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Route des larmes

La route des larmes (« Highway of Tears » en anglais) désigne une section de 724 km de la route Yellowhead (route 16) en Colombie‑Britannique, le long de laquelle de nombreuses femmes (pour la plupart autochtones) ont disparu ou ont été retrouvées assassinées. La route des larmes s’inscrit dans le contexte d’une crise nationale plus vaste large concernant les disparitions et les meurtres de femmes et de jeunes filles autochtones. En 2015, le gouvernement fédéral a lancé une enquête nationale sur ces cas.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

La route des larmes

Contexte

La route des larmes désigne une section de la route Yellowhead (route 16), allant de Prince Rupert sur la côte nord‑ouest de la Colombie‑Britannique à la ville de Prince George située dans la région centrale intérieure de la province. Vingt-trois Premières Nations se trouvent en bordure de la route 16. Cette région est caractérisée par la pauvreté, et jusqu’en 2017, elle manque de transports publics adéquats, ce qui oblige de nombreux résidents à recourir à l’auto‑stop comme moyen de transport.

Le nombre exact de femmes qui ont disparu ou ont été assassinées le long de la route 16 est contesté. La GRC reconnait 18 meurtres et disparitions sur sa liste des cas de la route des larmes, datant de 1969 à 2006 (la GRC inclut également les femmes ayant disparu le long des routes 97 et 5 en Colombie‑Britannique). Sur ces 18 victimes, 10 sont des femmes et des jeunes filles autochtones. Toutefois, les groupes autochtones soutiennent que ce nombre est trompeur, car il ne reflète que les disparitions et les meurtres qui ont eu lieu dans les zones géographiques spécifiques autour de ces routes, et que le réel nombre dans le nord de la Colombie‑Britannique dépasse les 40. Selon Human Rights Watch, un organisme international non gouvernemental qui mène des recherches et des actions de défense des droits de la personne, la Colombie‑Britannique détient le taux le plus élevé de meurtres non résolus de jeunes filles et de femmes autochtones au Canada. (Voir aussi Femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada.)

Toutefois, ce problème n’est pas propre à la Colombie‑Britannique. Il est considéré comme une crise nationale par de nombreux Canadiens, et le gouvernement fédéral annonce en 2015 qu’il lance une enquête sur les disparitions et les assassinats de femmes et de jeunes filles autochtones. Cette même année, Carolyn Bennett, ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones, affirme que le nombre de femmes et jeunes filles autochtones disparues ou assassinées à l’échelle nationale est probablement supérieur à 1200. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées débute le 1er septembre 2016. Le 3 juin 2019, l’Enquête nationale publie son rapport final.

Chaque cas signalé de disparition d’une femme ou chaque confirmation de la découverte d’un corps ont un effet cumulatif au sein des communautés des Premières Nations qui vivent le long de la route et à travers le Canada; un effet de peur, de frustration et de tristesse croissantes.

Enquêtes de la GRC, 1981‑2005

En 1981, la GRC organise une conférence en vue d’enquêter sur le nombre croissant d’affaires non résolues de meurtres et de disparitions de femmes le long de la route 16 et sur d’autres routes à l’intérieur de la Colombie‑Britannique. Connues sous le nom de « Highway Murders » (meurtres de la route), ces affaires concernent des femmes qui sont soit retrouvées mortes près de la route 16 ou soit aperçues pour la dernière fois dans cette région, souvent alors qu’elles font de l’auto‑stop. Environ 40 enquêteurs de police de la Colombie‑Britannique et de l’Alberta assistent à cette conférence. Une enquête approfondie de ces cas révèle un certain nombre de similitudes, incluant des rapports de véhicules suspects et les noms de personnes d’intérêt. Bien que l’initiative « Highway Murders » permette d’identifier certains principaux suspects pour certaines affaires s’étant produites entre 1981 et 2005, les femmes continuent à disparaitre ou sont retrouvées assassinées le long de la route des larmes en Colombie‑Britannique.

Projet E‑PANA de la GRC, 2005

En réponse à certains points communs entre les meurtres de trois femmes (Alisha Germaine, Roxanne Thiara et Ramona Wilson), l’unité des homicides non résolus de la GRC de Colombie‑Britannique crée le projet E‑PANA à l’automne 2005 pour enquêter sur d’autres cas de femmes et de jeunes filles disparues et assassinées dans la région longeant la route 16. Le projet est en partie nommé d’après un mot inuit qui désigne la déesse des esprits qui veille sur les âmes juste avant qu’elles ne s’en aillent au paradis ou qu’elles ne soient réincarnées.

La GRC utilise trois critères lorsqu’elle examine les cas des femmes disparues ou assassinées pour déterminer si elles doivent être incluses ou non dans l’enquête du projet E‑PANA :

  1. La victime était impliquée dans des activités à haut risque qui l’exposaient au danger, comme l’auto‑stop ou la prostitution;
  2. La victime a été vue pour la dernière fois, ou son corps a été découvert, dans un périmètre de 1,7 km (un mile) de la route 16 en Colombie‑Britannique (en 2007, on étend ce critère aux routes 97 et 5);
  3. La victime était une femme.

En 2005‑2006, lors du lancement du projet E‑PANA, la GRC identifie neuf victimes disparues ou retrouvées assassinées le long de la route 16 (de 1989 à 2006) : Alisha Germaine, Roxanne Thiara, Ramona Wilson, Aielah Saric‑Auger, Tamara Chipman, Nicole Hoar, Lana Derrick, Delphine Nikal et Alberta Williams. Toutes les victimes, à l’exception de Nicole Hoar, sont Autochtones.

Afin d’élargir l’enquête, la GRC a recours au système informatique SALCV (Violent Crime Linkage Analysis System), ainsi qu’à d’autres bases de données et fichiers des personnes disparues. De plus, la zone géographique qui est sous enquête passe de 724 km (de Prince Rupert à Prince George, en Colombie‑Britannique) à environ 1500 km, qui inclut non seulement la route 16 jusqu’à Hinton en Alberta, mais également certaines sections des routes 97 et 5. Ceci conduit la GRC à doubler le nombre des victimes de la route des larmes de 9 à 18 victimes, toutes des femmes assassinées ou portées disparues sur une période de 37 ans, entre 1969 et 2006. Les neuf victimes supplémentaires sont Shelley Bascu, Maureen Mosie, Monica Jack, Monica Ignas, Colleen MacMillen, Pamela Darlington, Gale Weys, Micheline Pare et Gloria Moody.

Victimes

De l’affaire la plus ancienne jusqu’à la plus récente, les femmes suivantes font l’objet de l’enquête E‑PANA :

Gloria Moody (statut : meurtre non résolu)

Gloria Moody

Gloria Moody, âgée de 27 ans et mère de deux enfants, est aperçue pour la dernière fois quittant un bar à Williams Lake en Colombie‑Britannique, le 25 octobre 1969. Son corps est retrouvé le lendemain.

Micheline Pare (statut : meurtre non résolu)

Micheline Pare

Micheline Pare est vue pour la dernière fois en juillet 1970 le long de la route Fort St. John-Hudson’s Hope en Colombie‑Britannique. Son corps est retrouvé le 8 août 1970 à proximité de Hudson’s Hope. Elle est âgée de 18 ans.

Gale Weys (statut : meurtre non résolu)

Gale Weys

Gale Weys, âgée de 19 ans, originaire de Clearwater en Colombie‑Britannique, est aperçue pour la dernière fois en octobre 1973, alors qu’elle fait de l’auto‑stop. Ses restes sont retrouvés en avril 1974. La GRC soupçonne Bobby Jack Fowler au sujet de sa mort, mais aucune preuve concluante ne permet de l’inculper.

Pamela Darlington (statut : meurtre non résolu)

Pamela Darlington

Pamela Darlington est une jeune fille âgée de 19 ans résidant à Kamloops en Colombie‑Britannique. Elle est retrouvée assassinée dans un parc local en novembre 1973. La GRC soupçonne Bobby Jack Fowler d’être responsable de son meurtre, mais aucune preuve concluante ne permet de l’inculper.

Monica Ignas (statut : meurtre non résolu)

Monica Ignas

Monica Ignas est âgée de 15 ans lorsqu’elle est aperçue pour la dernière fois marchant le long de la route 16 à Thornhill près de Terrace en Colombie‑Britannique, en décembre 1974. Son corps est retrouvé quatre mois plus tard, à quelques kilomètres à l’est de l’endroit où elle a disparu.

Colleen MacMillen (statut : meurtre résolu)

Colleen MacMillen

Colleen MacMillen est âgée de 16 ans lorsqu’elle quitte son domicile familial à Lac La Hache en Colombie‑Britannique, pour se rendre en auto‑stop chez un ami. Ses restes sont retrouvés un mois plus tard. Trente‑huit ans plus tard, en octobre 2012, des analyses d’ADN permettent à la GRC d’annoncer que Bobby Jack Fowler est le meurtrier de Colleen, selon elle. Bobby Fowler meurt dans une prison en Oregon en 2006.

Monica Jack (statut : meurtre résolu)

Monica Jack

Monica Jack, âgée de 12 ans, est la plus jeune des victimes. Elle disparait en mai 1978 alors qu’elle fait du vélo près de Merritt en Colombie‑Britannique. Ses restes sont retrouvés en 1996. Garry Taylor Handlen, un homme de 67 ans, est inculpé en 2014 du meurtre de Monica et de celui d’une autre jeune fille de 11 ans, Kathryn‑Mary Herbert, un crime sans lien avec l’enquête sur la route des larmes. Bien que Garry Taylor Handlen plaide non coupable pour le meurtre de Monica Jack, les procureurs maintiennent qu’il a confessé être coupable du crime au cours d’une conversation avec un agent de la GRC infiltré, avant son arrestation. Le procès de Garry Taylor Handlen commence en 2018 devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. En janvier 2019, un jury le reconnait coupable de meurtre au premier degré de Monica Jack.

Maureen Mosie (statut : meurtre non résolu)

Maureen Mosie

Maureen Mosie a 33 ans lorsqu’elle est aperçue pour la dernière fois faisant de l’auto‑stop près de Salmon Arm en Colombie‑Britannique, le 8 mai 1981. Son corps est retrouvé au bout d’une voie de sortie menant à la route 97.

Shelley (Shelly‑Anne) Bascu (statut : disparition non résolue)

Shelley-Anne Bascu

Shelley a 16 ans lorsqu’elle disparait de Hinton en Alberta. Elle est vue pour la dernière fois par des témoins le 3 mai 1983 à proximité de la route 16.

Alberta Williams (statut : meurtre non résolu)

Alberta Williams

Alberta Williams disparait en août 1989 alors qu’elle est âgée de 24 ans. Son corps est retrouvé plusieurs semaines plus tard, près de Prince Rupert en Colombie‑Britannique. En 2016, CBC News produit une baladodiffusion de huit épisodes sur son décès, intitulée Who Killed Alberta Williams?

Delphine Nikal (statut : disparition non résolue)

Delphine Nikal

Delphine Nikal disparait le 14 juin 1990. Âgée de 16 ans, elle fait de l’auto‑stop sur la route 16 entre Smithers en Colombie‑Britannique et son domicile à Telkwa, également en Colombie‑Britannique.

Ramona Wilson (statut : meurtre non résolu)

Ramona Wilson

Ramona Wilson est âgée de 16 ans, elle fait de l’auto-stop le 11 juin 1994 pour se rendre chez son ami à Smithers en Colombie‑Britannique. Ses restes sont retrouvés en avril 1995 le long de la route 16, à proximité de l’aéroport de Smithers. Ramona est membre de la bande Gitanmaxx. Sa tragique histoire fait partie d’un documentaire de 2006 réalisé par la cinéaste métisse Christine Welsh et intitulé Finding Dawn, au sujet des femmes autochtones disparues et assassinées au Canada.

Roxanne Thiara (statut : meurtre non résolu)

Roxanne Thiara

Roxanne Thiara, âgée de 15 ans, disparait en novembre 1994 de Prince George en Colombie‑Britannique. Son corps est retrouvé près de Burns Lake en Colombie‑Britannique, au bord de la route 16.

Alisha (Alishia) Germaine (statut : meurtre non résolu)

Alishia Germaine

Alisha Germaine est âgée de 15 ans et elle vit à Prince George en Colombie‑Britannique au moment de sa disparition. Son corps est retrouvé près d’une école primaire à proximité de la route 16 Ouest, le 9 décembre 1994.

Lana Derrick (statut : disparition non résolue)

Lana Derrick

Lana Derrick, une jeune fille de la bande Gitanyow, est âgée de 19 ans au moment de sa disparition, le 7 octobre 1995. Elle est vue pour la dernière fois à une station d’essence à proximité de Terrace (Thornhill) en Colombie‑Britannique, alors qu’elle se déplace en direction est sur la route 16 pour se rendre chez elle, dans la région de Hazelton. Elle est inscrite au Northwest Community College à Houston en Colombie‑Britannique.

Nicole Hoar (statut : disparition non résolue)

Nicole Hoar

Nicole Hoar est originaire de l’Alberta et elle travaille dans la région de Prince George en Colombie‑Britannique, comme planteuse d’arbres. Elle est aperçue pour la dernière fois alors qu’elle fait de l’auto‑stop pour se rentre de Prince George à Smithers sur la route 16. Nicole a 25 ans au moment de sa disparition, le 21 juin 2002.

Tamara Chipman (statut : disparition non résolue)

Tamara Chipman

Tamara Chipoman a 22 ans lorsqu’elle disparait le 21 septembre 2005. Elle est aperçue pour la dernière fois faisant de l’auto‑stop sur la route 16, à proximité du parc industriel de Prince Rupert en Colombie‑Britannique. La communauté d’origine de Tamara Chipman est la Première Nation de Witset (anciennement la Première Nation de Moricetown).

Aielah Saric‑Auger (statut : meurtre non résolu)

Aielah Saric Auger

Aielah Saric-Auger a 14 ans et elle est élève à la D.P. Todd Secondary School à Prince George en Colombie‑Britannique, d’où elle disparait. Elle est vue pour la dernière fois par sa famille, le 2 février 2006. Son corps est retrouvé le 10 février 2006, dans un fossé le long de la route 16, à environ 15 km à l’est de Prince George.

Affaires non couvertes par les enquêtes du projet E‑PANA

Les groupes autochtones affirment que le nombre de femmes et de jeunes filles assassinées ou disparues dépasse celui reconnu par l’enquête du projet E‑PANA. Celles-ci incluent, mais ne se limitent pas, aux personnes suivantes :

Helen Frost (statut : disparition non résolue)

Helen Frost est une adolescente de 17 ans qui vit à Prince George en Colombie‑Britannique au moment de sa disparition. Dans la soirée du 13 octobre 1970, elle quitte son appartement situé au 1600 avenue Queensway pour une promenade, mais elle ne revient jamais.

Virginia Sampare (statut : disparition non résolue)

Virginie Sampare est l’une des six enfants de sa famille. Son cousin Alvin la voit pour la dernière fois le 14 octobre 1971. Elle se tient alors près d’un pont sur la route 16, à l’extérieur de sa communauté de la Première Nation de Gitsegukla en Colombie‑Britannique. Elle est âgée de 18 ans lors de sa disparition.

Cecilia Nikal (statut : disparition non résolue)

Cecilia Nikal a 15 ans lorsqu’elle est vue pour la dernière fois en 1989. Sa famille affirme qu’elle a disparu le long de la route 16 à Smithers en Colombie‑Britannique. Cependant, la police pense qu’elle a disparu à Vancouver. Par conséquent, elle n’est pas sur la liste des victimes de la route des larmes.

Deena Braem (statut : meurtre non résolu)

Deena Braem est âgée de 16 ans lorsqu’elle est vue vivante pour la dernière fois, alors qu’elle fait de l’auto‑stop pour retourner chez elle dans la région de Bouchie Lake en provenance de Quesnel en Colombie‑Britannique, le 25 septembre 1999. Son corps est retrouvé le 10 décembre 1999 dans une zone au nord‑ouest de Quesnel, à proximité du parc provincial Pinnacles.

Bonnie Marie Joseph (statut : disparition non résolue)

Bonnie Marie Joseph est âgée de 31 ans lorsqu’elle est vue pour la dernière fois dans la région de Vanderhoof en Colombie‑Britannique, le 8 septembre 2007. Cette femme autochtone de la bande Yekooche dans la région de Fort St. James, est reconnue pour être très indépendante, et elle est également reconnue pour faire fréquemment de l’auto‑stop entre les communautés de Fort St. James, Vanderhoof et Prince George, en Colombie‑Britannique.

Madison Scott (statut : disparition non résolue)

Madison Scott, surnommée « Maddy », âgée de 20 ans, disparait le 28 mai 2011 alors qu’elle campe au lac Hogsback, à environ 25 km au sud‑est de Vanderhoof en Colombie‑Britannique. Sa camionnette et sa tente sont retrouvées sur le terrain de camping, sans aucune trace de la jeune femme, malgré des recherches approfondies sur terre, dans les eaux et par voie aérienne.

Immaculate Basil (statut : disparition non résolue)

Immaculate Basil, surnommée « Mackie », âgée de 26 ans, est aperçue pour la dernière fois alors qu’elle se marche sur une route de service forestière au nord‑ouest de Fort St. James en Colombie‑Britannique, le 13 juin 2013. En dépit de recherches intensives sur le terrain, elle n’est jamais retrouvée.

Anita Thorne (statut : disparition non résolue)

Anita Thorne, 49 ans, est une résidente de Prince George, et elle n’est plus revue par sa famille depuis la soirée du 19 novembre 2014. Sa voiture est découverte le lendemain sur une aire de repos de la route 16, à environ 35 km à l’est de Prince George en Colombie‑Britannique.

Doreen Jack et sa famille (statut : disparition non résolue)

Aucune affaire ne souligne mieux le profond sentiment de perte et de tragédie qui entoure ces cas non résolus de femmes et de jeunes filles portées disparues ou assassinées le long de la route des larmes que celui de Doreen Jack. Dans cette affaire, ce n’est pas seulement elle qui disparait le long de cette route, mais également toute sa famille. Le soir du 2 août 1989, le mari de Doreen, Ronald, rencontre un homme dans un pub local de Prince George en Colombie‑Britannique, et ce dernier lui offre un emploi dans un ranch ou un camp de bûcherons. Cette nuit‑là, la famille se prépare pour se rendre dans la région du nouvel emploi de Ronald. Aux alentours de 1 h 30, Ronald appelle sa mère à partir d’un complexe touristique situé à environ 50 km à l’ouest de Prince George en Colombie‑Britannique sur la route des larmes, pour lui annoncer qu’avec Doreen et leurs deux enfants, Russell âgé de neuf ans et Ryan âgé de quatre ans, ils partent pour deux semaines environ. Après ce coup de téléphone, c’est la dernière fois que qui que ce soit entend parler de la famille Jack.

Affaires résolues

En 2012, l’unité d’enquête du projet E‑PANA réalise une percée importante dans l’affaire de Colleen MacMillen, une jeune fille âgée de 16 ans qui disparait en 1974. Les analyses d’ADN permettent d’établir le lien entre Bobby Jack Fowler, un criminel américain, et le meurtre de la jeune fille. La GRC annonce qu’il est également fortement soupçonné dans deux autres affaires de la route des larmes du projet E‑PANA : celles de deux jeunes filles de 19 ans, Gale Weys et Pamela Darlington.

En décembre 2014, une arrestation est effectuée dans l’affaire du meurtre de Monica Jack. Ayant avoué son crime à un agent infiltré, Garry Taylor Handlen est accusé de meurtre au premier degré dans l’affaire de Monica Jack et dans une autre affaire, les deux remontant à près de 40 ans. Le procès de Garry Taylor Handlen commence en 2018. L’année suivante, il est reconnu coupable du meurtre de Monica Jack.

Bien que la GRC n’ait ajouté aucune nouvelle affaire à son enquête depuis 2007, l’utilisation de preuves médico-légales aide les enquêteurs à arrêter et inculper certains des auteurs de ces crimes, ou à garder ces affaires non réglées ouvertes. La GRC rapporte que depuis la création du projet E‑PANA, elle a recueilli 750 échantillons d’ADN, mené 2500 entrevues, interrogé 1413 personnes d’intérêt, et administré une centaine de polygraphes.

Enquêtes privées

Les enquêteurs de police ne sont pas les seuls à rechercher les responsables des disparitions et des meurtres de femmes et de jeunes filles le long de la route des larmes. Certaines familles des victimes se lancent dans leurs propres enquêtes avec l’aide de membres de leurs communautés.

Le détective privé Ray Michalko, un ancien agent de la GRC, se donne également pour mission de résoudre les affaires de la route des larmes. Sans aucune rémunération ni aucun salaire, Ray Michalko entreprend de nombreux voyages dans le centre-nord de la Colombie‑Britannique pour rencontrer les familles des victimes et mener ses propres enquêtes.

Controverses

Le nombre exact de femmes disparues sur la route des larmes ou dans les environs fait encore l’objet de nombreux débats. De nombreux membres de la communauté autochtone affirment que le nombre de victimes est de plus de 40 victimes. Certains soutiennent que les inégalités sociales et économiques limitent les ressources disponibles pour financer des recherches et des campagnes de sensibilisation. D’autres affirment que le racisme systémique et un manque de connaissances sur les enjeux autochtones entravent la conduite d’enquêtes spécifiquement appropriées à ce type d’affaires.

Inégalités dans les enquêtes

Certains activistes soutiennent qu’un racisme et un sexisme institutionnels affectent les recherches portant sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Bien que les disparitions remontent à au moins 1969, ces activistes soulignent le fait que la GRC n’a lancé le projet E‑PANA qu’en 2005. De plus, l’affaire qui a, sans aucun doute, fait l’objet de la plus grande attention de la part des médias est certainement celle de Nicole Hoar, une femme non autochtone disparue en 2002. Bien que certains attribuent à l’affaire de Nicole Hoar le lancement des efforts d’enquête sur la question des femmes disparues et assassinées, d’autres affirment que son cas a probablement reçu une attention particulière parce que Nicole Hoar était blanche.

En 2012, une enquête de Human Rights Watch et son rapport intitulé Those Who Take Us Away révèlent un profond manque de confiance à l’égard de la police parmi les peuples autochtones du nord de la Colombie‑Britannique, en raison d’expériences de discrimination et d’abus. Ces expériences façonnent leur perception des enquêtes sur les affaires de la route des larmes. Selon certaines familles de femmes et jeunes filles autochtones disparues ou assassinées, la police suppose que la plupart de ces femmes étaient ivres, étaient prostituées ou avaient consenti à des rapports sexuels avant leur disparition ou leur meurtre. Par conséquent, elles soutiennent que ces femmes ont été ignorées par la police, et essentiellement tenues responsables de leur propre meurtre ou de leur disparition.

D’autres affirment que l’affaire de Nicole Hoar fait l’objet de plus d’attention parce que sa famille et ses amis ont accès à davantage de ressources financières et de relations sociales que la plupart des autres familles de femmes assassinées ou disparues. Dans le cas de Nicole Hoar, la ville de Red Deer en Alberta met en place une collecte de fonds très efficace pour soutenir l’enquête. De même, la famille de Madison Scott dispose d’importantes ressources financières et de vastes réseaux sociaux, ce qui lui permet d’offrir de généreuses récompenses pour toute information à propos de la disparition de la victime, d’utiliser des panneaux d’affichage le long de la route, d’apposer des affiches et de distribuer des autocollants et de lancer un site web entièrement consacré à cette affaire. En revanche, la plupart des familles autochtones disposent de ressources limitées par rapport aux familles non autochtones. Les familles de femmes disparues ou assassinées utilisent toutes les ressources et toutes les possibilités à leur disposition pour tenter de retrouver leur proche disparue ou résoudre leur meurtre. Cependant, la pauvreté, le manque de ressources et la marginalisation des familles autochtones limitent les efforts de ces dernières pour lancer des campagnes publiques efficaces de sensibilisation à propos de leurs proches disparues ou assassinées.

Scandale des courriels

En octobre 2015, un scandale de courriels entre des fonctionnaires de la Colombie‑Britannique jette un doute sur la manière dont sont traitées les enquêtes. Access Denied, un rapport de 65 pages rédigé par Elizabeth Denham, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie‑Britannique, décrit la façon dont des fonctionnaires provinciaux ont « supprimé trois fois » des courriels portant sur la route des larmes, les effaçant définitivement du système des ordinateurs gouvernementaux. La commissaire explique que ce faisant, ces fonctionnaires ont contrevenu à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Ce scandale ne fait que renforcer les préoccupations des activistes et des groupes autochtones voulant que l’affaire de la route des larmes soit apparemment sans importance pour certains fonctionnaires de haut rang.

Symposium de la route des larmes de 2006

Les familles des femmes disparues et assassinées jouent un rôle de premier plan pour sensibiliser le public au sort de leurs proches. Au fil des ans, ces familles lancent plusieurs campagnes de sensibilisation et organisent de nombreuses marches sur le thème de la route des larmes, culminant avec l’une des plus remarquables marches, qui commence à Prince Rupert et se termine à Prince George en Colombie Britannique, le 30 mars 2006. La fin de cette marche marque le début du Symposium de la route des larmes auquel assistent les familles des victimes et plus de 500 délégués représentant tous les secteurs de la société, notamment la GRC et divers niveaux du gouvernement.

Le Symposium de la route des larmes de 2006 est une voix collective et unifiée des familles des victimes et de leurs communautés. Le rapport du symposium fait 33 recommandations dans les domaines suivants :

  1. Prévention de la victimisation
  2. Planification d’urgence et équipe d’intervention
  3. Conseil et soutien aux familles des victimes
  4. Développement et soutien communautaires

Peu de ces recommandations sont mises en œuvre. Cependant, l’annonce d’une enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées conduit certains à croire qu’un véritable changement est enfin amorcé.

Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

La justice pour les femmes autochtones

Les militants réclament depuis longtemps une enquête nationale sur les meurtres et les disparitions de femmes et de jeunes filles autochtones. Élu en octobre 2015, le gouvernement fédéral libéral promet de mener une enquête nationale sur les femmes disparues et assassinées au Canada. De décembre 2015 à février 2016, le gouvernement organise une série de réunions dans tout le Canada avec les familles des victimes, pour déterminer à la fois leurs attentes et la portée de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. On espère vivement que l’enquête puisse aboutir à des mesures importantes, des mesures pour lesquelles les familles des victimes de la route des larmes se battent depuis plus d’une décennie.

Le 3 août 2016, le gouvernement fédéral lance l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, nommant cinq commissaires et définissant son mandat. Il s’engage à débourser 53,86 millions de dollars sur deux ans pour cette initiative, dans le but de produire des recommandations de mesures concrètes afin de lutter contre le taux disproportionnellement élevé de violence envers les femmes et les filles autochtones au Canada. L’enquête met l’accent sur la prévention en plus de s’attaquer aux enjeux de discrimination systémique et sociétale. L’Enquête nationale commence ses travaux le 1er septembre 2016. Le 3 juin 2019, l’Enquête nationale publie son rapport final et conclut ses travaux le 30 juin 2019

Réponse de BC Transit

En 2017, à la suite de fortes pressions de la part du public, BC Transit met en place trois nouvelles lignes d’autobus le long de l’autoroute 16. L’une d’entre elles dessert activement les zones entre Smithers et Witset. Les deux autres desservent les zones entre le lac Burns et Smithers et entre le lac Burns et Prince George. Bien que le Symposium de la route des larmes de 2006 recommande une navette, il faut attendre plus de dix ans avant de voir un changement. En 2018, le ministère des Transports de la province rapporte qu’environ 5000 personnes ont utilisé les nouveaux itinéraires d’autobus au cours de la première année de service.

Greyhound Canada annonce en 2018 qu’il cesse de desservir les itinéraires le long de la route des larmes, ainsi que d’autres arrêts à travers le Canada. Le maire de Smithers, Taylor Bachrach, fait valoir que l’extension des services locaux de transport en commun ne compense pas les services offerts par Greyhound. Claire Trevana, la ministre des Transports de la province, affirme qu’elle prévoit travailler avec les communautés touchées par l’interruption de service pour « s’assurer que leurs besoins de transport sont couverts ».

Guide pédagogique perspectives autochtones

Collection des peuples autochtones

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