Ulrich « Fred » Herzog, photographe, enseignant (né le 21 septembre 1930 à Bad Friedrichshall, en Allemagne; décédé le 9 septembre 2019 à Vancouver, en Colombie-Britannique). Fred Herzog était photographe médical professionnel et professeur de photographie à l’Université de Colombie-Britannique et l’Université Simon Fraser. Il est surtout connu pour ses photographies en couleurs de scènes de rue de Vancouver, montrant les quartiers ouvriers et le centre-ville avant leur transformation. Son utilisation du film couleur était inhabituelle pour un photographe d’art, et son travail a longtemps été sous-estimé. Sa première exposition solo, à la Vancouver Art Gallery en 2007, alors qu’il avait 76 ans, a connu un grand succès critique.
Enfance marquée par la guerre
Né sous le nom d’Ulrich Herzog dans la ville allemande de Bad Friedrichshall en 1930, Fred Herzog grandit dans une famille de classe moyenne à Stuttgart, à l’époque où l’Allemagne sombre dans le nazisme. Son père, aussi prénommé Ulrich, est un ingénieur qui se défie d’Hitler et du mouvement nazi. La mère de Fred Herzog, Erna, est une maîtresse de maison, passionnée d’arts, qui appuie les nazis au début. Elle amène même Ulrich dans une manifestation pour Hitler en 1938.
En 1941, la mère de Fred Herzog meurt d’une fièvre paratyphoïde. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’usine de son père et la maison familiale sont bombardées, mais Ulrich et sa famille s’en tirent sains et saufs. Néanmoins, Fred perd tout ce qu’il possède et tout ce qu’il aime à cause de la guerre. Sa sœur perd son amoureux, qui est conscrit dans l’armée et tué peu après avoir rejoint le front de l’Est.
Comme beaucoup d’enfants allemands qui ont survécu à la guerre, Fred Herzog reprend l’école seulement six mois après la fin des hostilités. Aucun des étudiants ne parle de ses expériences du temps de la guerre, et le sujet est généralement évité par les adultes aussi. Après la mort de son père en 1946, Fred Herzog et ses frères et sœurs sont laissés aux soins d’une belle-mère qu’il décrit comme peu aimante, qui rationne sévèrement leur alimentation. Finalement, Fred est recueilli par des membres de sa famille et travaille un certain temps dans la quincaillerie de ses grands-parents.
À la mort de son oncle, Fred Herzog hérite d’un appareil photo à soufflet, qu’il échange contre une Retina de Kodak, plus solide et pratique, avec laquelle il apprend tout seul la photographie.
Arrivée au Canada
En 1952, Fred Herzog émigre au Canada et s’installe à Toronto. Dès sa première journée dans la ville, il se retrouve sans le sou et se voit contraint de déposer sa collection de pièces de monnaie et son agrandisseur chez un prêteur sur gages. Le soir même, assis sur son porche, il rencontre un photographe médical sud-africain, Ferro Shelley Marincowitz. Les deux hommes décident de louer un appartement et d’y établir une chambre noire qu’ils utiliseront ensemble. Ferro Marincowitz devient rapidement le meilleur ami et le mentor de Fred Herzog, et l’introduit à la photographie médicale, dont Fred fera plus tard sa profession à temps plein.
En 1953, Fred Herzog déménage à Vancouver, où il trouve en emploi chez Union Steamships. Ses collègues le surnomment Fritz, puis Fred. En 1957, il obtient un emploi de photographe médical à l’hôpital St. Paul. Son travail consiste à documenter les chirurgies et les maladies de la peau. Ceci le conduit à un poste de direction à l’Université de Colombie-Britannique (UBC) en 1961. À la fin de la décennie, Fred Herzog est professeur de photographie à temps plein à l’UBC. Il enseigne également à l’Université Simon Fraser. À cette époque, il consacre le plus clair de ses temps libres à parcourir Vancouver, prenant des milliers de photos de gens ordinaires qui se livrent à leurs occupations quotidiennes dans le port de la ville, grouillant d’activité.
Photographie
Fred Herzog estime avoir pris plus de 100 000 photos en couleurs et plus de 30 000 photos en noir et blanc au cours de sa carrière. Il fait souvent de très longues marches dans Vancouver, photographiant tout ce qu’il voit. Ces photographies portent principalement sur des scènes de rue, et sur la vie dans les rues du Downtown Eastside. Elles s’intéressent aux gens ordinaires, dans leur vie de tous les jours, aux places et aux espaces, ainsi qu’à la transformation du vieux Vancouver, une ville de maisons en bois et de petits bâtiments de brique, en une métropole moderne de gratte-ciel de verre et de béton.
Sans en avoir conscience à l’époque, Fred Herzog documente le vieux Vancouver avant qu’il ne soit complètement transformé. Ses sujets sont souvent de classe ouvrière ou défavorisés. Les minorités culturelles, ethniques et raciales sont aussi très présentes dans son travail, de même que les devantures de magasins, les enseignes au néon et les quartiers ouvriers de Vancouver. Le travail de Fred Herzog contraste nettement avec la vision stéréotypée des photographies typiques de Vancouver qui privilégient les attractions touristiques, les montagnes, l’océan et la nature.
Le style de Fred Herzog demeure peu apprécié pendant la plus grande partie du 20e siècle, où la photographie d’art « sérieuse » se doit, par convention, d’être exclusivement en noir et blanc. Dans les années 1980, Fred Herzog veut faire don de sa collection de photos au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, mais l’offre est déclinée, le musée n’étant intéressé qu’à la photographie en noir et blanc. (Par la suite, le musée ajoutera 40 photographies de Fred Herzog à sa collection, toutes avant son décès.) Fred Herzog utilise le Kodachrome, un film inversible qui produit des diapositives aux couleurs vives, fortement saturées. Il tient habituellement son appareil à la hanche, pour éviter que les gens remarquent qu’il prend une photo, ce qui ruinerait la pose et détruirait la réalité du moment qu’il souhaite saisir.
Première exposition solo
Pendant de nombreuses années, Fred Herzog demeure une figure mythique sur la scène artistique de Vancouver, vénéré par un petit nombre de fidèles, mais inconnu du grand public. La plus grande partie de son œuvre est conservée dans des boîtes dans la cave de sa maison, car il lui est impossible de produire des copies répondant à ses standards esthétiques. Toutefois, alors qu’il est septuagénaire, de nouvelles technologies d’impression permettent enfin de reproduire fidèlement les textures et la profondeur de ses photographies aux couleurs éclatantes.
La première exposition solo de Fred Herzog, à la Vancouver Art Gallery en 2007, connaît un succès instantané. Elle lui assure une grande renommée et donne lieu à la publication de plusieurs collections de ses photos. Par la suite, il organise d’autres expositions à Vancouver, au Musée des beaux-arts à Ottawa, ainsi qu’à Berlin, New York, Londres et Hambourg. « J’ai trouvé la photo, et la photo, peut-être, a fini par me trouver », déclare Fred Herzog dans un documentaire sur lui en 2012. « Mais cela n’est arrivé que dans les dix dernières années. Soudainement, tout ce que j’ai fait est devenu au goût du jour. »
Prix et récompenses
En 2010, Fred Herzog a reçu un diplôme honorifique de l’Emily Carr University of Art and Design. En 2014, il a remporté le prix Audain pour l’ensemble de son œuvre en arts visuels, un des prix artistiques les plus prestigieux de Colombie-Britannique. Toujours en 2014, la Société canadienne des postes a créé un timbre avec sa célèbre photographie Bogner’s Grocery, prise en 1960.
Vie personnelle
Fred Herzog a épousé une hôtesse de l’air du nom de Christel, immigrante allemande comme lui. Ils ont eu deux enfants ensemble et ont vécu dans une modeste maison de Vancouver. Christel est morte en 2013.
Déclaration controversée sur la Shoah
Dans une interview de 2012, Marsha Lederman, du Globe and Mail, a demandé à Fred Herzog s’il avait subi du racisme en tant qu’immigrant allemand d’après-guerre au Canada. Il a alors exprimé à plusieurs reprises des doutes sur la véracité historique de la Shoah, plus spécifiquement sur le fait que des Juifs aient été exécutés dans des chambres à gaz dans les camps de la mort. Pendant l’interview, il est revenu sur la question de la Shoah à plusieurs reprises, semblant renchérir sur ses doutes, avant de changer de direction et de reconnaître que des actes horribles et barbares avaient effectivement été commis. Dans des interviews subséquentes avec Marsha Lederman, Fred Herzog a présenté plusieurs fois ses excuses pour ces affirmations. Il a expliqué que sa conversation avec la journaliste l’avait amené à réfléchir et à reconsidérer ses convictions à ce sujet, qui ont changé entièrement.
(Voir aussi Photographie au Canada.)