seulement aux Français (1715-1761), mais aussi aux Britanniques (1761-1781). En 1780-1781, les Britanniques ont déplacé les bâtiments du fort vers un endroit plus défendable, sur l’île Mackinac. Le fort Michilimackinac a été reconstruit au début du 20e siècle. Il est maintenant un musée d’histoire vivante au Michigan.

Régime français
En 1698, les Français ferment le fort Buade, qui se trouve alors à Moran Bay, sur la rive nord du détroit de Mackinac. Cependant, ils décident rapidement de rétablir un poste, car les Odawas et des commerçants français et métis qui refusent de rentrer en Nouvelle-France occupent la région. Les Jésuites, aussi, conservent une présence dans le détroit, même après avoir fermé leur mission à Saint-Ignace, en 1705. Les coureurs des bois, des commerçants français sans permis, continuent de se rendre dans le détroit pour se reposer et faire du commerce. Il est important de noter que, du point de vue des autorités françaises, leur absence permet aux Premières Nations d’établir des relations commerciales avec les commerçants britanniques à Albany et dans le pays des Ohio, ainsi qu’avec les postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson plus au nord. Les Français décident alors, en 1710, de rétablir une présence officielle dans le détroit de Mackinac.
L’importance stratégique du détroit s’accroît en raison du conflit avec la nation des Renards (vers 1710-1740), dont le territoire s’étend jusqu’à la rive ouest du lac Michigan. En 1712, on envoie donc le capitaine François-Marie Le Marchand de Lignery, accompagné de quelques soldats réguliers et de miliciens, dans le détroit. Avec ses troupes, il occupe probablement des bâtiments à Saint-Ignace, sur la rive nord du détroit.
Centre militaire et de traite
En réponse aux assauts des Renards, le gouverneur Vaudreuil envoie, en 1716, une expédition commerciale et militaire dans le détroit. La construction du fort Michilimackinac commence probablement cet été-là. Le fort est constitué d’une palissade carrée et de quatre bastions. On y installe à l’automne 1716 quatre petits canons en laiton, les seules pièces d’artillerie du régime français. Les Français construisent le nouveau fort sur une plage exposée au sud du détroit de Mackinac. Il devait servir à la fois d’entrepôt pour le commerce et de centre diplomatique et militaire clé dans la région supérieure des Grands Lacs. Le fort sert de base de lancement aux activités militaires des Français et des Autochtones pendant les guerres des Renards (vers 1710-1740); les guerres des Chickasaw (vers 1721-1763); la guerre de la reine Anne (1702-1713), le volet américain de la guerre de la Succession d’Espagne; la guerre du roi George, qui s’inscrit dans la guerre de la Succession d’Autriche (1744-1748) et la guerre contre les Français et les Indiens (1754-1763) (voir aussi Le Canada et la guerre de Sept Ans).
En tant qu’entrepôt, le fort sert de résidence permanente et saisonnière aux commerçants. C’est aussi un lieu de rassemblement pour les brigades de canots transportant des marchandises de Montréal et celles qui apportent des fourrures de l’intérieur. C’est aussi un endroit sûr pour entreposer des marchandises, des fournitures et des peaux. Le fort sert également de centre pour le commerce des esclaves autochtones, appelés panis, ainsi que d’une partie des esclaves africains, entre le Pays-d’en-Haut et les centres coloniaux de Montréal, Trois-Rivières et Québec.
Pendant l’occupation française du fort Michilimackinac, le site est agrandi au moins deux fois. Ces agrandissements découlent directement de la croissance de la population de Michilimackinac en raison de l’importance militaire et commerciale du site. En 1749, le fort abrite des bâtiments militaires, des maisons en rangée pour les commerçants français et métis ainsi que leur famille, une forge, une église et un presbytère.
En 1760, cependant, les troupes françaises de Montréal se rendent aux Britanniques, ce qui marque la fin de la Conquête. À l’automne de la même année, lorsqu’il apprend la capitulation française, le commandant de Michilimackinac, le capitaine Louis Liénard de Beaujeu de Villemonde, décide de quitter les lieux plutôt que de se rendre aux Britanniques. Il part donc pour les pays des Illinois en octobre 1760 avec trois officiers, deux cadets, 48 soldats et 78 miliciens. On remet le fort à Charles Michel de Langlade, commerçant métis établi et lieutenant des réguliers de la colonie. Le 28 septembre 1761, il cède officiellement le fort au capitaine britannique Henry Balfour. Le 1er octobre 1761, le lieutenant Leslye du 60e Régiment de fantassins devient le premier commandant britannique du fort. On le remplace en septembre 1762 par le capitaine George Etherington.

Régime britannique
Le fort Michilimackinac demeure un important centre militaire et de traite sous les Britanniques. En vertu des dispositions de la capitulation de 1760, les Français et les Métis du Détroit se voient garantir la liberté de religion et le droit privé de propriété. La vie se poursuit essentiellement comme sous l’occupation française. Toutefois, les politiques britanniques engendrent des conflits avec les Premières Nations. Elles restreignent les marchandises, comme les armes à feu et les munitions, et négligent la présentation de cadeaux, un geste nécessaire pour obtenir le consentement à l’occupation des forts et pour entretenir des relations suivies. Ces politiques contribuent aux hostilités dans tout l’intérieur du pays, connues sous le nom de guerre de Pontiac (1763-1766).

Capture du fort Michilimackinac
Le 2 juin 1763, le fort connaît l’événement le plus marquant de son histoire lorsque le chef de guerre anichinabé Minavavana (Minweweh) l’assiège pendant la guerre de Pontiac. Charles Michel de Langladeau rapporte des rumeurs d’une attaque imminente au commandant du fort, le capitaine George Etherington. Malgré cet avertissement, le capitaine Etherington accepte une proposition des guerriers anichinabés et sauks de disputer une partie de baaga’adowe près du fort pour célébrer l’anniversaire du roi George III. (Voir aussi La crosse.) George Etherington accepte de laisser les portes du fort ouvertes, alors que des soldats non armés observent le jeu.
Pendant la partie, la balle passe au-dessus de la palissade et pénètre à l’intérieur du fort. Alors que les joueurs se précipitent vers les portes, les femmes distribuent des armes cachées aux hommes qui entrent dans le fort. Les guerriers abattent 22 soldats, dont le lieutenant John Jamet et un marchand nommé Tracey. Le reste de la garnison (y compris le commandant) est capturé, et cinq d’entre eux sont tués plus tard par les Anichinabés. Alexander Henry, un commerçant anglais, est fait prisonnier, puis est secouru par le chef ojibwé Wawatam, avec qui il reste jusqu’en 1764. (Le récit précis de l’attaque publié par Alexander Henry est une source essentielle pour la compréhension populaire de ces événements.) Le 18 juillet 1763, les soldats anglais survivants et les commerçants restants sont finalement autorisés à partir pour Montréal sous escorte des Odawas. Les Français et les Métis de Michilimackinac s’occupent du fort jusqu’à la nouvelle occupation britannique.
Nouvelle occupation britannique
En 1764, les troupes britanniques reprennent possession du fort Michilimackinac. Un contingent de 80 soldats et officiers prend le contrôle du fort en septembre. Plusieurs facteurs font en sorte que les Autochtones acceptent la reprise des forts intérieurs en 1764, notamment les rumeurs de paix entre la Grande-Bretagne et la France, les termes de la Proclamation royale de 1763 et la pénurie de marchandises. (Voir Traité de Niagara de 1764.) De 1764 jusqu’à son abandon en 1781, le fort Michilimackinac évolue vers une fonction principalement militaire, contrairement à sa période sous domination française. Tout commerce y est alors interdit, et la présence de seulement dix membres des Premières Nations y est tolérée. Les Britanniques réparent aussi la palissade ainsi que plusieurs autres bâtiments afin d’en renforcer la défense. Enfin, l’expansion de la garnison amène les Britanniques à réquisitionner les maisons françaises pour y loger les soldats. Cette situation entraîne graduellement l’établissement d’un petit village franco-métis en dehors des remparts.
Cependant, Michilimackinac demeure un entrepôt commercial et un lieu de rassemblement pour les commerçants de Montréal, de la région supérieure des Grands Lacs, des pays des Ohio et des Illinois, et des régions situées au nord et à l’ouest du lac Supérieur. Comme à l’époque française, le fort continue d’offrir une protection aux commerçants, ainsi qu’à leurs provisions et pelleteries. De plus, l’esclavage persiste sous le règne britannique (bien que quelques esclaves aient gagné leur liberté durant les périodes française et britannique).
L’agrandissement et le développement définitifs du fort Michilimackinac commencent en 1766. En 1775, le fort prend une forme hexagonale et se dote de nouveaux bâtiments, d’un poste de garde, de la résidence du commandant, d’un entrepôt, d’un magasin de munitions et d’un terrain de parade élargis, d’une église, d’un presbytère et de plusieurs logements privés.

Révolution américaine
Durant la Révolution américaine, le fort Michilimackinac sert de base de recrutement et de rassemblement pour les guerriers alliés aux Britanniques. En 1776, par exemple, des guerriers sont envoyés pour aider à reprendre Montréal, mais ils arrivent trop tard pour participer aux combats. De plus, en 1777, 1778 et 1779, des guerriers de Michilimackinac prennent part à des campagnes dans le nord-ouest de l’État de New York, à la défense prévue du Détroit et à l’attaque de Saint-Louis.
Les succès américains au sud du lac Michigan incitent Patrick Sinclair, le nouveau lieutenant-gouverneur et surintendant de Michilimackinac, à renforcer les défenses britanniques dans le détroit de Mackinac. En octobre 1779, peu après son arrivée, il décide de transférer le fort à l’île Mackinac. En effet, le fort Michilimackinac présente plusieurs inconvénients. Comme il s’agit d’un fort en bois érigé sur une plage, il est directement exposé aux tempêtes et à l’action de vagues, ce qui nécessite la réparation constante des bâtiments et de la palissade. De plus, un côté de la palissade est surplombé par une série de dunes qui se reforment après chaque tentative d’enlèvement. Le fort se trouve également près du bord de l’eau, ce qui le rend vulnérable aux attaques navales.
La réinstallation sur l’île Mackinac commence à l’hiver 1779-1780 et se poursuit jusqu’à l’été 1781. Patrick Sinclair déménage les bâtiments récupérables de Michilimackinac. Il emploie des soldats, des commerçants et des résidents pour construire un nouveau fort en pierre sur la falaise de l’île. À l’été 1781, lorsque le nouveau fort peut accueillir la garnison, on transfère le drapeau britannique et le reste des troupes au fort Mackinac. Après leur départ, les Britanniques brûlent les bâtiments restants et la palissade, abandonnant les ruines au sable mobile du détroit.

Parc d’État et musée
Après le déménagement des bâtiments et la destruction du fort Michilimackinac par le feu, le site est laissé à l’abandon jusqu’à la fin du 20e siècle. En 1904, le village de Mackinaw City transfère la propriété du site à l’État du Michigan, qui en fait le deuxième parc d’État, après l’île Mackinac. Dans les années 1930, on reconstruit la palissade du fort dans le cadre d’un projet visant à créer des emplois pendant la crise économique. En 1959, des archéologues et des historiens professionnels se mettent à analyser systématiquement les vestiges et les documents dans le but de commencer la restauration du fort. L’année suivante, en 1960, Mackinaw City obtient le statut de site historique national. En avril 2024, environ 60 à 65 % des bâtiments à l’intérieur des murs du fort sont reconstruits. Le Colonial Michilimackinac, une reconstitution du fort dans son état de 1781, est un musée d’histoire vivante. Des interprètes en costume d’époque illustrent la vie des pionniers. Des expositions mettent en lumière les régimes français et britannique, l’histoire de la traite des fourrures et du commerce d’esclaves, ainsi que les fouilles archéologiques en cours.