Article

La Première Force de Service spécial

La Première Force de Service spécial était un commando d’élite canado-américain formé pendant la Deuxième Guerre mondiale. Bien qu’elle n’ait existé que de juillet 1942 à décembre 1994, elle a participé à des opérations dans les îles Aléoutiennes, en Italie et en France et a acquis une réputation redoutable au sein des troupes allemandes. Elle est l’ancêtre de nombreuses forces spéciales du Canada et des États-Unis.

Lieutenant Kostelec, PFSS

Contexte

La première force de service spéciale (PFSS) tire ses origines du Commandement des opérations combinées dirigé par Lord Louis Mountbatten. C’est une petite unité d’élite capable de travailler derrière les lignes allemandes pour attaquer des cibles de haut niveau, comme les centrales hydroélectriques norvégiennes. Pour préserver les forces britanniques et norvégiennes, cette unité est composée de soldats américains et canadiens.

En juin 1942, le lieutenant-colonel américain Robert Frederick reçoit l’ordre de mettre sur pied et de commander cette nouvelle unité. Lui et son état-major entreprennent aussitôt de recruter des hommes capables de travailler en extérieur. La nouvelle unité est établie à Fort William Henry Harrison, dans le Montana, où le terrain accidenté et les conditions climatiques favorisent l’entraînement en montagne, en hiver et aux opérations aéroportées.

PFSS à l’entraînement au saut en parachute

Organisation

La PFSS, une unité comptant 2 300 soldats, est divisée en trois régiments de 600 hommes chacun. Chaque régiment se compose de deux bataillons, eux-mêmes subdivisés en trois compagnies de cent personnes. Ces compagnies sont elles-mêmes composées de trois pelotons. Un bataillon des services, exclusivement composé d’Américains, soutient les trois régiments. Il gère tous les aspects administratifs, médicaux et de maintenance de la force, ce qui permet à l’élément combattant de se concentrer sur son entraînement et, plus tard, sur le combat.

La composante canadienne de la PFSS porte le nom de 1er Bataillon canadien du service spécial. En pratique, cependant, les Américains et les Canadiens sont dispersés dans les trois régiments. Les 650 soldats et les 47 officiers canadiens représentent un tiers de l’élément combattant et environ la moitié des postes de commandement. En août 1942, le plus haut gradé canadien est le lieutenant-colonel Don Williamson, qui est le commandant adjoint de l’unité. Les membres de l’unité se désignent eux-mêmes sous le nom de « Forcemen ».

Armes

La PFSS utilise pour la plupart les mêmes armes légères que celles fournies aux autres unités de combat de l’armée américaine. La force utilise des mitrailleuses légères Johnson, également utilisées par les Marines américains. Les membres de la force aiment son poids léger, comparable à celui d’un fusil M1 Garand chargé, et sa cadence de tir pouvant atteindre 600 coups par minute. De nombreux soldats considèrent le « Johnny Gun » comme l’arme la plus précieuse qu’ils possèdent.

En tant qu’unité de type commando, les membres sont formés pour le combat corps à corps, pour lequel un couteau de combat s’avère essentiel. Robert Frederick et certains de ses officiers contribuent à la conception du couteau de combat commando, le type V-42, inspiré du couteau de combat britannique Fairbairn-Sykes. Le V-42 est doté d’une lame à double tranchant en acier au carbone capable de pénétrer un casque allemand.

Tenues et insignes

En plus des armes américaines, la PFSS utilise aussi des tenues de combat et de cérémonie américaines. La partie supérieure de la manche gauche de l’uniforme est ornée d’un insigne d’épaule en forme de fer de lance rouge, portant les inscriptions « USA » en blanc, horizontalement, et « CANADA » en blanc, verticalement. La tenue de cérémonie porte des flèches croisées sur les revers, surmontées d’un disque métallique portant l’inscription « U.S. » ou « Canada », et une patte d’épaule ou une aiguillette torsadée rouge, blanc et bleu sur l’épaule gauche. Un ovale en tissu à rayures horizontales bleu, blanc et rouge est apposé derrière les ailes américaines.

Îles Aléoutiennes

À l’automne 1942, Robert Frederick, désormais colonel, apprend que la PFSS participera à une invasion de Kiska, dans les îles aléoutiennes de l’Alaska, occupées par les Japonais depuis le début de juin 1942. En avril 1943, la force termine son entraînement amphibie en Virginie en prévision de l’opération. Elle quitte San Francisco en juillet.

La PFSS arrive deux semaines plus tard aux îles Aléoutiennes, au sein d’une force d’attaque conjointe américano-canadienne composée de 34 000 soldats et soutenue par des navires et des aéronefs. Le débarquement sur l’île de Kiska s’avère décevant, les Japonais ayant secrètement évacué l’île enveloppée de brouillard avant l’invasion.

La PFSS à Venafro

Italie

La PFSS s’engage ensuite dans la campagne d’Italie. Le 27 octobre, l’unité s’embarque sur le transport de troupes du Canadien Pacifique, l’Empress of Scotland (anciennement l’Empress of Japan). Elle débarque à Naples le 19 novembre et rejoint les troupes américaines sur la ligne de front.

Sa première mission consiste à capturer plusieurs avant-postes situés sur les sommets des montagnes faisant partie de la ligne Bernhardt, ou ligne d’hiver allemande, occupés par la 15e division d’élite de Panzergrenadier. Les tentatives précédentes des troupes américaines, britanniques et canadiennes ont échoué.

La PFSS attaque les positions allemandes sur deux hauts sommets : La Difensa devant et La Remetanea derrière. Tous deux ont une hauteur de 900 mètres. Robert Frederick confie la mission à son 2e Régiment.

La première nuit, les soldats escaladent pendant sept heures la falaise abrupte du mont La Difensa, transportant tout leur matériel, y compris l’eau, puis font une halte pendant la journée. La deuxième nuit, ils gravissent les derniers mètres et atteignent finalement le sommet. Le 3 décembre, à l’aube, ils donnent l’assaut, prenant ainsi par surprise les troupes allemandes.

Pendant les deux jours suivants, le 2e Régiment occupe le mont La Difensa, repoussant une contre-attaque allemande le matin du 4 décembre. Le lendemain, le 1er Bastion du régiment avance le long de la crête étroite menant au mont La Remetanea, situé environ 900 mètres au nord. Le bataillon essuie des tirs de mitrailleuses et de mortiers, mais persévère et atteint son objectif.

Le 8 décembre, les Alliés s’emparent de toutes les collines. La PFSS se bat avec courage et atteint ses objectifs dès sa première intervention, mais au prix de plus de 525 pertes. Après un court moment de repos, l’unité s’empare de trois autres hauteurs allemandes qui entravent l’avancée vers le mont Cassin. Un autre repos est accordé à l’unité, dont l’élément de combat compte maintenant 1400 morts ou blessés.

Anzio

Pendant ce temps, les troupes américaines et britanniques effectuent un débarquement amphibie à Anzio, à seulement 50 km au sud de Rome et à environ 115 km derrière les lignes de front allemandes. L’objectif consiste à ouvrir la route vers la capitale italienne. La mise en garde initiale du commandant américain mène à l’établissement d’un périmètre défensif plutôt qu’à une avancée vers l’intérieur des terres. Cela donne aux Allemands le temps de boucler la tête de pont, ce qui crée une impasse qui dure quatre mois.

Les Alliés consolident leur tête de pont en déployant des renforts, y compris la PFSS, sous le commandement du nouveau brigadier-général Frederick. La force débarque le 2 février, avec plus du tiers de ses effectifs manquants, et s’installe sur environ 13 km le long d’un canal.

Ne se contentant pas d’actions défensives, la force entreprend une série d’actions nocturnes pour tuer ou capturer le plus d’Allemands possible. Une patrouille revient avec un journal allemand dans lequel on peut lire : « Les “Diables noirs” sont partout autour de nous la nuit. Ils sont déjà sur nous avant même que nous les entendions arriver. » Le surnom reste.

Robert Frederick ajoute à ces craintes en imprimant des cartes de visite en allemand qu’il dépose sur les cadavres des soldats ennemis. Elles arborent l’insigne de l’unité et une phrase se traduisant par « Le pire reste à venir! »

Après le remplacement du commandant américain par un chef plus audacieux, les Alliés parviennent enfin à se libérer, ce qui correspond à la prise du mont Cassin. Pendant sa présence sur le front, la PFSS combat pendant 99 jours consécutifs.

La PFSS à Anzio

Rome

Le lieutenant-général Mark Clark, commandant de la 5e armée américaine, est tellement impressionné par la performance de la PFSS qu’il lui permet de mener l’entrée des Alliés à Rome. La force se fraye un chemin vers Rome et entre dans la ville le 4 juin. Elle franchit la ville et capture six ponts sur le Tibre avant 23 heures.

Le 23 juin, Robert Frederick annonce son départ de la PFSS et sa promotion au grade de major-général. Les soldats aguerris « pleurent comme des bébés » à cette annonce. Le colonel Edwin Walker le remplace.

Sud de la France

L’opération Dragoon déclenche une vaste opération amphibie dirigée par des soldats américains et français le long d’un tronçon côtier français de 60 kilomètres, entre Toulon et Cannes. La PFSS participe à l’opération pour s’emparer de deux petites îles allemandes, situées à environ 8 km de Toulon. Le 15 août, à 1 h 30 du matin, les membres de la force débarquent de leur bâtiment de transport et regagnent la terre ferme à bord de radeaux pneumatiques.

Les membres de la force débarquent silencieusement sur les deux îles et avancent face à une forte résistance ennemie. Sur l’île du Levant, le 2e Régiment traverse rapidement l’île et force 200 Allemands à se rendre. À Port-Cros, non loin de là, le 1er Régiment met deux jours à maîtriser ses défenseurs acharnés grâce à l’artillerie navale. La force débarque ensuite sur la Riviera et y reste jusqu’au 30 novembre.

Dissolution

Le 5 décembre, la PFSS défile dans un petit village près de Nice, où sa dissolution est annoncée. Au cours de sa brève existence, la force inflige environ 12 000 pertes à l’ennemi et capture 7 000 prisonniers.

Honneurs de guerre

La PFSS reçoit plusieurs flammes de campagne américaines et neuf décorations du drapeau canadiennes. Toutes sont autorisées à figurer sur les couleurs de l’unité. Ces campagnes sont les suivantes :

Mont Cassin
Mont La Difensa-Mont La Remetanea
Mont Majo
Anzio
Rome
Progression vers le Tibre
Italie, 1943-1944
Sud de la France
Nord-ouest de l’Europe, 1944

Le saviez-vous?
La PFSS s’étant dissoute à la fin de la guerre, aucune unité ne perpétue ses honneurs de guerre, jusqu’à la création du Régiment aéroporté du Canada (RAC) en 1968. Lors de la dissolution du RAC en 1995, ces honneurs retombent dans l’oubli. En 2006, le Régiment d’opérations spéciales du Canada (ROSC) est créé et, en 2008, il obtient l’autorisation de préserver les honneurs de la PFSS.


Lieutenant-colonel Akehurst et sergent Prince

Héritage

En septembre 1999, on rebaptise la route principale reliant Helena, au Montana, à Lethbridge, en Alberta, « First Special Service Force Memorial Highway ». C’est la principale voie empruntée par les soldats canadiens pour rejoindre leurs camarades américains en formation à Fort William Henry Harrison.

Le 3 février 2015, le gouvernement américain remet la Médaille d’or du Congrès à la PFSS en reconnaissance de ses accomplissements pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit de la plus haute distinction civile décernée par le Congrès.

Devil’s Brigade (La Brigade du diable)

La PFSS fait l’objet d’un film américain, The Devil’s Brigade (1968) (v.f. La Brigade du diable), inspiré d’un livre du même titre de Robert H. Adleman et George Walton. Le film met en scène le processus d’entraînement et la mission de prise du mont La Difensa pendant la campagne d’Italie. Considéré par beaucoup comme un classique du cinéma de guerre, il est critiqué pour ses inexactitudes historiques, notamment ses stéréotypes culturels et son scénario inventé de toutes pièces sur l’animosité entre Canadiens et Américains durant l’entraînement de la PFSS.

;

Collections associées