Hymnes
Hymnes. Les hymnes sont des textes poétiques pour louer Dieu, destinés à être chantés collectivement soit à l'église comme partie du culte ou par des groupes moins structurés. À partir de la fin du XVIIIe siècle, le contenu des textes s'élargit afin d'inclure, non seulement la louange mais des sentiments religieux subjectifs, qu'il s'agisse de souffrance ou de joie, ainsi que des thèmes didactiques au point que certains hymnes devenaient presque des leçons en vers de la Bible. Le terme « air » signifie soit la mélodie principale sur laquelle l'hymne est chanté ou, plus couramment, la version harmonisée de cette mélodie - pour trois ou plus généralement quatre parties vocales. Le répertoire des airs cultivé au Canada comprend des exemples provenant de chorals et psautiers de la Réforme (français, allemand, hollandais, anglais, écossais) ainsi que de sources anglaises et des É.-U. du XVIIIe, du XIXe et du début du XXe siècle (avec une touche d'airs suisses, russes et allemands parmi d'autres), auxquels vint s'ajouter un apport régulier de contributions indigènes.
1. Mélodies, recueils et hymnaires
2. Textes des hymnes et hymnologie
3. Chant des hymnes
1. Mélodies, recueils et hymnaires. L'histoire des collections canadiennes imprimées, avec la musique, des hymnes et psaumes métriques - traditionnellement les racines du répertoire de la « musique sacrée » - débute avec Union Harmony de Stephen Humbert (Saint Jean, N.-B. 1801; éditions subséquentes 1816, 1831, 1840). Il s'agit d'un volume substantiel, in-octavo, de format oblong, ressemblant aux publications des compositeurs des É.-U. de l'époque de la Révolution tels que Swan, Read, Belknap et Billings, qui y sont tous représentés par plusieurs mélodies. Certaines, provenant de sources contemporaines anglaises, sont aussi incluses et il s'y trouve plus de deux douzaines du compilateur Humbert (cantiques et anthems) qui se rapprochent souvent des harmonies angulaires de ses collègues de la Nouvelle-Angleterre, adoptant parfois leur format de « cantique fugué » dans lesquels une texture grossièrement imitative est appliquée à la phrase finale ou aux deux dernières d'une strophe, contrastant avec le traitement harmonique des vers précédents. Humbert justifie ce style dans un avant-propos à l'édition de 1816. « Gagetown » et « Singing School » (ce dernier sur son propre texte) en sont des exemples. « Halifax », avec ses changements dramatiques de tempo et de mesure, et la gracieuse et spacieuse « Remembrance » représentent bien son emploi du non-fugué.
A Selection from the Psalm of David (Montréal 1821) est un recueil plus modeste qui s'aligne sur les modèles anglais plutôt qu'américains par son format en hauteur et par le fait que la mélodie principale est confiée au soprano (plutôt qu'au ténor, comme c'est le cas dans les livres des É.-U. et celui de Humbert). Le compilateur, le révérend George Jenkins, était attaché à la cathédrale anglicane de Montréal. Ce livre, l'un des plus élégants dans sa présentation parmi les premières publications canadiennes, est reconnu par Jenkins comme étant basé sur un modèle anglais précis, The Psalms of David de Miller et Drummond.
Ces deux compilations définissent les deux influences principales qui se rencontrent dans les recueils de cantiques et les hymnaires subséquents. Le format oblong des É.-U. avec la mélodie confiée au ténor prédomine au cours de la première partie du XIXe siècle. Ce n'est que graduellement que le format britannique en hauteur réapparaît après 1860. Les airs américains signés des populaires « fabricants yankee » étaient familiers au Canada pendant la majeure partie du XIXe siècle, à en juger par les réapparitions continuelles de « China » de Timothy Swan, « Russia » de Daniel Read et « Lenox » de Lewis Edson, bien qu'à la fin du siècle, ces deux derniers aient été harmonisés de nouveau et dépouillés de leur caractère fugué original. Le nouveau style d'hymne, musicalement plus « lettré », associé aux É.-U. à la personne de Lowell Mason, s'infiltre à partir des années 1840 et il en est de même pour les favoris de l'époque victorienne, Dykes, Gauntlett et Stainer. Dans la seconde moitié du siècle, les collections canadiennes reflètent l'attrait nouveau du style Gospel bien que certains ouvrages le cantonnent à des appendices distincts consacrés à la musique des manifestations évangéliques.
Des adaptations d'oeuvres classiques se rencontrent souvent. Des compilateurs canadiens ont copié des arrangements de Haendel et de Beethoven par des arrangeurs anglais tel que William Gardner et ont aussi fait leurs propres adaptations de Haydn, Mozart, Weber, ou encore, Beethoven. Par exemple, un texte sacré est ainsi adapté à un arrangement des Noces de Figaro (le duo des fleurs de l'Acte III) dans Sacred Harmony d'Alexander Davidson (Toronto 1838; au moins 12 éditions subséquentes 1843-61); des mélodies anglaises du XVIIIe siècle telle que « Saint Ann's » reviennent fréquemment et à peu près aucune collection ne contient pas ces airs favoris que sont « Old Hundred » et « Martyrs », le premier tiré du Psautier huguenot de 1554 et le second du Psautier écossais de 1615 - bien qu'affectés de plusieurs variantes d"arrangements et d'harmonisations métriques. Les éditeurs canadiens reflétèrent leur environnement en donnant pour titres aux mélodies des noms de lieux (« Halifax », « Chebucto », « Montreal » cinq fois, « Toronto » six fois, « Goderich », « Port Hope », « Brockville », « Niagara » et « Hamilton », de même qu'« Ontario » dont une variante est connue sous la singulière appellation de « mélodie américaine »). Plusieurs de ces airs étaient sans doute originaux, bien que leur attribution manque ou soit douteuse. Parfois des noms de lieux sont utilisés pour identifier des airs de compositeurs non-Canadiens : le nom de « Toronto » a été donné par un éditeur canadien à « Lux Eoi » de Sullivan, peut-être avec son accord; Lowell Mason aurait composé un « Canada » et un « Ottawa ».
Des recueils furent souvent destinés à une confession particulière, mais du milieu jusqu'à la fin du XIXe siècle, le contenu, qu'il s'agisse des anglicans, des presbytériens ou des méthodistes, était le même, dans une proportion de 50 à 60 p. cent. Les baptistes et luthériens canadiens dont les traditions sont différentes quant à la musique, importèrent souvent leurs propres hymnaires. L'Amen, habituellement chanté à la fin du dernier verset, ne commença à être imprimé qu'à la toute fin du XIXe siècle.
À la musique des psautiers traditionnels et l'héritage reçu de Haendel au XVIIIe siècle, certains recueils ont ajouté des hymnes populaires - dont les mélodies de certains, souvent réminiscentes par leur modalité et leur phrasé des chansons folkloriques anglo-celtiques, allemandes et françaises, dérivent d'une influente collection de la Nouvelle-Angleterre, The Christian Harmony (Exeter, N.-H. 1805). De telles incorporations suggèrent l'existence d'une pratique hymnodique improvisée au Canada d'alors comparable à celle découverte dans des régions des É.-U. - un aspect qui, en 1991, demeurait en attente d'être exploré à fond par les érudits.
Les livres les plus anciens incluent, outre les mélodies et au moins une partie des textes, ce qui constitue à peu près l'unique contact des Canadiens des petites localités ou des régions rurales avec les rudiments de la notation musicale et de la lecture à vue - sauf dans les rares cas où des maîtres de chant venaient sur place y enseigner (voir « Écoles de chant choral »). Comme leurs prototypes amér., les anciens recueils de mélodies commençaient d'habitude par une section (d'une longueur dépassant souvent 20 pages) intitulée « Leçons et exercices d'introduction », « Eléments de musique » ou « Introduction à la science de la musique ».
Certaines collections d'avant la Confédération contiennent des airs originaux et des harmonisations caractéristiques qui méritent une renaissance. De telles sources sont Colonial Harmonist de Mark Burnham (Port Hope, Ont. 1832 - la préface mentionne qu'« aucun traité de musique n'a été jusqu'ici publié dans cette Colonie »), l'imposant Harmonicon publié sans nom d'éditeur (Pictou N.-É. 1836; éditions subséquentes 1841, 1855), Canadian Church Psalmody de J.P. Clarke (Toronto 1845), Sacred Harmony de Davidson déjà mentionné et The Vocalist de George Linton (Toronto 1865 ou 1867). Parmi les airs séparés, il faut mentionner le modal « Hermitage » de Burnham, un air appelé « Toronto » attribué à Davidson, « York New Church » de W.H. Warren et « Christ Church » de Clarke, avec sa citation d'une phrase de La Création de Haydn.
Bien que les recueils des É.-U. de cette période, surtout dans les États du centre-ouest et du sud, aient adopté le style de notation en caractères (« shapenote »), dans lequel une forme différente de note correspond à chaque syllabe sol-fa - ceci pour faciliter la lecture à vue -, ce système ne semble pas avoir eu beaucoup d'adeptes au Canada. Certaines éditions de Davidson des années 1840 furent publiées dans les deux styles, normal et en catactères (« shapenote »), mais les éditions subséquentes de ce recueil reviennent à la seule notation traditionnelle. Chants évangéliques, un hymnaire à l'usage des Canadiens francophones, fut d'abord publié en 1862 à Montréal chez Lovell, suivi de nombreuses éditions subséquentes (1875 à 1914 au moins), chacune dans un format plus grand. Il continua d'être en usage jusqu'au milieu du XXe siècle. Des airs populaires du XIXe siècle tels que « Bethany » (« Nearer, my God, to Thee ») de Mason sont inclus avec des versions françaises de leurs textes. Certains airs originaux du compilateur, L.E. Rivard, sont inclus.
Toutes les publications n'incluaient pas la musique. Deux types ont prévalu au milieu du XIXe siècle, incluant parfois les airs mais comprenant plus souvent les textes seuls; ce sont les recueils d'hymnes pour enfants ou destinés à l'école du dimanche ainsi que les hymnaires dans les langues des diverses nations autochtones (Cris, Iroquois, etc.). Un exemple du premier genre (avec les airs) est The Canadian Warbler de L.C. Everett (Toronto et Montréal 1863); un exemple du second (sans les airs) est A Collection of Ojibway and English Hymns (révisé et traduit par Peter Jones, Boston v. 1830, plus tard réimprimé à Toronto). La popularité croissante des chants évangéliques entraînants après 1875 environ suscita une réaction et il en résulta que la préparation des hymnaires fut confiée à des comités consultatifs à l'intérieur des diverses sectes plutôt qu'à des éditeurs individuels. Peu à peu, les recueils publiés devinrent plus savants, plus conformes à l'histoire et plus « inspirants », mais parfois aussi au détriment de certains aspects au plan de l'expression et de la créativité qui furent perdus dans le processus.
La longue carrière du révérend Alexander MacMillan à titre de conseiller en matière de publication d'hymnes pour l'Église presbytérienne et, plus tard, pour l'Église unie commença par la production du Book of Praise presbytéral (Oxford et Londres 1904, révisé en 1918; préface datée Toronto 1897). Par sa perspective historique du choix, ses attributions savantes et le style plutôt sévère des arrangements musicaux, ce livre établit de nouvelles normes pour les compilateurs canadiens.
The Methodist Hymn and Tune Book (Toronto 1917) comprend un nombre d'airs originaux inusité par la quantité (49), composés par W.H. Hewlett, Alfred Whitehead, A.S. Vogt, G.D. Atkinson, H.C. Perrin et d'autres. Un membre du comité de rédaction musicale, Herbert Sanders, en écrivit à lui seul près de la moitié, dont un bon exemple est « Dominion Church ». Les airs de Hewlett, au plan harmonique et mélodique, sont les plus audacieux du groupe (notamment son « Carlton Street » avec son changement du mineur au majeur). Dans le premier Hymnary de la nouvelle Église unie du Canada (Toronto 1930), on remarque une approche plus « universelle » (en fait à la fois plus savante et plus européenne); les airs originaux ont disparu et ceux nouvellement composés passent au second plan, sauf cinq de Hewlett, deux de Healey Willan et un de Whitehead. Le principal conseiller à l'édition était Alexander MacMillan.
MacMillan collabora avec Edward J. Moore dans l'édition d'un hymnaire pour les protestants ukrainiens-canadiens : Knyha Khvaly (Toronto 1922), en partie basé sur des volumes méthodistes et presbytériens alors en usage mais contenant des pièces populaires traditionnelles de l'Ukraine. À partir de la deuxième décennie du XXe siècle les mennonites canadiens ont développé une tradition unique du chant des hymnes largement inspirée par l'usage de collections importées de Russie, d'Allemagne ou (presqu'exclusivement depuis peu) des États-Unis, mais un ensemble d'airs originaux composés par Aram Sawatzky (fl. Saskatchewan, 1903-20) et d'autres a largement circulé parmi les groupes mennonites.
James Edmund Jones fut le grand responsable de la sélection et de l'édition des airs de l' Anglican Church of Canada's Book of Common Praise en 1908 et en 1938, année de sa révision. Pour les deux éditions, il publia des notices historiques dans un volume séparé. Des airs composés par lui sont inclus et certains d'entre eux (par exemple, « Walden ») se retrouvent dans les hymnaires d'autres dénominations. Willan fut consultant pour le Book of Common Praise. Ulrich S. Leupold, qui dirigea les études de musique d'église au Waterloo Lutheran Seminary (1945-70), fut le plus éminent hymnologue parmi les luthériens canadiens de son temps. Les commentaires imprimés de Stanley L. Osborne (un membre de comités de compilation de plusieurs hymnaires) traitent des origines à la fois des textes et des airs.
La populaire tradition catholique romaine des Cantiques est représentée par une publication ancienne remarquable, le Nouveau recueil de cantiques de Jean-Denis Daulé (Québec 1819). Lyre sainte de T.F. Molt (2 vol., Québec 1844 et 1845), Saint Basil's Hymnal, publication anglophone (Toronto 1889; diverses éditions subséquentes 1890-97) et 300 Cantiques, anciens et nouveaux de Louis Bouhier (Montréal 1905, plusieurs éditions subséquentes jusqu'à 1931 au moins) sont des exemples postérieurs. Après le second Concile du Vatican (1962-64), le chant en langue vernaculaire par la congrégation devint une activité plus courante du culte catholique romain qu'auparavant au Canada.
Un précédent fut créé en 1871 avec la parution conjointe d'un volume d'une somptueuse présentation, The Hymn Book de l'Église anglicane du Canada et l'Église unie du Canada. F.R.C. Clarke, Derek Holman, Godfrey Ridout et d'autres ajoutèrent des mélodies nouvelles à la collection qui n'encouragea pas cependant la remise à l'honneur de mélodies de compositeurs canadiens, dont le nombre s'élevait à au moins 800, publiées dans des hymnaires plus anciens. En 1991, le « livre rouge » (nom populaire pour désigner The Hymn Book) perdait du terrain en popularité même dans les paroisses qui l'avaient adopté avec enthousiasme. La durée d'un quart de siècle souvent accordée aux hymnaires et la parution en 1985 d'un Book of Alternative Services anglican pourrait signifier un éventuel nouveau remplacement vers le milieu des années 1990.
En plus de ceux cités plus haut, les mélodies du début du XXe siècle ayant un caractère spécial incluent « Benedicite, omnia opera » du jeune Ernest MacMillan, la mise en musique du poème « Crossing the Bar » de Tennyson par Albert Ham, « Mount Allison » et « Montreal » de Whitehead, « Rice Lake » de Jones, « By Christ Redeemed » de G. Jennings Burnett et plusieurs airs du révérend (plus tard évêque) Charles Venn Pilcher, notamment « Haworth » et « Hermon ».
2. Textes des hymnes et hymnologie. La composition de textes d'hymnes indigènes commença au XVIIe siècle avec « Jesous Ahatonhia », plus justement désigné comme un noël. Les hymnes du prêcheur Henry Alline (1748-1784) du « New Light » de la Nouvelle-Écosse, connurent un regain d'attention dans les années 1980. David Willson, patriarche de la secte des Enfants de la paix en Ontario au milieu du XIXe siècle, composa plus de 1400 versets d'hymnes, dont certains ont survécu en manuscrit mais au moins 1000 ont été publiés en 2 volumes, toutefois sans musique. Ils possédaient une clarté, une sincérité et un charme poétique comparables aux bannières naïves peintes que l'on trouve dans le temple de la secte. En 1827, William Bullock (1798-1874), un clerc ordonné de l'Église d'Angleterre, écrivit « Nous aimons le lieu, O Dieu » et le fit chanter en manuscrit à Trinity Bay à Terre-Neuve. Il s'écoula 27 ans avant qu'il soit publié. Joseph Scriven (1819-1896) écrivit un nombre de textes, parmi eux « What a friend we have in Jesus », un texte particulièrement aimé. Le révérend Robert Murray (1832-1910) écrivit les paroles de « From ocean unto ocean », pièce bien connue, alors que « We hail thee now, O Jesus » du révérend chanoine F.G. Scott (1861-1944) a été fréquemment utilisé. Gena Branscombe composa les paroles et la musique de « Arms that have sheltered us », adopté par la MRC en 1960. Le Book of Common Praise de 1908, avec près de 800 hymnes, avait 20 textes et près de deux fois plus de mélodies d'auteurs et de compositeurs canadiens. Dans The Hymn Book (1871), la proportion de contenu canadien grimpa approximativement à 10 p. cent; une fois de plus, les compositeurs semblent avoir été plus actifs que les auteurs.
L'hymnologie - particulièrement la recherche en hymnologie canadienne, a de plus en plus retenu l'attention. Wesley Berg et Peter Letkemann ont exploré la musique des hymnes mennonites, et des ethnomusicologues comme Beverley Diamond ont étudié les hymnes en tant qu'éléments des cultures autochtones. Une conférence organisée par l'Institute for Canadian Music à l'Université de Toronto, les 7-8 février 1986, a réuni des érudits de divers centres représentant plusieurs disciplines (musique, histoire de l'Église, études culturelles); les débats furent publiés sous le titre de Sing Out the Glad News, emprunté à une collection canadienne de chants gospel datant de 1885. La même année, 1986, vit la publication du vol. V de la SPMC, une anthologie historique de 310 mélodies, certaines en plusieurs versions, tirées de plus de 60 recueils de mélodies et d'hymnaires publiés au Canada avant le milieu du XXe siècle.
Les bibliothèques possédant une forte représentation de recueils et d'hymnaires historiques incluent celles de l'Emmanuel College Library et l'Edward Johnson Music Library à l'Université de Toronto; la Bibliothèque nationale du Canada; et la collection Lande de la bibliothèque de l'Université McGill à Montréal. L'éminent hymnologue Stanley L. Osborne possède une importante collection privée d'hymnaires anglais d'après 1900.
3. Chant des hymnes. Au Canada, le chant des hymnes remonte au XVIIe siècle alors que les missionnaires récollets et jésuites arrivèrent de France pour répandre l'Évangile dans le nouveau territoire (voir Missionnaires). Ils utilisèrent l'hymne non seulement comme instrument du culte mais aussi comme outil d'évangélisation, comme moyen de prêcher la foi. D'après les Relations des Jésuites, leur formation devait être assez poussée car, non seulement dirigeaient-ils le chant aux offices du culte, mais ils enseignaient également à leurs convertis la meilleure façon de chanter : « ... tous les sauvages ont beaucoup d'aptitude et d'inclination à chanter les cantiques de l'Église qu'on a mis en leur langue » (vol. LX, p. 144). Le chant des antiennes entre hommes et femmes fut fréquemment utilisé. Des mélodies indigènes avec un minimum d'altérations s'ajoutèrent aux chants français. Des documents mentionnent la pratique du chant à quatre voix à Québec en 1646. L'accompagnement était assuré par des violes ou des violons apportés de France et probablement aussi par des flûtes traversières et des flûtes à bec. À partir du milieu du XVIIe siècle à Québec, un orgue servit à accompagner le chant. Jusqu'à l'époque de la domination britannique au Canada, le chant des hymnes fut de rigueur limité à l'éducation religieuse. Des hymnes étaient chantés mais sans les fidèles dont la participation était limitée à certains répons liturgiques.
Avec l'arrivée des colons protestants dans les Maritimes et dans les Canada, une diversification considérable prit place. La tradition des psaumes métriques fut cultivée principalement par les presbytériens, les anglicans, les luthériens et, plus tard, par les méthodistes et, peu à peu, ces groupes (et aussi les baptistes et les congrégationnalistes dans une certaine mesure) assimilèrent les nouveaux hymnes, réfléchis et éducatifs (incluant des textes de Watts, Newton et les Wesley), dans leurs répertoires. Avant le début du XIXe siècle, les hymnaires et les psautiers étaient importés et la plupart n'incluaient pas la musique. L'emploi d'un « precentor » pour amorcer le chant et le procédé du « lining-out » - les chanteurs reprenant chaque ligne d'un hymne après un precentor ou un professeur - sont fréquemment mentionnés. Le même air pouvait être chanté sur une variété d'hymnes différents, car il existait peu de modèles métriques. Par l'emploi de méthodes de lecture à vue parues dans des collections importées et dans les recueils d'airs les plus anciens publiés à l'échelle locale, parfois aidés par le mouvement des écoles de chant, plusieurs adultes et enfants devinrent familiers avec un fonds de base d'airs et de textes, se joignant à ces dernières, non seulement à l'église mais avec des groupes à la maison ou en société.
Vers le XIXe siècle, des mélodéons et des orgues firent leur apparitions dans les églises, supplantant les flûtes et les basses de violes, et des choeurs furent constitués pour mener le chant. Le rôle du precentor déclina à mesure que ceux de l'organiste et du maitre de chapelle s'imposèrent.
Dans Old-Time Primitive Methodism in Canada 1829-84 (Toronto 1894), Mme F.R. Hopper décrivit le chant à l'église méthodiste de la rue Bay à Toronto : « George McCluskey était à la basse de viole tandis que Henry Harrison jouait la flûte et Robert Walker le mélodéon. George McCluskey n'était jamais aussi heureux qu'en louant Dieu sur <cordes et flûtes> accompagnées de <cymbales retentissantes>. » Elle commenta ainsi le chant à l'église de la rue Carlton (v. 1890), faisant remarquer qu'il « est considéré l'égal de celui de Toronto, et malgré qu'il soit tendre et artistique, il suscite la dévotion ».
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la conjugaison de plusieurs facteurs stimula le chant des hymnes. Les plus importants furent l'arrivée de musiciens de formation, venus d'Angleterre, d'Écosse et des États-Unis et la fondation d'écoles de musique. Presque toutes les églises dans les cités et villes possédaient un orgue; des mélodéons et des pianos se trouvaient dans les églises à la campagne. Dans les maisons pieuses, les familles se réunissaient souvent autour d'un mélodéon ou se joignaient à une flûte ou un autre instrument de musique pour chanter des hymnes. Mme Hopper évoque son propre foyer : « Mon père aimait chanter : il avait une flûte et jouait en lisant la musique; ainsi nous consacrions généralement tous les dimanches après-midis au chant religieux. Ma mère ne pouvant chanter, elle disait elle-même que le seul air qu'elle connaissait était Balerma et elle le chantait sur <Oh, for that tenderness of heart>. Elle croyait chanter Balerma mais j'ignore encore aujourd'hui si c'étaient les mots ou la musique qu'elle avait à l'esprit au sujet de Balerma. Il n'y avait rien au monde pour égaler cet air. »
Méthodistes et luthériens furent contraints de promouvoir le chant avec vigueur. Dans The Doctrines and Disciplines of the Methodist Church (Toronto 1884), les directives sont claires et sans équivoque :
i) Choisissez des hymnes propres à la circonstance et n'en chantez pas trop à la fois; rarement plus que cinq ou six versets.
ii) Que l'air soit adapté aux paroles; ne permettez pas aux fidèles de chanter trop lentement. Exhortez chaque membre de l'assemblée à chanter.
iii) Rappelez fréquemment aux fidèles l'importance de cette partie du culte religieux et exhortez-les à « chanter avec âme et intelligence ».
iv) Recommandez notre hymnaire, et confiez à une personne compétente la direction du chant.
Le livre en question était probablement le Methodist Tune Book (Toronto 1881).
Le chant figurait au moins trois fois à chaque office du « Jour du Seigneur » (il incombait au surintendant d'exercer le contrôle en cette matière dans tout son circuit) et beaucoup plus souvent que dans la vie quotidienne des méthodistes. Tous n'étaient pas séduits par l'ubiquité du chant méthodiste. Dans It Blows, It Snows (Dublin 1845), un voyageur parcourant le Canada qui s'identifia par les initiales C.H.C. se plaint que « L'habitude inconsidérée... de chanter des hymnes et des psaumes à tout propos... est pratiquée au sein de presque chaque congrégation religieuse, bien que je trouve que son observance par les secteurs méthodistes de la communauté serait appropriée à un plus grand nombre... que n'importe quel autre. L'étranger... ne doit pas prendre pour acquis... qu'il soit pratiqué pour exprimer l'intention de communier avec l'Auteur spirituel de toute consolation, ou pour faire résonner bien haut l'immensité de Ses louanges, car tel n'est pas toujours le cas; la musique sert uniquement à... l'amoindrissement des inconvénients corporels... incitant les forces de l'esprit à contribuer au fardeau des opérations. La colerette plissée qui entoure le cou d'une dame ne peut pas être empesée en travers des restrictions symétriques du fer italien sans un hymne. Les mouvements du barattage sont inefficaces sans une incantation. Et le soupir plaintif des soufflets est inefficace à attiser le feu à moins d'être accompagné d'une formule doxologique. »
Mais que C.H.C. ait apprécié ou non la coutume, le chant d'hymnes était intimement intégré à la vie de tous les jours des Canadiens.
Avec la venue de l'orgue, l'accompagnement des hymnes devint la prérogative de l'organiste. Dans la plupart des églises protestantes, l'organiste jouait l'air une fois au complet, après quoi l'assemblée se levait et le chantait - il était exceptionnel pour une congrégation de demeurer assise - pendant que l'organiste reprenait la même musique pour tous les versets. Il arrivait parfois qu'un brave organiste ignore cette reprise obligatoire pour improviser une courte phrase dans le style de l'air, prétendant que cela suffisait pour établir le tempo et le registre du chant.
À la fin du XIXe siècle, l'influence du chant évangélique se faisait sentir et au début du XXe siècle, les collections d'hymnes et d'airs propres aux différentes dénominations incorporaient certains chants évangéliques des É.-U. parmi les mieux connus, parfois avec l'appréhension d'un affront à l'endroit des idées traditionnelles quant à l'opportunité et le bon goût. Ces développements ne devaient cependant s'avérer qu'une simple indication de la popularité qu'allait connaître le chant d'hymnes avec l'arrivée de la radio et des disques et, plus tard, avec la révolution pop des années 1960.
Les émissions à la SRC des Choristers de W.H. Anderson dans les années 1930, 1940 et 1950 et des offices du dimanche en provenance d'importantes églises canadiennes dotées de bons choeurs atteignirent un haut niveau d'excellence qui influença le chant d'hymnes. Ce haut niveau fut maintenu - dans des programmes avec un contenu pop toujours croissant - avec la venue de la télévision par Eric Wild (plus tard Winnifred Sims) avec « CBC Hymn Sing » qui débuta en octobre 1965. Dans les années 1970, le Choeur Mendelssohn de Toronto dirigé par Elmer Iseler donna plusieurs concerts entièrement consacrés aux hymnes. Des cours de musique sacrée dans des universités et collèges confessionnels et des ateliers de chant choral organisés par ces établissements et par les fédérations chorales provinciales (voir aussi Chant choral), formées dans les années 1960 et 1970, s'intéressèrent au répertoire de l'hymne comme le firent certains congrès des Églises à l'égard des organistes et des maîtres de chapelle. Certains festivals-concours ajoutèrent à leurs programmes une catégorie hymne. La sécularisation de l'éducation publique raréfia indirectement le chant des hymnes à l'école mais l'élévation des normes des écoles de musique exerça indirectement un effet bénéfique sur le chant des hymnes dans d'autres cas.
Dans l'Église catholique romaine, le chant d'hymnes dans la langue vernaculaire ne fut d'abord utilisé que pour encourager les dévotions privées et les fonctions extraliturgiques, même s'il était entendu dans les églises de missions et dans les églises des Néocanadiens, surtout des Ukrainiens catholiques et d'autres fidèles de rite oriental. Mais un changement remarquable survint lors de Vatican II : le chant d'hymnes devint officiellement le privilège des fidèles. Par la suite, la participation de l'assemblée au chant religieux en vint à être encouragée activement et la messe à être chantée dans la langue vernaculaire.
Chez les Catholiques romains anglophones du Canada, les principaux hymnaires utilisés après Vatican II furent le Catholic Book of Worship (Toronto 1972). Parmi plusieurs hymnaires utilisés par les francophones, le Livret des fidèles (Montréal 1966) fut probablement le plus répandu. Des hymnaires maison existent également. Living with Christ, An Aid to Personal and Family Devotions du père Stephen Somerville, publié six fois l'an par Novalis à Ottawa, a beaucoup encouragé le chant d'hymnes. Non seulement contient-il un choix d'hymnes anciens et nouveaux pour usage au foyer, mais il présente aussi de nouveaux répons musicaux pour la liturgie.