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Préhistoire

La première vague importante d’humains préhistoriques arrive au Canada actuel il y a environ 12 000 ans. Ces populations traversent un passage terrestre entre la Sibérie et l’Alaska actuels et se disséminent graduellement aux quatre coins de l’Amérique du Nord.
Béringie

La première vague importante d’humains préhistoriques arrive au Canada actuel il y a environ 12 000 ans. Ces populations traversent un passage terrestre entre la Sibérie et l’Alaska actuels et se disséminent graduellement aux quatre coins de l’Amérique du Nord. Au cours des millénaires suivants, les humains préhistoriques fondent des villages et mettent ultérieurement en place une économie fondée sur l’agriculture et la pêche. Ces humains sont les ancêtres des peuples autochtones qui habitaient le Canada au moment du premier contact avec les Européens.

Premiers habitants de l’Amérique du Nord

Les premiers habitants du Canada sont arrivés au cours de la dernière période glaciaire, qui a débuté il y a environ 80 000 ans pour se terminer il y a à peu près 12 000 ans. Pendant la majeure partie de cette période, presque tout le Canada était recouvert de plusieurs centaines de mètres de glace. La quantité d'eau enfermée dans les glaciers continentaux a entraîné un abaissement de plus de 100 m du niveau des mers dans le monde, créant ainsi des ponts terrestres dans des régions qui sont maintenant recouvertes de mers peu profondes. L'un de ces ponts se trouvait dans ce qui correspond aujourd'hui à la mer de Béring, reliant la Sibérie à l'Alaska sur une étendue plate de plus de 1000 km de largeur (voir aussi Béringie). De grands herbivores, comme le caribou, le bœuf musqué, le bison, le cheval et le mammouth, parcouraient cette plaine. À un certain moment au cours de cette période glaciaire, ces animaux ont été suivis par des chasseurs qui avaient réussi à adapter leur mode de vie aux climats froids des latitudes septentrionales.

Mammouth laineux
(avec la permission du Yukon Beringia Interpretive Centre).
Bison
Pierre préhistorique, centre Est de l'Alberta (avec la permission du Glenbow Museum).

Le moment de la première immigration au Nouveau Monde demeure un sujet de controverse. On a longtemps pensé que les humains n'avaient pu atteindre les continents américains avant la fin de la période glaciaire; en effet, on croyait qu’avant la dernière progression importante des glaces, il y a entre 25 000 et 15 000 ans, les peuples de l'Ancien Monde n'étaient pas parvenus à mettre au point des techniques leur permettant de survivre dans les conditions glaciales de l’Arctique du nord-est de l'Asie, ni à construire des embarcations capables de traverser la pleine mer du détroit de Béring.

De récentes découvertes démontrent toutefois qu'il y a au moins 30 000 ans, les êtres humains sont parvenus jusqu'en Australie en suivant un large couloir maritime, et qu'à une époque aussi reculée qu'il y a 200 000 ans, les habitants de l'Europe du Paléolithique (âge de pierre) vivaient dans des conditions environnementales extrêmement froides et pouvaient disposer d'embarcations capables de traverser le détroit de Gibraltar. Il demeure donc théoriquement possible que des humains en provenance de la Sibérie aient pu atteindre l'Amérique du Nord à une époque quelconque au cours des 100 000 dernières années.

La période paléoindienne

Au cours des dernières décennies, on a fait remonter l'origine de plusieurs sites archéologiques du Nouveau Monde à l'époque de la dernière glaciation. Les archéologues reconnaissent toutefois universellement que la première occupation d'importance des Amériques date d'il y a seulement 12 000 ans. La plus grande partie de l'Alaska et du Yukon est demeurée exempte de glace au cours de la période glaciaire, probablement à cause du climat sec et de la rareté des chutes de neige (voir aussi Nunatak). Reliées à la Sibérie par la plaine béringienne et séparées du reste de l'Amérique du Nord par des glaciers, ces régions, appelées Béringie, faisaient essentiellement partie de l'Asie. L'environnement se caractérisait par une toundra froide, bien qu'il y ait eu des forêts d'épinettes, du moins durant les époques interstadiaires et non glaciaires, qui supportaient une grande variété d'animaux.

Des découvertes archéologiques le long du bassin d'Old Crow dans le nord du Yukon laissent croire à la présence de groupes de chasseurs paléolithiques, il y a entre 25 000 et 30 000 ans. Toutefois, ces objets ont été trouvés dans des sédiments redéposés, et plusieurs d'entre eux ont pu être façonnés par des choses autres que les humains (comme la mastication des carnivores ou le mouvement des glaces), de sorte qu'on a mis en doute l'âge des quelques objets qui sont réellement de fabrication humaine.

Le site archéologique reconnu comme ayant été le lieu de la plus ancienne occupation humaine dans les Amériques est celui des grottes Bluefish dans le nord du Yukon. À cet endroit, à l'intérieur de trois petites grottes surplombant un vaste bassin, quelques objets de pierre taillée ont été découverts dans des couches de sédiments contenant des os d'animaux fossiles disparus qui, selon la datation au radiocarbone, seraient âgés d'au moins 10 000 à 13 000 ans, et possiblement de 15 000 à 18 000 ans (voir aussi Datation géologique).

Certains de ces artefacts sont similaires à ceux de la dernière période du Paléolithique du nord-est de l'Asie, laissant supposer que des populations de chasseurs de l'Asie ont migré vers le nord-ouest du Canada en passant par la Béringie et l'Alaska. On ignore si des peuples semblables à ceux qui ont habité les grottes Bluefish ont pénétré plus loin en Amérique du Nord. Un corridor relativement étroit et dépourvu de glace a pu exister entre les glaciers cordillériens des montagnes à l'ouest et l'Inlandsis Laurentidien s'étendant à partir du Bouclier canadien, mais il demeure aussi possible qu'un tel corridor n'ait vu le jour qu'après la fonte et le retrait des glaciers, il y a environ 15 000 ans (voir aussi Glaciation).

De récentes découvertes laissent supposer qu'une autre route pourrait avoir été suivie le long du littoral du Pacifique à l'ouest des glaciers cordillériens. On n'a pas trouvé de sites anciens le long de ces corridors, mais certains groupes humains se sont aventurés dans la région ouest des États-Unis il y a quelque 12 000 ans, et y ont développé un mode de vie basé sur la chasse aux gros herbivores qui parcouraient la prairie et la toundra bordée de glace.

Expansion au Canada

Il y a environ 11 000 ans, certains de ces Paléoindiens, comme les appellent les archéologues, ont commencé à migrer vers le nord, à l'intérieur du Canada, à mesure que l'extrémité sud des glaciers continentaux régressait. Des zones environnementales semblables à celles que l'on trouve aujourd'hui dans l'Arctique et le subarctique canadiens se sont déplacées vers le nord de la même façon. Dans plusieurs régions, le front de glace a fait place à d'immenses lacs formés par la fonte des glaciers (par exemple le lac Agassiz), leurs dégorgeoirs étant barrés par des glaciers au nord. Les lacs étaient entourés de terre couverte d'une végétation de toundra où broutaient des caribous, des bœufs musqués et d'autres herbivores. Au sud de cette étroite bande de toundra s'étendaient des forêts d'épinettes et des prairies, et les Paléoindiens ont probablement suivi la limite nord de ces zones dans leurs déplacements d'un bout à l'autre du Canada.

La datation des sites paléoindiens au radiocarbone fait remonter leur origine à environ 10 500 ans dans des régions aussi éloignées l'une de l'autre que le centre de la Nouvelle-Écosse et le nord de la Colombie-Britannique. Les plus importants sites découverts au Canada se trouvent dans le sud de l'Ontario, où ils sont groupés le long de la rive sud du lac Algonquin, le prédécesseur de l'actuel lac Huron et de la baie Georgienne (voir aussi Grands Lacs).

Il y a environ 10 000 ans, les Paléoindiens avaient probablement au moins occupé la partie sud de toutes les provinces sauf Terre-Neuve. La plupart des sites se limitent à des objets de pierre taillée, dispersés çà et là. Parmi ceux-ci se trouvent des pointes de lance munies d'une rainure distinctive ou « cannelure », pratiquée d'un côté ou de l'autre de la base pour y insérer un manche. Ces « pointes cannelées » sont caractéristiques des premières techniques paléoindiennes utilisées à partir du Canada jusqu'à l'extrémité méridionale de l'Amérique du Sud. Elles sont utilisées pour définir la première occupation à grande échelle du Nouveau Monde entre 9 000 et 12 000 ans avant aujourd'hui.

Culture fondée sur la chasse

Étant donné que très peu de matières organiques sont préservées sur les sites archéologiques de cette période, il est difficile de reconstituer le mode de vie des Paléoindiens. Dans les régions sèches de l'ouest des États-Unis, où les sites se sont mieux conservés, ils semblent s'être concentrés sur la chasse aux grands herbivores, dont le bison et le mammouth. Au Canada, on peut simplement présumer que les Paléoindiens ont chassé les troupeaux de caribous de l'Est et les troupeaux de bisons des plaines du Nord et qu'ils ont vécu de pêche et traqué le petit gibier. Comme les zones littorales étaient alors bien au-dessous du niveau actuel de la mer, l'élévation ultérieure de ce dernier a fait disparaître toute trace d'une utilisation paléoindienne des ressources côtières.

Au moment où les Paléoindiens occupaient le sud du Canada, les glaciers continentaux ont fondu rapidement, pour disparaître il y a près de 7000 ans. Un climat plus chaud que celui d'aujourd'hui a régné jusqu'à il y a environ 4000 ans, et l'environnement s'est diversifié à mesure que les forêts de conifères, les forêts décidues, les prairies et la toundra ont colonisé les régions propices. Les modes de vie des Paléoindiens de ces régions se sont diversifiés à mesure qu'ils se sont adaptés, comme l'ont fait plus tard les populations venues de Sibérie, aux conditions et aux ressources du milieu. C'est pourquoi le développement à travers le temps des diverses cultures des peuples autochtones préhistoriques se décrit mieux dans un contexte régional.

La côte ouest

Il existe peu de preuves démontrant que les cultures paléoindiennes à « pointes cannelées » ont atteint les régions côtières de la Colombie-Britannique. Les premiers habitants de la région semblent avoir appartenu à d'autres traditions culturelles. Il y a entre 9000 et 5000 ans, les régions du sud étaient habitées par des populations de la tradition ancienne de la Cordillère, dont les sites recèlent des outils rudimentaires sur galet, obtenus en retirant quelques éclats sur de grosses pierres déposées par la mer, des pointes de projectile lancéolées, confectionnées avec plus de soin, ou encore des couteaux taillés dans la pierre. Aucune matière organique n'a été préservée sur ces sites, mais leur emplacement laisse présumer que ces populations s'étaient d'abord adaptées aux ressources intérieures et fluviales, avant de faire progressivement un plus grand usage des ressources marines.

Le centre et le nord du littoral ont été occupés par des populations appartenant aux premières traditions microlithiques de la côte, qui utilisaient aussi des outils sur galet mais n'avaient pas de pointes lancéolées. Les microlames sont de petits outils affûtés en silex ou en obsidienne, fabriqués à partir d'une technique spécialisée inventée dans l'Ancien Monde. Leur utilisation était très répandue à cette époque en Alaska et dans le nord-ouest du Canada. On suppose que ces populations sont arrivées en Colombie-Britannique par le nord et sont apparentées aux groupes de l'Alaska qui ont peut-être franchi le pont terrestre de Béring peu avant qu'il ne soit submergé.

Pêche au saumon

On ne peut préciser comment l'un ou l'autre de ces deux groupes était apparenté à ceux qui ont peuplé la côte Ouest il y a moins de 5000 ans, mais il est probable qu'ils comptent tous deux parmi les ancêtres des occupants ultérieurs. Il y a quelque 5000 ans, un changement majeur est survenu dans cette occupation côtière. Alors que les plus anciens sites mis au jour sont relativement peu étendus, ce qui indique de brèves périodes d'occupation par de petits groupes, la plupart des sites plus récents se caractérisent par d'énormes amoncellements de coquillages ou amas d’origine humaine.

La stabilisation du niveau des mers a probablement entraîné un accroissement des quantités de saumon, ce qui a permis aux gens d'entreposer davantage de nourriture et de mener une existence plus sédentaire dans des villages côtiers habités pendant des années ou même des générations. Les os d'animaux et les outils en os qui ont été préservés à l'intérieur des amoncellements de coquillages, de même que les objets en bois ou les fibres de plantes trouvés dans certains dépôts imprégnés d'eau, ont permis aux archéologues de reconstituer le mode de vie de ces populations de façon plus précise que dans le cas des premiers habitants de la région.

Les artefacts découverts dans les sites les plus anciens témoignent d'une adaptation efficace à l'environnement côtier. Des harpons à barbelures pour attraper des mammifères marins, des hameçons, des poids de filets de pêche, des couteaux en ardoise polie, des pointes d'armes et des outils pour le travail du bois sans doute utilisés pour la construction d'embarcations, se trouvent dans les sites côtiers de cette période. Dans d'autres sites gorgés d'eau, on a découvert des articles de vannerie, des filets, des étoffes tissées et des boîtes de bois semblables à ceux de l'époque historique. Il y a des indications selon lesquelles, il y a environ 3500 ans, cette adaptation commençait à tendre vers le développement des sociétés sophistiquées que l'on a connues pendant la période historique sur la côte du Nord-Ouest.

La présence de sépultures montrant un traitement différentiel dans le nombre d'objets funéraires associés aux membres de la communauté, ainsi que l'apparition, dans certaines régions, de crânes déformés artificiellement, suggèrent l'existence de sociétés stratifiées auxquelles ces pratiques sont attribuées. La grande quantité d'ossements et de crânes brisés trouvés dans des sépultures d'hommes, qui coïncide avec l'apparition de massues en pierre ou en os de baleine décorées, semble indiquer le développement d'une forme quelconque de guerre.

Apparition d’objets d’art

L'émergence d'organisations sociales fondées sur le rang et la richesse peut aussi expliquer l'apparition à cette époque de nombreux objets d'art, d'ornements personnels, tels que des perles, des labrets et des tampons d'oreille, et d'articles exotiques témoignant de l'étendue des réseaux d'échange avec l'intérieur et le sud du pays. Dans la région du détroit de Georgia, les phases de la plage de Locarno (il y a entre 3500 et 2500 ans) et du Marpole (entre 2500 et 1500 ans) sont considérées comme l'apogée d'une culture locale, à cause des traces qui attestent de la présence d'une culture plus riche que celle qui a existé dans la région à une époque ultérieure (voir aussi Art autochtone).

Une situation similaire semble avoir caractérisé la plupart des régions côtières au cours des 1500 dernières années. Cette interprétation se fonde sur le déclin des objets en pierre sculptée qui avaient marqué la période précédente, ce qui peut n'être que l'indice d'un passage de l'art sur pierre à l'art sur bois et aux textiles, qui sont archéologiquement mal préservés mais ont atteint un haut niveau de raffinement chez les habitants de la région à la période historique. Cette époque révèle pour la première fois des preuves indiscutables de la présence de grands villages de maisons de planches, typiques de la période historique, de travaux de terrassement et de sites défensifs, signes de l'intensification des guerres. Les pipes en pierre témoignent de l'apparition du tabac, seul produit agricole cultivé dans la région à l'époque préhistorique. Les populations qui ont habité la région au cours des 1500 dernières années ont établi les divers modes de vie et traditions tribales des Autochtones de la côte nord-ouest.

Région intermontagnarde

Les vallées et les plateaux de l'intérieur de la Colombie-Britannique se caractérisent par des environnements divers, passant de forêts boréales et de prairies à des étendues quasi désertiques. Les cultures préhistoriques de la région étaient donc également diversifiées et cette variété, à laquelle il faut ajouter l'insuffisance des recherches archéologiques dans cette zone, fait en sorte que le tableau de la préhistoire de la région reste imprécis.

Plus anciens ossements canadiens

Les découvertes de pointes de projectiles paléoindiens et d'autres artefacts démontrent que les premiers habitants de la région sont venus des plaines, adaptant leur mode de vie centré sur la chasse au bison dans les prairies à la poursuite du bison, du wapiti et du caribou dans les vallées. On connaît peu de choses sur ces populations, mais le squelette d'un homme ayant péri dans un glissement de boue près de Kamloops a été estimé à 8250 ans à l'aide de la datation au radiocarbone. Il représente le plus ancien squelette humain au Canada, dont l'âge est précisément connu. L'analyse de la composition des os de cet homme révèle qu'il se nourrissait surtout d'animaux terrestres plutôt que des saumons de la rivière Thompson.

Il y a entre 8000 et 3000 ans, cette région semble avoir été habitée par divers groupes qui fabriquaient et utilisaient des microlames, tout comme les populations de la côte nord ou de l'intérieur du Yukon auxquelles on croit qu'ils étaient apparentés. Le fait que plusieurs de ces sites à microlames soient situés en bordure de cours d'eau laisse présumer que ces groupes ont adapté leur mode de vie en le basant sur les produits du saumon qu'ils trouvaient dans les rivières de l'intérieur, mais on n'en sait guère plus à leur sujet.

Villages de maisons semi-souterraines

Un changement majeur dans le mode d'occupation de la région s'est opéré il y a environ 3000 ans avec l'apparition de maisons semi-souterraines sur et au sud du plateau de Columbia. Des villages de maisons semi-souterraines se sont développés avec le temps, indiquant l'existence d'une économie plus efficace et d'un mode de vie de plus en plus sédentaire. Comme dans le cas des régions côtières situées à l'ouest, l'apparition d'objets commerciaux exotiques (coquillages), de sculptures en pierre et de différentes méthodes d'ensevelissement est interprétée comme une preuve de la plus grande complexité de ces sociétés, à l'intérieur desquelles le statut social dépendait de la richesse et de l'étalage qu'on en faisait. Au cours des trois derniers millénaires, les influences culturelles venues de la côte Ouest, des plaines et du plateau de Columbia se sont conjuguées pour façonner les traits culturels des diverses populations de l'intérieur de la Colombie-Britannique (voir aussi Autochtones : le Plateau).

Les plaines et les prairies

Les plaines et les prairies septentrionales de l’ouest du Canada, uniques en Amérique du Nord, constituaient un environnement qui a permis aux descendants des Paléoindiens d'il y a 10 000 ans de conserver un mode de vie presque inchangé jusqu'à la période de contact avec les Européens. Quand les grands herbivores de la période glaciaire ont disparu au début de la période postglaciaire, ces populations se sont tournées vers la chasse aux diverses espèces de bisons, maintenant disparues, qui parcouraient alors les prairies. Malgré leur forte dépendance vis-à-vis du bison, les Paléoindiens et leurs descendants ont probablement aussi chassé la petite faune et cueilli des plantes comestibles là où le milieu s'y prêtait. Il est fort probable qu'ils aient inventé des techniques de chasse collective telles que les embuscades ou le détournement des bisons vers des groupes de chasseurs armés de lances et de javelots lancés à l'aide de propulseurs. L'archéologie connaît ces peuples surtout à cause des pointes de lance en silex taillé qu'ils utilisaient.

Nouvelles méthodes de chasse

Il y a quelque 9000 ans, leurs pointes projectiles cannelées ont été remplacées par diverses variétés lancéolées ou à tige, caractéristiques de la fin de la tradition paléoindienne qu'on a nommée le Planoïen. Il y a entre 9000 et 7000 ans environ, les Planoïens ont développé une technique de chasse au bison répandue et apparemment efficace dans les plaines du Nord. Il y au moins 7000 ans, des chasseurs de caribou utilisant des pointes de lance manifestement semblables à celles de la tradition planoïenne ont progressé vers le nord en direction de la toundra canadienne, entre le Grand lac de l'Ours et la baie d'Hudson.

On connaît peu de choses sur les plaines du Nord pour la période couvrant les deux millénaires suivants, soit il y a entre 7000 et 5000 ans. Cette époque correspond au paroxysme de la période postglaciaire chaude ou altithermale, et on croit que la chaleur et la sécheresse auraient réduit la capacité d'accueil des prairies, de sorte que le nombre de bisons a diminué tout comme, conséquemment, celui des chasseurs de bison.

Les sites qui se trouvent aux limites des plaines et quelques sites de la région des plaines elles-mêmes témoignent d'une occupation continue et du développement des pointes de lance avec encoches permettant l'emmanchement. Ces pointes sont caractéristiques de la période suivante, la période préhistorique moyenne (il y a entre 5000 et 2000 ans), durant laquelle divers groupes ont perfectionné les techniques de chasse collective du bison, dont l'utilisation d'enclos et les chutes forcées dans des précipices (voir aussi Head-Smashed-In Buffalo Jump).

Technologie issue d’autres régions

Au cours des deux derniers millénaires, la région des plaines a été soumise à diverses influences venues des forêts de l'Est et des populations des vallées du Mississippi et du Missouri, au sud. Durant le premier millénaire de notre ère, de petites pointes de flèche en pierre taillée ont commencé à remplacer les pointes de lance antérieures, et l'invention de l'arc a dû accroître l'efficacité des chasseurs. On utilisait des pots à cuire en poterie semblables à ceux de l'est et du sud. Des monticules funéraires ont été érigés dans certaines régions, particulièrement dans le sud du Manitoba (voir aussi Monticules linéaires), et la présence d'objets commerciaux exotiques indique qu'il y a eu des contacts avec des agriculteurs de la vallée du Missouri. Même si la majeure partie des plaines du Nord se trouvait au-delà de la limite où l'agriculture préhistorique était possible, dans les régions situées plus au sud, l'agriculture se pratiquait sur une petite échelle.

Apparition des chevaux dans les Prairies

L'avancée de la colonisation européenne vers l'ouest au XVIIIe siècle a accéléré le processus de transformation du mode de vie préhistorique dans les plaines, alors que les groupes des forêts de l'Est commençaient à se déplacer vers l'ouest en direction des Prairies. Les chevaux, qui avaient peu à peu gagné le nord après l'établissement des colonies espagnoles dans le Sud-ouest américain, ont fait leur apparition dans les plaines canadiennes vers 1730, provoquant une véritable révolution dans les modes de chasse, de déplacement et de guerre autochtones. Au cours des 150 années suivantes, jusqu'à la disparition du bison à la fin du XIXe siècle, les plaines et les prairies canadiennes ont vu s'instaurer un mode de vie qui s'est avéré beaucoup plus évolué, plus nomade et plus varié que celui des premiers habitants de la région.

Les forêts de l'Est

Les premiers chasseurs paléoindiens ayant utilisé des pointes de flèche cannelées vivaient dans le sud de l'Ontario, et probablement dans la vallée du Saint-Laurent, il y a de cela au moins 10 000 ans. Avec l'assèchement des immenses lacs et des mers gelés en bordure, la disparition de la faune de la période glaciaire et l'apparition de forêts de conifères, l'environnement de ces régions s'est modifié radicalement au cours des deux millénaires suivants. La région a ensuite été peuplée par les derniers Paléoindiens qui utilisaient des objets semblables à ceux de la tradition planoïenne, qui s'était développée dans les plaines de l'Ouest.

Les traces les plus probantes de la présence de la culture planoïenne se trouvent sur la rive nord des lacs Supérieur et Huron, mais on a découvert des sites de cette culture en amont du St-Laurent et aussi loin à l'est que la Gaspésie. Ces populations planoïennes qui vivaient à l'Est, il y a entre 9000 et 7000 ans, étaient probablement des chasseurs de la grande faune dont la subsistance dépendait largement du caribou, principal herbivore des forêts subarctiques à cette époque.

Cultures archaïques

Au cours des millénaires suivants, les climats plus chauds et l'apparition des forêts décidues ont favorisé le développement des cultures archaïques. On appelle archaïques les cultures de l'est de l'Amérique du Nord qui se sont adaptées à l'environnement en utilisant les animaux, les poissons et les plantes locaux et qui sont, par conséquent, beaucoup plus diversifiées que les cultures paléoindiennes, répandues mais relativement uniformes, qui les ont précédées. Ce phénomène d'adaptation a sans doute permis l'accroissement de la population dans plusieurs régions, et l'existence de pratiques funéraires complexes et d'échanges commerciaux entre régions éloignées semble indiquer une plus grande complexité sociale. La période archaïque est également caractérisée, sur le plan archéologique, par l'invention de nouveaux objets technologiques: couteaux et pointes de lance encochées ou pédonculées, harpons en os, pointes d'arme en pierre polie, outils pour le travail du bois (gouges, haches) et, dans certaines régions, outils et parures en cuivre natif.

Pointes en pierre
Des pointes en pierrre comme celles-ci : une pointe en pierre lancéolée de forme triangulaire, une pointe à petite tige et une pointe à tige comptent parmi les objets les plus importants de l'étude de la préhistoire (avec la permission du Musée canadien des civilisations/K75-946).
Culture plano et début de la culture archaïq
Le peuple plano, qui vivait il y a de 6000 à 9000 ans, a été nommé ainsi parce qu'on l'a identifié pour la première fois dans la région des grandes plaines. On aperçoit ici des pointes de lance planos mises au jour dans diverses régions du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse (avec la permission du Musée canadien des civilisations).
Culture archaïque laurentienne
Une importante innovation technologique de cette période (il y a de 3000 à 6000 ans) est l'industrie bien développée de la pierre polie. Parmi ces objets en provenance de Spednik Lakes, au Nouveau-Brunswick, on trouve un poids de pierre pour les filets, des pointes de flèche et des gouges de pierre ainsi que des couteaux en ardoise polie (avec la permission du Musée canadien des civilisations).
Archaïque maritime, artefacts de l
Provenant du site de Cow Point, des outils et des objets décoratifs, caractéristiques de la culture archaïque maritime (pendentif de pierre perforée, baïonnettes en ardoise polie, herminette de pierre, pointes de lance de pierre taillée et pointes de lance en ardoise) (avec la permission du Musée canadien des civilisations).
Pointe de projectile
En provenance du Nord du Labrador. Pointe de lance ou de dart fabriquée par le peuple de tradition archaïque maritime, dans une pierre grise translucide appelée chert ramah; elle contient du manganèse (avec la permission de la Memorial University of Newfoundland).

La région du Bouclier canadien dans le centre et le nord du Québec et de l'Ontario était habitée à cette époque par des groupes appartenant à la culture archaïque du Bouclier. Il semble qu'ils se soient développés il y a environ 7000 ans à partir des cultures planoïennes du nord, comme celle de la toundra de l'ouest de la baie d'Hudson ou celle du nord-ouest de l'Ontario. Puisque les sols acides des forêts de la région ont détruit tous les restes organiques, notre connaissance de leur mode de vie demeure très limitée. Les emplacements de leurs camps laissent toutefois penser que ces populations vivaient surtout de la chasse et dépendaient largement du caribou et du poisson. Malgré l'introduction de la poterie et d'autres objets importés du sud au cours des 3000 dernières années, qui sont associés à la période préhistorique du Sylvicole, il est probable que le mode de vie archaïque n'ait subi aucune modification majeure et qu'il ressemblait beaucoup à celui des peuples algonquiens de cette région au moment de l'arrivée des Européens et de la traite des fourrures.

Les zones de forêts décidues du sud comptaient de plus fortes populations que celles des forêts d'épinettes du nord et ont vu apparaître, il y a environ 6000 ans, la culture archaïque laurentienne, probablement issue de cultures archaïques locales antérieures. Ces populations chassaient et cueillaient les ressources animales et végétales relativement abondantes dans cette région. Des matériaux exotiques comme le cuivre et les coquillages marins, qu'on a le plus souvent trouvés dans les tombes et qui dénotent des cérémonials funéraires élaborés, attestent de l'existence d'échanges commerciaux importants avec le sud, l'est et l'ouest.

Introduction de l’agriculture

L'apparition de la poterie il y a entre 3000 et 2500 ans, introduite à partir de régions situées au sud des Grands Lacs, sert sur le plan archéologique à identifier le début de la période du Sylvicole. Comme dans le cas des régions du nord, la période initiale du Sylvicole a probablement connu peu de changements dans le mode de vie général des populations locales. Il semble toutefois qu'au cours des siècles suivants, l'influence du sud s'est poursuivie et intensifiée. Elle amena entre autres un ensemble de pratiques funéraires élaborées comprenant des sépultures tumulaires (voir aussi Sépultures tumulaires de la rivière à la pluie), qui semblent avoir été transmises, ou du moins inspirées, par les cultures Adena et Hopewell de la vallée de l'Ohio. L'introduction la plus importante fut l'agriculture, reposant sur des produits cultivés au Mexique et en Amérique centrale plusieurs millénaires auparavant et qui se sont peu à peu répandus vers le Nord, à mesure qu'ils s'adaptaient aux conditions climatiques plus froides.

La première récolte fut celle du maïs qu'on commença à cultiver dans le sud de l'Ontario il y a près de 1500 ans et qui constituait un supplément important à une économie basée sur la chasse et la cueillette. Les premiers producteurs de maïs vivaient dans des villages relativement permanents, constitués de maisons multifamiliales en bois et en écorce, et souvent fortifiés par des palissades pour les protéger des attaques armées qui semblent s'être s'intensifiées suite à l'introduction de l'agriculture. Vers 1350 de notre ère, l'addition de la fève et de la courge à l'agriculture de la région a permis d'équilibrer le régime alimentaire, ce qui a réduit l'importance de la chasse et de la cueillette de produits sauvages (voir aussi Utilisation des plantes par les Autochtones).

Villages iroquois préhistoriques

À l'arrivée des Européens, ce mode de vie agricole caractérisait les populations iroquoiennes qui vivaient dans la région s'étendant du sud-ouest de l'Ontario à la vallée centrale du Saint-Laurent. Il s'agit là de la seule région du Canada où l'agriculture préhistorique a constitué la base économique. Cette région comptait également la plus forte densité de population autochtone.

Les Iroquoiens de la période préhistorique tardive vivaient dans des villages formés de grandes maisons longues multifamiliales, certaines des plus importantes communautés regroupant plus de 2000 individus. De vastes réseaux sociaux, commerciaux et politiques couvraient leur aire d'occupation et faisaient complément aux activités guerrières qui les occupaient grandement. Toutes ces activités se sont intensifiées avec l'arrivée des Européens et des objets de traite au cours du XVIIe siècle. Elles ont éventuellement mené à la disparition des Iroquoiens du Canada au milieu du XVIIe siècle, qui sont tombés aux mains de leurs voisins iroquois du sud du lac Ontario.

La côte est

Maritimes il y a au moins 10 000 ans, mais il reste peu de traces de leur présence puisque le niveau de la mer était alors beaucoup plus bas qu'aujourd'hui, et seuls des vestiges de campements érigés à l'intérieur des terres sont retrouvés au-dessus du présent niveau de la mer. Le même problème limite l'étendue de nos connaissances sur les sites du début de l'Archaïque, quoiqu'on puisse supposer que cette période s'est caractérisée par une présence continue comme dans le cas des forêts de l'Est plus à l'ouest.

Outils de chasse aquatique

Les traces les plus convaincantes d'une occupation humaine au début de la période archaïque se trouvent dans la région du détroit de Belle-Isle au Labrador où les premiers habitants se sont installés il y a plus de 8000 ans. On y a découvert des objets de pierre taillée qui laissent supposer une transition entre la fin de l'époque paléoindienne et la période archaïque. L'emplacement de ces premiers sites en bordure de la côte indiquerait une adaptation au milieu marin. Cette interprétation est renforcée par la présence d'un tumulus vieux de 7500 ans situé aux sépultures de L'Anse Amour, dans lequel on a découvert un harpon à tête détachable, une défense de morse et un artefact en ivoire de morse. On utilise le terme « Archaïque des Maritimes » pour désigner ces populations et leurs descendants.

Sépulture \u00e0 L
Reconstitution de l'artiste. Le corps de l'enfant a été placé face contre terre, la t\u00eate en direction de l'ouest. On s'appr\u00eate \u00e0 déposer une large dalle de pierre sur le dos de l'enfant, que l'on saupoudre d'ocre rouge (avec la permission du Musée canadien des civilisations).

La chasse et la pêche côtières ont permis aux populations de l'Archaïque des Maritimes de s'étendre jusqu'à l'extrémité nord du Labrador il y a 6000 ans et jusqu'à Terre-Neuve il y a environ 5000 ans. Au cours des deux millénaires suivants, ils ont été les principaux habitants de ces régions, développant un mode de vie maritime particulier avec leurs harpons à barbelures, leurs équipement de pêche, leurs armes en ardoise polie et leurs outils en pierre polie pour le travail du bois.

Les populations de l’Archaïque des Maritimes ont aussi établi un complexe mortuaire dans lequel de vastes cimetières ont été utilisés sur de longues périodes de temps. Les sépultures étaient accompagnées de nombreux objets funéraires et étaient abondamment saupoudrées d'ocre rouge. Il existe des cimetières de ce genre dans les Maritimes et en Nouvelle-Angleterre. Les ressemblances dans les traditions funéraires, les artefacts et la morphologie des squelettes laissent supposer l'existence de liens avec des populations laurentiennes archaïques contemporaines des forêts de l'Est, et il est probable que des peuples laurentiens aient occupé certaines régions des Maritimes.

Migration du nord et de l’est

Il y a entre 4000 et 2500 ans, les populations de l'Archaïque des Maritimes ont été délogées de la plupart des régions côtières du Labrador par des Paléoesquimaux venus de l'Arctique et par d'autres groupes archaïques se déplaçant vers l'est depuis la région du Bouclier et la vallée du Saint-Laurent. À partir d'il y a environ 2500 ans, les Dorsétiens ont aussi vécu à Terre-Neuve durant à peu près 1000 ans. Il y a 1500 ans environ, après le départ des Paléoesquimaux de Terre-Neuve et de tout le Labrador sauf le nord, ces régions ont été habitées par des autochtones, probablement les ancêtres des Innus du Labrador et des Béothuks de Terre-Neuve. On ignore si ceux-ci étaient les descendants des premières populations de l'Archaïque des Maritimes ou d'autres groupes venus ultérieurement s'installer dans la région.

Influences commerciales et culturelles

Dans les Maritimes, au sud du golfe du Saint-Laurent, la céramique fut introduite au cours des derniers 2500 ans, à partir du sud et de l'ouest. Le tumulus vieux de 2300 ans découvert à Augustine, au Nouveau-Brunswick, qui reprend le cérémonial funéraire de la culture Adena de la vallée de l'Ohio et qui contient des objets funéraires importés de cette région, laisse entrevoir l'étendue d'autres influences culturelles. Au début de cette période, il semble que certains groupes locaux aient commencé à adopter un mode de vie plus sédentaire, puisque les amoncellements de coquillages ont commencé à se multiplier dans certaines régions côtières. Les informations prélevées dans ces sites démontrent l'existence d'un mode de vie centré sur la chasse et la pêche et une utilisation des ressources tant côtières qu'intérieures. Ce mode de vie était caractéristique du Canada atlantique au moment de l'arrivée des Européens, et les sites datant des 2000 dernières années sont certainement associés aux ancêtres des Micmacs et des Malécites.

La région subarctique occidentale

Le territoire où se déploient la forêt et la toundra entre la baie d'Hudson et l'Alaska demeure, sur le plan archéologique, l'une des régions les moins explorées du Canada. Bien qu'on ait trouvé les traces d'une présence humaine très ancienne dans l'extrême nord-ouest de cette région, on possède très peu de détails sur son évolution ultérieure.

Dans le territoire situé à l'ouest du fleuve Mackenzie, on pense avoir identifié la présence de deux groupes distincts au début de la période postglaciaire, soit il y a entre 11 000 et 7000 ans. L'un d'entre eux serait relié aux Paléoindiens de régions plus au sud et se démarque par ses pointes de lance lancéolées. Il est probable que les premiers Paléoindiens à avoir vécu dans la région utilisaient des pointes cannelées, puisque quelque unes d'entre elles ont été trouvées en Alaska et au Yukon. Ces pointes ne sont toutefois pas plus anciennes que celles retrouvées sur les sites plus au sud, de sorte qu'on ignore toujours si elles correspondent au déplacement initial des Paléoindiens vers le sud ou à un mouvement ultérieur de retour vers le nord.

Des occupations un peu plus récentes sont révélées par des pointes de lance associées à la fin de la tradition paléoindienne du Planoïen dans les plaines du Nord, ou encore à la tradition ancienne de la Cordillère de la Colombie-Britannique et de l'ouest des États-Unis. La deuxième occupation majeure est celle de groupes rattachés à la tradition paléoarctique de l'Alaska, un peuple dont la technologie de microlames a été empruntée à l'est de l'Asie et qui, on suppose, a traversé le pont terrestre de Béring.

On ne peut préciser de quelle façon ces premières occupations se rattachent à celles de la période archaïque du Nord, qui remontent à il y a entre 6000 et 2000 ans au moins. Cette culture se caractérise par ses pointes encochées et d'autres éléments qui semblent venir du sud. Néanmoins, les plus anciens sites de cette période produisent aussi des microlames, et il est possible que ces dernières aient été utilisées dans certaines régions presque jusqu'à la fin de cette période. On ne sait pas non plus quels liens existent entre la période archaïque du Nord et les ancêtres des peuples de langue dénée qui ont vécu dans la partie intérieure du Nord-ouest canadien. Les sites qui appartiennent définitivement aux ancêtres des Dénés dans cette région ne couvrent que les derniers 1500 ans. Cela peut signifier que des Dénés y sont venus d'ailleurs ou encore, qu'ils se sont développés de façon continue à partir de la tradition plus ancienne de l'Archaïque du Nord.

Les premiers habitants de la région se trouvant entre la rivière Mackenzie et la baie d'Hudson appartenaient à la tradition planoïenne. Il sont arrivés du sud et ont pénétré dans la toundra il y a un peu plus de 7000 ans. Des pointes de lance encochées et d'autres types d'outils en pierre datant d'au moins 6000 ans ont permis de définir la tradition archaïque du Bouclier. Il semble que celle-ci ne représente pas une intrusion de gens venant du sud. Elle s'est sans doute plutôt développée régionalement à partir de la culture planoïenne, et le mode de vie de ces groupes locaux a subi peu de changements. Les autochtones de la tradition archaïque du Bouclier ont continué à vivre dans la toundra jusqu'à il y a 3500 ans environ, au moment où, peut-être à cause du refroidissement climatique qui a repoussé plus au sud la limite des forêts, la région a été envahie par des Paléoesquimaux venus de la côte arctique (voir aussi Changement climatique).

Cette occupation a duré moins de 1000 ans, jusqu'au moment où des gens utilisant diverses sortes de pointes de lance lancéolées et à tige, et plus tard des pointes de flèche, sont revenus dans la région. L'origine de ces groupes d'autochtones n'est pas claire, mais ils se sont probablement déplacés vers la toundra à partir du sud et de l'ouest et ont pu arriver à différents moments il y a entre 2500 et 1000 ans. On croit toutefois que les plus récents de ces groupes préhistoriques étaient les ancêtres des habitants de langue dénée de la période historique, dont le mode de vie basé sur la chasse au caribou était assez semblable à celui des populations plus anciennes du Planoïen et de l'Archaïque du Bouclier.

L'Arctique

Les côtes et les îles de l'Arctique canadien ont été peuplées il y a environ 4000 ans par des groupes appelés Paléoesquimaux. Leurs techniques et leur mode de vie se distinguent considérablement de ceux des groupes autochtones connus de l'Amérique et se rapprochent davantage de ceux des populations de la Sibérie orientale. Malgré les désaccords qui divisent les archéologues sur la question de l'origine des Paléoesquimaux, il est probable que ces derniers aient traversé le détroit de Béring après avoir quitté la Sibérie, soit par bateau ou en marchant sur la glace, il y a un peu plus de 4000 ans, et qu'ils se soient rapidement répandus vers l'est dans la toundra inhabitée de l'Alaska, du Canada et du Groenland. Ces premiers habitants semblent avoir préféré les régions où abondaient le caribou et le bœuf musqué, mais ils étaient aussi capables de harponner le phoque et, dans certaines régions, il se sont adaptés à un mode de vie maritime.

La technologie des premiers Paléoesquimaux, basée sur de petits outils en silex taillé et incluant des microlames, était beaucoup moins efficace que celle des Inuits de la région à la période historique. On ne possède aucune preuve indiquant qu'ils auraient fait usage d'embarcations, de traîneaux à chiens, de lampes à huile ou d'igloos, puisqu'ils vivaient la majeure partie du temps ou même toute l'année à l'intérieur de tentes en peau que chauffaient des feux d'os ou de bois (plutôt rare). Néanmoins, il y a entre 4000 et 3000 ans, ils occupaient la plupart des régions arctiques et s'étaient étendus vers le sud à travers la toundra et le long de la côte du Labrador, déplaçant ainsi les occupants autochtones.

Dorsétiens

Après environ 2500 ans, le mode de vie des Paléoesquimaux avait évolué à un tel point qu'on lui a donné une nouvelle appellation, la culture dorset. Il existe certaines preuves selon lesquelles les Dorsétiens utilisaient le kayak et qu'elles avaient des chiens pour chasser sinon pour tirer leurs traîneaux. Les lampes et les marmites en stéatite ont aussi fait leur apparition ainsi que les abris semi-permanents pour l'hiver, isolés à l'aide de tourbe séchée. Les sites des Dorsétiens sont plus grands que ceux de leurs prédécesseurs, ce qui laisse supposer une présence permanente de groupes plus considérables et, dans certaines régions, il est évident que les Dorsétiens étaient d'habiles chasseurs de mammifères marins tels que le morse ou le béluga. Une production artistique remarquable s'est développée sous forme de petites sculptures de bois et d'ivoire (voir aussi Art inuit). Il y a environ 2500 ans, les Dorsétiens ont migré vers le sud, en direction de Terre-Neuve, où ils ont vécu pendant près de 1000 ans.

Inuits thuléens

L'occupation de l'Arctique canadien par la culture dorsétienne a pris fin il y a entre 1000 et 500 ans avec l'apparition dans la région de la culture inuite de Thulé, originaire de l'Alaska. Au cours des trois millénaires précédents, ces ancêtres des Inuits, qui descendaient probablement des Paléoesquimaux de l'Alaska, avaient mis au point des techniques très efficaces de chasse au mammifère marin, dont le flotteur de harpon, du matériel de drague, le kayak et de grandes embarcations ouvertes en peau qui leur permettaient de chasser la baleine. Le déplacement des Thuléens à travers l'Arctique s'est effectué rapidement, à une époque où le climat était relativement chaud et où la mer de glace avait sans doute régressé, permettant un accroissement de la population des baleines.

Thulée, habitation d
Les planchers et les murs du bas sont recouverts de dalles fabriquées en roches fissurables, et le toit est supporté par des ossements de baleines recouverts de peaux et de dalles de roche. L'habitation est ensuite recouverte de tourbe (avec la permission du Musée canadien des civilisations).

Se déplaçant dans des embarcations en peau ou des traineaux à chiens, vers 1200 de notre ère, les Thuléens avaient instauré un mode de vie caractéristique de l'Alaska dans presque tout l'Arctique canadien et avaient chassé les populations dorsétiennes de la plupart des régions. Au Groenland et dans l'est de l'Arctique canadien, ils sont vite entrées en contact avec des Scandinaves qui avaient débarqué au Groenland vers 980 de notre ère. On a découvert des artefacts d'origine scandinave dans plusieurs sites thuléens.

Le mode de vie thuléen se caractérisait par la chasse en mer durant l'été et l'entreposage de nourriture en prévision de l'hiver, qu'on passait à l'intérieur d'abris permanents en pierre et en tourbe. Cette façon de vivre est devenue plus difficile après 1200 de notre ère, avec le refroidissement du climat arctique, qui a atteint son paroxysme entre 1600 et 1850 de notre ère, au moment du Petit âge Glaciaire. Durant cette période, plusieurs éléments du mode de vie thuléen ont dû être modifiés et les Thuléens ont soit abandonné certaines régions de l'Arctique ou se sont adapté aux nouvelles conditions qui y prévalaient. Au cours de la même période, les contacts avec les navigateurs européens, les chasseurs de baleine et les commerçants (voir aussi Basque, Histoire de la pêche commerciale), et l'impact des maladies européennes peuvent avoir été aussi importants que le changement climatique dans la modification du mode de vie traditionnel thuléen. C'est durant la phase finale de cette période préhistorique qu'une bonne partie de la culture inuite de l'époque historique s'est développée.