Impressionnisme
Impressionnisme. Terme associé à l'oeuvre d'un groupe de peintres français à la fin des années 1800, plus particulièrement Renoir, Monet, Pissarro et Sisley, qui tentèrent de capter certaines caractéristiques fuyantes de leurs sujets - habituellement des paysages, des intérieurs ou des individus - par la reproduction de vibrations et d'ombres passagères causées par la réfraction d'une lumière changeante.
En musique, le terme fut d'abord utilisé pour décrire les oeuvres de Claude Debussy, lesquelles cherchent à recréer les images, ambiances et sonorités fuyantes de la nature par une utilisation de la mélodie et de l'harmonie fondée sur la couleur (plutôt que sur l'exposition ou la structure), de même que par un emploi subtil des timbres instrumentaux et vocaux. Dans la musique pour piano de Debussy cette préoccupation se traduisit par de nouvelles applications du toucher et des techniques de la pédale.
Jean Blake Robinson (Coulthard) fut parmi les premières à présenter la musique de Debussy au Canada. On sait qu'elle joua plusieurs de ses pièces pour piano vers 1908 et s'attira une critique favorable pour son exécution en 1910 de Jardins sous la pluie (1903). Le Toronto String Quartette et le Quatuor à cordes Dubois de Montréal avaient déjà joué le Quatuor de Debussy dans leur ville respective en 1912. Alberto Guerrero, fixé à Toronto en 1919, fut également un remarquable interprète de Debussy. Le Prélude à l'après-midi d'un faune fut joué à Montréal en 1919 par l'orchestre invité de la Société des concerts du Cons. de Paris sous la direction d'André Messager, tandis que Nuages et Fêtes y furent exécutés en 1921 par l'OS de Boston dirigé par Monteux. Le Choeur Mendelssohn de Toronto chanta La Damoiselle élue en 1921. Harry Adaskin et Frances Marr jouèrent très fréquemment la Sonate de Debussy (et la Sonate n 3 de Delius au cours des années 1930). Le pianiste Léo-Pol Morin, associé à la mezzo-soprano Cédia Brault et au violoniste Robert Imandt, organisa le premier festival de musique de Debussy au Canada en 1927 à Montréal, où il avait commencé à jouer des oeuvres de ce compositeur dès 1918. Stanley Gardner fut aussi parmi les premiers interprètes de la musique pour piano de Debussy.
Des pièces de W.O. Forsyth et J.H. Anger, au début du siècle, révèlent une tendance impressionniste provenant moins de Debussy que de sources indirectes anglaises telles que Frederick Delius et Cyril Scott. Au Canada français, l'influence de l'impressionnisme se fit aussi sentir après 1910, notamment dans Trois Préludes et Chevauchée pour piano de Rodolphe Mathieu, et plus tard, dans une certaine mesure, dans des oeuvres de Champagne, Gagnier et Gratton. Mathieu et Champagne étudièrent à Paris; le premier avec Roussel, d'Indy et Aubert, le second, plus influent, avec André Gédalge qui avait fréquenté la classe de Massenet avec Debussy. Gédalge allait plus tard devenir le professeur de Ravel, Milhaud et Honegger. Il enseigna à Champagne le contrepoint et la fugue. Dans des oeuvres telles que Suite canadienne (1922), Images du Canada français (1943) et Symphonie gaspésienne (1945), Champagne fusionna le caractère modal de la musique folklorique de son pays, le classicisme de la polyphonie traditionnelle et la subtilité sensuelle de l'impressionnisme.
Parmi les élèves de Champagne, François Morel, dans Esquisse (1947) et Antiphonie (1953), se révéla un néoimpressionniste et même ses oeuvres subséquentes traduisent son intérêt pour l'impressionnisme par des nuances recherchées de timbre et de couleur. Dans les oeuvres d'un autre élève de Champagne, Gilles Tremblay - particulièrement celles des années 1970 : Solstices, Oralléluiants, Compostelle I - la recherche d'harmoniques et de sons constituant un sous-produit évanescent plutôt qu'un simple résultat du jeu instrumental atteint à une sorte d'impressionnisme abstrait fondé sur le caractère éphémère et mystérieux du son lui-même.
Les premières oeuvres de Leslie Mann et la plus grande partie de la production de Jean Coulthard (et de plusieurs de ses élèves, dont Michel Conway Baker) tiennent beaucoup de l'impressionnisme. Norma Beecroft a reconnu l'influence qu'a eue Debussy sur elle dès le début de sa carrière et qu'il a continué d'avoir par la suite. Même dans son « concerto grosso », les Improvvisazioni Concertanti n 2, l'effet principal ne provient pas tant de la structure que d'une impression de structure, d'une structure répondant à des lois inconnues et qu'on aurait à peine esquissée. Cet effet de déséquilibre est accentué par les improvisations des solistes.
Il faut aussi mentionner brièvement le nouvel impressionnisme né en Europe à la fin des années 1950 avec, entre autres, Krzysztof Penderecki et György Ligeti. Ce style, qui affiche une prédilection pour les nuances douces et les agrégations sonores chromatiques de durées diverses à l'intérieur d'un cadre statique, n'eut pas d'influence au Canada avant la fin des années 1960. Dès lors, on le trouve surtout dans les oeuvres de Harry Freedman (Graphic I, Graphic II), R. Murray Schafer (Epitaph for Moonlight), André Prévost (Évanescence), Derek Healey (The Lost Traveller's Dream) et John Wyre (Utau Kane NoWa), pour n'en nommer que quelques-uns.