Jeremy Dutcher, chanteur, compositeur, pianiste (né le 8 novembre 1990 dans la Première Nation de Tobique au Nouveau-Brunswick). Jeremy Dutcher est un Wolastoqiyik membre de la Première Nation de Tobique (voir aussi Premières Nations au Nouveau-Brunswick). Jeremy Dutcher est un artiste et compositeur qui est passionné par l’idée de faire découvrir au public la diversité des cultures et des langues autochtones afin de les célébrer, de les préserver et de les renforcer. Il s’identifie comme bispirituel et il travaille à favoriser une meilleure compréhension et une plus grande acceptation des questions de genre.

Jeunesse
Jeremy Dutcher est un Wolastoqiyik de la Première Nation de Tobique (Neqotkuk), qui est située dans l’ouest du Nouveau-Brunswick près de la frontière avec le Maine. C’est la plus grande réserve rurale des six réserves du Nouveau-Brunswick de la nation Wolastoqiyik. La mère de Jeremy Dutcher, Lisa Perley-Dutcher, lui apprend à parler la langue wolastoqey et à comprendre et respecter la culture et les traditions des Wolastoqiyik.
Toujours intéressé par la musique, Jeremy Dutcher travaille avec Maggie Paul, une aînée et porteuse de chants. Elle lui apprend des récits et des chants traditionnels en langue wolastoqey. Il s’intéresse également au théâtre et il apprend à jouer du piano de lui-même.
La famille de Jeremy Dutcher déménage à Fredericton, mais il passe toujours ses étés dans la Première Nation de Tobique. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il fréquente l’Université Dalhousie à Halifax, où il étudie l’anthropologie et la musique et suit une formation de ténor d’opéra.
Wolastoqiyik Lintuwakonawa
Pour créer les chansons de son premier album, Jeremy Dutcher suit les conseils de Maggie Paul et il consacre deux semaines à effectuer des recherches au Musée canadien de l’histoire à Gatineau au Québec. Il écoute de la musique wolastoqiyik qui a été enregistrée sur des cylindres de cire entre 1907 et 1913 par l’anthropologue William Mechling. Il explore également le travail du linguiste et anthropologue Philip LeSourd, qui, comme William Mechling, a enregistré des histoires wolastoqiyik.
Jeremy Dutcher entre ensuite en studio et il mélange des échantillons des enregistrements sur cylindre de cire des anciennes chansons avec de la musique originale. Son objectif est de créer un disque qui sera accessible aux jeunes tout en suscitant un intérêt pour les histoires, les chansons et la culture traditionnelles. Il espère contribuer à revitaliser la langue en enregistrant l’intégralité de l’album en wolastoqey. Ses chansons parlent d’amour, de mariage, de marchandage, d’eau, de canot et d’établissement d’un nouveau chef.
En avril 2018, après cinq ans de recherche et de travail, l’album de Jeremy Dutcher sort et il est largement acclamé. Un critique musical écrit : « Les chansons qui ont été redécouvertes, récupérées et ravivées ici sont belles, festives et très vivantes. » Les historiens et les anthropologues font également l’éloge de l’album. La Society for Cultural Anthropology observe : « Il démontre le potentiel créatif de la recherche d’archives et il offre une leçon sur l’importance de respecter la souveraineté et le refus des Autochtones. »
Lors d’un gala à Toronto en septembre 2018, l’album Wolastoqiyik Lintuwakonawa remporte le prix de musique Polaris de 50 000 $ pour l’album de l’année. Le prix est basé « uniquement sur le mérite artistique, sans considération du genre ou des ventes ». Dans son discours de remerciement, Jeremy Dutcher déclare, une plume à la main, que le Canada est en pleine renaissance autochtone. Il demande si le pays est prêt à entendre les vérités qui doivent être dites et à voir les choses qui doivent être vues.
Lors des prix Juno 2019 récompensant les réalisations de la musique canadienne, Jeremy Dutcher interprète la chanson « Sakomawit ». Son album Wolastoqiyik Lintuwakonawa remporte le prix de l’album de musique autochtone de l’année. En acceptant son prix, Jeremy Dutcher déclare : « J’espère pouvoir continuer à partager et à utiliser cette plateforme pour dire la vérité. Nous pouvons tous faire mieux. »
Ses performances télévisées et ses prix suscitent un intérêt accru pour les concerts de Jeremy Dutcher au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Europe. Un NPR Tiny Desk Concert de Jeremy Dutcher est visionné plus de 101 000 fois. De plus, il collabore avec Yo-Yo Ma et il fait une prestation à la fête du 75e anniversaire de Joni Mitchell.
En 2022, la mère de Jeremy Dutcher, Lisa Perley-Dutcher, fonde Kekhimin, une école d’immersion en langue wolastoqey à Fredericton. Jeremy Dutcher fait un don de 10 000 $ à l’école et il organise des concerts-bénéfice pour amasser davantage de fonds. Sa mère est la directrice de l’école. L’objectif est de revitaliser la langue qui n’est parlée couramment que par moins de 100 personnes à cette époque.
Diversité des genres
Jeremy Dutcher s’identifie comme bispirituel. À travers ses chansons, ses performances et son travail médiatique, il aborde la manière dont la colonisation a introduit l’homophobie et la transphobie chez les peuples autochtones, dont beaucoup n’avaient auparavant aucune notion de ce qu’était le genre binaire. Jeremy Dutcher fait remarquer que la langue wolastoqey n’a pas de pronoms basés sur le genre. Il déclare : « J’espère être cette belle complication pour les gens… Cela fait partie du remède que je veux offrir… Ce n’est pas seulement une question de musique. »
La détermination de Jeremy Dutcher à amorcer des conversations au sujet des genres se manifeste dans son choix de porter un short de taille haute et une longue cape transparente au gala télévisé Polaris 2018, dans le cadre du programme du prix de musique Polaris. Il explique que cette tenue fait partie de sa célébration de la culture parce que « ceci EST la culture, vous comprenez? Les personnes bispirituelles et les personnes de divers genres ont toujours fait partie de nos cercles. »
Jeremy Dutcher est de retour avec cette énergie d’esprit à la télévision en 2022 lorsqu’il devient juge invité pour la troisième saison de Canada’s Drag Race.
Motewolonuwok
Jeremy Dutcher sort son deuxième album, Motewolonuwok, en octobre 2023. Bien qu’il ait créé son premier album spécifiquement pour sa communauté et pour un public autochtone, le succès plus large de l’album lui a appris que d’autres peuvent également être invités à participer à la conversation, alors l’album Motewolonuwok présente certaines chansons en langue wolastoqey et d’autres en anglais. Certaines chansons sont ses propres compositions. Plusieurs chansons abordent des sujets difficiles, comme « Ancestors Too Young », une chanson qui parle du taux élevé de suicide chez les jeunes autochtones (voir Suicide chez les Autochtones au Canada).
L’album de Jeremy Dutcher reçoit de nombreuses critiques enthousiastes. Motewolonuwok remporte le prix de musique Polaris de 2024 pour l’album de l’année, faisant de Jeremy Dutcher le premier artiste à remporter ce prix à deux reprises. Son émouvante prestation à l’émission télévisée du Polaris démontre la passion de sa musique et sa gamme et ses capacités vocales spectaculaires.
L’album Motewolonuwok est en nomination pour un prix Juno en 2024 dans la catégorie de l’album alternatif adulte de l’année. Jeremy Dutcher conquiert un autre auditoire national lorsqu’il interprète « Honor Song » lors de l’émission de remise des prix. En 2024, l’Université Nipissing, à North Bay en Ontario, décerne à Jeremy Dutcher un doctorat honorifique en éducation.