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Margaret Crang

Margaret Tryphene Francis Crang, avocate, politicienne, activiste syndicale (née le 30 août 1910 à Edmonton en Alberta; décédée le 3 janvier 1991 à Vancouver en Colombie-Britannique). Margaret Crang a été la plus jeune personne à siéger au conseil municipal d’Edmonton; en 1935, elle est devenue la première femme à être réélue. Elle s’est brièvement rendue sur le front de la guerre civile espagnole en 1936 et a fait la une des journaux en tirant un coup de fusil pour les forces républicaines. Tout au long de son active carrière en politique et en droit, elle a milité contre le fascisme et a défendu les droits des travailleurs, des femmes et des immigrants.

Affiche de campagne de Margaret Crang

Contexte familial et éducation

Margaret Crang naît dans le quartier Garneau de Strathcona en Alberta (qui fait partie de la ville d’Edmonton depuis 1912). Elle est la quatrième des six enfants du docteur Francis (Frank) William Crang et de Margaret Bowen. Frank Crang, qui grandit en Ontario et travaille comme maçon dans sa jeunesse, termine ses études secondaires dans la vingtaine et étudie ensuite la médecine. Après avoir déménagé à Strathcona avec sa femme en 1903, il devient le premier médecin de la communauté et il siège au conseil scolaire pendant 25 ans. Son travail expose Margaret à la pauvreté et aux souffrances de la communauté, tandis que sa position ouvertement socialiste et les rassemblements politiques qu’il organise à la maison familiale suscitent l’intérêt de Margaret pour l’activisme social.

Margaret Crang fréquente la Strathcona High School et elle étudie à l’Université de l’Alberta. Elle est réputée pour être une étudiante exceptionnelle et elle obtient un baccalauréat ès arts en 1930, un baccalauréat en droit en 1932, et un diplôme d’enseignement en 1933. À partir de 1930, elle occupe également des emplois d’été dans des cabinets d’avocats d’Edmonton. Après avoir obtenu son diplôme, elle fait son stage au cabinet d’avocats Newell, Lindsay, Emery and Ford (Emery and Jamieson à partir de 1972). Elle est admise au barreau en 1934.

Margaret Crang est une fervente athlète à l’école secondaire et à l’université. Elle participe à des compétitions d’athlétisme et elle est championne de sprint. Après une blessure au genou, elle se tourne vers la natation, et elle dirige l’équipe de natation de l’Université de l’Alberta en tant que capitaine, pendant trois ans.

Campagne du conseil municipal d’Edmonton de 1933

Pendant la crise des années 1930, le chômage, la faim et l’itinérance sévissent à Edmonton; l’assistance publique est insuffisante et souvent inefficace. Les femmes célibataires et les mères qui travaillent sont particulièrement exposées au risque de pauvreté, mais leurs préoccupations sont largement ignorées dans les débats publics. Margaret Crang décide de se présenter aux élections du conseil municipal d’ Edmonton en novembre 1933. En tant que seule candidate féminine, elle utilise le fait qu’elle soit une femme comme un atout dans une campagne en faveur d’une aide ciblée et efficace. Elle déclare : « Si une femme pouvait avoir de l’influence, on pourrait faire preuve de beaucoup plus de discrétion pour répondre aux besoins de ceux qui sont dans le besoin » et « une femme peut décider mieux qu’un homme des questions de meilleure alimentation et de logement qui se posent dans le cadre de l’assistance publique. »

Margaret Crang se présente sur une liste de parti travailliste, mais elle soutient la Fédération du Commonwealth coopératif (FCC) récemment fondée, le prédécesseur du NPD actuel. Elle sait déjà faire campagne de manière chevronnée; elle a acquis de l’expérience en matière de discours en public grâce à son travail d’avocate, en soutenant son père lors d’une précédente campagne de réélection au conseil scolaire et en prononçant des discours électoraux pour les amis de son père. Elle a également une plateforme détaillée, proposant une femme en tant qu’agente de l’aide sociale, une aide médicale adéquate pour les bénéficiaires de l’aide sociale, un rajustement des prestations sociales au coût général de la vie, la propriété publique des services publics et d’autres politiques de protection sociale.

Lors des élections du 8 novembre, Margaret Crang remporte son siège au conseil avec le deuxième plus grand nombre de voix. À une époque où le droit de vote des femmes est encore nouveau et plutôt limité dans d’autres provinces, cela lui donne une notoriété nationale. Les journaux à travers le Canada parlent de la « jeune fille conseillère municipale ».

Premier mandat et réélection

Au conseil municipal d’Edmonton, Margaret Crang se porte sans réserve à la défense des travailleurs et des femmes, n’évitant jamais la confrontation. Elle se joint au comité d’embauche du département d’aide publique, qui recrute deux agentes responsables de l’aide sociale, mais elle lutte également contre le service chaque fois qu’elle trouve que ses politiques sont insuffisantes. Elle devient présidente d’un comité spécial d’aide sociale qui traite les demandes en appel lorsque l’aide sociale est refusée. Elle obtient des augmentations sur les indemnités de secours, menaçant de démissionner du conseil si les augmentations proposées ne sont pas mises en œuvre. Elle parcourt également le pays pour observer les politiques d’aide sociale des autres villes et municipalités et pour recueillir des idées. Sa lutte pour les droits des travailleurs inclut explicitement les travailleurs chinois et les autres travailleurs immigrants, ce qui est inhabituel à l’époque. Cependant, ses efforts à cet égard échouent; en vertu de la législation sur l’immigration de la crise des années 1930, l’aide sociale n’est pas disponible pour les immigrants au chômage, et ils courent le risque d’être expulsés.

Tout en siégeant au conseil, Margaret Crang poursuit sa carrière d’avocate. Après avoir été admise au barreau en 1934, elle ouvre son propre cabinet d’avocats et elle s’occupe de dossiers liés au droit du travail, et plusieurs de ces dossiers en tant que bénévole. De plus, au-delà de ses fonctions au conseil, elle fait campagne pour les droits des travailleurs et pour la paix. Elle donne des conférences sur des sujets comme les avantages d’un système d’aide sociale socialiste ou sur la nécessité d’une alliance mondiale des travailleurs. Elle représente également l’Alberta au sein de la Canadian League Against War and Fascism (CLAWF), un organisme national allié au Parti communiste.

Le 13 novembre 1935, Margaret Crang est réélue au conseil municipal d’Edmonton avec le plus grand nombre de voix. Aucune autre femme n’atteint cet objectif jusqu’en 1964.

1936 : au front de la guerre civile espagnole

En septembre 1936, au cours de son deuxième mandat de conseillère municipale, Margaret Crang se rend à Bruxelles en tant que déléguée de la CLAWF à la Conférence universelle de la paix. L’un des sujets abordés est la guerre civile espagnole qui vient d’éclater. Margaret Crang considère que l’Espagne, où les forces gouvernementales républicaines (de gauche) combattent une insurrection nationaliste soutenue par les fascistes, est comme « le champ de bataille de la démocratie ». Elle prédit (à juste titre) qu’une victoire nationaliste mènerait à une guerre mondiale et elle juge que la neutralité du Canada dans le conflit est « insensée ».

Après la Conférence de la paix, Margaret Crang se rend en Espagne avec neuf autres délégués pour obtenir des informations de première main. Les délégués sont autorisés à aller au front en tant que membres honoraires de la milice républicaine, et ils se rendent à Barcelone, Madrid, Tolède et Valence. Dans une série d’articles qu’elle écrit pour le Edmonton Journal, Margaret Crang souligne la présence et le courage des femmes qui combattent au sein de la milice gouvernementale. Dans un acte de solidarité apparemment impulsif lors d’une de ses visites au front, elle tire deux balles d’un fusil « pour le côté gouvernemental », comme elle le déclare plus tard au Edmonton Journal. Bien que les coups de feu ne soient pas dirigés contre personne, l’incident déclenche une controverse à l’échelle nationale : des éditoriaux de partout au Canada critiquent l’utilisation du fusil par Margaret Crang, affirmant qu’elle contredit son pacifisme autoproclamé et qualifiant son comportement comme étant « peu féminin » ou « stupide ».

De 1936 à 1943 : activisme politique, social et juridique

Après son retour au Canada en octobre 1936, Margaret Crang se lance dans la défense de la cause espagnole et parcourt le pays à des fins de promotion et de collecte de fonds. À l’été 1937, elle rencontre le docteur Norman Bethune, un communiste canadien qui soutient les troupes républicaines en Espagne, et elle l’accompagne lors d’une tournée de conférences dans le sud de l’Alberta.

Au conseil municipal, Margaret Crang continue sa lutte pour des salaires équitables et pour le bien-être des enfants et des jeunes. Cependant, après son deuxième mandat au conseil municipal d’Edmonton, sa carrière politique décline rapidement. Elle perd son siège au conseil municipal lors des élections de novembre 1937 et elle ne parvient pas à le reconquérir lors des deux campagnes suivantes. Elle se présente également comme candidate trois fois au parlement provincial de l’Alberta, mais sans succès. Cette situation est liée à un déclin général du soutien à la politique de gauche en Alberta, qui s’explique par deux raisons principales : la fragmentation du paysage des partis sur la gauche politique (ces partis comprennent les libéraux, le parti travailliste, le Parti communiste, le United Farmers of Alberta et le nouveau FCC, chacun ayant sa propre idéologie et ses propres groupes d’électeurs) et la montée du mouvement conservateur du Crédit social. Dans le cas particulier de Margaret Crang, elle n’est engagée envers aucun parti politique en particulier; animée par l’espoir de réunifier la gauche politique, elle se présente d’abord sous la bannière du parti travailliste, ensuite comme indépendante, ou encore sous un autre nouveau parti, la Civic Progressive Association. Ce manque de loyauté envers un parti lui fait perdre un grand nombre de ses électeurs et d’anciens collaborateurs. Elle manifeste également un soutien croissant au Crédit social, ce qui nuit encore davantage à sa popularité politique. La publicité négative entourant sa visite en Espagne joue possiblement également un rôle dans ce déclin.

De 1938 au début des années 1940, Margaret Crang se concentre sur sa pratique du droit et son activisme communautaire. Elle représente des victimes de coupures d’aides sociales ou de violences conjugales, ainsi que des membres de minorités ethniques et religieuses. En décembre 1938, elle convainc le conseil d’administration du Edmonton Hospital (dont elle fait partie) d’accepter la première personne noire étudiant en soins infirmiers de la ville. Elle s’implique également avec le Empire Opera et elle soutient les membres homosexuels de la communauté de théâtre qui sont persécutés par la GRC.

Vie ultérieure, maladie et décès

En 1943, sa carrière politique étant terminée, Margaret Crang déménage à Montréal et devient rédactrice pour le Montreal Gazette. Toutefois, on ignore combien de temps elle occupe ce poste, car on lui diagnostique le syndrome de Cushing au cours de sa trentaine. Margaret Crang se rend à Boston, où elle subit l’ablation des deux glandes surrénales (un traitement expérimental à l’époque); elle vit ensuite avec sa sœur à Edmonton pour se rétablir, ayant perdu une grande partie de sa vitalité et de son énergie.

En 1953, Margaret Crang s’installe à Vancouver, où elle passe les dernières décennies de sa vie. Elle ne participe plus à la vie politique ni à l’activisme, mais elle continue de s’intéresser aux sujets politiques et elle cultive de la marijuana. Le 3 janvier 1991, son décès passe largement inaperçu.

Legs

Indépendante, travailleuse acharnée, et ne craignant pas la confrontation, Margaret Crang se porte à la défense de l’égalité des droits et de la justice sociale bien avant les mouvements de défense des droits civiques des années 1960 et 1970 (voir La révolution des droits au Canada). Son approche inclusive des droits du travail est en avance sur son temps. Elle défend non seulement les droits des hommes qui travaillent, mais également les droits des chômeurs, des femmes mariées et célibataires qui ont un emploi et ont des besoins en matière de garde d’enfants, ainsi que les droits des groupes ethniques qui sont discriminés par la loi. Elle se démarque ainsi des partis progressistes qui se font concurrence et qui sont axés sur des idéologies durant la crise des années 1930. Sur la scène internationale, elle se lance dans la lutte pour la paix avec la même passion, pressentant les dangers du fascisme avec une précision presque visionnaire.

Margaret Crang est l’une des premières femmes à obtenir un large soutien lors d’une campagne électorale, et elle est une pionnière de la représentation politique des femmes. Le soir de sa première élection au conseil municipal d’Edmonton, elle déclare : « Si j’ai montré la voie à d’autres femmes pour qu’elles participent activement aux affaires civiques, j’ai accompli l’un de mes objectifs. »

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