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Lansdowne, Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice, 5e marquis de

Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice, 5e marquis de Lansdowne, homme politique et gouverneur général du Canada de 1883 à 1888 (né le 14 janvier 1845 à Londres, Royaume-Uni; mort le 3 juin 1927 à Clonmel, Irlande). Il a été le premier gouverneur général à parcourir l’ensemble du Chemin de fer du Canadien Pacifique. Il a aussi agi comme médiateur dans un différend avec les États-Unis concernant les droits de pêche.
Marquis de Lansdowne

Le marquis de Lansdowne, gouverneur général du Canada de 1883 à 1888. Photo prise à Ottawa, en Ontario, en 1883.

(photo par William James Topley, avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/C-003730)

Jeunesse, famille et éducation

Henry Petty-Fitzmaurice, vicomte de Clanmaurice, est l’aîné des trois enfants de Henry Petty-Fitzmaurice, 4e marquis de Lansdowne, et d’Emily Jane de Flahault, 8e lady Nairne. Son arrière grand-père, William Petty-Fitzmaurice, 1er marquis de Lansdowne et 2e comte de Shelburne, a été premier ministre britannique de 1782 à 1783 et a négocié la fin de la Guerre d’indépendance américaine.

À l’âge de dix ans, Henry Petty-Fitzmaurice commence à fréquenter Woodcote House, un pensionnat à Oxfordshire, puis il fait ses études secondaires au Eton College. En 1867, il obtient un baccalauréat ès arts en études classiques du Balliol College à Oxford. Durant son passage à Oxford, son père meurt et il hérite du titre de marquis de Lansdowne, du siège de son père à la Chambre des lords, d’une résidence à Londres et de propriétés en Irlande.

Mariage et progéniture

Le 8 novembre 1869, lord Lansdowne épouse lady Maud Hamilton, la plus jeune fille de James Hamilton, 1er duc d’Abercorn, et de lady Louisa Russell, à l’abbaye de Westminster, à Londres. Le couple a quatre enfants : lady Evelyn (1870-1960), qui sera maîtresse de la garde-robe de la reine Marie et consort vice-royale du Canada (1916-1921), au titre de duchesse du Devonshire, lord Henry, comte de Kerry (1872-1936), qui poursuivra une carrière militaire et occupera des postes politiques au Royaume-Uni et dans l’État libre d’Irlande, lord Charles (1874-1914), écuyer du roi George V, qui mourra au combat pendant la Première Guerre mondiale, et lady Beatrix (1877-1953), qui sera honorée pour son travail d’administratrice d’hôpital pendant la Première Guerre mondiale. Les quatre enfants accompagneront leurs parents au Canada.

Lord et lady Lansdowne

Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice, 5e marquis de Lansdowne, et son épouse, Maud Evelyn Petty-Fitzmaurice, marquise de Lansdowne. Lord Lansdowne a été gouverneur général du Canada de 1883 à 1888 (photo prise à Ottawa, en Ontario, en février 1888).

(photo par William James Topley, avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/PA-025643)

Gouverneur général du Canada

Lord Lansdowne est nommé gouverneur général du Canada en 1883, à l’âge de 38 ans, succédant au beau-fils de la reine Victoria, le marquis de Lorne. Le public britannique interprète cette nomination comme un exil politique à la suite de son opposition à l’Irish Land Act promulgué par le premier ministre William Gladstone en 1881. Une caricature du Punch montre Lansdowne en raquettes avec la légende suivante : « Lord Lansdowne dans son nouveau costume canadien, spécialement adapté pour passer du temps au froid. » Le premier ministre canadien John A. Macdonald craint qu’un aristocrate anglo-irlandais aussi célèbre devienne une cible pour les assassins fenians, et il est soulagé qu’il n’y ait « aucun signe de dissidence aux acclamations qui se font entendre sur le quai » quand lord Lansdowne arrive à Ottawa par le train.

Lord Lansdowne noue des rapports étroits avec John Macdonald, qui dîne régulièrement à Rideau Hall, et ils continueront à correspondre après la fin du mandat de Lansdowne. Le 23 juin 1889, l’ancien gouverneur général écrira à Macdonald : « J’aime me revoir dans mon bureau d’Ottawa, écoutant vos confidences sur vos espérances à la Chambre des communes, et vos difficultés, inconnues du monde extérieur, au sein du Cabinet. » Le premier ministre considère lord Lansdowne comme l’un des gouverneurs généraux les plus « perspicaces » de son mandat de premier ministre, particulièrement en ce qui a trait à la relation entre la Grande-Bretagne et le Canada.

Lord Lansdowne est populaire au Québec et fait de grands séjours à la Citadelle de Québec, dont il apprécie les chambres « chaleureuses », « équipées d’une plateforme extérieure assez longue pour faire une promenade sur le pont avant le déjeuner, avec une vue que les mots ne sauraient décrire ». Son grand-père maternel, le comte Charles de Flahaut, était un des généraux de Napoléon Bonaparte, et lord Lansdowne parle couramment français. Lors de son premier discours au Québec, écrit-il à sa mère, il n’avait prononcé que quelques mots en français que « l’ensemble de l’auditoire se mit à applaudir avec enthousiasme, et continua plus ou moins de même jusqu’à ce que je termine. Je suppose que mon français était moins mauvais que ce qu’ils avaient l’habitude d’entendre; en tout cas, il a plu à ces bonnes gens de Québec. » Lord Lansdowne reçoit un doctorat en droit honorifique de l’Université McGill en 1884.

Dans les négociations entourant le conflit sur les pêcheries entre le Canada et les États-Unis, lord Lansdowne encourage le gouvernement britannique à soutenir le Canada. Les États-Unis imposent des droits élevés sur les importations canadiennes de poisson, tandis que les bateaux de pêche américains continuent à pêcher dans les eaux canadiennes. Lord Lansdowne explique les préoccupations canadiennes dans une lettre au secrétaire d’État aux colonies britanniques, sir Henry Holland : « Ce qui nous craignons est que cette affaire, qui est d’une importance vitale pour nous, puisse vous sembler triviale, et qu’afin d’éviter des problèmes et des complications, vous nous demandiez de renoncer à des droits qui sont incontestablement nôtres, et dont vous pouvez difficilement, à distance, réaliser la valeur. » Lord Lansdowne contribue à la négociation d’un nouvel accord commercial qui sera accepté par le président Grover Cleveland en 1888 puis rejeté par le Sénat américain. (Voir aussi Histoire de la pêche commerciale, Commission mixte, Traité de Washington, sir Charles Hibbert Tupper.)

La Rébellion du Nord-Ouest et Louis Riel

À l’automne 1885, lord Lansdowne traverse le Canada et rencontre les chefs des Premières Nations au cours d’une grande tournée visant à alléger les tensions laissées par la Rébellion du Nord-Ouest. Lansdowne dénonce les mauvais traitements infligés aux Premières Nations par les agents des Indiens. Après le massacre de Frog Lake, le 2 avril 1885, il écrit : « Beaucoup de ces agents indiens sont des fripouilles, et reçoivent aujourd’hui la rétribution de leurs actions passées. » Pendant sa tournée, il écrit à sa mère que le chef cri Pitikwahanapiwiyin (Poundmaker) est « une personne magnifique, assez digne pour être un empereur [et] qui en a l’apparence », et que le chef des Pieds-Noirs, Isapo-muxika (Crowfoot) « est l’Indien le plus influent de tous, et nous nous sommes empressés d’être aussi obligeants avec lui que possible. » Pendant son séjour en Colombie-Britannique, lord Lansdowne reçoit en présent deux paires de masques haïdas qui sont aujourd’hui conservés dans un musée britannique.

Initialement, lord Lansdowne favorise une politique de conciliation avec les Métis, et insiste pour que leurs revendications territoriales soient satisfaites. Le 9 août 1884, il écrit à sir John A. Macdonald : « Serait-il possible de nous envoyer une commission solide, ayant le pouvoir de négocier rapidement [et] avec une certaine liberté concernant ces réclamations? » Il propose aussi que les chefs métis se joignent au Conseil des Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, lorsque Louis Riel est reconnu coupable de trahison, en juillet 1885, lord Lansdowne maintient la condamnation à mort et écrit à la reine Victoria, qui appuie la clémence : « Lord Lansdowne comprend bien les objections à la peine capitale, en 1885, dans le cas des criminels politiques […] cependant, même s’il se trouvait que ces revendications [métis] étaient plus sérieuses que l’enquête l’a démontré, ce serait une erreur d’effacer la culpabilité d’un homme qui en a pris prétexte pour apporter sur son pays les calamités de la guerre civile […] » Riel est pendu le 16 novembre 1885.

Chemin de fer du Canadien Pacifique

Lord Lansdowne promeut le développement des sciences et de la technologie au Canada et anime la première réunion conjointe de la British Association for the Advancement of Science en 1884. Il s’intéresse aussi beaucoup à la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, dont il est censé poser le dernier crampon. Quand il quitte Ottawa, le 24 septembre 1885, le chemin de fer du Canadien Pacifique n’est pas encore terminé. Lord Lansdowne entreprend une partie de son voyage vers l’Ouest à dos de cheval et en bateau, et arrive à Port Moody, en Colombie-Britannique, qui est alors le terminus ouest du chemin de fer. Il se rend jusqu’à Craigellachie afin de poser le dernier crampon, mais la mauvaise température retarde l’achèvement du chemin de fer, et John Macdonald lui demande de revenir à Ottawa (le dernier crampon sera posé plus tard par Donald Alexander Smith). Le voyage de retour, par chemin de fer, ne prend que neuf jours, et lord Lansdowne est de retour à Ottawa le 26 octobre 1885. Selon la Société royale du Canada, « Le voyage de Lansdowne est la première occasion où le nouveau chemin de fer est utilisé dans les deux directions, traversant les montagnes, dans un seul trajet par voie terrestre. »

Sports et vie sociale au Canada

Lord Lansdowne affectionne les sports et les activités de plain-air au Canada. Durant l’été, il aime pêcher le saumon et il met sur pied un camp de pêche sur la rivière Cascapédia au Québec, suivant l’exemple de lord Lorne et de la princesse Louise. Lord Lansdowne baptise sa retraite estivale New Derreen Camp, allusion à sa propriété de Derreen, dans le comté de Kerry, en Irlande. Durant son mandat de gouverneur général, Lansdowne et ses invités prennent 1 245 saumons. Lord Lansdowne est aussi un excellent joueur de cricket, et contribue à populariser ce sport au Canada. En 1885, il est le meilleur joueur de l’équipe de Rideau Hall, qui défait l’équipe des députés et des sénateurs. Il anime aussi des tournois de cricket à Ottawa avec des équipes de tout le Canada, des États-Unis et des Antilles. Lord Lansdowne écrit à sa mère, à son 40e anniversaire : « Je suis en bonne santé et je peux battre mon aide de camp au tennis. »

Pendant l’hiver, la vie sociale à Rideau Hall comprend des activités de patinage, de toboggan et de curling. Dans ses mémoires, le frère de lady Lansdowne évoque sa visite : « Rideau Hall comportait deux patinoires en plein air sur ses propres terres, deux pistes de toboggan impressionnantes et une patinoire de curling couverte. » Lord et lady Lansdowne deviennent tous deux des patineurs accomplis et sont le premier couple vice-royal à patiner au carnaval d’hiver de Montréal. Les samedis, le public est invité à patiner à Rideau Hall au son de la musique jouée par un orchestre militaire. Lord Lansdowne organise aussi des événements de patinage et des parties de toboggan, où des rafraîchissements sont servis par des valets de pied en manteau de fourrure. Durant ces événements, raconte Hamilton, « tous les membres des clubs de raquette et de toboggan, hommes ou femmes, portaient des habits colorés constitués de culottes bouffantes et de longs manteaux avec des chaussettes, écharpes et tuques tricotées de couleurs vives ». Lord et lady Lansdowne sont les patrons du club de raquette Frontenac à Ottawa.

Patinant sur la glace à Rideau Hall

Lord Lansdowne avec des amis patinant sur la glace à Rideau Hall, Ottawa, Ontario (mars 1884).

(photo par Topley Studio, avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada / PA-033916)

Lord Lansdowne se passionne pour le curling et devient le skip de l’équipe de curling de Rideau Hall, qu’il qualifie d’« invincible » en 1888. Le premier appel téléphonique interurbain au Canada a lieu pendant un match de curling entre les équipes de Rideau Hall et de Montréal en 1887, quand le pointage est communiqué d’Ottawa pour être affiché sur un panneau public à Montréal. À la fin de son mandat, lord Lansdowne a droit à un discours d’adieu des joueurs de curling du Canada. Dans sa réponse, il exprime ses regrets car il n’aura plus la possibilité de jouer à ce jeu dans son nouveau poste de vice-roi de l’Inde.

Vie ultérieure

Lord Lansdowne est vice-roi de l’Inde de 1888 à 1894, succédant au gouverneur général du Canada lord Dufferin à ce poste. Le changement de vice-roi inspire à Rudyard Kipling son poème One Viceroy Resigns, où l’on retrouve les lignes suivantes : « I answer by my past or else go back/To platitudes of rule — or take you thus/In confidence and say: "You know the trick:/You’ve governed Canada. You know. You know!" (Je répondrai par mon passé, ou je reviendrais/aux platitudes de la règle — ou je vous prendrais en privé pour vous dire “Vous connaissez l’astuce/vous avez gouverné le Canada. Vous savez. Vous savez! [traduction libre]) »

De 1895 à 1900, lord Lansdowne est secrétaire d’État à la Guerre. À titre de secrétaire d’État aux Affaires étrangères, de 1900 à 1905, sa plus grande réalisation est la négociation de l’entente franco-britannique, une alliance clé durant la Première Guerre mondiale.

Lord Lansdowne soutient l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Première Guerre mondiale, qui entraîne automatiquement le Canada dans les hostilités. Le 2 août 1914, il écrit au premier ministre Herbert Asquith : « Il serait fatal pour l’honneur et la sécurité du Royaume Uni d’hésiter à soutenir la France et la Russie dans les circonstances actuelles. » Pendant la guerre, il persuade son beau-fils Victor Cavendish, 9e duc de Devonshire, réticent, d’accepter le poste de gouverneur général du Canada en 1916. À cette époque, toutefois, lord Lansdowne préconise la fin des hostilités et en appelle à une paix négociée d’abord dans un mémorandum au gouvernement britannique, puis dans une « lettre de paix » publiée dans le Daily Telegraph le 29 novembre 1917. Lord Lansdowne écrit : « Nous ne perdrons pas cette guerre, mais sa prolongation amènera la ruine du monde civilisé, et ajoutera infiniment au poids de souffrances humaines qui pèse déjà sur lui. » Lansdowne est dévasté par la perte de son fils plus jeune, Charles, et craint que « des générations doivent passer avant que le pays ne se relève de la perte » de tant de jeunes hommes.

Après la guerre, lord Lansdowne s’oppose à la division de l’État libre d’Irlande et de l’Irlande du Nord : « Le plus grand péché des Irlandais est l’intolérance, et je crois qu’en les séparant soigneusement et en les rassemblant, on ne fera que les rendre plus intolérants que jamais. Je suis de ceux qui souhaitent l’unification de toute l’Irlande. » Sa propriété de Derreen est pillée et incendiée en 1922, et il poursuit le gouvernement irlandais pour obtenir compensation. Il meurt d’une crise cardiaque à 82 ans.

Postérité au Canada

Plusieurs villes ont reçu le nom de Lansdowne au Yukon, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, de même qu’un quartier d’Edmonton, une avenue et une station de métro à Toronto et un parc à Ottawa. On trouve un mont Lansdowne au Yukon et des rues portent son nom à Sudbury, Peterborough, Québec et Fredericton, de même que des écoles publiques à Winnipeg, Sudbury et Toronto.