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Tom Longboat

Thomas Charles Longboat (Gagwe:gih), coureur de fond, athlète olympique (né le 4 juillet 1886 à Ohsweken, dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand; décédé le 9 janvier 1949 à Ohsweken). Tom Longboat était un coureur de fond de la nation des Onondagas, une des Six Nations de la rivière Grand. Un des athlètes les plus célèbres du début du 20e siècle, il a inauguré des méthodes d’entraînement encore en usage aujourd’hui. Ses prouesses athlétiques l’ont fait connaître dans toute l’Amérique du Nord et outre-mer et il est considéré à juste titre comme l’un des premiers athlètes à atteindre la célébrité au Canada. Il a contribué à faire du marathon un sport international et a remporté de nombreuses épreuves de marathon en des temps record, devançant des concurrents du monde entier. Tom Longboat a été le premier Autochtone à remporter le marathon de Boston (1907). Il a représenté le Canada aux Jeux olympiques de 1908 et a été intronisé au Panthéon des sports canadiens et au Panthéon des sports de l’Ontario.

Jeunesse

Tom Longboat voit le jour le 4 juillet 1886 à Ohsweken, dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand. Il appartient au clan du Loup et est élevé dans la religion de la maison longue (aussi appelée religion de Handsome Lake). Il parle onondaga et reçoit le nom de Gagwe:gih, qui se traduit par « tout ».

Le saviez-vous?
Il règne une certaine confusion à propos de la date de naissance de Tom Longboat. De nombreuses sources affirment qu’il est né le 4 juin 1887. Cependant, le recensement canadien de 1901 et son dossier militaire (en particulier la feuille d’engagement signée de sa main à Brantford, le 17 février 1916) situent sa naissance au 4 juillet 1886.


Il est le fils de George Longboat et d’Elizabeth Skye, né entre la sœur aînée Lucy et le benjamin Simon. En 1892, il n’a que cinq ans lorsque son père décède. Il est élevé avec ses frère et sœur sur la ferme familiale, où on raconte qu’il court après les vaches dans les champs. Une autre histoire de sa jeunesse, publiée dans la revue Histoire Canada, raconte qu’il parcourt 65 kilomètres de Hamilton à Brantford, arrivant à la maison avant sa mère pourtant partie des heures plus tôt… en chariot!

Tom Longboat

À l’âge de 12 ans, Tom Longboat est placé de force au pensionnat indien Mohawk Institute, à Brantford, où on le pousse à se conformer au christianisme et à renoncer à sa langue et à ses croyances. Sous l’administration du révérend Robert Ashton et de son fils A. Nelles Ashton, le pensionnat applique alors un entraînement calqué sur celui des cadets de l’armée et des programmes d’activité physique pour assimiler les élèves.

Tom s’enfuit. D’abord repris et renvoyé au pensionnat, il s’enfuit à nouveau et part vivre chez son oncle.

Le saviez-vous?
Le pensionnat indien Mohawk Institute a été en activité de 1823 à 1970. Au sommet de sa notoriété, Tom Longboat a été invité à y prendre la parole devant les élèves. Il a refusé et a confié en privé : « Je n’enverrais même pas mon chien à cet endroit. »


Coureurs traditionnels haudenosaunee

Historiquement, la course de longue distance est bien plus qu’une compétition à gagner pour les Haudenosaunee. Qu’il s’agisse de réunir des conseils, de recueillir de l’information auprès d’autres nations ou d’aller reconnaître un danger imminent, elle fait partie du mode de vie des communautés onondaga et haudenosaunee. Les coureurs portent souvent des messages et des cordes de wampum qui marquent leur statut particulier et servent au protocole diplomatique. Membres respectés de la communauté, ils sont tenus en haute estime par tous ceux qu’ils desservent.

Un des plus célèbres athlètes de la période d'avant la Première Guerre mondiale

Coureur de fond

En 1906, à l’âge de 19 ans, Tom Longboat s’inscrit à la course de cinq milles [8 km] de la fête de Victoria, qui se tient à Caledonia, en Ontario. Vainqueur de l’épreuve, il commence à s’entraîner avec Bill Davis, un coureur kanyen'kehà:ka des Six Nations qui a fini deuxième au marathon de Boston de 1901. L’année suivante, il remporte la course « Around the Bay » de Hamilton, devançant son plus proche concurrent de plus de trois minutes et égalant presque le record de l’épreuve.

En 1907, deux ans à peine après s’être mis à la course de compétition, Tom Longboat remporte le marathon de Boston en un temps record de 2 h 24 min 24 sec, soit 5 minutes de moins que le record précédent. Il est le premier Autochtone à gagner cette épreuve, et le troisième Canadien. Après la course, une fête organisée en son honneur à Toronto rassemble une foule évaluée à 200 000 personnes. Dans une Amérique du Nord alors en pleine « ferveur du marathon », le nom de Longboat devient bientôt familier sur tout le continent, et même outre-mer.

Le saviez-vous?
Tom Longboat n’est pas le seul coureur autochtone à connaître un grand succès à son époque. Comme l’écrit Kelly Bouchard dans le Toronto Star : « L’Ojibwé Fred Simpson s’est classé sixième au marathon olympique de 1908, que Tom Longboat n’a pas terminé, et Paul Acoose de la Première Nation des Saulteaux, en Saskatchewan, a battu Longboat en 1910. […] Pendant ce temps, Albert Smoke, un autre Ojibwé, courait partout en Amérique du Nord dans les années 1910 avant de prendre part aux Jeux olympiques de 1920 et de se classer troisième à Boston. »


Poursuivant sur sa lancée, Tom Longboat remporte pour la troisième fois le Ward Marathon de Toronto en 1908, puis le « World’s Professional Marathon Championship » en 1909, et fracasse de nombreux records. Il est un des compétiteurs les plus recherchés durant le bref renouveau (1908-1912) que connaît la course professionnelle au lendemain du marathon des Jeux olympiques de Londres (1908).

Jeux olympiques de 1908

En 1908, Tom Longboat n’est pas admissible au marathon de Boston parce que l’Amateur Athletic Union (AAU) des États-Unis le considère comme un coureur professionnel. Pour la même raison, l’AAU ne croit pas qu’il puisse non plus participer aux Jeux olympiques de Londres. Au début, l’Union athlétique amateure du Canada est d’accord avec son homologue américaine, mais l’opinion publique la persuade bientôt de s’en dissocier et de laisser Tom Longboat représenter le Canada au marathon masculin des Jeux olympiques de Londres.

Bien qu’il soit favori pour remporter l’or, Tom s’effondre au 32e kilomètre et doit se retirer de la course. Il dira plus tard que c’est à cause d’une insolation. Un autre concurrent, Dorando Pietri, succombe à la chaleur écrasante (plus de la moitié des concurrents ne terminent d’ailleurs pas la course). Le marathon olympique de 1908 suscitera une vive controverse : on ira même jusqu’à soupçonner un complot pour écarter Tom Longboat.

Méthodes d’entraînement novatrices

À l’avant-garde de son temps, Tom Longboat est réputé pour appliquer un programme d’entraînement où alternent les séances d’exercices intensifs, les journées d’entraînement léger et les périodes de récupération. Comme l’auteur Bruce Kidd l’écrira plus tard, « il a hérité ou acquis [ses méthodes d’entraînement] de sa communauté autochtone et de ses modèles, et il l’a fait d’une manière que bien des gens ont ensuite reprise à leur avantage ».

Les journalistes lui reprochent souvent d’être paresseux parce qu’il ne s’entraîne pas comme ils s’y attendent, c’est-à-dire avec une intensité constante. Dans bien des cas, ces opinions découlent de préjugés racistes au sujet des Autochtones. Dans un article paru en 1919, le journaliste sportif Lou Marsh dit d’ailleurs de Tom Longboat qu’il est « l’idiot originel » (« the original dummy »). Quelques années plus tard, en 1922, Lou Marsh écrit cette fois qu’il est « aussi dur à dompter qu’un léopard » (voir Trophée Lou‑Marsh). Malgré ces critiques constantes et souvent racistes, Tom Longboat s’en tient à ses méthodes personnelles, provoquant avec des gérants quelques conflits dont la presse ne manque pas de s’emparer. En 1911, il rachète son contrat et court mieux que jamais. En 1912, il établit un record professionnel en franchissant la distance de 15 milles [24 km] en 1 h 18 min 10 sec, soit 7 minutes de moins que son record amateur.

Service militaire

En février 1916, Tom Longboat s’enrôle dans les Forces armées canadiennes. Il rejoint d’abord le 180e bataillon (Sportsmen’s), qui recrute des volontaires athlètes, puis il est transféré au 107e bataillon (Timber Wolf) et sert d’estafette sur le front de l’Ouest en France et en Belgique. Son rôle de messager comporte une grande part de risque et, par deux fois au moins, on le déclare mort. Les premiers rapports signalent que Tom Longboat a été tué le 2 octobre 1917. On le croit à tort décédé sur un champ de bataille de Belgique.

Outre qu’il transmet des messages et des ordres entre unités, il continue de courir et gagne plusieurs épreuves organisées entre bataillons. En 1918, il remporte la course de huit milles [13 km] aux compétitions de la fête du Dominion du Corps canadien. Il survit à la guerre et rentre au Canada en 1919.

Vie ultérieure

Au début des années 1920, Tom Longboat déménage en Alberta pour recevoir la terre que lui a value son service militaire. Or, une succession d’erreurs administratives et de malentendus l’empêchent d’en prendre possession. Il occupe différents emplois, dont un à la Dunlop Rubber Company, puis un poste de facteur et un autre de métallurgiste, à Buffalo, dans l’État de New York. Il finira par travailler pendant quelque 17 années à la Ville de Toronto, au service de nettoiement des rues. Ce dernier emploi lui apporte la liberté et les moyens d’acheter un véhicule durant la crise des années 1930, un luxe que bien peu de gens peuvent s’offrir.

Après sa retraite, il retourne vivre dans la réserve des Six Nations. Atteint de diabète, il finira par succomber à une pneumonie en 1949, à Oshweken.

Vie personnelle

Tom Longboat épouse Lauretta Maracle, une enseignante kanyen'kehà:ka, et fête ses noces à Massey Hall en 1908. Lauretta se remarie après les fausses rumeurs du décès de son époux durant la Première Guerre mondiale. À son retour au pays, Tom Longboat épouse en 1920 Martha Silversmith, une Onondaga, avec qui il aura quatre enfants.

Le saviez-vous?
La célébrité de Tom Longboat est telle qu’en 1917, pendant qu’il sert dans les Forces armées canadiennes, il est victime d’un vol d’identité. Un chanteur de vaudeville et escroc américain, Edgar Laplante, se produit en spectacle à travers l’Amérique en se faisant passer pour lui et en profitant de sa notoriété. Tom Longboat se trouve‑t‑il vraiment outre-mer? On se le demande jusqu’au jour de 1917 où il menace de poursuivre Laplante en justice.


Distinctions

En 1951, les Prix Tom Longboat sont créés en l’honneur de l’athlète. Chaque année, le Cercle sportif autochtone les décerne à deux athlètes autochtones, une femme et un homme, qui ont excellé dans leur discipline.

Tom Longboat est intronisé au Panthéon des sports canadiens dès l’année de sa fondation en 1955, et au Panthéon des sports de l’Ontario en 1996. En 2000, la Société canadienne des postes émet un timbre commémoratif qui fait partie de sa Collection du millénaire. En 2008, la Loi 120 fait du 4 juin la fête de Tom Longboat en Ontario. Chaque année ce jour‑là, des membres de la famille Longboat organisent une course qui se déroule dans la réserve des Six Nations.

Héritage

Tom Longboat est un des athlètes les plus célèbres du début du 20e siècle. Son nom était connu dans toute l’Amérique du Nord et jusqu’à l’étranger. Il a contribué à faire du marathon un sport international et a remporté de nombreuses épreuves de marathon en des temps record, devançant des concurrents du monde entier. Figure importante dans le monde du sport, il faisait peu de cas de ce qu’on pouvait penser de lui.

Tout au long de sa vie d’athlète, il s’est laissé guider par son attachement à l’héritage et aux traditions des Onondagas. Il était fier du mode de vie ancestral de sa nation, de sa religion de la maison longue et de sa langue parlée. Son histoire illustre toute la richesse des aptitudes et des techniques dont se servaient les communautés autochtones bien avant l’arrivée des Européens. Tom Longboat a su performer malgré des préjugés racistes infondés à l’endroit des siens et de leur capacité de compétitionner, et malgré les pratiques racistes inhérentes aux pensionnats indiens.