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Loi sur les mesures d’urgence

En juillet1988, la Loi sur les mesures de guerre est abrogée et remplacée par la Loi sur les mesures d’urgence. Cette dernière vise à «autoriser à titre temporaire des mesures extraordinaires de sécurité en situation de crise nationale et à modifier d’autres lois en conséquence». Contrairement aux pouvoirs étendus et à la violation de libertés civiles autorisés par la Loi sur les mesures de guerre, la Loi sur les mesures d’urgence crée des pouvoirs précis, plus limités, pour permettre au gouvernement fédéral de faire face à des urgences de sécurité de cinq types différents: urgences nationales; sinistres; états d’urgence; états de crise internationale; états de guerre. En vertu de la Loi, les décrets et les règlements du Cabinet doivent être examinés par le Parlement, ce qui signifie que le gouvernement ne peut agir seul, contrairement à ce que prévoyait la Loi sur les mesures de guerre. La Loi sur les mesures d’urgence décrit les procédures d’indemnisation des personnes ayant subi les conséquences des actions du gouvernement pendant les situations d’urgence. Elle stipule également que les actions du gouvernement sont soumises à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration canadienne des droits.

Camp d'internement de Petawawa
Prisonniers au camp d'internement de Petawawa pendant la Première Guerre mondiale.

Modification de la Loi sur les mesures de guerre

La Loi sur les mesures de guerre est une loi fédérale adoptée par le Parlement le 22 août 1914, après le début de la Première Guerre mondiale. Elle confère au gouvernement canadien de larges pouvoirs pour maintenir la sécurité et l’ordre en cas « de guerre, d’invasion ou d’insurrection ». Elle est utilisée, de façon controversée, pour suspendre les libertés civiles des personnes au Canada considérées comme des « sujets d’un pays ennemi » pendant les deux guerres mondiales. Cela conduit à des arrestations et à des détentions massives, sans inculpation ni procès (voir également Internement au Canada; Internement des Ukrainiens au Canada; Internement des Canadiens d’origine japonaise).

En 1960, la Loi sur les mesures de guerre est modifiée par la Déclaration canadienne des droits, la première loi fédérale du pays à protéger les droits de la personne et les libertés fondamentales. Cette déclaration stipule que les libertés fondamentales que sont la liberté d’expression, de religion, de réunion et de la presse doivent être respectées, sans distinction « de race, d’origine nationale, de couleur, de religion ou de sexe ». Elle affirme également le droit des personnes « à la vie, à la liberté, à la sécurité et à la jouissance des biens », ainsi que le droit de ne pas en être privé, « sauf en application régulière de la loi ».

Cependant, l’article 2 de la Déclaration des droits stipule que le Parlement peut passer outre aux droits accordés, en introduisant la clause du « nonobstant » dans la loi applicable adoptée par le Parlement, par exemple la Loi sur les mesures de guerre. Cela n’a été fait qu’une seule fois, au cours de la crise d’Octobre de 1970, au Québec.

La suspension des libertés civiles au Québec s’avère politiquement controversée. Une fois la crise terminée, le premier ministre Pierre Trudeau s’engage à affiner la Loi et à en limiter l’application lors des crises internes. Cependant, au moment où le dernier gouvernement Trudeau est défait en 1984, la Loi sur les mesures de guerre n’a toujours pas été modifiée.

Soldat et enfant
Un soldat et un enfant, le 18 octobre 1970, pendant la Crise d'octobre.

Abrogation et remplacement de la Loi sur les mesures de guerre

Dans les décennies qui suivent les guerres mondiales, les Canadiennes et les Canadiens qui ont été internés et dont les biens ont été saisis en vertu des dispositions de la Loi sur les mesures de guerre commencent à faire pression pour obtenir des indemnisations et une reconnaissance du traitement subi pendant la guerre. Sous l’autorité du premier ministre Brian Mulroney, le gouvernement fédéral abroge la Loi sur les mesures de guerre et la remplace par la Loi sur les mesures d’urgence qui reçoit la sanction royale le 21 juillet 1988.

Les pressions pour l’obtention de réparations exercées par les Canadiennes et les Canadiens d’origine japonaise débouchent sur des excuses officielles du premier ministre Mulroney à la Chambre des communes, en 1988. Les personnes touchées par le recours gouvernemental à la Loi sur les mesures de guerre obtiennent également une indemnisation. Dans le cadre du règlement obtenu, un fonds communautaire est créé, en 2008, pour financer des projets commémoratifs et éducatifs sur les premières opérations nationales d’internement du Canada pendant la Première Guerre mondiale.

Caractéristiques de la Loi sur les mesures d’urgence

La Loi sur les mesures d’urgence diffère de la Loi sur les mesures de guerre sur certains aspects importants. La Loi sur les mesures d’urgence crée des pouvoirs plus limités et plus ciblés que ceux prévus par la Loi sur les mesures de guerre pour permettre au gouvernement fédéral de faire face à des situations d’urgence en matière de sécurité. En vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, les décrets et les règlements du Cabinet doivent être examinés par le Parlement, ce qui signifie que le gouvernement ne peut agir seul, contrairement à ce que prévoyait la Loi sur les mesures de guerre. La Loi sur les mesures d’urgence décrit les procédures d’indemnisation des personnes ayant subi les conséquences des actions du gouvernement pendant les situations d’urgence. Elle stipule également que les actions du gouvernement sont soumises à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration canadienne des droits.

Charte canadienne des droits et libertés

Crise nationale

La Loi sur les mesures d’urgence définit une « crise nationale » comme une situation « résultant de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire qui : a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces ou b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du pays ».

En cas de déclaration d’un état de crise nationale, la Loi interdit au gouvernement fédéral de détenir, d’emprisonner ou d’interner des citoyennes et des citoyens canadiens ou des résidentes ou des résidents permanents sur la base « de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de déficiences mentales ou physiques ».

Sinistre

La Loi définit un « sinistre » comme une situation de crise « causée par a) des incendies, des inondations, des sécheresses, des tempêtes, des tremblements de terre ou d’autres phénomènes naturels, b)    , des services ou des ressources essentiels, si graves qu’ils constituent une urgence nationale ».

En cas de déclaration de sinistre, le gouvernement fédéral est tenu de préciser a) « une description sommaire du sinistre », b) « les mesures d’intervention que le gouverneur en conseil juge nécessaires pour faire face au sinistre » et c) « la zone du Canada directement touchée par le sinistre ».

En vertu de la Loi, un sinistre octroie au gouvernement fédéral le droit :

  1. de réglementer ou d’interdire les déplacements « à destination, en provenance ou à l’intérieur d’une zone désignée »;
  2. d’évacuer les personnes et d’enlever les biens mobiliers de la zone désignée, ainsi que d’organiser « des secours et des dispositions de protection afférentes »;
  3. de réquisitionner ou d’utiliser des biens;
  4. d’ordonner, à une personne ou à une personne d’une catégorie de personnes, de fournir des services essentiels, en contrepartie du « versement d’une indemnité raisonnable »;
  5. de réglementer « la distribution et la disponibilité des biens, des services et des ressources essentiels »;
  6. d’autoriser et d’effectuer des paiements d’urgence;
  7. de mettre sur pied des abris et des hôpitaux d’urgence;
  8. d’évaluer « les dommages causés à des ouvrages ou à des entreprises et leur réparation, leur remplacement ou leur remise en activité »;
  9. d’évaluer les dommages à l’environnement;
  10. d’imposer des amendes et des mises en accusation « pour les infractions aux décrets et aux règlements d’application du présent article ».

En cas de déclaration de sinistre, la Loi interdit au gouvernement fédéral de prendre le contrôle d’un service de police qui relève normalement de la compétence d’une municipalité ou d’une province. La Loi stipule également qu’une déclaration de sinistre « cesse d’avoir effet après quatre‑vingt‑dix jours, sauf abrogation ou prorogation antérieure en conformité avec la présente loi ».

État d’urgence

La Loi définit un « état d’urgence » comme une « situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d’une gravité telle qu’elle constitue une situation de crise nationale ». La Loi stipule également que les « menaces envers la sécurité du Canada » doivent s’entendre au sens de l’article 2 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité (voir Service canadien du renseignement de sécurité).

En cas de déclaration de l’état d’urgence, le gouvernement fédéral est tenu de préciser : a) « une description sommaire de l’état d’urgence », b) « les mesures d’intervention que le gouverneur en conseil juge nécessaires pour faire face à l’état d’urgence » et c) « la zone du Canada directement touchée par l’état d’urgence ».

En vertu de la Loi, l’état d’urgence octroie au gouvernement fédéral le droit :

  1. de réglementer ou d’interdire « les assemblées publiques dont il est raisonnable de penser qu’elles auraient pour effet de troubler la paix; les déplacements à destination, en provenance ou à l’intérieur d’une zone désignée; l’utilisation de biens désignés »;
  2. de désigner et d’aménager des lieux protégés;
  3. de prendre le contrôle, de restaurer et d’entretenir des services publics;
  4. d’ordonner, à une personne ou à une personne d’une catégorie de personnes, de fournir des services essentiels, en contrepartie du « versement d’une indemnité raisonnable »;
  5. d’imposer des amendes et des mises en accusation « pour les infractions aux décrets et aux règlements d’application du présent article ».

La Loi précise que l’application de ces pouvoirs ne doit pas nuire à la capacité d’une province de répondre à une urgence qui lui est propre. Une déclaration d’état d’urgence « cesse d’avoir effet après quatre‑vingt‑dix jours, sauf abrogation ou prorogation antérieure en conformité avec la présente loi ».

Autres urgences et autres dispositions

La Loi énumère des dispositions similaires à appliquer en cas de crise internationale ou de guerre. Elle précise également les conditions requises pour un suivi parlementaire approprié pendant l’application de la Loi et pour l’indemnisation de personnes et de groupes après l’application de la Loi.