Le lac Crawford est un petit plan d’eau profond situé à Milton, dans le sud de l’Ontario. Le lac se trouve dans une aire de conservation de la région d’Halton et fait partie de l’escarpement du Niagara. Le lac doit son nom à la famille Crawford qui vivait sur le site avant qu’il ne soit acheté par l’office de protection de la nature. Son nom topographique wendat, « Kionywarihwaen », témoigne également de son passé en tant que colonie autochtone. Depuis des décennies, le lac fait l’objet de diverses études scientifiques.
Caractéristiques physiques
Le lac Crawford occupe un puits naturel alimenté par les eaux souterraines de son substrat rocheux tendre. Ce paysage unique s’est formé au fil des millénaires suivant la dernière période glaciaire. Le lac est dit « ouvert » parce que ses eaux s’écoulent dans un ruisseau qui se déverse ultimement dans le bassin du lac Ontario. Malgré sa taille relativement modeste (2,4 hectares), le lac Crawford est assez profond, atteignant environ 24 mètres. C’est un lac « méromictique », c’est-à-dire que ses eaux les plus profondes ne se mélangent pas avec les eaux de surface. Cette caractéristique inhabituelle permet aux sédiments de s’accumuler sur le lit du lac sans être perturbés. Alors qu’un lac méromictique typique a un fond dépourvu d’oxygène, le lac Crawford est un rare exemple où ce n’est pas le cas. Sa source souterraine s’oxygénerait en suintant du substrat rocheux du lac. Cette caractéristique distinctive contribue à l’écologie unique du lac et à la préservation de son historique sédimentaire.
L’aire naturelle adjacente au lac Crawford est constituée d’une vallée glaciaire escarpée et d’une forêt mature. Les zones environnantes sont protégées et sont en grande partie d’anciennes terres agricoles. Ensemble, elles composent la zone de conservation du lac Crawford, administrée par Conservation Halton. Le site est considéré comme une zone écosensible, une zone d’intérêt naturel et scientifique désignée par la province et faisant partie de l’escarpement du Niagara, une réserve de la biosphère reconnue par l’UNESCO.

Établissements humains
Diverses Premières Nations ont vécu sur les terres entourant le lac Crawford pendant au moins un millénaire avant la colonisation européenne, et d’importants villages mis au jour en témoignent. Des vestiges forestiers suggèrent l’existence d’un village appartenant à des groupes de langue iroquoienne : les Wendats et les Neutres (voir Confédération des Neutres). L’analyse pollinique des environs révèle que le site est utilisé comme hameau saisonnier vers 1300 à 1500 de notre ère. Une collectivité de plusieurs centaines de personnes à la fois vit à proximité du lac. Les habitants de ces établissements ont vraisemblablement défriché les terres et cultivé du maïs ayant produit les sédiments polliniques préservés dans le lac Crawford. Le village est probablement abandonné vers la fin du XVe siècle. Les peuples autochtones de cette région passent beaucoup de temps dans les bois autour du lac Crawford jusqu’à ce qu’ils entrent en contact avec les colons européens.
Au milieu du XIXe siècle, les colons s’intéressent à la région entourant le lac pour l’exploitation agricole et forestière (voir Milton). En 1883, le lac Little, qui deviendra le lac Crawford en 1898, est la propriété privée de la famille Crawford, dirigée par George Crawford. La propriété sera transférée au fils quelques années plus tard. À l’extrémité sud du lac, la famille Crawford construit une scierie initialement destinée à la fabrication de briques. L’entreprise est constituée en société sous le nom de Murray Crawford Limited, tiré du nom du fils de George, décédé en 1921. La famille exploite également un hôtel.
En 1968, le gouvernement acquiert la propriété lacustre de Crawford dans le cadre d’un programme de conservation de la nature. Cette acquisition donne lieu à la création de l’aire de conservation du lac Crawford peu de temps après.
Importance culturelle et scientifique
Le lac Crawford fait l’objet de diverses études scientifiques. En 1971, des chercheurs commencent à analyser les terres protégées autour du lac. Dr John H. McAndrews, botaniste au Musée royal de l’Ontario, entreprend des expériences en extrayant du fond du lac des carottes de congélation. Son étudiante diplômée, Maria Boyko, découvre plus tard des pollens de maïs fossilisés et bien préservés, incrustés dans les sédiments. Entre 1973 et 1987, des fouilles sur le site permettent de découvrir les vestiges de 10 maisons longues et différents artéfacts du quotidien des peuples autochtones avant leur contact avec les Européens.
Un village iroquoien est reconstruit sur l’empreinte exacte des ruines des maisons longues datant de 1434 à 1459. En 1984, la Fiducie du patrimoine ontarien reconnaît cet endroit comme un site historique provincial en dévoilant une plaque commémorative. À l’époque, il est considéré comme le village préhistorique le plus précisément daté de la région forestière de l’est de l’Amérique du Nord. L’étude exhaustive en quatre volumes du Dr William D. Finlayson, publiée en 1998 par ce qui est aujourd’hui le Musée d’archéologie de l’Ontario, constitue l’ouvrage scientifique de référence sur ce village préhistorique, dont les habitants pourraient être les ancêtres des Wendats.
Le lac Crawford est appelé « Kionywarihwaen » en langue wendate, qui signifie « là où nous avons une histoire à raconter » ou « là où se dépose la matière ». La gardienne de la foi Catherine Tammaro recommande que le nom soit en wendat pour refléter la relation ancestrale et l’héritage permanent du site. En 2013, les dirigeants communautaires, y compris le conseil des femmes, les aînés, le conseil d’administration de Conservation Halton et les chercheurs qui ont visité le site dans le cadre d’un projet de recherche, s’entendent sur ce nom. En juillet 2024, la cérémonie officielle de changement de nom n’a pas encore eu lieu; cependant, certains ont commencé à désigner le site sous le nom de Kionywarihwaen.
Site de référence mondial
Le lac Crawford est désigné comme site de référence mondial pour établir la fin de l’époque géologique actuelle et l’entrée dans l’Anthropocène. Des études paléolimnologiques révèlent que le bassin sédimentaire est stratifié, c’est-à-dire qu’il présente une succession de couches claires et foncées reflétant l’année de chaque dépôt. L’examen détaillé des couches sédimentaires révèle aux scientifiques les changements périodiques de la composition chimique de l’atmosphère locale. Une analyse indique que le lac contient des preuves d’impact environnemental important, notamment des retombées nucléaires, de la pollution industrielle et du changement climatique. Les carottes de sédiments du lac Crawford font partie des collections permanentes du Musée royal de l’Ontario et du Musée canadien de la nature.
En juillet 2023, une équipe internationale de scientifiques désigne le lac Crawford pour comme le « clou d’or », un point de référence physique, marquant l’entrée dans l’Anthropocène. Cette nouvelle échelle géochronologique est marquée par l’impact durable des activités humaines sur le climat et l’environnement de la Terre. De nombreux géologues estiment que l’homme a considérablement modifié le climat et l’environnement de la planète, marquant ainsi un changement par rapport à l’ère géologique précédente.
En mars 2024, un groupe d’experts scientifiques rejette l’époque de l’Anthropocène proposée qui aurait défini l’ère actuelle en fonction d’une année de référence vers 1950 de notre ère.