Article

Kondiaronk

Kondiaronk, chef des Tionontati (né vers 1649; décédé le 2 août 1701 à Montréal, au Québec). Connu sous plusieurs noms au cours de l’histoire, notamment Gaspar Soiaga, Souoias, Sastaretsi et Le Rat, Kondiaronk a été l’un des principaux courtiers de la Grande Paix de Montréal, signée en 1701. Cet accord de paix entre les Français et les Haudenosaunee a mis fin à près d’un siècle d’hostilités marquées par des atrocités des deux côtés. (Voir aussi Relations entre les Autochtones et les Français.)

L’identité ethnique de Kondiaronk

Bien que Kondiaronk soit souvent identifié comme un chef wendat (huron), il était Tionontati. Les Tionontati étaient appelés « Petun Huron » du vivant de Kondiaronk, au 17e et au début du 18e siècle. Les Wendats et les Tionontati étaient étroitement liés et faisaient partie d’un plus grand groupe d’Autochtones parlant l’iroquois qui vivaient dans l’Ontario d’aujourd’hui.

Relations avec les Premières Nations voisines

À l’époque de la naissance de Kondiaronk, en 1649, la guerre avec les Haudenosaunee (Iroquois) a forcé les Tionontati à se retrancher dans la région de Michilimackinac (les îles et les terres entourant le détroit de Mackinac, qui sépare le lac Huron du lac Michigan). Cette région abrite alors déjà plusieurs peuples algonquiens. Même si les Tionontati étaient amicaux et commerçaient avec les Algonquiens, ils étaient culturellement et linguistiquement distincts. Ces circonstances ont probablement joué un rôle important dans le développement des compétences diplomatiques de Kondiaronk.

Relations avec les Français

Kondiaronk attire l’attention des Français pour la première fois en 1682. En effet, il fait valoir qu’en tant que puissance européenne dominante dans la région, les Français doivent protéger les peuples autochtones de la région de Michilimackinac contre d’éventuelles attaques des Haudenosaunee. Toutefois, le gouverneur de la Nouvelle-France, Louis de Buade, comte de Frontenac (en mandat de 1672 à 1682, puis à nouveau de 1689 à 1698), refuse finalement d’accorder à Kondiaronk la protection qu’il demande. Les raids des Haudenosaunee contre les communautés wendat et tionontati se poursuivent ainsi sans relâche.

Jacques-René de Brisay, marquis de Denonville, qui est gouverneur de la Nouvelle-France de 1685 à 1689, envahit le territoire des Onöndowa'ga (Sénécas) en 1687. (Les Onöndowa'ga sont l’une des six Premières Nations qui composent la Confédération Haudenosaunee.) Kondiaronk obtient de lui la promesse que les Haudenosaunee seront détruits. Cependant, Kondiaronk croit que son peuple est toujours vulnérable aux attaques des Haudenosaunee. Il lève donc un groupe de guerre et se met en route en 1688 pour porter contre eux un coup défensif.

À son arrivée au fort Frontenac (aujourd’hui Kingston, en Ontario), Kondiaronk est surpris de découvrir que Denonville négocie en fait un traité de paix avec les Haudenosaunee, dont les diplomates doivent passer par là pour se rendre à Montréal. Au lieu de rentrer chez lui, comme on le lui conseille, Kondiaronk traverse le lac Ontario et intercepte la délégation onondaga. (Les Onondaga sont une autre Première Nation de la Confédération Haudenosaunee.) Kondiaronk et ses guerriers attaquent la délégation, tuent son chef, blessent plusieurs membres du groupe et font les autres prisonniers.

Dans cette situation, Kondiaronk fait preuve d’une incroyable ruse. Sachant que son peuple a été trahi par les Français, il dit aux Onondaga captifs que Denonville les a trahis. Lorsque l’ambassadeur onondaga, Teganissorens, déclare qu’ils sont en mission diplomatique de paix, Kondiaronk prétend ne pas le savoir et affirme qu’il a été trompé par les Français et poussé à attaquer les Onondaga. Kondiaronk libère alors les prisonniers Onondaga et leur offre des armes à feu, leur déclarant par le fait même qu’il ne pourrait jamais pardonner aux Français leur trahison et qu’il trouverait acceptable que les Onondaga se vengent. La ruse fonctionne, car les Onondaga offrent à Kondiaronk un accord de paix distinct. Les parties se séparent pour rentrer chez elles, et les Onondaga lui offrent un Shawnee d’adoption pour remplacer l’un de ses hommes tombés au combat, comme le veut la tradition chez les peuples autochtones de l’époque. Kondiaronk et sa bande traversent donc le lac une fois de plus. En passant devant le fort Frontenac, il crie à son commandant : « Je viens de tuer la paix; nous allons voir comment Onontio (le gouverneur de la Nouvelle-France) va se sortir de cette affaire. »

De retour à Michilimackinac, Kondiaronk présente au commandant français le Shawnee, qu’il décrit comme un captif Haudenosaunee. Le commandant, devant ces faits, décide de l’exécuter. Kondiaronk fait venir un esclave Onöndowa'ga pour qu’il assiste à l’exécution, mais lui explique la véritable identité du Shawnee. Après l’exécution, il libère l’esclave à la condition qu’il retourne auprès de son peuple pour parler de la trahison des Français et de leur mépris de la coutume autochtone. La stratégie de maître de Kondiaronk a fonctionné. Il a brillamment saboté la tentative des Français de conclure la paix avec les Haudenosaunee, tout en garantissant sa propre paix, et ce, sans que les Français soient mis au fait de ses actions.

Rôle dans la Grande Paix de Montréal

À partir de 1689, Kondiaronk est impliqué dans de nombreuses intrigues politiques. Il complote avec les Haudenosaunee contre les Odawa, se rend à Montréal en défiant les Français et anéantit la possibilité d’une alliance entre les Wendats, les Haudenosaunee et les Anglais. En 1697, lorsqu’il sent qu’une telle alliance menace son pouvoir, il tue 55 Haudenosaunee dans une embuscade en canot sur le lac Érié. Ce faisant, il contribue à rétablir sa proéminence et s’assure que les Wendats de Michilimackinac reçoivent le soutien des Français.

Le traité de Ryswick, signé en 1697, met fin à la guerre entre les Français et les Anglais en Europe, ce qui incite les gouverneurs de New York et de la Nouvelle-France à accepter de suspendre les hostilités. Le traité mène également à de nouveaux efforts pour négocier une paix entre les Français et les Haudenosaunee.

En 1700, le gouverneur de la Nouvelle-France, Louis-Hector de Callière, convoque une réunion à Montréal afin de conclure un armistice avant le règlement de paix définitif obtenu l’année suivante.

Le congrès de paix débute le 21 juillet 1701, lorsque l’historien Claude-Charles Le Roy de La Potherie, également le principal modérateur des délibérations, se rend à la mission de Kahnawake pour recevoir les représentants haudenosaunee. Une flottille de canots transportant les missions diplomatiques haudenosaunee de Cayuga, d'Onondaga et d'Onyota'a:ka (Oneida) fait son entrée, tandis que les représentants des Kanienʼkehá꞉ka (Mohawk) arrivent plus tard. Ils entreprennent diverses cérémonies et se réunissent en vue de leur rencontre le lendemain avec le gouverneur de Callière.

L’effort diplomatique comporte divers rituels et cérémonies. La réciprocité est une caractéristique majeure, tout comme les festins, l’échange de prisonniers, la distribution de cadeaux, les discours prolongés et les cigarettes. Le 22 juillet 1701, 200 canots amènent à Montréal environ 700 Autochtones alliés des Français, dont des émissaires et des diplomates des nations Chippewa, Odawa, Potéouatami, Wendat, Miami, Winnebago, Menomini, Sauk, Renard et Mascoutin. Le 25 juillet 1701, les négociations vont déjà bon train.

Pendant les négociations, toutefois, Kondiaronk tombe très malade à cause d’une épidémie qui sévit à Montréal. Au début des délibérations, le 1er août 1701, il est si mal en point qu’il ne peut même plus se tenir debout. On lui apporte un fauteuil et on lui offre du vin et d’autres boissons fortifiantes pour soutenir son esprit, car tous ceux qui se sont réunis souhaitent désespérément entendre ses sages conseils. Kondiaronk se ressaisit alors et parle pendant deux heures, racontant ses efforts pour protéger son peuple, récupérer les prisonniers et convaincre les délégués des Premières Nations de venir à Montréal. Son discours touche tous ceux qui l’entendent. Kondiaronk est ensuite transporté dans son fauteuil à l’Hôtel-Dieu de Montréal, où il décède quelques heures plus tard.

Le gouverneur de Callière accorde à Kondiaronk des funérailles grandioses. Il est enterré au cimetière de l’église Notre-Dame. Le lendemain de ses funérailles, la Grande Paix de Montréal est signée, mettant fin aux guerres iroquoises qui ont fait rage pendant presque tout le 17e siècle.

Reconnaissance

Kondiaronk est reconnu comme une personne historique nationale par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, qui est une agence de Parcs Canada. (Voir aussi Lieux historiques nationaux du Canada.) Une plaque fait mention de cette reconnaissance est située à la place de la Grande-Paix-de-Montréal, un espace public du Vieux-Montréal, un quartier de Montréal, au Québec. À cet endroit, Kondiaronk est reconnu pour le rôle de premier plan qu’il a joué dans « facilitation des négociations qui ont abouti à la conclusion de la Grande Paix de 1701 ».

Le belvédère au sommet du mont Royal de Montréal est également nommé en l’honneur de Kondiaronk. Une plaque dévoilée en 1997 explique la dédicace honorant Kondiaronk pour son rôle dans l’obtention de la Grande Paix de Montréal en 1701, ainsi que pour ses talents d’orateur, de politicien et de stratège militaire.