La gravure sur écorce de bouleau est une pratique culturelle traditionnelle utilisée par certains peuples autochtones du Canada, notamment les Dénés, les Anishinaabe et les nations de la Confédération Wabanaki (voir aussi Mi’kmaq; Wolastoqiyik [Malécites]; Abénakis). Certains récipients fonctionnels, comme les paniers et les bols, étaient ornés d’iconographie culturelle et de motifs floraux, mais pas tous les contenants. Au cours du 19e siècle, des récits narratifs ont commencé à apparaitre sur la surface d’objets fonctionnels faits d’écorce de bouleau. Certains de ces objets étaient vendus comme souvenirs aux colons européens ou aux visiteurs. Cette pratique a connu un déclin pendant presque tout le 20e siècle. Cependant, les efforts soutenus des artistes et des créateurs ont permis de la rétablir au tournant du 21e siècle. Depuis, la gravure sur écorce de bouleau a subi une série de changements profonds. Elle est aujourd’hui présente dans la mode contemporaine, la conception de bijoux, le cosplay, les beaux-arts et plus encore. Cette pratique est également répandue dans les principaux marchés, foires et concours d’art autochtone. De nos jours, la gravure sur écorce de bouleau est devenue un exemple frappant du renouveau culturel autochtone au Canada.
Écorce de bouleau
L’écorce de bouleau est depuis longtemps un outil de survie pour les cultures du monde entier. Chez certaines nations autochtones d’Amérique du Nord, elle est utilisée comme matériau de base pour fabriquer des canots, faire des contenants de rangement, pour allumer le feu, pour les abris et plus encore. Pour cette raison, le bouleau (et l’écorce de bouleau) est souvent perçu comme un symbole de survie, de résilience et de spiritualité. Par exemple, la Midewiwin, une société spirituelle anishinaabe, partage des enseignements culturels, des leçons spirituelles et des histoires sacrées au moyen de parchemins gravés sur écorce de bouleau. Cependant, ceux-ci ne peuvent être vus et utilisés que par les membres initiés de la société, et ils ne sont pas destinés à un usage public.
Dans l’est du Canada, l’écorce de bouleau sélectionnée pour la gravure est généralement récoltée au printemps, vers avril ou mai. Lorsque l’écorce est coupée à la base de l’arbre, l’écorce interne contient une fine couche de tissu végétal appelé cambium, de couleur rouge foncé ou brun foncé. Lorsqu’on applique de l’eau sur le cambium, il est plus facile de le gratter à partir de la base. Une fois gratté, on trouve une couche d’écorce plus claire en dessous. Le contraste visuel entre la couche de tissu végétal et l’écorce sous-jacente est ce que les artistes et les fabricants utilisent pour créer leurs motifs et leurs conceptions. D’autres matériaux, comme la racine des épinettes ou des cèdres, sont souvent utilisés sur le pourtour du haut du récipient pour soutenir le bord ou pour l’orner. En fin de compte, le long processus de récolte de l’écorce et des racines de bouleau n’est pas pris à la légère. En général, les cueilleurs offrent une prière à l’arbre et ils honorent le savoir ancestral qui lui est associé.
Efforts renouvelés
Les récipients faits d’écorce de bouleau sont une coutume chez certaines nations autochtones du Canada depuis des siècles. Au cours des 18e et 19e siècles, les membres de la Confédération Wabanaki vendent des objets fonctionnels aux colons et aux visiteurs européens (voir aussi Mi’kmaq; Wolastoqiyik [Malécite]; Abénakis). Ces objets sont souvent ornés de motifs culturels gravés, comme une double courbe ou deux lignes qui s’incurvent vers le haut ou vers le bas dans des directions opposées. Vers 1900, Tomah Joseph, gouverneur et guide passamaquoddy, commence à graver des histoires culturelles et des scènes de la vie quotidienne sur divers objets, comme des porte-lettres, des boites à cigares, des boites à col et des dossiers de canot. Par exemple, certaines de ces œuvres semblent dépeindre des représentations de chasse, de cuisson sur feu ouvert, de portage et de contes reliés à des lieux importants précis. Ces objets sont ensuite vendus comme souvenirs aux clients qui embauchent Tomah Joseph pour guider leurs excursions de pêche ou de chasse dans tout l’État du Maine. Ce faisant, Tomah Joseph est l’un des principaux artisans du passage de la gravure d’images idéalisées sur écorce de bouleau à des récits narratifs. Bien que des images de la flore et des motifs culturels soient toujours présents sur les objets fonctionnels, Tomah Joseph et d’autres artistes et créateurs wabanaki commencent à utiliser la gravure pour enregistrer, honorer et esthétiser leur histoire culturelle complexe.
Plusieurs raisons expliquent le déclin culturel de la gravure sur écorce de bouleau au 20e siècle. Le système des pensionnats indiens du Canada, l’interdiction de traditions culturelles distinctes et l’introduction de matériaux qui remplacent l’écorce (des métaux comme l’étain) réduisent la capacité des peuples autochtones à pratiquer et à transmettre leur savoir en utilisant la gravure sur écorce de bouleau (voir aussi La Loi sur les Indiens). Au tournant du 21e siècle, des artistes et des créateurs autochtones qui ont des liens étroits avec les communautés des réserves encouragent des initiatives locales qui visent à restaurer les connaissances et la sensibilisation aux pratiques de gravure sur écorce de bouleau. Ces initiatives prennent généralement la forme d’enseignements individuels, d’ateliers et de cours officiels.
Gravure contemporaine
Au tournant du 20e siècle, certains artistes et créateurs autochtones commencent à expérimenter en profondeur la gravure sur écorce de bouleau. L’artiste et poète pentagouet nommée ssípsis (et également connue sous le nom de Jean Thompson) contribue de manière importante à cette période. Sa sculpture monumentale de 243 cm x 122 cm (8 pi x 4 pi) The Turtle Shield (vers 2003) est l’une des plus grandes sculptures en écorce de bouleau jamais produites. Elle comprend 13 boucliers d’écorce gravés qui ressemblent à la carapace d’une tortue et elle est bordée de foin d’odeur. Cette sculpture est créée en réaction aux actions du docteur Henry Perkins, un zoologiste de l’Université du Vermont accusé d’avoir stérilisé des hommes et des femmes wabanaki. Cette importante œuvre de ssípsis est parmi les premières à faire passer la gravure sur écorce de bouleau en tant qu’ornement sur des objets fonctionnels à des sculptures et installations contemporaines d’envergures. Malheureusement, on ignore où se trouve The Turtle Shield.
Bien que l’œuvre The Turtle Shield ait été expérimentale et innovatrice pour l’époque, les gravures sur écorce de bouleau apparaissent maintenant fréquemment dans la mode contemporaine, la joaillerie, et bien plus encore. Par exemple, l’œuvre Shemaginish (2022) de l’artiste algonquine anishinaabe Christal Ratt comprend des éléments de gravure sur écorce de bouleau, de piquants de porc-épic ornementaux et de perles. Shemaginish est une armure de cosplay à porter, basée sur la populaire série télévisée The Mandalorian de Disney+. Certains artistes et créateurs autochtones comme Christal Ratt s’identifient depuis longtemps à la franchise de Star Wars. Ils s’en inspirent en partie parce que de nombreux protagonistes de la série sont également pris dans les rouages du colonialisme. L’œuvre de Christal Ratt témoigne de l’évolution constante de la gravure sur écorce de bouleau.
Contrairement à la croyance populaire, la récolte de l’écorce de bouleau ne se traduit pas par la mort de l’arbre. Selon la quantité d’écorce prélevée, ce processus peut affaiblir les arbres et les rendre plus vulnérables aux agents pathogènes. Dans le nord-est, l’écorce peut être retirée de l’arbre (et s’enlève plus facilement) généralement entre mai et juin. L’arbre se trouve plus menacé lorsque l’écorce interne est endommagée, car ses voies naturelles d’approvisionnement en eau et en nutriments sont perturbées. Un grand soin est apporté à ce processus pour que l’arbre puisse survivre. Dans certains cas, il est possible de retirer à nouveau l’écorce plus tard. Cependant, la gravure sur écorce de bouleau dépend entièrement du bien-être du bouleau, qui est vu comme un être vivant et perçu comme étant sacré et symbolique par de nombreux peuples autochtones. Les artistes et les créateurs autochtones expriment à plusieurs reprises leurs inquiétudes concernant le changement climatique, la toxicité et la pollution. Ces facteurs environnementaux et d’autres facteurs peuvent avoir un impact négatif sur la santé du bouleau et donc sur l’avenir des pratiques de gravure.