Kenins, Talivaldis
Talivaldis Kenins. Compositeur, professeur, pianiste, organiste (Liepaïa, Lettonie, 23 avril 1919 - Toronto, 20 janvier 2008, naturalisé canadien 1956). B. ès L. (Champollion) 1939, premier prix (Conservatoire de Paris) 1950. Le père de Talivaldis Kenins est diplomate letton, poète et traducteur de Baudelaire et de Verlaine, et sa mère, écrivaine. Kenins commence à jouer du piano à cinq ans et compose dès l'âge de sept ans. Il poursuit ses études de piano en France tout en se préparant à la carrière diplomatique au Lycée Champollion à Grenoble. Il étudie ensuite le piano et la composition au Conservatoire d'État à Riga auprès de Joseph Wihtol (1940-1944). Après la Deuxième Guerre mondiale, les Soviétiques occupant la Lettonie, il part poursuivre ses études au Conservatoire de Paris (1945-1951), où il a pour professeurs Simone Plé-Caussade (contrepoint), Olivier Messiaen (analyse et esthétique) et Tony Aubin (composition). Exécutée à la salle Gaveau en 1950, sa Sonate pour violoncelle et piano lui vaut le premier prix du conservatoire. La même année, Hermann Scherchen dirige son Septuor (1949) lors des Ferienkurse für Neue Musik de Darmstadt.
Talivaldis Kenins s'établit au Canada en 1951 pour assumer les fonctions d'organiste et de maître de chapelle pour la congrégation lettone de l'église luthérienne Saint Andrew's à Toronto. Il fonde le Saint Andrew's Latvian Choir (un des principaux chœurs du genre en Amérique du Nord), qu'il dirige jusqu'en 1958. Il est aussi fondateur et président de la Latvian Concert Association de Toronto en 1959.
Talivaldis Kenins commence à enseigner à l'Université de Toronto en 1952 et y est coordonnateur des classes de composition de 1977 à 1979; il est nommé professeur émérite à sa retraite en 1984. Walter Kemp, Edward Laufer, Bruce Mather, Ben McPeek et Arthur Ozolins ont été ses élèves. Kenins est l'un des compositeurs du Canada à avoir reçu le plus de commandes, en grande partie parce qu'il maîtrisait parfaitement son art et que sa musique avait quelque chose de communicatif.
Style
Vers la fin des années 1940 et pendant la décennie suivante, Talivaldis Kenins s'efforce de concilier son romantisme naturel et le néoclassicisme acquis durant sa formation française : il subordonne à la logique tonale des passages chromatiques, où dissonance et consonance s'opposent, et contrôle sévèrement l'effervescence et l'allure de toccata de ses mouvements rapides. De même, le contrepoint vient stabiliser le style concertant qui domine son langage musical. Durant les années 1960, la surabondance de notes et le style parfois chargé font place à une plus grande transparence et à des lignes mélodiques plus ténues. Si le contrepoint rappelle la formation générale, les fugues se raffinent, et le passage de chœur « Still the spirit of the sorceress » de Lagalaî laisse pressentir que Kenins réussira plus tard à intégrer le style fugué à la trame de ses œuvres. Dans ses compositions des années 1970, il rompt consciemment avec le conservatisme qu'il a défendu si âprement jusqu'alors, et s'intéresse de plus en plus aux possibilités de la « batterie ». Dans sa Symphonie no 4, pièce concertante pour percussions et ensemble, le contrepoint linéaire fait place à des groupes de clusters et à l'exploitation accrue des possibilités de la couleur et de la musique aléatoire.
La sixième symphonie, Sinfonia ad fugam, est encore plus révélatrice : s'inspirant des thèmes de la fugue en do dièse mineur du Clavier bien tempéré (Livre I), Talivaldis Kenins effectue une synthèse sereine des approches linéaires, concertantes et aléatoires. De même, la citation constitue l'élément central des Beatae voces tenebrae, où Bach, Beethoven, Liszt et Fauré sont appelés à une méditation autour des thèmes de la mort et de l'éternité. Par la suite, Talivaldis Kenins ne se livre plus à de tels emprunts, sauf dans la Symphonie no 7, où les mouvements vocaux sont inspirés de Bach; il s'agit d'une œuvre particulièrement personnelle puisqu'elle est inspirée de textes poétiques de son père et Kenins y fait par ailleurs montre d'une maîtrise encore accrue des formes contrapuntiques, en l'occurrence la passacaille. D'autres compositeurs lettons nés avant la Deuxième Guerre mondiale et ayant émigré dans les années 1940 ont donné dans le genre romantique-nationaliste. Pas Kenins : formé dans le courant musical dominant de l'époque et marqué par la sensibilité française, il a évolué au point de produire des œuvres de musique de chambre comme Quatuor avec piano no 2 et Concerto pour 14 instruments qui sont la quintessence d'un maître reconnu mondialement.
En 1989, RCI lui a consacré dans son Anthologie de la musique canadienne un coffret de quatre CD (4-ACM 33), qui contient en outre une conversation entre le compositeur et le critique montréalais Eric McLean. Un autre CD, Music of Talivaldis Kenins, a été produit par Centredisques en 1997 (CMCCD-5997), et CBC Records a utilisé sa musique pour Ovations, Vol. 3 (PSCD 2028-5). En 1990, Talivaldis Kenins a été le sujet d'un documentaire réalisé en Lettonie par le studio « Riga » et la radio-télévision lettonienne. L'Académie de musique de Lettonie l'a nommé professeur honoraire. Un festival de sa musique a eu lieu à Riga en 1994.
Talivaldis Kenins était membre de la Ligue canadienne des compositeurs (dont il a été président en 1973-1974) et compositeur agréé du Centre de musique canadienne.
COMPOSITIONS (Sélection)
Orchestre
Concerto : 1946; piano, orchestre moyen; ms.
Scherzo Concertante : 1953; ms.
7 Symphonies : 1959-1980; ms; (no 4) CBC SM-293 et 4-ACM 33 (Orchestre de la SRC à Vancouver).
Folk Dance and Fugue no 1 : 1964; ms; (v. 1965) Album of the Second Latvian West Coast Song Festival TB-2505 (Orchestre symphonique de Portland).
Concerto : 1965; violon, violoncelle, orchestre à cordes; ms.
Nocturne and Dance : 1969; orchestre à cordes; B & H.
Chants of Glory and Mercy « Gloria » (liturgie, textes divers) : 1970; SATB, soliste, orchestre; ms.
Fantaisies concertantes : 1971; piano, orchestre; ms.
Concerto : 1974; violon, orchestre; ms; CBC SM-293 et 4-ACM 33 (CD) (Staryk).
Naaènaaèa : 1975; grand orchestre; ms.
Sinfonietta : 1976; ms; (v. 1977) World Records WRC-249 (North Toronto Collegiate Orchestra, D. Ford chef d'orchestre), Latvian Heritage Foundation CRSV-2656 (Boston Pops).
Beatae voces tenebrae : 1977; ms; RCI 477 et 4-ACM 33 (CD) (B. Brott).
Sinfonia ad fugam : 1978; orchestre; ms.
Concerto da Camera no 1 : 1981; piano, flûte, clarinette, orchestre à cordes; ms; CSPS 3-1913 (Latvian Festival Ensemble, Strombergs chef d'orchestre).
Partita for Strings on Lutheran Chorales : 1983; ms; SMCD 5131, 1993.
Aria per corde : 1984; orchestre à cordes; ms.
Canzona-Sonate : 1986; alto, orchestre à cordes; ms.
Folk Dance and Fugue no 2 : 1986; ms.
Songs to the Almighty : 1986; mezzo (baryton), orchestre (orgue); ms.
Double Concerto : 1987; violon, piano, orchestre; ms.
Concerto : 1990; piano, orchestre à cordes, percussions; ms.
Honour and Freedom : 1991; orchestre; ms.
Musique de chambre
Septuor : 1949; clarinette, basson, cor, violon, alto, violoncelle, contrebasse; ms; CBC SM-135 et 4-ACM 33 (CD) (Barnes chef d'orchestre).
Sonate 1950; violoncelle, piano; ms; (v. 1968) Christophorus-Schallplatte SCGLV-75980 (Teichmanis violoncelle, Barth piano).
Sonate : 1955; violon, piano; ms; Masters of the Bow MBS-2002 (Bress), (v. 1977) Kaibala Stereo 60F03 (Lielmane violon, Balter piano).
Suite Concertante : 1955; violoncelle, piano; ms; (v. 1957) Latvian Music G-804-6098 (Naruns violoncelle, Dambrans piano), RCI 641 et 4-ACM 33 (CD) (Hoebig violoncelle, Tunis piano).
Diversions on a Gipsy Song : 1958; violoncelle, piano; ms; (v. 1962) Latrec 2783 (Treimanis violoncelle, Naruns piano).
Quatuor : 1958; piano, violon, alto, violoncelle; ms; RCI 471 et 4-ACM 33 (CD) (Quartet Canada).
Divertimento : 1960; clarinette (violon), piano; B & H 1970 (violon, piano); Dom S-69003 et 4-ACM 33 (CD) (Galper).
Concertante : 1966; flûte, piano; B & H 1972; 2-Dom S-69005 (Aitken flûte).
Concerto-Fantasy : 1976; orgue, percussions; ms.
Ancient Song : 1976; harpe; ms.
Chaconne on a Latvian Folk Theme : 1978; violon; ms; Genesee GRN-4252 (Lielmane).
Sextuor : 1978; basson, cordes; ms.
Sonate n<sup>o</sup> 2 : 1979; violon, piano; ms.
Festival Fanfares : 1981; ensemble de cuivres; ms; CSPS 1-1914 (Latvian Brass Ensemble).
Quintette : 1983; piano, basson; ms; RCI 636 (cassette) et 4-ACM 33 (CD) (Aide).
Concerto Barocco : 1985; deux violons; ms.
Suite en Concert : 1987; deux guitares, quatuor à cordes; ms.
Trio : 1989; violon, alto, violoncelle; ms.
Die Zauberklarinette : 1991; clarinette; ms.
Nonet : 1985-1993; hautbois, clarinette, cor français, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, piano.
Quintet : 1994; piano, cordes.
Clavier
Concertino : 1956; deux pianos; ms; (v. 1960) Latvian Heritage Foundation CSRV-2258 (les Gutberg).
Sonate no 1 : 1961; piano; Kalnajs-FH 1964; (v. 1967) Cor 850C-3763 (Dambrans), (v. 1964) Daina T-54067 (Leinvebers); (1969) RCI 366 (Morgen); (1974) CBC SM-301 et 4-ACM 33 (CD) (Ozolins).
Three Fugues : 1971; accordéon (orgue); Wat 1973.
Suite en ré : 1967; orgue; ms; Hilversum 84106, RCI 591 et 4-ACM 33 (CD) (Jos van der Kooy), (« Toccate », 1973) Venus 1009 (Rundans).
Sinfonia notturna : 1978; orgue; ms; 1984; Centredisques CMC-1784 et 4-ACM 33 (CD) (Wedd).
Sonate no 3 : 1985; piano; ms; 4-ACM 33 (CD) (Chou).
Sonate : 1988; deux pianos; ms.
Scherzo-Fantasy : 1989; orgue; ms.
Sept courtes pièces pour piano : Horse Rider, Tenderness, Little March, Diversities (no 9 et 12 ), The Juggler, The Sad Clown (1956-1969); éditions diverses; toutes enregistrées sur 2-Dom 69001 (Mould).
Trois courtes pièces pour piano : Little Romance (GVT 1956), Dance (FH 1961), Dreaming (FH 1966); toutes enregistrées v. 1974 sur Latrec 11074 (Naruns).
Autres œuvres pour piano, dont Bagatelle (FH 1975) et Bearlude for Alex (FH 1979).
Chœur
To a Soldier, cantate (I. Viksna) : 1953; mezzo, baryton, SATB, orgue; Kalnajs 1953; (v. 1955) Daina 1008-A (The Shield of Songs).
« Bonhomme! Bonhomme! » (traditionnel) : arr 1962; SATB; FH 1964; CBC SM-19 et 4-ACM 33 (CD) (Festival Singers).
« Ojibway Song » : 1964; SATB; FH 1964.
« Lakstîgala kroni pina » (chanson folklorique lettonne) : 1966; SSAA, kokles; ms; (v. 1966) Monitor MFS-495 (Latvian Ensemble of New York).
Trois chansons : « The Carrion Crow », « Land of the Silver Birch », « The Maiden's Lament » (arr 1967); GVT 1967; (v. 1968) Arc 260 (Hart House Glee Club).
Piae Cantiones Novae, cycle de mélodies : 1969; SATB; Wat 1969.
Lagalaî « Legend of the Stone », drame de chambre (U. Fogels) : 1970; SATB, flûte, cor, percussions; ms.
Cantata Baltica (A. Viirlaid, trad T. Ene Moks) : 1974; basse (contralto), SATB, deux trompettes, timbale, orgue; ms.
Alleluia : 1981; SATB; ms.
Nombreuses autres œuvres pour chœur, beaucoup sur des textes lettons, certaines enregistrées sous étiquettes Sutton, Venus, Daina et Harmonia, d'autres à des festivals de chansons lettonnes au Canada et aux États-Unis, distribuées par les Latvian Song Festival Associations du Canada et des États-Unis.
Voix
Nombreuses œuvres pour voix, la plupart sur des textes lettons. Plusieurs ont été enregistrées pour des étiquettes telles que DC Recordings (New York), DVRV Recordings (Allemagne), Imantica Productions (Suède), KRC Sound Recordings (Detroit) et Latvian Music (Kalamazoo, Mich. et Stockholm). Les pièces vocales enregistrées comprennent Ai zaïajâ ïîdaciòa, Bçrns, Burvîbas vieta, Ej saulîte drîz pie Dieva, Ganinð gana ceïmaïâ, Kas cilvçks ir bez tçvîjas, Miestiòð, Òem mani lîdz, Pieci gadi kalpiòð biju, Vecais burinieks, Virpuïu jûra, Glâsts.
Écrits
« Mon plus grand succès : Symphonie no 1 pour orchestre de chambre », Compositeur canadien, 31 (juillet-août 1968).
KENINS et Godfrey RIDOUT dir., Célébration (Toronto 1984).
Bibliographie
« Le Professeur Talivaldis Kenins : de la diplomatie à la composition », Compositeur canadien, 22 (octobre 1967).
« Talivaldis Kenins : un portrait », Musicanada, 18 (avril 1969).
Valentins BERZKALNS, « Talivaldis Kenins », Latvju Muzika, 3 (1970).
CAPAC, « Talivaldis Kenins » (disque avec notices, 1975).
Danise Joy FERGUSON, « The Major cello works of Talivaldis Kenins », mémoire de M. Mus. (Université de Western Ontario, 1975).
Keith MacMILLAN et John BECKWITH, dir., Contemporary Canadian Composers (Toronto, 1975).
Gerald LEVITCH, « Talivaldis Kenins : un compositeur romantique après la lettre qui se perd dans un fouillis d'étiquettes », Compositeur canadien, 107 (janvier 1976).
Anita RUNDANS, « The Organ works of Talivaldis Kenins », Quarterly du CRCO (juin 1977).
W.H. KEMP, « Sacred choral music of Talivaldis Kenins », ibid.
Colleen GOULET, « Une retraite fort bien méritée », Compositeur canadien, 188 (février 1984).
Paul RAPOPORT, « The Symphonies of Talivaldis Kenins », Tempo, 157 (juin 1986).
Edgers KARIKS, « Talivaldis Kenins: Beatae voces tenebrae "Beautiful Voices of the Past" - issues and sources for a biographical and aesthetic study of Talivaldis Kenins », thèse de Ph.D. (Université d'Adelaide, 1989).
Ingrida ZEMZARE, Talivaldis Kenins: Starp Divâm Pasaulçm (Between Two Worlds), (Riga, Lettonie, 1994).
Paul RAPOPORT, « The piano music of Talivaldis Kenins », SoundNotes (automne-hiver 1994).