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Martha Flaherty

Martha Flaherty, interprète, traductrice, culturaliste, militante (née le 29 mai 1950 à Inukjuak au Québec). Martha Flaherty fait partie des personnes qui ont été relocalisées dans l’Extrême-Arctique. Elle a été déplacée de son domicile natal dans le nord du Québec alors qu’elle était enfant et réinstallée à Grise Fiord au Nunavut (voir Réinstallation d’Inuits dans l’Extrême-Arctique au Canada). Elle a consacré sa vie à défendre les droits des femmes inuites et à dénoncer la violence faite aux femmes (voir Femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada).

Jeunesse

Martha Flaherty naît à Inukjuak (alors nommé Port Harrison) dans l’ouest du Nunavik. En 1955, à l’âge de cinq ans, elle et sa famille sont déplacées dans le cadre du projet de réinstallation des Inuits dans l’Extrême-Arctique du gouvernement fédéral (voir Réinstallation d’Inuits dans l’Extrême-Arctique au Canada).

Entre 1953 et 1955, environ 87 personnes sont emmenées d’Inukjuak et de Pond Inlet, villes situées sur l’île de Baffin. Martha Flaherty et sa famille sont embarquées à bord du navire de patrouille de l’Arctique de l’Est, le CD Howe. Les familles sont débarquées sur le rivage rocheux de la péninsule Lindstrom, à huit kilomètres à l’ouest de Grise Fiord sur l’île d’Ellesmere. En devenant des résidents permanents à l’année, ces familles font, sans le savoir, partie du plan du gouvernement visant à maintenir sa souveraineté dans la région la plus au nord du Canada.

Cette carte illustre l’emplacement éloigné des lieux de réinstallation par rapport aux résidences de départ d’Inukjuak, dans le nord du Québec. Grise Fiord, sur la rive sud de l’île d’Ellesmere, aujourd’hui la communauté située la plus au nord du Canada et du Nunavut, se trouve à environ 2000 km d’Inukjuak. On retrouve Qausuittuq (Resolute Bay) sur l’île de Cornwallis, au sud à environ 1934 km d’Inukjuak. Enfin, Craig Harbour, sur l’île d’Ellesmere, se trouve à près de 2000 km d’Inukjuak. Certaines familles de Mittimatalik (Pond Inlet) sur la pointe nord de Qikiqtaaluk (île de Baffin) sont également délocalisées pour aider les Inuits d’Inukjuak dans leur transition vers l’Extrême-Arctique. On doit parcourir une distance d’environ 1600 km pour aller de Mittimatalik à Inukjuak.
(L’Encyclopédie canadienne)


Sur l’île d’Ellesmere, la vie est difficile. La faune est rare et l’obscurité est permanente pendant plusieurs mois de l’hiver. Bien que Martha Flaherty ne soit qu’une petite fille, en tant qu’aînée des enfants elle doit accompagner son père Josephie pour surveiller les chiens pendant qu’il chasse. Josephie est le fils du cinéaste Robert Flaherty, dont le film Nanook of the North (v.f. Nanouk) est sorti en 1922 et a immortalisé la vie traditionnelle des Inuits. Malheureusement, Josephie souffre d’une dépression nerveuse en raison des conditions difficiles dans lesquelles les familles sont placées. La jeune fille est souvent la cible des accès de colère de son père.

En 1956, la Gendarmerie royale du Canada déplace son poste de Craig Harbour à l’emplacement actuel de Grise Fiord. En 1959, des habitants construisent des maisons près du poste et s’installent dans cette petite communauté. Une école primaire est construite et en 1962, la famille Flaherty s’installe dans cette communauté pour que Martha et ses frères et sœurs puissent aller à l’école.

Éducation

Durant son adolescence, Martha Flaherty fréquente trois pensionnats indiens. En 1965, à l’âge de 15 ans, elle est envoyée à l’école secondaire de Carcross au Yukon. Elle vit dans un foyer pour enfants des Premières Nations géré par l’Église. Comme Martha est la seule Inuk, elle est constamment victime de moqueries. Elle se replie sur elle-même et elle est renvoyée à Grise Fiord au bout d’un an.

En 1966, Martha Flaherty est envoyée à l’école à Churchill au Manitoba. Elle suit ensuite des études d’infirmière dans une école professionnelle de Fort Smith dans les Territoires du Nord-Ouest. Martha Flaherty travaille ensuite à l’hôpital d’Iqaluit pendant trois mois.

En 1973, Martha Flaherty obtient un emploi à Yellowknife avec le Corps d’interprètes, un nouvel organisme gouvernemental qui offre des services de traduction simultanée en inuktitut aux députés de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

Martha Flaherty déménage à Ottawa en 1979. Elle obtient un certificat en journalisme à l’Université Carleton et un certificat en enseignement des langues étrangères. Elle travaille comme traductrice, et ensuite comme adjointe spéciale de Peter Ittinuar, député de Nunatsiaq.

En 1990, la Monnaie royale canadienne émet une pièce de monnaie de 100 $ à l’effigie de Martha Flaherty et de sa fille, Alyssa. Cette pièce est frappée pour commémorer l’Année de l’alphabétisation.

Travail de traduction et de défense

Le travail de traduction de Martha Flaherty se fait connaitre à Ottawa et elle est embauchée pour les négociations sur les revendications territoriales du Nunavut (voir aussi Le Nunavut et la Confédération). Elle et une collègue co-traduisent tous les documents nécessaires aux négociations. En 1992, elle se joint à Pauktuutit Inuit Women of Canada, un organisme national pour les femmes inuites. Elle devient une ardente défenseure des droits des femmes inuites. En moins d’un an, elle est élue présidente et elle occupe ce poste jusqu’en 1998. Elle siège ensuite au conseil d’administration pendant quatre ans, jusqu’en 2024.

Elle comparait devant la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) au sujet de la réinstallation des Inuits dans l’Extrême-Arctique. Elle devient membre du conseil d’administration de la Fondation autochtone de guérison, créée après la CRPA. Elle siège au Comité canadien sur la violence faite aux femmes au début des années 1990 et elle voyage dans des communautés partout au Canada. Elle est également secrétaire de Inuit Tapirisat du Canada (aujourd’hui Inuit Tapiriit Kanatami), l’organisme national qui protège et défend les intérêts des Inuits au Canada.

Lors des audiences de la CRPA, la réalisatrice Marquise Lepage voit Martha Flaherty s’exprimer dans les médias et elle la contacte pour réaliser un documentaire sur son expérience personnelle dans la réinstallation des Inuits dans l’Extrême-Arctique. Il faut attendre une décennie avant que Martha Flaherty ne soit émotionnellement prête à participer à ce projet. Le documentaire de l’Office national du film, Martha qui vient du froid, sort en 2008.

Les compétences de Martha Flaherty en matière de traduction continuent d’être très recherchées, et elle est embauchée pour traduire le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (voir aussi Femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada).

Martha Flaherty se porte à la défense des droits des femmes et de la violence faite aux femmes dans le cadre du Conseil circumpolaire inuit et de Femmes autochtones des Amériques. Elle prend la parole lors de conférences partout au Canada et à l’étranger. Elle rencontre d’innombrables dignitaires et dirigeants influents, dont des premiers ministres canadiens, plusieurs gouverneurs généraux, le roi Charles III et Desmond Tutu.

Depuis 2017, Martha Flaherty est culturaliste à bord des navires de croisière Adventure Canada, et elle partage la culture et le savoir inuits avec les passagers.

Martha Flaherty milite pour que l’histoire de la réinstallation des Inuits dans l’Extrême-Arctique fasse l’objet d’une exposition au Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg. Le musée se concentre sur les violations des droits de la personne, comme l’ Holocauste, l’ internement des Canadiens d’origine japonaise et les pensionnats indiens. En date de février 2025, l’histoire de Grise Fiord et de Resolute Bay n’est toujours pas encore présentée au musée.

Martha Flaherty a trois enfants, trois petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Elle vit à Ottawa avec son mari, Gordon Spence.

En 2025, le conseil d’administration de Pauktuutit Inuit Women of Canada choisit Martha Flaherty pour recevoir la Médaille du couronnement du roi Charles III. Elle est l’une des 32 femmes inuites choisies par l’organisme pour recevoir cette médaille.

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