Article

Georgina Binnie-Clark

Georgina Binnie-Clark, agricultrice, défenseure des droits des femmes et auteure (née le 25 avril 1871 à Sherborne, en Angleterre; décédée le 22 avril 1947 à Londres, en Angleterre). Contrairement aux hommes de son époque, Georgina Binnie-Clark, femme célibataire, n’était pas admissible aux terres gratuites concédées par le gouvernement dans l’Ouest canadien. Elle a donc acheté une ferme près de Fort Qu’Appelle, en Saskatchewan. Sans expérience dans le domaine de l’agriculture, elle a voulu prouver que cette activité pouvait procurer aux femmes célibataires l’indépendance tant convoitée. Défenseure active de la cause des femmes, elle a fait campagne en faveur de l’attribution de terres aux femmes. Dans des articles et lors de conférences, elle a fait la promotion de l’immigration britannique au Canada et de l’agriculture en tant que mode de vie pour les femmes célibataires.

Georgina Binnie-Clark

Contexte historique : femmes et admissibilité à la propriété agricole

En vertu de la Loi des terres fédérales (1872), le chef de famille ou tout homme ou femme célibataire de 21 ans ou plus peut à l’époque prétendre à une propriété agricole gratuite (déduction faite de frais d’administration de 10 $). Le peuplement des terres est une initiative que lance le gouvernement canadien à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle pour attirer des immigrants dans l’Ouest canadien. Les bénéficiaires reçoivent ainsi une terre d’un quart de section (160 acres), sur laquelle ils doivent bâtir une maison et cultiver la terre pendant au moins trois ans.

Entre 1872 et 1876, environ 150 femmes revendiquent des terres. En 1876, la Loi est modifiée de manière à limiter l’admissibilité au seul chef de famille ou à tout homme de plus de 18 ans. Cette modification exclut la plupart des femmes célibataires, qui ne sont pas chefs de famille. Les femmes veuves avec enfants sont les principales femmes admissibles, et dans certains cas, les femmes divorcées ou séparées avec enfants. En 1919, les veuves d’anciens combattants deviennent également admissibles.

Aux États-Unis et en Australie, les femmes peuvent revendiquer des terres, et certaines profitent de cette occasion. Les femmes qui souhaitent vivre du travail de la terre au Canada, elles, ne peuvent qu’acheter des terres auprès du chemin de fer du Canadien Pacifique, auprès de bénéficiaires quittant leurs terres ou encore auprès de vétérans de la guerre d’Afrique du Sud ayant reçu un certificat de concession pour leur service.

Arrivée au Canada

Georgina Binnie-Clark voit le jour le 25 avril 1871 à Sherborne, en Angleterre. C’est la troisième enfant d’une fratrie qui en compte au moins six. Ses parents sont propriétaires-exploitants d’une auberge. En 1905, Georgina Binnie-Clark et sa sœur cadette, Ethel, rendent visite à leur frère Louis au Canada. Celui-ci est propriétaire d’une terre agricole non loin de Fort Qu’Appelle, en Saskatchewan. Au cours de cette visite, Georgina Binnie-Clark s’intéresse au concept de peuplement des terres. Bien qu’elle ne possède aucune formation ou expérience en agriculture, elle décide de rester au Canada. En tant que femme célibataire, elle n’a pas droit à une terre gratuite du gouvernement canadien. Elle achète donc en 1905 une ferme près de Fort Qu’Appelle auprès de bénéficiaires ayant décidé de quitter leur terre.

La récolte du premier jour

Agriculture

La situation d’agricultrice célibataire de Georgina Binnie-Clark est unique dans les Prairies canadiennes au début du 20e siècle. Elle cherche à prouver que l’agriculture peut procurer aux femmes célibataires – en particulier les dames britanniques – un moyen d’assurer leur indépendance. Comme elle est forcée d’acheter sa terre, plutôt que d’en recevoir une gratuite, Georgina Binnie-Clark est soumise à une plus grande pression financière pour assurer le succès de son exploitation. Elle profite cependant d’un avantage non négligeable : celui de posséder une ferme aux cultures déjà en place. Elle ne part donc pas de zéro, comme ont dû le faire les bénéficiaires de terres gratuites. Ethel, la sœur de Georgina, la rejoint sur la ferme; en 1930, les deux femmes cultivent une superficie de 275 acres. Bien qu’elle doive faire face à de nombreux défis et obstacles dans son parcours pour gérer une exploitation agricole, de l’avis de Georgina Binnie-Clark, le travail agricole est quand même préférable au travail domestique. À l’époque, on peut lire son opinion dans un journal local : « Les hommes placent le travail de la terre à l’échelon le plus bas, parce que c’est le plus dur travail qu’ils aient connu; s’ils avaient accompli du travail ménager, ne serait-ce que pendant une très brève période, ils sauraient combien la tâche de la femme est plus difficile et plus éprouvante. »

Campagne

Georgina Binnie-Clark dirige le mouvement visant à promouvoir l’attribution de terres gratuites aux femmes au Canada. En 1908, elle rend visite à des représentants du gouvernement à Ottawa et commence à faire pression pour que les femmes célibataires deviennent admissibles dans le cadre de la législation canadienne sur le peuplement des terres. En 1913, Georgina Binnie-Clark réalise une tournée de conférences en Angleterre, où elle met de l’avant le rôle que peuvent jouer les femmes anglaises dans le développement du Canada. Elle écrit sur ces deux sujets dans des publications au Canada et en Angleterre. Le mouvement en faveur des terres gratuites pour les femmes est étroitement lié à d’autres causes féminines dans les Prairies à l’époque, notamment le droit de vote des femmes et les droits de douaire. La campagne que mène Georgina Binnie-Clark en faveur des terres gratuites pour les femmes ne connaîtra malheureusement pas le succès qu’elle avait espéré. Comme c’est le cas pour le droit de vote des femmes, la Première Guerre mondiale fait obstacle à la campagne en faveur des terres gratuites, bien que la défense de cette cause se poursuive jusqu’aux années 1920. Les droits de propriété foncière sont enfin accordés aux femmes célibataires en 1930. À cette époque, toutefois, la majorité des terres ont déjà été revendiquées.

L’impérialisme est étroitement lié à l’action militante de Georgina Binnie-Clark en faveur de l’attribution de terres gratuites aux femmes. Comme chez les suffragettes, Georgina Binnie-Clark et d’autres femmes appuyant le mouvement se fondent sur les notions de race et d’ethnicité pour faire avancer leur cause. Leur revendication des droits des femmes est ancrée dans l’idée que les femmes britanniques sont supérieures aux hommes « étrangers » (c’est-à-dire non britanniques). Même si sa campagne en faveur de l’attribution de terres gratuites aux femmes s’essouffle, Georgina Binnie-Clark continuera à encourager l’émigration britannique au Canada jusqu’en 1930.

Elle milite également en faveur de l’établissement, par le gouvernement canadien, de fermes expérimentales pour assurer la formation des agricultrices. En 1910, Georgina Binnie-Clark a déjà mis en place son propre programme de formation pour les femmes sur sa ferme en Saskatchewan, et elle recrute de jeunes Anglaises. Son programme demeurera en activité jusqu’à l’éclatement de la Première Guerre mondiale.

Écriture

Georgina Binnie-Clark relate ses expériences au Canada dans deux ouvrages. Le premier s’intitule Summer on the Canadian Prairie (1910); c’est un livre de voyage. Son second livre, plus connu, s’intitule Wheat and Women (1914), dans lequel elle raconte les défis qu’elle a dû relever en tant qu’agricultrice célibataire dans les Prairies. Certaines parties de Wheat and Women contiennent des faits inexacts, et Georgina Binnie-Clark a changé le nom de certaines personnes. C’est malgré tout une source utile d’informations sur la vie quotidienne et sociale dans les fermes canadiennes, avec la description de certaines techniques agricoles du début du 20e siècle. Dans cet ouvrage, Georgina Binnie-Clark déplore en outre l’exclusion des femmes célibataires des lois sur le peuplement des terres et encourage les femmes à trouver subsistance et indépendance dans l’agriculture.

Angleterre

Pendant la Première Guerre mondiale, Georgina Binnie-Clark met à profit son expérience agricole pour collaborer avec le ministère britannique du Travail à l’organisation des travailleuses agricoles dans le cadre de l’effort de guerre. Des années 1920 jusqu’à sa mort en 1947, elle partagera son temps entre le Canada et l’Angleterre.