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Histoire des premiers peuples autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador

Selon les histoires orales autochtones, les peuples autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador vivent sur ce territoire depuis des temps immémoriaux. Selon les archéologues, l’histoire des premiers peuples autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador remonte à au moins 9 000 ans. Les cultures archéologiques sont définies par les archéologues et ne correspondent pas nécessairement à la manière dont les peuples autochtones d’hier et d’aujourd’hui se définissent eux-mêmes. Les archéologues classent les premiers peuples autochtones en trois groupes principaux selon une ascendance commune : les cultures archéologiques des Premières Nations, les cultures archéologiques paléo-inuites et les cultures archéologiques inuites.

Histoire des premiers peuples autochtones du Canada

L’arrivée des premiers peuples autochtones dans les Amériques est sujette à diverses interprétations. Selon certaines histoires orales autochtones, la présence de leurs peuples remonterait à des temps immémoriaux. Quant aux archéologues et anthropologues du passé, ils émettent généralement trois hypothèses pour expliquer l’arrivée des peuples dans les Amériques : la théorie de l’isthme paléogéographique de Béring (théorie de Clovis), la théorie de la migration côtière et l’hypothèse solutréenne.

Théorie de l’isthme paléogéographique de Béring (théorie de Clovis)

Selon la théorie de l’isthme paléogéographique de Béring (théorie de Clovis), les premiers peuples autochtones seraient arrivés dans les Amériques par un pont terrestre reliant la Sibérie actuelle et l’Alaska il y a environ 14 000 ans. Les archéologues croient que les premiers peuples autochtones ont atteint la région centrale de l’Amérique du Nord en empruntant un corridor libre de glace entre deux énormes nappes de glace. À cette époque, une vaste étendue de glace, nommée « inlandsis laurentidien », recouvre Terre-Neuve-et-Labrador. On appelle communément ces peuples les « Clovis », en référence à leur utilisation commune d’outils similaires. Cette théorie sur l’origine des premiers peuples autochtones des Amériques est la plus couramment admise.

Pierre taillée en pointe cannelée.

Théorie de la migration côtière

La théorie de la migration côtière suppose aussi que les premiers peuples autochtones seraient venus de Sibérie jusqu’en Alaska. Elle avance toutefois qu’ils sont arrivés dans les Amériques en empruntant une voie côtière longeant la côte du Pacifique, entre l’Alaska et la Colombie-Britannique.

Hypothèse solutréenne

L’hypothèse solutréenne est celle qui suscite le moins d’adhésion pour expliquer l’arrivée des premiers peuples autochtones en Amérique du Nord. Elle avance que les premiers peuples autochtones seraient entrés dans les Amériques depuis l’Europe, par l’ océan Atlantique, en bateau et par les glaces. Elle établit un lien entre les premiers peuples autochtones des Amériques et les peuples solutréens, qui vivaient autrefois dans ce qui correspond aujourd’hui au Portugal, à l’Espagne et au sud de la France.

Chacune de ces théories suppose que les premiers peuples autochtones sont arrivés dans les Amériques vers la même période, soit il y a environ 14 000 à 20 000 ans. Cependant, l’archéologue crie et métisse, Dre Paulette Steeves, soutient que l’arrivée des peuples autochtones dans les Amériques remonte à plus de 130 000 ans. Son argument s’appuie sur des histoires orales autochtones, sur des preuves archéologiques et sur une approche décoloniale de l’archéologie. Quel que soit le moment de leur arrivée dans les Amériques, les premiers peuples autochtones sont les ancêtres des peuples autochtones du Canada, y compris de Terre-Neuve-et-Labrador.

Premiers peuples autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador

Selon les histoires orales autochtones, leurs ancêtres vivent depuis des temps immémoriaux dans ce qui correspond aujourd’hui à Terre-Neuve-et-Labrador. Les preuves archéologiques, comme des artéfacts, remontent à environ 9 000 ans. Les archéologues qualifient ces premiers peuples autochtones de « cultures archéologiques » qu’ils classent en trois grands groupes : les cultures archéologiques des Premières Nations, les cultures archéologiques paléo-inuites et les cultures archéologiques inuites. Chacune de ces cultures possède ses propres outils, ses propres modes de subsistance et ses propres structures d’établissement, ce qui facilite leur classification par les archéologues.

Cultures archéologiques des Premières Nations

On pense que les cultures archéologiques des Premières Nations ont des ancêtres communs avec les Premières Nations contemporaines. Ce sont les premières personnes à s’installer en permanence à Terre-Neuve-et-Labrador. Ils arrivent au Labrador en provenance de ce qui est aujourd’hui le Québec. Ils descendent des premiers peuples autochtones qui y vivaient. Ce groupe comprend les peuples archaïques maritimes et du Labrador, les peuples de la période intermédiaire (Sylvicole inférieur) et les peuples de la période récente (Sylvicole supérieur).

Peuples archaïques maritimes et du Labrador

Les peuples archaïques maritimes et les peuples archaïques du Labrador sont les premiers humains à fouler le sol de Terre-Neuve-et-Labrador. Ils y ont vécu entre 9 000 et 3 200 ans AA. On pense qu’ils représentent deux branches d’un groupe plus vaste, communément appelé l’Archaïque maritime. Les peuples de l’Archaïque du Labrador font partie de la branche septentrionale. Ils ont vécu dans le nord du Labrador entre 9 000 et 3 500 ans AA. Les peuples de l’Archaïque maritime font partie de la lignée méridionale. Ils ont occupé le sud du Labrador, Terre-Neuve et les Maritimes entre 6 500 et 3 200 ans AA. Parmi leurs outils, qui témoignent de leur dépendance aux ressources marines pour leur subsistance, on trouve des pointes de projectiles triangulaires en pierre taillée, ainsi que des embarcations, des gouges et des harpons détachables. Les outils des groupes de l’Archaïque du Labrador sont plus petits que ceux des groupes de l’Archaïque maritime. Les archéologues ignorent ce qu’il est advenu des cultures archaïques maritimes et du Labrador, car les preuves de leur continuité ont disparu des données archéologiques. Certains pensent qu’elles auraient été confrontées à la concurrence des pré-Dorsétiens, qui auraient émergé dans la région il y a environ 4 100 ans.

Cimetière archaïque maritime à Port au Choix

Peuples autochtones de la période intermédiaire (Sylvicole inférieur)

Après les peuples archaïques maritimes et les peuples archaïques du Labrador viennent les peuples autochtones de la période intermédiaire. Jusqu’à présent, on n’a trouvé aucune preuve d’une présence substantielle des populations autochtones de cette époque sur l’île de Terre-Neuve, qui ne compte que quelques sites archéologiques. Les archéologues ne s’accordent pas sur la manière de diviser ce groupe culturel. Beaucoup pensent qu’il existe deux sous-cultures : le complexe Saunders et la phase Northwest River. Cependant, certains croient que ces populations pratiquent une migration saisonnière et dépendent des mammifères terrestres pour leur subsistance. Ils possèdent une panoplie d’outils, fabriqués à partir de chert de Saunders et de quartzite blanc et brun, dont des lames tranchantes, unilatérales ou larges, des petits grattoirs en forme d’ongles, des lames de pierre longues et étroites, des pointes de projectiles, des lamelles, des racloirs pédonculés et des racloirs fabriqués à partir de noyaux de pierre. L’ocre rouge fait également partie de leur panoplie.

Peuples autochtones de la période récente (Sylvicole supérieur)

Les peuples de la période récente ont vécu à Terre-Neuve-et-Labrador entre 2 000 et 400 ans AA. Les archéologues les classent en plusieurs cultures archéologiques, dont les complexes de Little Passage, de Beaches, de Daniel Rattle, de Point Revenge et de Cow Head. Ils possèdent une panoplie d’outils, dont des arcs et des flèches qu’ils utilisent pour chasser le caribou et les petits mammifères lors de leurs migrations saisonnières.

Premières Nations contemporaines

Après les peuples de la période récente, les documents archéologiques et anthropologiques révèlent l’existence des Premières Nations contemporaines, dont font partie les Micmacs, les Innus et les Béothuks. Certains pensent que les Innus et les Béothuks sont les descendants des peuples de la période récente, mais cette théorie divise les archéologues. La démarche archéologique évoluant, on doit poursuivre les recherches pour découvrir leur origine.

Cultures archéologiques paléo-inuites

On croit que les cultures archéologiques paléo-inuites sont les premières à avoir habité l’Arctique et qu’elles partagent un ancêtre commun et une méthode de fabrication d’outils similaire. Cette technique est communément appelée tradition arctique des petits outils, et fait partie des sous-cultures du Pré-Dorset, de Groswater et du Dorset.

Pré-Dorset

À la même période que l’Archaïque du Labrador et l’Archaïque maritime, la culture pré-Dorset occupe le nord du Labrador. Les pré-Dorsétiens y ont vécu entre 4 100 et 3 500 ans AA, environ. Ils seraient issus du complexe Denbigh Flint en Alaska. D’après les vestiges archéologiques de Saglek Bay et de la région de Nain, ils auraient partagé le littoral du Labrador avec l’Archaïque maritime, mais on ignore s’ils ont eu des interactions. Les pré-Dorsétiens se déplaçaient saisonnièrement pour chasser des mammifères terrestres et marins à l’aide d’outils tels que des arcs et des flèches, des lames à extrémité triangulaire et des pointes de harpon. Il est possible qu’ils aient migré vers le nord ou qu’ils aient disparu en raison du changement climatique.

Groswater

La culture Groswater occupe tout le territoire entre 2 800 et 1 900 ans AA, environ. On pensait autrefois que le Groswater avait simplement succédé à la culture du Dorset, plutôt que la transformer. Toutefois, les opinions des archéologues divergent. Certains le considèrent comme un groupe distinct. D’autres laissent entendre que ce serait un groupe transitionnel entre le pré-Dorset et le Dorset, ou encore une variation du pré-Dorset appelée le Groswater pré-Dorset. Les groupes du Groswater utilisent des lames de pierre cannelées, des broyeurs et des têtes de harpon. Ils dépendent à la fois des ressources terrestres et marines pour leur survivance. Ils vivent au Labrador, sur l’île de Terre-Neuve et dans la Basse-Côte-Nord, au Québec, souvent sur d’anciens sites de l’Archaïque maritime.

Dorset

Les Dorset ont vécu sur le territoire entre 2 500 et 700 ans AA. Ils utilisent des lames à pointe cannelée, des outils en forme de ciseau, des lames à plusieurs encoches, des bols rectangulaires en stéatite, des pointes de harpon et des traîneaux. Ils vivent dans des habitations partiellement souterraines, au sein de collectivités plus structurées et plus importantes que celles de leurs ancêtres. Les archéologues croient que ces groupes chassaient de gros mammifères marins, dont des phoques, d’après les restes découverts sur le site de Port au Choix, à Terre-Neuve-et-Labrador. Ils pensent également que les Dorset et les premiers Inuits ont pu entrer en contact, les Inuits les désignant sous le nom de Tuniit dans leur histoire orale.

Paléo-Inuits contemporains

Les archéologues estiment que ces groupes culturels sont éteints. On pense cependant que les Paléo-Inuits et les Inuits partagent un ancêtre commun qui remonte très loin dans le temps, en Sibérie.

Cultures archéologiques inuites

Les cultures archéologiques inuites comprennent deux groupes apparentés, les premiers Inuits (anciennement connus sous le nom de « Thulé ») et les Inuits. Les premiers Inuits ont habité le Labrador il y a environ 700 ans jusqu’à leur rencontre avec les Européens, et sont les ancêtres des Inuits d’aujourd’hui qui y vivent. Les premiers Inuits utilisent une variété d’objets, notamment des ulus, des lampes en stéatite (kulik), des traîneaux (kamituk), des flotteurs en peau de phoque, des tentes (tupiq), des kayaks, de grandes embarcations (umiak), des forets à archet et des lunettes de neige en bois. Ils adoptent également des produits européens, comme le fer, le laiton, la céramique et le silex. Ils pratiquent la chasse à la baleine au début, puis ils se tournent vers la chasse d’animaux plus petits, la pêche et la récolte d’autres ressources marines. Les ressources terrestres avaient une importance moindre. La période des premiers Inuits s’est terminée il y a environ 400 ans, laissant place aux Inuits contemporains du Labrador.

Conclusion

Grâce aux travaux révolutionnaires de l’archéologue crie et métisse Paulette Steeves, on remet en question l’histoire profonde des Amériques. À Terre-Neuve-et-Labrador, des preuves archéologiques de 9 000 ans de peuplement révèlent une riche histoire culturelle englobant trois grands groupes et leurs sous-cultures. Chaque groupe a développé ses propres outils et modes de subsistance uniques, bien que les groupes côtiers et ceux de l’intérieur des terres présentent des similitudes notables. Selon certains archéologues, toutefois, il est impératif d’intégrer les histoires orales autochtones pour bien comprendre cette vaste histoire. En effet, on peut établir des corrélations fondamentales entre les données archéologiques et les histoires orales autochtones, et ainsi offrir un récit plus inclusif et holistique du passé.

Actualisation des termes relatifs aux peuples autochtones en archéologie

Terme désuet

Terme recommandé

Raison de la recommandation

« Indiens intermédiaires »

« peuples de la période intermédiaire » ou « peuples de la période Sylvicole inférieur »

L’utilisation du terme « Indien » est offensante et les nouveaux noms reflètent mieux leur lien avec d’autres peuples du nord-est de l’Amérique du Nord.

« Indiens récents »

« peuples de la période récente » ou « peuples de la période Sylvicole supérieur »

Comme ci-dessus.

« Paléo-esquimaux »

« Paléo-Inuits » ou « peuples anciens de l’Arctique »

« Paléo » donne l’impression que ces gens n’appartiennent qu’à un passé lointain; le terme « eskimau » est également offensant.

« Thulé »

« premiers Inuits » ou « ancêtres des Inuits »

« Thulé » est un mot associé à un mouvement de l’Allemagne nazie; « Thule » fait référence à la mythique patrie aryenne.

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